Le Moi-peau - [6p-561Ko] - Tabledesable.fr
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<strong>Le</strong> <strong>Moi</strong> Peau<br />
« Par <strong>Moi</strong>-<strong>peau</strong>, je désigne une figuration dont le <strong>Moi</strong> de<br />
l’enfant se sert au cours des phases précoces de son<br />
développement pour se représenter lui-même comme <strong>Moi</strong><br />
contenant les contenus psychiques, à partir de son expérience<br />
de la surface du corps. »<br />
« Ce <strong>Moi</strong>-<strong>peau</strong> ainsi dénommé apparait sous la forme<br />
d’une représentation primaire et métaphorique du <strong>Moi</strong>, étayée<br />
sur la sensorialité ta"ile. »<br />
« Entre le <strong>Moi</strong> et la <strong>peau</strong> fonctionne une triple<br />
dérivation : métaphorique (le <strong>Moi</strong> est une métaphore de la<br />
<strong>peau</strong>), métonymique (le <strong>Moi</strong> et la <strong>peau</strong> se contiennent<br />
mutuellement comme tout et partie) et en ellipse : le trait<br />
d’union entre moi et <strong>peau</strong> marque une ellipse (figure<br />
englobante à double foyer : la mère et l’enfant). »<br />
« Toute fon"ion psychique se développe par appui sur<br />
une fon"ion corporelle dont elle transpose le fon"ionnement<br />
sur le plan mental. »<br />
<strong>Le</strong> <strong>Moi</strong>-<strong>peau</strong><br />
1974<br />
"<br />
Éditions Dunod - Paris - 1995<br />
!<br />
Didier Anzieu<br />
(1923-1999)
« <strong>Le</strong> <strong>Moi</strong>-<strong>peau</strong> est donc le modèle d’un lien diale"ique<br />
entre le psychisme et le corps : lien mutuel où la psyché<br />
s’appuie sur le corps autant que le corps s’appuie sur la<br />
psyché. »<br />
« La sensorialité a une place prépondérante et la<br />
sensorialité ta"ile constitue le modèle organisateur du <strong>Moi</strong> et<br />
de la pensée. La <strong>peau</strong> a une importance capitale : elle fournit à<br />
l’appareil psychique les représentations constitutives du <strong>Moi</strong><br />
et de ses principales fon"ions. »<br />
« Et René Kaës y ajoute le lien au corps social qui est<br />
représenté à l’origine par l’environnement de l’enfant et<br />
essentiellement par la mère qui fournit l’étayage indispensable<br />
au développement du sujet. Ce double étayage sur le corps et<br />
l’objet est essentiel dans l’établissement des enveloppes de<br />
l’appareil psychique. »<br />
« L’enveloppe cutanée qui fonde le moi-<strong>peau</strong> est<br />
stru"uralement la plus importante, mais elle n’exclut pas<br />
d’autres type d’enveloppes s’étayant sur d’autres modalités<br />
sensorielles (enveloppe sonore, visuelle, olfa"ive). »<br />
« Freud dans “le <strong>Moi</strong> et le Ca” (1923) a montré que non<br />
seulement les mécanismes de défenses et les traits de cara"ère<br />
dérivent par appui et par transformation d’a"ivités corporelles<br />
mais qu’il en va de même pour les instances psychiques : les<br />
pulsions psychiques qui constituent le Ça dérivent des<br />
instin"s biologiques ; ce qu’il va appeler le Surmoi “a des<br />
racines acoustiques” ; et le <strong>Moi</strong> se constitue d’abord à partir de<br />
l’expérience ta"ile. À quoi il me semble nécessaire d’ajouter<br />
que préexiste une topique plus archaïque, peut être originaire,<br />
<strong>Le</strong> <strong>Moi</strong>-<strong>peau</strong><br />
Didier Anzieu<br />
2
avec le sentiment d’existence du Soi ; Soi qui correspond à<br />
l’enveloppe sonore et olfa"ive, Soi autour duquel un moi se<br />
différencie à partir de l’expérience ta"ile. »<br />
« Dans mon article princeps de 1974 sur le <strong>Moi</strong>-<strong>peau</strong>,<br />
