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De Pythéas à Jules Verne : Variations sur le mythe de Thulé

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que <strong>le</strong> volcan principal <strong>de</strong> l’Islan<strong>de</strong>, l’Hekla, peut projeter <strong>de</strong>s cendres jusqu’aux î<strong>le</strong>s<br />

britanniques lorsqu’il est en éruption[31]. Ici aussi, comme chez <strong>Ju<strong>le</strong>s</strong> <strong>Verne</strong>, l’Islan<strong>de</strong><br />

paraît associée <strong>à</strong> la Sici<strong>le</strong>, donc <strong>à</strong> l’Italie. Or, comme <strong>le</strong> fait justement remarquer Lionel<br />

Dupuy, l’arrivée en Italie se veut symbolique, puisqu’il s’agit d’une sorte <strong>de</strong> centre, peutêtre<br />

pas tout <strong>à</strong> fait celui <strong>de</strong> la Terre mais du moins celui d’une <strong>de</strong>s civilisations <strong>le</strong>s plus<br />

puissantes : « Les héros se retrouvent <strong>à</strong> la fin <strong>de</strong> <strong>le</strong>ur parcours expulsés par un volcan en éruption,<br />

et atterrissent fina<strong>le</strong>ment en Italie, <strong>le</strong> berceau même <strong>de</strong> la civilisation gréco-romaine. Or cette<br />

civilisation gréco-romaine se croyait, il y a <strong>de</strong>ux millénaires, au centre du mon<strong>de</strong> et au centre <strong>de</strong> la<br />

Terre[32]. »<br />

Même la théorie <strong>de</strong> la mer libre se trouve adaptée dans ce roman ; en effet, au cours <strong>de</strong><br />

<strong>le</strong>ur périp<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s héros tombent <strong>sur</strong> une mer souterraine, où vivent <strong>de</strong>s espèces anima<strong>le</strong>s et<br />

végéta<strong>le</strong>s <strong>de</strong> toutes sortes, et <strong>de</strong> tous <strong>le</strong>s temps, y compris <strong>de</strong>s plus anciens : « C’était un<br />

océan véritab<strong>le</strong>, avec <strong>le</strong> contour capricieux <strong>de</strong>s rivages terrestres, mais désert et d’un aspect<br />

effroyab<strong>le</strong>ment sauvage[33].»<br />

Dérivation <strong>de</strong> la théorie <strong>de</strong> la Terre creuse, l’existence d’une mer libre <strong>de</strong> glace dans <strong>le</strong>s<br />

entrail<strong>le</strong>s <strong>de</strong> la Terre a inspiré <strong>à</strong> <strong>Ju<strong>le</strong>s</strong> <strong>Verne</strong> un <strong>de</strong>s épiso<strong>de</strong>s <strong>de</strong> Voyage au centre <strong>de</strong> la Terre<br />

et <strong>à</strong> Egdar Allan Poe une péripétie dans Le Voyage d’Arthur Gordon Pym : « La plaine liqui<strong>de</strong>,<br />

colorée <strong>de</strong>s nuances <strong>le</strong>s plus vagues <strong>de</strong> l’outremer, se montrait étrangement transparente et douée<br />

d’un incroyab<strong>le</strong> pouvoir dispersif, comme si el<strong>le</strong> eût été faite <strong>de</strong> carbure <strong>de</strong> soufre. Cette diaphanéité<br />

permettait <strong>de</strong> fou<strong>le</strong>r du regard jusqu’<strong>à</strong> <strong>de</strong>s profon<strong>de</strong>urs incommen<strong>sur</strong>ab<strong>le</strong>s ; il semblait que <strong>le</strong> bassin<br />

polaire fût éclairé par-<strong>de</strong>ssous <strong>à</strong> la façon d’un immense aquarium ; quelque phénomène é<strong>le</strong>ctrique,<br />

produit au fond <strong>de</strong>s mers, en illuminait sans doute <strong>le</strong>s couches <strong>le</strong>s plus reculées. Aussi la chaloupe<br />

semblait suspendue <strong>sur</strong> un abîme sans fond[34]. »<br />

Au-<strong>de</strong>l<strong>à</strong> <strong>de</strong> ce décor, <strong>le</strong>s personnages observent éga<strong>le</strong>ment la faune diverse et innombrab<strong>le</strong><br />

<strong>de</strong> cette mer libre. Outre <strong>le</strong>s espèces volati<strong>le</strong>s, une multitu<strong>de</strong> d’animaux marins s’y<br />

déploient. Cette vision <strong>de</strong> la mer libre relève du fantastique, comme <strong>le</strong> prouve l’emploi <strong>de</strong><br />

termes tels que « eaux étonnantes », « monstres aériens », « monstres marins » (<strong>le</strong> sens du<br />

substantif « monstre » étant <strong>à</strong> prendre davantage comme équiva<strong>le</strong>nce <strong>de</strong> « chose prodigieuse,<br />

étonnante »), « spectres fantasmagoriques », « spectac<strong>le</strong> <strong>sur</strong>naturel », etc… Que ce soit pour<br />

décrire la mer, <strong>le</strong>s volcans, la faune ou la flore, <strong>Ju<strong>le</strong>s</strong> <strong>Verne</strong> aime utiliser <strong>de</strong>s métaphores, et<br />

<strong>le</strong>s compare souvent <strong>à</strong> <strong>de</strong>s monstres. Ainsi, <strong>le</strong> Léviathan, effrayant animal mythique, est<br />

mentionné dans plusieurs ouvrages, tels que Voyage au centre <strong>de</strong> la Terre ou Les Enfants du<br />

capitaine Grant. Dans ce <strong>de</strong>rnier récit, <strong>le</strong> monstre intervient dans la <strong>de</strong>scription d’un volcan<br />

: « Le volcan rugissait comme un monstre énorme, semblab<strong>le</strong> aux Léviathans <strong>de</strong>s jours<br />

apocalyptiques, et vomissait d’ar<strong>de</strong>ntes fumées mêlées <strong>à</strong> <strong>de</strong>s torrents d’une flamme fuligineuse[35].<br />

»<br />

Le Voyage au centre <strong>de</strong> la Terre accompli par <strong>le</strong>s héros <strong>le</strong>ur fait éga<strong>le</strong>ment vivre un voyage<br />

dans <strong>le</strong> temps, puisqu’ils remontent progressivement <strong>le</strong>s différents âges géologiques, du<br />

plus ancien au plus récent, ce qui <strong>le</strong>ur permet justement <strong>de</strong> rencontrer <strong>de</strong>s plantes ou <strong>de</strong>s<br />

animaux disparus et qui peuvent <strong>le</strong>ur semb<strong>le</strong>r être <strong>de</strong>s monstres ou du moins d’étranges<br />

êtres vivants. Un voyage <strong>à</strong> la fois littéraire et géographique, dans l’espace et <strong>le</strong> temps, dans<br />

<strong>le</strong> réel et l’imaginaire…<br />

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