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Notes sur quelques mécanismes schizoïdes - Table de Sable

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www.table<strong>de</strong>sable."<br />

<strong>Notes</strong> <strong>sur</strong> <strong>quelques</strong><br />

« Introduction »<br />

« Ce chapitre traite <strong>de</strong> l’importance <strong>de</strong>s premières<br />

angoisses et premiers <strong>mécanismes</strong> paranoï<strong>de</strong>s et <strong>schizoï<strong>de</strong>s</strong>. Ce<br />

sujet m’a beaucoup préoccupée pendant <strong>de</strong>s années, même<br />

avant que j’arrive à clarifier mes idées <strong>sur</strong> les processus<br />

dépressifs dans la première enfance. Cependant, alors que<br />

j’étais en train d’élaborer ma conception <strong>de</strong> la position<br />

dépressive infantile, les problèmes <strong>de</strong> la phase précé<strong>de</strong>nte se<br />

sont <strong>de</strong> nouveau imposés à mon attention. Je voudrais<br />

maintenant formuler <strong>quelques</strong> hypothèses auxquelles je suis<br />

arrivée au sujet <strong>de</strong>s premières angoisses et <strong>de</strong>s premiers<br />

<strong>mécanismes</strong>. […] »<br />

« Il sera utile <strong>de</strong> résumer d’abord les conclusions que<br />

j’ai déjà soutenues au sujet <strong>de</strong>s toutes premières phases du<br />

développement. »<br />

1946<br />

Not! <strong>sur</strong> quelqu! mécan"m! schizoïd!<br />

mécan$mes <strong>schizoï<strong>de</strong>s</strong><br />

"<br />

!<br />

Développements <strong>de</strong> la psychanalyse – Chapitre IX<br />

M. Klein, P. Heimann, S. Isaacs, J. Rivière<br />

PUF – Paris – 1966<br />

« Dans la première enfance <strong>sur</strong>gissent <strong>de</strong>s angoisses<br />

cara$éristiques <strong>de</strong>s psychoses, et elles amènent le moi à<br />

Mélanie Klein<br />

(1882-1960)


mettre en œuvre <strong>de</strong>s <strong>mécanismes</strong> <strong>de</strong> défense spécifiques. À<br />

cette pério<strong>de</strong> on peut trouver les points <strong>de</strong> fixation <strong>de</strong> tous les<br />

troubles psychotiques. […] Les angoisses psychotiques, les<br />

<strong>mécanismes</strong> et les défenses du moi du premier âge ont une<br />

profon<strong>de</strong> influence <strong>sur</strong> le développement dans tous ces<br />

aspe$s, y compris le développement du moi, du <strong>sur</strong>moi et <strong>de</strong>s<br />

relations obje$ales. »<br />

« J’ai souvent exprimé mon idée que les relations<br />

obje$ales existent dès le début <strong>de</strong> la vie, que le premier objet<br />

est le sein <strong>de</strong> la mère, qui se clive pour l’enfant en un sein<br />

“bon” (gratificateur) et un sein “mauvais” (frustrateur). Ce<br />

clivage aboutit à une séparation <strong>de</strong> l’amour et <strong>de</strong> la haine. J’ai<br />

indiqué ensuite que la relation avec le premier objet implique<br />

son introje$ion et sa proje$ion, et qu’ainsi, dès le début, les<br />

relations obje$ales sont mo<strong>de</strong>lées par une intera$ion entre<br />

l’introje$ion et la proje$ion, entre les objets et les situations<br />

internes et externes. Ces processus participent à la<br />

constru$ion du moi et du <strong>sur</strong>moi, et préparent le terrain à<br />

l’éveil du complexe d’Œdipe dans la secon<strong>de</strong> moitié <strong>de</strong> la<br />

première année. »<br />

« Dès le début, la pulsion <strong>de</strong>stru$rice se tourne contre<br />

l’objet et s’exprime d’abord dans <strong>de</strong>s phantasmes d’attaques<br />

sadiques-orales contre le sein <strong>de</strong> la mère, qui se développent<br />

bientôt en <strong>de</strong>s assauts contre son corps par tous les moyens du<br />

sadisme. Les craintes <strong>de</strong> persécution provenant <strong>de</strong>s pulsions<br />

sadiques-orales du bébé qui visent à s’approprier les contenus<br />

“bons” du corps <strong>de</strong> la mère, et <strong>de</strong>s pulsions sadiques-anales qui<br />

visent à mettre en excréments en elle (y compris le désir<br />

d’entrer dans son corps pour la contrôler <strong>de</strong> l’intérieur) ont<br />

<strong>Notes</strong> <strong>sur</strong> <strong>quelques</strong> mécan$mes <strong>schizoï<strong>de</strong>s</strong><br />

Mélanie Klein<br />

2


une gran<strong>de</strong> importance dans le développement <strong>de</strong> la paranoïa<br />

et <strong>de</strong> la schizophrénie. »<br />

« J’ai énuméré diverses défenses typiques du premier<br />

moi, comme les <strong>mécanismes</strong> <strong>de</strong> clivage <strong>de</strong> l’objet et <strong>de</strong>s<br />

pulsions, d’idéalisation, <strong>de</strong> déni <strong>de</strong> la réalité intérieure ou<br />

extérieure, et d’étouffement <strong>de</strong>s émotions. J’ai mentionné<br />

aussi plusieurs contenus <strong>de</strong> l’angoisse, en particulier la crainte<br />

d’être empoisonné ou dévoré. […] »<br />

« Cette première pério<strong>de</strong> (d’abord décrite comme<br />

“phase <strong>de</strong> persécution”), je l’ai ensuite appelée “position<br />

paranoï<strong>de</strong>”, et j’ai alors soutenu qu’elle précédait la position<br />

dépressive. »<br />

« Si les craintes <strong>de</strong> persécution sont très fortes, et si<br />

pour cette raison (entre autres) le bébé ne peut élaborer la<br />

position schizoparanoï<strong>de</strong>, le travail d’élaboration <strong>de</strong> la position<br />

dépressive se trouve empêché à son tour. Cet échec peut<br />

conduire à un renforcement régressif <strong>de</strong>s craintes <strong>de</strong><br />

persécution et réaffirmer les points <strong>de</strong> fixation pouvant<br />

amener <strong>de</strong>s psychoses graves (je pense au groupe <strong>de</strong>s<br />

schizophrénies). Une autre issue <strong>de</strong> difficultés sérieuses se<br />

produisant pendant la pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> la position dépressive peut<br />