j’assignais trois fon"ions à celui-ci : une fon"ion d’enveloppe<br />
contenante et unifiante du Soi, une fon"ion de barrière<br />
protectrice du psychisme et une fonction de filtre des<br />
échanges et d’inscription des premières traces, fon"ions qui<br />
rendent possible la représentation. À ces trois fon"ions<br />
correspondent trois figurations : le sac, l’écran et le tamis. »<br />
« J’entreprends maintenant d’établir un parallèle plus<br />
systématique entre les fon"ions de la <strong>peau</strong> et les fon"ions du<br />
<strong>Moi</strong>.»<br />
<strong>Le</strong> <strong>Moi</strong>-<strong>peau</strong><br />
« <strong>Le</strong>s huit fon"ions du <strong>Moi</strong>-<strong>peau</strong> sont la maintenance, la<br />
contenance, la constance, la signifiance, la correspondance,<br />
l’individuation, la sexualisation et l’énergisation ».<br />
1. « De même que la <strong>peau</strong> remplit une fon"ion de<br />
soutènement du squelette et des muscles, de même le <strong>Moi</strong>-<br />
<strong>peau</strong> remplit une fon"ion de maintenance du psychisme. La<br />
fon"ion biologique est exercée par ce que D.W Winnicott a<br />
appelé le holding, c'est-à-dire par la façon dont la mère<br />
soutient le corps du bébé. La fon"ion psychique se développe<br />
par intériorisation du holding maternel. […] Ce qui est en jeu<br />
c’est l’identification primaire à un objet support contre lequel<br />
l’enfant se serre et qui le tient. »<br />
2. « À la <strong>peau</strong> qui recouvre la surface entière du corps et<br />
dans laquelle sont insérés tous les organes des sens externes<br />
répond la fon"ion contenante du <strong>Moi</strong>-<strong>peau</strong>. Cette fon"ion<br />
3<br />
Didier Anzieu
est exercée principalement par le handling maternel. La<br />
sensation-image de la <strong>peau</strong> comme sac est éveillée, chez le<br />
tout-petit, par les soins du corps, appropriés à ses besoins, que<br />
lui procure la mère. <strong>Le</strong> <strong>Moi</strong>-<strong>peau</strong> comme représentation<br />
psychique émerge des jeux entre le corps de la mère et le corps<br />
de l’enfant ainsi que les réponses apportées par la mère aux<br />
sensations et aux émotions du bébé, réponses gestuelles et<br />
vocales, car l’enveloppe sonore redouble alors l’enveloppe<br />
ta"ile, réponses à cara"ère circulaire où les écholalies et les<br />
échopraxies de l’un imitent celles de l’autre, réponses qui<br />
permettent au tout petit d’éprouver progressivement ces<br />
sensations et ces émotions à son propre compte sans se sentir<br />
détruit. R. Kaës distingue deux aspe"s de cette fon"ion : le<br />
“contenant” stable, immobile, s’of<strong>fr</strong>e en réceptacle passif au<br />
dépôt des sensations-images-affe"s du bébé. <strong>Le</strong> “conteneur”<br />
correspond à l’aspe" a"if, à la rêverie maternelle selon W.R<br />
Bion, à l’identification proje"ive, à l’exercice de la fon"ion<br />
alpha qui élabore, transforme et restitue à l’intéressé ses<br />
sensations-images-affe"s rendues représentables. »<br />
3. « La couche superficielle de l’épiderme protège la<br />
couche sensible de celui-ci et l’organisme en général contre les<br />
agressions physiques, l’excès de stimulations. […] Freud avait<br />
reconnu au <strong>Moi</strong> une fon"ion de pare-excitation. Dans la<br />
“Notice sur le Bloc magique” (1925), il énonce bien que le <strong>Moi</strong>,<br />
tel l’épiderme, présente une stru"ure en double feuillet. Freud<br />
laisse entendre que la mère sert de pare excitation auxiliaire au<br />
bébé – […] jusqu’à ce que le <strong>Moi</strong> en croissance trouve sur sa<br />
