15.07.2013 Views

O NIQUE DES ARTS P L A S T IQUES DE L A FÉ DÉ R A T ION W A ...

O NIQUE DES ARTS P L A S T IQUES DE L A FÉ DÉ R A T ION W A ...

O NIQUE DES ARTS P L A S T IQUES DE L A FÉ DÉ R A T ION W A ...

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Organisée en 2009 au Musée d’art moderne<br />

de la Ville de Paris, l’exposition Deadline proposait<br />

“un regard sur une sélection d’artistes<br />

disparus au cours des vingt dernières années,<br />

choisis en fonction de la manière dont ils ont intégré<br />

dans leurs derniers travaux la conscience<br />

de la mort”. The Death of James Lee Byars,<br />

reproduite en couverture du catalogue, en<br />

était l’une des pièces maîtresses. Réalisée<br />

dans le cadre d’une performance à la galerie<br />

Marie-Puck Broodthaers en 1994, l’œuvre a<br />

depuis lors intégré la collection Vanhaerents à<br />

Bruxelles, et fi gure dans l’exposition Sympathy<br />

for the Devil conçue pour ce lieu par Pierre-<br />

Olivier Rollin et Walter Vanhaerents. Les questions<br />

soulevées par sa reconstitution sont inhérentes<br />

à l’art des “médias variables”, mais<br />

portent aussi sur son sens : comment éviter de<br />

transformer en relique un geste théâtral qui se<br />

voulait tant une célébration de la mort qu’une<br />

ode à la vie ?<br />

THE<br />

<strong>DE</strong>ATH<br />

OF<br />

JAMES LEE<br />

BYARS<br />

Lorsqu’il réalise The Death of James Lee Byars, l’artiste se sait<br />

condamné par la maladie, et n’en fait pas mystère. En 1995, à<br />

l’occasion d’une conversation avec Joachim Sartorius, il laisse<br />

entendre que l’événement n’était pas seulement une mise en<br />

scène de sa propre mort, mais bien son œuvre ultime : “En fait,<br />

j’aurais dû mourir il y a un an. Tout le monde est très surpris,<br />

même les médecins, que je sois encore vivant. J’essaie donc,<br />

à travers une performance de ce genre, d’admettre l’idée de la<br />

mort.” 1 Ironie du sort : la mort admise, elle se refuse à venir. Il<br />

ne reste donc à l’artiste qu’à commenter ce qui n’aurait pas dû<br />

l’être, et à continuer de créer, comme s’il revenait sur scène pour<br />

un dernier rappel. Ainsi que le souligne Carlos Beccera, qui a<br />

participé activement à sa réalisation, The Death of James Lee<br />

Byars repose de fait sur un dispositif théâtral. Les spectateurs de<br />

la performance se souviennent que, ce jour-là, un demi-cercle<br />

doré prolongeait sur le trottoir l’espace de la galerie, couverte<br />

de feuilles d’or du sol au plafond. Cette forme hémisphérique<br />

reproduisait symboliquement un amphithéâtre, séparé du lieu<br />

de l’action par la vitrine. Un détail qui put sembler anecdotique<br />

à l’époque, mais qui rétrospectivement prend tout son sens :<br />

de la sorte, un parcmètre (nous sommes en 1994) se retrouva<br />

couvert d’or, comme si la réalité dans ce qu’elle a de plus trivial<br />

(payer pour stationner son véhicule) se retrouvait contaminée<br />

par le geste artistique.<br />

La performance elle-même consista pour l’artiste, vêtu d’un costume<br />

doré, coiffé de son haut-de-forme et les yeux bandés, à se<br />

coucher quelques instants sur le sol doré de la galerie, puis à se<br />

relever tandis que cinq diamants étaient posés à l’emplacement<br />

de son corps ; à l’extérieur, un violoniste jouait divers airs romantiques.<br />