être constituée par <strong>de</strong>s troubles maniaques-dépressifs dans la<br />

vie ultérieure. […] »<br />

<strong>Notes</strong> <strong>sur</strong> <strong>quelques</strong> mécan$mes <strong>schizoï<strong>de</strong>s</strong><br />

« Bien que j’aie supposé que l’issue <strong>de</strong> la position<br />

dépressive dépend du travail d’élaboration <strong>de</strong> la phase<br />

précé<strong>de</strong>nte, j’ai cependant attribué à la position dépressive un<br />

rôle central dans le premier développement <strong>de</strong> l’enfant. En<br />

effet, avec l’introje$ion <strong>de</strong> l’objet comme un tout, les relations<br />

3<br />

Mélanie Klein


obje$ales <strong>de</strong> l’enfant se modifient fondamentalement. La<br />

synthèse entre les aspe$s aimés et haïs <strong>de</strong> l’objet complet<br />

donne naissance à <strong>de</strong>s sentiments <strong>de</strong> <strong>de</strong>uil et <strong>de</strong> culpabilité qui<br />

impliquent un progrès capital dans la vie émotionnelle du<br />

bébé. C’est aussi un point crucial dans le choix <strong>de</strong>s névroses ou<br />

<strong>de</strong>s psychoses. [… ]»<br />

« Quelques problèmes du premier moi »<br />

« Dans l’examen qui va suivre, j’envisagerai isolément<br />

l’un <strong>de</strong>s aspects du développement du moi, et j’éviterai<br />

délibérément <strong>de</strong> le relier aux problèmes du développement du<br />

moi comme totalité. […] »<br />

« Jusqu’à présent nous connaissons peu <strong>de</strong> choses <strong>sur</strong> la<br />

stru$ure du premier moi. Quelques suggestions récentes à son<br />

sujet ne m’ont pas convaincue (Glover, Fairbairn). […] l’accent<br />

qu’à mis D.W Winnicott <strong>sur</strong> la non-intégration du premier<br />

moi me semble plus utile. Je dirais aussi que le premier moi<br />

manque beaucoup <strong>de</strong> cohésion et qu’une tendance vers<br />

l’intégration alterne avec une tendance à la désintégration, une<br />

tendance à tomber en morceaux. Je crois que ces flu$uations<br />

sont cara$éristiques <strong>de</strong>s premiers mois <strong>de</strong> la vie. »<br />

« Nous avons, je pense, quelque raison <strong>de</strong> supposer que<br />

certaines fon$ions que nous savons appartenir au moi plus<br />

évolué s’y trouvent dès le début. L’une <strong>de</strong>s plus importantes est<br />

celle d’administrer l’angoisse. Je soutiens que l’angoisse <strong>sur</strong>git<br />

<strong>de</strong> l’a$ion <strong>de</strong> la pulsion <strong>de</strong> mort à l’intérieur <strong>de</strong> l’organisme,<br />

qu’elle est sentie comme une peur <strong>de</strong> l’anéantissement (<strong>de</strong> la<br />

<strong>Notes</strong> <strong>sur</strong> <strong>quelques</strong> mécan$mes <strong>schizoï<strong>de</strong>s</strong><br />

Mélanie Klein<br />

4


mort) et qu’elle prend la forme d’une peur <strong>de</strong> persécution. La<br />

peur <strong>de</strong>s pulsions <strong>de</strong>str uctrices semble s’attacher<br />

immédiatement à un objet – ou mieux : on la vit comme la<br />

peur d’un objet incontrôlable et extrêmement puissant. Le<br />

trauma <strong>de</strong> la naissance (angoisse <strong>de</strong> séparation) et la<br />

frustration <strong>de</strong>s besoins corporels sont d’autres sources<br />

importantes d’angoisse primitive, et on les sent dès le début<br />

comme s’ils étaient provoqués par les objets. Même si ces<br />

objets sont sentis comme extérieurs, ils <strong>de</strong>viennent <strong>de</strong>s<br />

persécuteurs internes par introje$ion et ils renforcent ainsi la<br />

peur <strong>de</strong>s pulsions <strong>de</strong>stru$rices à l’intérieur. »<br />

« La nécessité vitale d’administrer l’angoisse oblige le<br />

premier moi à développer <strong>de</strong>s <strong>mécanismes</strong> <strong>de</strong> défense<br />

fondamentaux. La pulsion <strong>de</strong>stru$rice est en partie projetée à<br />

l’extérieur (défe$ion <strong>de</strong> la pulsion <strong>de</strong> mort) et, à mon avis,<br />

s’attache au premier objet extérieur :le sein <strong>de</strong> la mère.<br />

Comme Freud l’a noté, la portion restante <strong>de</strong> la pulsion<br />

<strong>de</strong>stru$rice est dans une certaine me<strong>sur</strong>e liée par la libido à<br />

l’intérieur <strong>de</strong> l’organisme. Cependant, aucun <strong>de</strong> ces processus<br />

n’atteint entièrement son but, c’est pourquoi l’angoisse d’être<br />

détruit <strong>de</strong> l’intérieur reste a$ive. Il me semble résulter <strong>de</strong> son<br />

manque <strong>de</strong> cohésion que le moi, sous la pression <strong>de</strong> cette<br />

menace, ten<strong>de</strong> à tomber en morceaux. Ce morcellement<br />

semble sous-tendre les états <strong>de</strong> désintégration chez les<br />

schizophrènes. […] »<br />

5<br />

<strong>Notes</strong> <strong>sur</strong> <strong>quelques</strong> mécan$mes <strong>schizoï<strong>de</strong>s</strong><br />