propre <strong>peau</strong> un étayage suffisant pour assumer cette<br />
fon"ion. »<br />
<strong>Le</strong> <strong>Moi</strong>-<strong>peau</strong><br />
Didier Anzieu<br />
4
<strong>Le</strong> <strong>Moi</strong>-<strong>peau</strong><br />
4. « La membrane des cellules organiques protège<br />
l’individualité de la cellule en distinguant les corps étrangers<br />
auxquels elle refuse l’entrée et les substances semblables ou<br />
complémentaires auxquelles elle accorde l’admission ou<br />
l’association. Par son grain, sa couleur, sa texture, son odeur, la<br />
<strong>peau</strong> humaine présente des différences individuelles<br />
considérables. Celles-ci peuvent être narcissiquement, voire<br />
socialement surinvesties. Elles permettent de distinguer chez<br />
autrui les objets d’attachement et d’amour et de s’affirmer soi-<br />
même comme individu ayant sa <strong>peau</strong> personnelle. À son tour<br />
le <strong>Moi</strong>-<strong>peau</strong> assure une fon"ion d’individuation du Soi, qui<br />
apporte à celui-ci le sentiment d’être un être unique. »<br />
5. « La <strong>peau</strong> est une surface porteuse de poches, de<br />
cavités où sont logés les organes des sens autres que ceux du<br />
toucher. <strong>Le</strong> <strong>Moi</strong>-<strong>peau</strong> est une surface psychique qui relie entre<br />
elles les sensations de diverses natures et qui les fait ressortir<br />
comme figures sur ce fond originaire qu’est l’enveloppe<br />
ta"ile : c’est la fon"ion d’intersensorialité du <strong>Moi</strong>-<strong>peau</strong>. »<br />
6. « La <strong>peau</strong> du bébé fait l’objet d’un investissement<br />
libidinal de la mère. La nourriture et les soins s’accompagnent<br />
de conta"s <strong>peau</strong> à <strong>peau</strong>, qui préparent l’auto-érotisme et<br />
situent les plaisirs de <strong>peau</strong> comme toile de fond habituelle des<br />
plaisirs sexuels. […] <strong>Le</strong> <strong>Moi</strong>-<strong>peau</strong> remplit la fon"ion de surface<br />
de soutien de l’excitation sexuelle, surface sur laquelle, en cas<br />
de développement normal, des zones érogènes peuvent être<br />
localisées, la différence des sexes reconnues et leur<br />
complémentarité désirée. »<br />
7. « À la <strong>peau</strong> comme surface de stimulation permanente<br />
du tonus sensori-moteur par les excitations externes répond la<br />
5<br />
Didier Anzieu
fonction du <strong>Moi</strong>-<strong>peau</strong> de recharge libidinale du<br />
fonctionnement psychique, de maintien de la tension<br />
énergétique interne et de sa répartition inégale entre les sous-<br />
systèmes psychiques. »<br />
8. « La <strong>peau</strong>, avec les organes des sens ta"iles qu’elle<br />
contient (toucher, douleur, chaud-<strong>fr</strong>oid etc), fournit les<br />
informations dire"es sur le monde extérieur. […] <strong>Le</strong> <strong>Moi</strong>-<strong>peau</strong><br />
remplit une fon"ion d’inscription des traces sensorielles<br />
tactiles, fonction de pictogramme selon P. Aulagnier, de<br />
bouclier de Persée renvoyant en miroir une image de la réalité<br />
selon F. Pasche. Cette fonction est renforcée par<br />
l’environnement maternel dans la mesure où il remplit son rôle<br />
de « présentation de l’objet » (Winnicott) auprès du tout-<br />
petit. »<br />
<strong>Le</strong> <strong>Moi</strong>-<strong>peau</strong><br />
Didier Anzieu<br />
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<strong>Le</strong> <strong>Moi</strong>-<strong>peau</strong><br />
Didier Anzieu
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Didier Anzieu<br />
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