Byars dira par la suite qu’il s’agissait, avec les pierres<br />

précieuses (ou prétendues telles), de “donner quelque chose à<br />

voir” aux visiteurs qui n’avaient pas assisté à la performance :<br />

la simplicité de cette explication tranche singulièrement avec la<br />

théâtralité du geste et le décor dans lequel il fut exécuté. James<br />

Lee Byars, se voyant offrir un sursis inespéré, a-t-il voulu, avec<br />

le recul, relativiser la grandiloquence de ce qui aurait dû être sa<br />

dernière œuvre ?<br />

Ce qui subsiste aujourd’hui de la performance – une pièce carrée<br />

recouverte de feuilles d’or, les diamants posés sur le sol<br />

– est certes sa composante la plus spectaculaire, mais peutêtre<br />

pas la plus parlante. Pour Carlos Beccera, il faut éviter de<br />

transformer en crypte ce qui a été conçu comme un cénotaphe<br />

(dans une version de l’œuvre reconstituée, les diamants sont<br />

posés sur une forme rectangulaire qui évoque un tombeau, un<br />

élément absent de la scénographie initiale). Je parlerais plutôt<br />

d’un mastaba, dont seul le décor nous serait parvenu : lorsqu’il<br />

revient en 1995 sur le dispositif mis en place chez Marie-Puck<br />

Broodthaers, Byars souligne la présence d’un espace annexe<br />

à la zone dorée, séparé de celle-ci par un drap de velours noir,<br />

inaccessible et invisible du public. Il avait rassemblé là plusieurs<br />

de ses œuvres antérieures, à la manière du pharaon s’entourant<br />

de représentations de son existence terrestre pour l’aider<br />

à effectuer son périple dans l’au-delà : la mort et la vie cohabitent.<br />

Cette analogie rejoint la biographie de l’artiste, dont la<br />

dernière action consista à partir pour l’Egypte à la recherche<br />

d’un hypothétique souffl eur d’or capable de produire une sphère<br />

aux dimensions d’un cœur humain ; il décède au Caire en 1997.<br />

Pierre-Yves Desaive<br />

James Lee Byars,<br />

The Death of James Lee Byars, 1994 –<br />

Vanhaerents Art Collection, Bruxelles.<br />

SYMPATHY FOR THE <strong>DE</strong>VIL<br />

FARHAD MOSHIRI, BRUCE NAUMAN,<br />

MARIO MERZ, JEAN-LUC MOERMAN,<br />

YASUMASA MORIMURA, SUDARSHAN<br />

SHETTY, WANG DU, HAMRA ABBAS,<br />

JAMES LEE BYARS, HE SEN, UGO<br />

RONDINONE, STEVE MC QUEEN,<br />

JENNY HOLZER, TERENCE KOH,<br />

CHRISTOPH SCHMIDBERGER,<br />

CLAU<strong>DE</strong> LÉVÊQUE, NICK ERVINCK,<br />

CHRISTIAN BOLTANSKI, HE WENJUE,<br />

NATHAN MABRY, DAVID ADAMO,<br />

YINKA SHONIBARE, KEN<strong>DE</strong>LL GEERS,<br />

GABRIEL KURI, MATTHEW DAY,<br />

BARBARA KRUGER, URS FISCHER,<br />

BARNABY FURNAS, ANTONY<br />

GORMLEY, ANNE GASKELL, JOHAN<br />

TAHON<br />

Une exposition qui rassemble des<br />

œuvres donnant forme aux idées<br />

véhiculées par le morceau éponyme<br />

des Rolling Stones sur l’album Beggars<br />

Banquet : attrait pour la beauté séduisante<br />

du mal, fascination pour l’enfer<br />

moral et psychologique, célébration de<br />

la vie par l’exacerbation des pulsions<br />

de mort et du danger, comportements<br />

extrêmes et transgressifs ou encore<br />

évocations d’une sexualité fortement<br />

connotée.<br />

VANHAERENTS ART COLLECT<strong>ION</strong><br />

29 RUE ANNEESSENS, 1000 BRUXELLES<br />

WWW.VANHAERENTSARTCOLLECT<strong>ION</strong>.<br />

COM<br />

JUSQU’AU 30.11.2013<br />

1 Deadline, catalogue d’exposition, Paris, Musée<br />

d’art moderne de la Ville de Paris, octobre 2009<br />

à janvier 2010, p. 78.<br />

M 52 / 41 IntraMuros Sympathy for the Devil

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!