Mélanie Klein


« Les processus <strong>de</strong> cliva% concernant l ’objet »<br />

« La pulsion <strong>de</strong>stru$rice projetée à l’extérieur est<br />

d’abord vécue comme agression orale. Je crois que les pulsions<br />

sadiques-orales dirigées contre le sein <strong>de</strong> la mère sont a$ives<br />

dès le début <strong>de</strong> la vie, bien que les pulsions cannibaliques<br />

gagnent <strong>de</strong> la force avec le début <strong>de</strong> la <strong>de</strong>ntition – fa$eur mis<br />

en valeur par Abraham. »<br />

« Dans <strong>de</strong>s états <strong>de</strong> frustration et d’angoisse, les désirs<br />

sadiques-oraux et cannibaliques sont renforcés, et le bébé sent<br />

alors qu’il a introduit en lui-même le mamelon et le sein en<br />

morceaux. C’est pourquoi, en plus <strong>de</strong> l’opposition entre un<br />

sein “bon” et un sein “mauvais” dans les phantasmes du bébé,<br />

le sein frustrateur – attaqué dans les phantasmes sadiques-<br />

oraux – est senti comme fragmenté ; le sein gratificateur,<br />

intériorisé sous la domination <strong>de</strong> la libido dans la tétée, est<br />

senti comme complet. Ce premier objet “bon” intérieur agit<br />

comme un point central dans le moi. Il contrecarre les<br />

processus <strong>de</strong> clivage et <strong>de</strong> dispersion, il appuie la cohésion et<br />

l’intégration, c’est un instrument dans la constru$ion du moi.<br />

Le sentiment qu’a le bébé <strong>de</strong> possé<strong>de</strong>r à l’intérieur <strong>de</strong> lui-<br />

même un sein “bon” et complet peut cependant être ébranlé<br />

par la frustration et l’angoisse. Il peut en résulter que la<br />

séparation entre le sein “bon” et le sein “mauvais” soit difficile<br />

à maintenir, et le bébé peut sentir que le sein “bon” est, lui<br />

aussi, en morceaux. »<br />

« Je crois que le moi est incapable <strong>de</strong> cliver l’objet –<br />

interne et externe – sans qu’un clivage correspondant se<br />

produise à l’intérieur <strong>de</strong> lui-même. C’est pourquoi les<br />

<strong>Notes</strong> <strong>sur</strong> <strong>quelques</strong> mécan$mes <strong>schizoï<strong>de</strong>s</strong><br />

Mélanie Klein<br />

6


phantasmes et les sentiments concernant l’état <strong>de</strong> l’objet<br />

interne influencent fondamentalement la stru$ure du moi.<br />

Plus le sadisme prévaut dans le processus d’incorporation <strong>de</strong><br />

l’objet, plus l’objet est senti comme fragmenté, et plus le moi<br />

est en danger d’être clivé selon les fragments <strong>de</strong> l’objet<br />

intériorisé. »<br />

« Les processus que j’ai décrits sont naturellement liés à<br />

la vie phantasmatique du bébé ; et les angoisses qui stimulent<br />

le mécanisme <strong>de</strong> clivage sont aussi <strong>de</strong> nature, phantasmatique.<br />

C’est dans ses phantasmes que le bébé clive l’objet et se clive<br />

lui-même, mais l’effet <strong>de</strong> ce phantasme est tout à fait réel, car<br />

il mène à <strong>de</strong>s sentiments et à <strong>de</strong>s relations obje$ales (et plus<br />

tard à <strong>de</strong>s processus <strong>de</strong> pensée) qui sont en fait coupés les uns<br />

<strong>de</strong>s autres. »<br />

<strong>Notes</strong> <strong>sur</strong> <strong>quelques</strong> mécan$mes <strong>schizoï<strong>de</strong>s</strong><br />

« Le clivage dans ses rapports avec la projection et l ’introjection »<br />

« Jusqu’à présent j’ai traité particulièrement le<br />

mécanisme <strong>de</strong> clivage comme l’un <strong>de</strong>s tout premiers<br />

<strong>mécanismes</strong> <strong>de</strong> défense du moi contre l’angoisse. L’introje$ion<br />

et la proje$ion sont utilisées aussi au service <strong>de</strong> ce but primitif<br />

du moi dès le début <strong>de</strong> la vie. La proje$ion, comme Freud l’a<br />

décrit, naît <strong>de</strong> la défle$ion vers l’extérieur <strong>de</strong> la pulsion <strong>de</strong><br />

mort, et, à mon ais, elle ai<strong>de</strong> le moi à <strong>sur</strong>monter l’angoisse en<br />

le libérant du danger et du mal. L’introje$ion <strong>de</strong> l’objet “bon”<br />

est aussi utilisée par le moi comme défense contre l’angoisse. »<br />

« D’autres <strong>mécanismes</strong> sont étroitement liés à la<br />

proje$ion et à l’introje$ion. Je pense ici <strong>sur</strong>tout au rapport<br />

entre le clivage, l’idéalisation et le déni. En ce qui concerne le<br />

7<br />

Mélanie Klein


clivage <strong>de</strong> l’objet, nous <strong>de</strong>vons nous rappeler que dans les états<br />

<strong>de</strong> gratification les sentiments d’amour se tournent vers le sein<br />

gratificateur, tandis que dans les états <strong>de</strong> frustration la haine et<br />

l’angoisse <strong>de</strong> persécution s’attachent au sein frustrateur. »<br />

« L’idéalisation est liée au clivage <strong>de</strong> l’objet, parce que les<br />

aspe$s “bons” du sein sont exagérés comme sauvegar<strong>de</strong> contre<br />

la crainte du sein persécuteur. Alors que l’idéalisation est ainsi<br />

le corollaire <strong>de</strong> la crainte <strong>de</strong> persécution, elle provient aussi <strong>de</strong><br />

l’intensité <strong>de</strong>s désirs pulsionnels qui recherchent une<br />

gratification illimitée et créent ainsi l’image d’un sein<br />

inexhaustible et toujours plein <strong>de</strong> bonté – d’un sein idéal. »<br />

« Nous trouvons un exemple d’une dichotomie <strong>de</strong> cette<br />

sorte dans la gratification hallucinatoire infantile. Les<br />

processus essentiels qui entrent en jeu dans l’idéalisation sont<br />

aussi actifs dans la gratification hallucinatoire –<br />

concrètement : le clivage <strong>de</strong> l’objet et le déni <strong>de</strong> la frustration<br />

aussi bien que la persécution. L’objet frustrateur et persécuteur<br />

est maintenu complètement séparé <strong>de</strong> l’objet idéalisé.<br />

Cependant l’objet “mauvais” n’est pas seulement maintenu<br />

séparé <strong>de</strong> l’objet “bon”, mais on dénie jusqu’à son existence –<br />

comme la situation totale <strong>de</strong> frustration et les sentiments<br />

mauvais (la douleur) auxquels la frustration donne naissance.<br />

Cela est lié au déni <strong>de</strong> la réalité psychique. Celui-ci n’est rendu<br />

possible que par d’intenses sentiments d’omnipotence – une<br />

<strong>de</strong>s cara$éristiques essentielles du premier psychisme. Le déni<br />

omnipotent <strong>de</strong> l’existence <strong>de</strong> l’objet mauvais et <strong>de</strong> la situation<br />

douloureuse équivaut pour l’inconscient à leur anéantissement<br />

par la pulsion <strong>de</strong>stru$rice. Toutefois, ce n’est pas seulement<br />

une situation et un objet qui sont déniés et anéantis, c’est une<br />

<strong>Notes</strong> <strong>sur</strong> <strong>quelques</strong> mécan$mes <strong>schizoï<strong>de</strong>s</strong><br />

Mélanie Klein<br />

8


elation obje$ale qui souffre ce <strong>de</strong>stin ; et par conséquent<br />

une partie du moi, celle d’où émanent les sentiments à l’égard<br />

<strong>de</strong> l’objet, est elle aussi déniée et anéantie. […] »<br />

« J’ajouterai en passant que dans cette première phase<br />

le clivage, le déni et l’omnipotence jouent un rôle semblable à<br />

celui du refoulement à un sta<strong>de</strong> ultérieur du développement du<br />

moi. […] »<br />

« Jusqu’à présent, en traitant <strong>de</strong> la crainte <strong>de</strong><br />

persécution, j’ai isolé l’élément oral. Cependant, même quand<br />

la libido oral. Cependant, même quand la libido orale<br />

prédomine, <strong>de</strong>s pulsions et <strong>de</strong>s phantasmes libidinaux et<br />

agressifs d’autre provenance se manifestent et produisent une<br />

confluence <strong>de</strong>s désirs oraux, anaux et urétraux – à la fois<br />

libidinaux et agressifs. De la même façon, les attaques contre<br />

le sein <strong>de</strong> la mère se transforment en attaques <strong>de</strong> même nature<br />

contre son corps, qui est alors senti comme un prolongement<br />

du sein, avant même que la mère soit conçue comme une<br />

personne complète. Les assauts phantasmatiques contre la<br />

mère suivent <strong>de</strong>ux lignes essentielles ; l’une est constituée par<br />

la pulsion <strong>sur</strong>tout orale <strong>de</strong> sucer complètement, <strong>de</strong> mordre, <strong>de</strong><br />

déchirer, <strong>de</strong> voler les contenus “bons” du corps <strong>de</strong> la mère.<br />

[…] »<br />

<strong>Notes</strong> <strong>sur</strong> <strong>quelques</strong> mécan$mes <strong>schizoï<strong>de</strong>s</strong><br />

« L’autre ligne d’attaque dérive <strong>de</strong>s pulsions anales et<br />

urétrales et implique l’expulsion <strong>de</strong> substances dangereuses<br />

(excréments) hors du moi et vers l’intérieur <strong>de</strong> la mère. En<br />

même temps que ces excréments nocifs, expulsés dans la<br />

haine, <strong>de</strong>s parties clivée du moi sont aussi projetées <strong>sur</strong> la mère<br />

ou pour mieux dire, dans la mère. Ces excréments et ces<br />

parties “mauvaises” du sujet sont censés non seulement blesser<br />

9<br />

Mélanie Klein


l’objet, mais aussi le contrôler et prendre possession <strong>de</strong> lui.<br />

Dans la me<strong>sur</strong>e où la mère arrive à contenir les “parties<br />

mauvaises” <strong>de</strong> la personne propre, elle n’est plus sentie comme<br />

un individu séparé, mais elle est sentie comme la personne<br />

“mauvaise”. »<br />

« Une gran<strong>de</strong> proportion <strong>de</strong> la haine contre <strong>de</strong>s parties<br />

<strong>de</strong> la personne propre est alors dirigée contre la mère. Cela<br />

conduit à une forme particulière d’i<strong>de</strong>ntification qui établit le<br />

prototype d’une relation d’objet agressive. Je propose pour ces<br />

processus le nom “d’i<strong>de</strong>ntification projective”. Quand la<br />

proje$ion dérive <strong>sur</strong>tout du désir <strong>de</strong> l’enfant <strong>de</strong> blesser ou <strong>de</strong><br />

contrôler la mère, il vit celle-ci comme un persécuteur. […] »<br />

« Ce ne sont cependant pas seulement les parties<br />

“mauvaises” <strong>de</strong> la personne propre qui sont expulsées et<br />

projetées, mais aussi <strong>de</strong>s parties “bonnes”. Les excréments ont<br />

alors la signification <strong>de</strong> ca<strong>de</strong>aux et les parties du moi qui sont<br />

expulsées et projetées dans une autre personne représentent la<br />

partie “bonne” c’est-à-dire aimante, du sujet. L’i<strong>de</strong>ntification<br />

fondée <strong>sur</strong> ce type <strong>de</strong> projection influence à son tour<br />

radicalement les relations objectales. La projection <strong>de</strong><br />

sentiments “bons” et <strong>de</strong> parties “bonnes” du sujet dans la mère<br />

est essentielle pour la capacité <strong>de</strong> l’enfant <strong>de</strong> développer <strong>de</strong><br />

bonnes relations d’objet et d’intégrer son moi. »<br />

« Cependant, si ce processus proje$if se produit avec<br />

excès, ces parties “bonnes” du moi sont senties comme<br />

perdues, et la mère <strong>de</strong>vient <strong>de</strong> cette façon l’idéal du moi ; ce<br />

processus, lui aussi, aboutit à un affaiblissement et à un<br />

appauvrissement du moi. Ces processus s’éten<strong>de</strong>nt bientôt à<br />

d’autres personnes, et peuvent aboutir à une extrême<br />

<strong>Notes</strong> <strong>sur</strong> <strong>quelques</strong> mécan$mes <strong>schizoï<strong>de</strong>s</strong><br />

Mélanie Klein<br />

10


dépendance à l’égard <strong>de</strong> ces représentants extérieurs <strong>de</strong>s<br />

parties “bonnes” du sujet. Il peut en résulter aussi une peur<br />

d’avoir perdu la capacité d’aimer, parce que le sujet sent qu’il<br />

aime son objet <strong>sur</strong>tout à titre <strong>de</strong> substitut <strong>de</strong> lui-même. »<br />

« Les processus <strong>de</strong> clivage et <strong>de</strong> proje$ion <strong>de</strong> parties <strong>de</strong><br />

la personne dans les objets ont donc une importance vitale<br />

dans le développement normal aussi bien que dans les relations<br />

d’objet anormales. »<br />

<strong>Notes</strong> <strong>sur</strong> <strong>quelques</strong> mécan$mes <strong>schizoï<strong>de</strong>s</strong><br />

« L’effet <strong>de</strong> l’introje$ion <strong>sur</strong> les relations d’objet est<br />

également important. L’introje$ion <strong>de</strong> l’objet “bon”, avant<br />

tout du sein maternel, est une condition préalable du<br />

développement normal. J’ai déjà décrit la façon dont il arrive à<br />

former un point nodulaire dans le moi et dont il appuie sa<br />

cohésion. Un trait cara$éristique <strong>de</strong> la toute première relation<br />

avec l’objet “bon” – interne et externe – est la tendance à<br />

l’idéaliser. Dans <strong>de</strong>s états <strong>de</strong> frustration ou d’angoisse accrue,<br />

le bébé est amené à s’enfuir vers son objet idéalisé interne<br />

comme moyen d’échapper à ses persécuteurs. Plusieurs<br />

troubles graves peuvent résulter <strong>de</strong> ce mécanisme : quand la<br />

crainte <strong>de</strong> persécution est trop forte, la fuite vers l’objet<br />

idéalisé <strong>de</strong>vient excessive et cela gêne considérablement le<br />

développement du moi et perturbe les relations obje$ales. Il<br />

peut en résulter que le moi se sente entièrement asservi à son<br />

objet interne et entièrement dépendant <strong>de</strong> lui, comme s’il<br />

n’était pour lui qu’une coquille. On trouve donc, en même<br />

temps qu’un objet idéalisé non assimilé, le sentiment que le<br />

moi n’a ni vie ni valeur propres. Je dirais que la situation <strong>de</strong><br />

fuite vers l’objet idéalisé non assimilé exige <strong>de</strong>s processus<br />

ultérieurs <strong>de</strong> clivage dans le moi. En effet, <strong>de</strong>s parties du moi<br />

11<br />

Mélanie Klein


tentent <strong>de</strong> s’unir à l’objet idéal, alors que d’autres parties<br />

luttent pour tenir les persécuteurs internes en lisière. »<br />

« Les diverses formes <strong>de</strong> clivage du moi et <strong>de</strong>s objets<br />

internes aboutissent au sentiment que le moi est en morceaux.<br />

Ce sentiment culmine en un état <strong>de</strong> désintégration. Dans le<br />

développement normal, les états <strong>de</strong> désintégration dont le<br />

bébé a l’expérience sont transitoires. Parmi d’autres fa$eurs, la<br />

gratification <strong>de</strong> la part <strong>de</strong> l’objet “bon” extérieur l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> façon<br />

répétée à traverser ces états <strong>schizoï<strong>de</strong>s</strong>. La capacité du bébé <strong>de</strong><br />

<strong>sur</strong>monter <strong>de</strong>s états <strong>schizoï<strong>de</strong>s</strong> temporaires est à la me<strong>sur</strong>e <strong>de</strong><br />

la gran<strong>de</strong> élasticité et <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> souplesse du psychisme<br />

enfantin. Si <strong>de</strong>s états <strong>de</strong> clivage et donc <strong>de</strong> désintégration, que<br />

le moi est incapable <strong>de</strong> <strong>sur</strong>monter, se produisent trop<br />

fréquemment et durent trop longtemps, on dit alors les<br />

considérer, à mon avis, comme un signe <strong>de</strong> schizophrénie chez<br />

l’enfant, et l’on peut déjà voir certaines indications <strong>de</strong> cette<br />

maladie dans les tout premiers mois <strong>de</strong> la vie. […] »<br />

« J’ai décrit jusqu’à maintenant <strong>quelques</strong> effets <strong>de</strong><br />

l’introje$ion et <strong>de</strong> la proje$ion excessives <strong>sur</strong> les relations<br />

obje$ales. Je ne vais pas tenter maintenant <strong>de</strong> rechercher en<br />

détail les divers fa$eurs qui produisent une prédominance <strong>de</strong>s<br />

processus introje$ifs en certains cas on peut dire que le cours<br />

du développement du moi et <strong>de</strong>s relations d’objet dépend <strong>de</strong> la<br />

me<strong>sur</strong>e où un équilibre optimum entre l’introje$ion et la<br />

proje$ion dans les premiers sta<strong>de</strong>s du développement a pu<br />

être obtenu. Cela inci<strong>de</strong> en retour <strong>sur</strong> l’intégration du moi et<br />

<strong>sur</strong> l’assimilation <strong>de</strong>s objets internes. Même si l’équilibre est<br />

perturbé, et si l’un ou l’autre <strong>de</strong> ces processus est excessif, il y a<br />

une intera$ion entre l’introje$ion et la proje$ion. […] »<br />

<strong>Notes</strong> <strong>sur</strong> <strong>quelques</strong> mécan$mes <strong>schizoï<strong>de</strong>s</strong><br />

Mélanie Klein<br />

12


« Un autre aspe$ <strong>de</strong>s processus proje$ifs concerne,<br />

nous l’avons vu, l’irruption violente à l’intérieur <strong>de</strong> l’objet et<br />

son contrôle par <strong>de</strong>s parties <strong>de</strong> la personne. Il peut en résulter<br />

que l’introjection soit alors vécue comme une irruption<br />

violente <strong>de</strong> l’extérieur vers l’intérieur, en rétribution <strong>de</strong> la<br />

violence <strong>de</strong> la proje$ion. Cela peut produire la crainte que<br />

non seulement le corps mais aussi le psychisme soient<br />

contrôlés par d’autres personnes <strong>de</strong> façon hostile. Ce qui peut<br />

amener le résultat d’une perturbation grave dans l’introje$ion<br />

<strong>de</strong>s objets “bons” - perturbation qui pourrait entraver toutes<br />

les fon$ions du moi aussi bien que le développement sexuel et<br />

pourrait amener à un retrait excessif du sujet vers son mon<strong>de</strong><br />

intérieur. Ce retrait n’est cependant pas produit exclusivement<br />

par la peur <strong>de</strong>s persécuteurs internes et la fuite consécutive<br />

vers l’objet idéalisé interne. »<br />

<strong>Notes</strong> <strong>sur</strong> <strong>quelques</strong> mécan$mes <strong>schizoï<strong>de</strong>s</strong><br />

« J’ai mentionné l’affaiblissement et l’appauvrissement<br />

du moi résultant du clivage et <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntification proje$ive<br />

excessifs. Ce moi affaibli, cependant, <strong>de</strong>vient aussi incapable<br />

d’assimiler ses objets internes, et cela mène au sentiment qu’il<br />

est régi par eux. En plus, ce moi affaibli se sent incapable <strong>de</strong><br />

récupérer en lui-même les parties a projetées dans le mon<strong>de</strong><br />

extérieur. Ces divers troubles dans l’interaction entre la<br />

proje$ion et l’introje$ion, qui impliquent un clivage excessif<br />

du moi, on un effet préjudiciable <strong>sur</strong> sa relation avec le mon<strong>de</strong><br />

extérieur et le mon<strong>de</strong> intérieur, et semblent se trouver à la<br />

racine <strong>de</strong> certaines formes <strong>de</strong> schizophrénie. »<br />

« L’i<strong>de</strong>ntification proje$ive est la base <strong>de</strong> nombreuses<br />

situations d’angoisse, dont je mentionnerai <strong>quelques</strong>-unes. Le<br />

phantasme <strong>de</strong> faire irruption violemment dans l’objet donne<br />

13<br />

Mélanie Klein


naissance à <strong>de</strong>s angoisses portant <strong>sur</strong> <strong>de</strong>s dangers qui<br />

menacent le sujet <strong>de</strong>puis l’intérieur <strong>de</strong> l’objet. Par exemple, le<br />

désir <strong>de</strong> contrôler un objet en entrant en lui éveille la peur<br />

d’être contrôlée et persécuté à l’intérieur <strong>de</strong> lui. En<br />

introje$ant et en ré-introje$ant l’objet envahi par la violence,<br />

les sentiments <strong>de</strong> persécution interne du sujet sont<br />

puissamment renforcés ; et plus encore du fait que l’on sent<br />

que l’objet ré-introje$é contient les aspe$s dangereux <strong>de</strong> la<br />

personne. L’accumulation d’angoisses <strong>de</strong> cette sorte, où le moi,<br />

pourrait-on dire, est pris entre une multiplicité <strong>de</strong> situations<br />

persécution externes et internes, est un élément <strong>de</strong> base <strong>de</strong> la<br />

paranoïa. […] »<br />

« Les relations d’objet schizoi<strong>de</strong>s »<br />

« Résumons maintenant <strong>quelques</strong>-unes <strong>de</strong>s relations<br />

d’objet perturbées qu’on trouve chez les personnalités<br />

<strong>schizoï<strong>de</strong>s</strong> : le clivage violent du sujet et la projection<br />

excessive font que la personne vers laquelle ce processus est<br />

dirigé soit vécue comme un persécuteur. Puisque la partie<br />

<strong>de</strong>stru$rice et détestée du sujet qui est clivée et projetée est<br />

vécue comme un danger pour l’objet aimé, et donne par suite<br />

naissance à la culpabilité, ce processus <strong>de</strong> proje$ion implique<br />

aussi d’une certaine façon une défle$ion <strong>de</strong> la culpabilité du<br />

sujet <strong>sur</strong> l’autre personne. La culpabilité n’a cependant pas été<br />

liquidée, et la culpabilité après défle$ion est vécue comme<br />

une responsabilité inconsciente à l’égard <strong>de</strong>s personnes qui<br />

sont <strong>de</strong>venues les représentants <strong>de</strong> la partie agressive du<br />

sujet. »<br />

<strong>Notes</strong> <strong>sur</strong> <strong>quelques</strong> mécan$mes <strong>schizoï<strong>de</strong>s</strong><br />

Mélanie Klein<br />

14


« Un autre trait typique <strong>de</strong>s relations d’objet <strong>schizoï<strong>de</strong>s</strong><br />

est leur nature narcissique, qui dérive <strong>de</strong>s processus<br />

introje$ifs et proje$ifs infantiles. En effet, comme je l’ai déjà<br />

dit, quand l’idéal du moi est projeté dans une autre personne,<br />

celle-ci est essentiellement aimée et admirée parce qu’elle<br />

contient les parties “bonnes” du sujet. De même, quand la<br />

relation avec une autre personne est fondée <strong>sur</strong> la proje$ion<br />

en elle <strong>de</strong>s parties “mauvaises” du sujet, elle est <strong>de</strong> nature<br />

narcissique, parce que, dans ce cas aussi, l’objet représente<br />

<strong>sur</strong>tout une partie du sujet. Ces <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong> relation<br />

narcissique avec l’objet présentent souvent <strong>de</strong> forts cara$ères<br />

obsessionnels. Le désir <strong>de</strong> contrôler les autres est, on le sait,<br />

un élément essentiel <strong>de</strong> la névrose obsessionnelle. […] »<br />

« Une <strong>de</strong>s racines <strong>de</strong>s <strong>mécanismes</strong> obsessionnels peut<br />

donc être trouvée dans la sorte particulière d’i<strong>de</strong>ntification qui<br />

résulte <strong>de</strong>s processus proje$ifs infantiles. Cette relation peut<br />

aussi jeter quelque lumière <strong>sur</strong> l’élément obsessionnel qui<br />

intervient souvent dans la tendance à la réparation. En effet, la<br />

culpabilité n’est pas seulement vécue à l’égard d’un objet, mais<br />

aussi à l’égard <strong>de</strong>s parties <strong>de</strong> la personne que le sujet est incité<br />

à réparer ou à restaurer. »<br />

<strong>Notes</strong> <strong>sur</strong> <strong>quelques</strong> mécan$mes <strong>schizoï<strong>de</strong>s</strong><br />

« Tous ces fa$eurs peuvent amener à un attachement<br />

compulsif à certains objets ou – autre issue – à un retrait par<br />

rapport aux autres <strong>de</strong>stiné à prévenir à la fois une intrusion<br />

<strong>de</strong>stru$rice du sujet en eux et le danger d’une vengeance <strong>de</strong><br />

leur part. La crainte <strong>de</strong> ces dangers peut se manifester par<br />

diverses attitu<strong>de</strong>s négatives dans les relations d’objet. Par<br />

exemple, l’un <strong>de</strong> mes patients me disait qu’il n’aimait pas les<br />

15<br />

Mélanie Klein


gens qu’ils influençait trop, car ils lui paraissaient <strong>de</strong>venir trop<br />

semblables à lui-même, ce qui le fatiguait d’eux. »<br />

« Une autre caractéristique <strong>de</strong>s relations d’objet<br />

<strong>schizoï<strong>de</strong>s</strong> est leur artificialité particulière et leur manque <strong>de</strong><br />

spontanéité. Parallèlement, on trouve une perturbation grave<br />

du sentiment <strong>de</strong> soi-même, ou, si l’on peut dire, <strong>de</strong> la relation<br />

avec soi-même. Cette relation, elle aussi, semble artificielle.<br />

En d’autres termes, la réalité psychique et la relation avec lé<br />

réalité extérieure sont également perturbées. »<br />

« La proje$ion <strong>de</strong> parties clivées du moi dans d’autres<br />

personnes influence essentiellement les relations d’objet, la vie<br />

émotionnelle et la personnalité comme un tout. Pour illustrer<br />

cette affirmation, je choisirai comme exemples <strong>de</strong>ux<br />

phénomènes universels qui sont liés entre eux : le sentiment<br />

<strong>de</strong> solitu<strong>de</strong> et la peur <strong>de</strong> partir. Nous savons qu’une source <strong>de</strong>s<br />

sentiments dépressifs qui accompagnent la séparation d’avec<br />

les personnes peut être trouvée dans la crainte <strong>de</strong> la<br />

<strong>de</strong>stru$ion <strong>de</strong> l’objet par les pulsions agressives dirigées<br />

contre lui. Mais ce sont plus exa$ement le clivage et les<br />

processus projectifs qui sous-ten<strong>de</strong>nt cette peur. Si les<br />

éléments agressifs en rapport avec l’objet sont prédominants<br />

et puissamment éveillés par la frustration du départ, l’individu<br />

sent que les composantes clivées <strong>de</strong> sa personne, projetées<br />

dans l’objet, contrôlent cet objet <strong>de</strong> façon agressive et<br />

<strong>de</strong>stru$rice. En même temps, on sent que l’objet interne<br />

court le même danger <strong>de</strong> <strong>de</strong>stru$ion que l’objet externe dans<br />

lequel on sent qu’une partie <strong>de</strong> <strong>de</strong>stru$ion que l’objet externe<br />

dans lequel on sent qu’une partie <strong>de</strong> soi-même a été<br />

abandonné. Cela aboutit à un affaiblissement excessif du moi,<br />

<strong>Notes</strong> <strong>sur</strong> <strong>quelques</strong> mécan$mes <strong>schizoï<strong>de</strong>s</strong><br />

Mélanie Klein<br />

16


à un sentiment que le moi perd tous ses appuis, et au<br />

sentiment correspondant <strong>de</strong> solitu<strong>de</strong>. Cette <strong>de</strong>scription<br />

s’applique aux individus névrosés, mais je pense qu’elle<br />

constitue dans une certaine me<strong>sur</strong>e un phénomène général. »<br />

« Il est à peine besoin d’exprimer le fait que certains<br />

autres traits <strong>de</strong>s relations d’objet <strong>schizoï<strong>de</strong>s</strong>, que j’ai décrits<br />

plus haut, se trouvent aussi à <strong>de</strong>s <strong>de</strong>grés moindres et sous <strong>de</strong>s<br />

formes moins spe$aculaires chez <strong>de</strong>s personnes normales –<br />

par exemple la timidité, le manque <strong>de</strong> spontanéité ou, d’un<br />

autre côté, un intérêt particulièrement intense à l’égard <strong>de</strong>s<br />

autres. »<br />

<strong>Notes</strong> <strong>sur</strong> <strong>quelques</strong> mécan$mes <strong>schizoï<strong>de</strong>s</strong><br />

« De même, <strong>de</strong>s perturbations normales <strong>de</strong>s processus<br />

<strong>de</strong> pensée <strong>sur</strong>gissent <strong>de</strong> la position schizoparanoï<strong>de</strong> dans le<br />

développement. En effet, nous sommes tous susceptibles d’une<br />

altération momentanée <strong>de</strong> la pensée logique qui culmine dans<br />

<strong>de</strong>s pensées et <strong>de</strong>s associations qui sont coupées les unes <strong>de</strong>s<br />

autres, et <strong>de</strong>s situations qui sont clivées les unes <strong>de</strong>s autres ; en<br />

fait, le moi se trouve clivé temporairement. »<br />

« La position dépressive dans ses ra&o's avec la position<br />

scizoparanoï<strong>de</strong> »<br />

« J’examinerai maintenant les étapes suivantes dan le<br />

développement du bébé. J’ai décrit jusqu’à présent les<br />

angoisses et les <strong>mécanismes</strong> <strong>de</strong> défense qui sont<br />

caractéristiques <strong>de</strong>s tout premiers mois <strong>de</strong> la vie. Avec<br />

l’introje$ion <strong>de</strong> l’objet complet, à peu près au second quart <strong>de</strong><br />

la première année, se produisent <strong>de</strong>s progrès marqués vers<br />

l’intégration. Cela implique d’importants changements dans la<br />

17<br />

Mélanie Klein


elation avec les objets. Les aspe$s aimés et haïs <strong>de</strong> la mère ne<br />

sont plus sentis comme séparés aussi radicalement, ce qui<br />

produit une augmentation <strong>de</strong> la crainte <strong>de</strong> la perdre, <strong>de</strong>s états<br />

voisins du <strong>de</strong>uil et un sentiment violent <strong>de</strong> culpabilité, qui<br />

provient <strong>de</strong> ce qu’on sent les pulsions <strong>de</strong>stru$rices se diriger<br />

contre l’objet aimé. La position dépressive est arrivée au<br />

premier plan. L’expérience même <strong>de</strong>s sentiments dépressifs<br />

produit à son tour l’effet <strong>de</strong> mieux intégrer le moi, parce<br />

qu’elle favorise une meilleure compréhension <strong>de</strong> la réalité<br />

psychique et une meilleure perception du mon<strong>de</strong> extérieur, <strong>de</strong><br />

même qu’une meilleure synthèse entre les situations internes<br />

et externes. »<br />

« Le désir <strong>de</strong> réparer, qui vient au premier plan à ce<br />

sta<strong>de</strong>, peut être considéré comme la conséquence d’un plus<br />

grand insight <strong>de</strong> la réalité psychique et d’une synthèse<br />

croissante, parce qu’il manifeste une réa$ion plus adaptée aux<br />

sentiments <strong>de</strong> peine, <strong>de</strong> culpabilité et <strong>de</strong> crainte <strong>de</strong> perdre<br />

l’objet qui proviennent <strong>de</strong> l’agressivité à l’égard <strong>de</strong> l’objet aimé.<br />

Puisque le désir <strong>de</strong> réparer ou <strong>de</strong> protéger l’objet endommagé<br />

prépare le chemin à <strong>de</strong>s relations objectales et à <strong>de</strong>s<br />

sublimations plus satisfaisantes, il accroît d’autant la synthèse<br />

et contribue à l’intégration du moi. »<br />

« Pendant la secon<strong>de</strong> moitié <strong>de</strong> la première année, le<br />

bébé accomplit <strong>quelques</strong> progrès fondamentaux vers<br />

l’élaboration <strong>de</strong> la position dépressive. Cependant, les<br />

<strong>mécanismes</strong> <strong>schizoï<strong>de</strong>s</strong> restent puissants, quoique sous une<br />

forme modifiée et à un <strong>de</strong>gré moindre ; et les premières<br />

situations d’angoisse sont vécues maintes et maintes fois au<br />

cours du processus <strong>de</strong> modification. Le travail d’élaboration<br />

<strong>Notes</strong> <strong>sur</strong> <strong>quelques</strong> mécan$mes <strong>schizoï<strong>de</strong>s</strong><br />

Mélanie Klein<br />

18


<strong>de</strong>s positions persécutoire et dépressive s’étend <strong>sur</strong> les<br />

premières années <strong>de</strong> l’enfance et joue un rôle essentiel dans la<br />

névrose infantile. Au cours <strong>de</strong> ce processus, les angoisses<br />

per<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> leur force, les objets se font à la fois moins idéalisés<br />

et moins terrifiants, et le moi tend à s’unifier. Tout cela est lié à<br />

la perception croissante <strong>de</strong> la réalité, et à l’adaptation à elle. »<br />

« Si le développement pendant la position<br />

schizoparanoï<strong>de</strong> n’a pas progressé normalement, et si le bébé,<br />

pour <strong>de</strong>s raisons internes ou externes, ne peut pas <strong>sur</strong>monter<br />

l’impa$ <strong>de</strong>s angoisses dépressives, un cercle vicieux se produit.<br />

Si, en effet, la crainte <strong>de</strong> persécution et les <strong>mécanismes</strong><br />

<strong>schizoï<strong>de</strong>s</strong> correspondants sont trop forts, le moi n’est pas<br />

capable d’élaborer la position dépressive. Cela l’oblige à<br />

régresser à la position schizoparanoï<strong>de</strong>, et renforce les<br />

premières craintes <strong>de</strong> persécution et les premiers <strong>mécanismes</strong><br />

<strong>schizoï<strong>de</strong>s</strong>. […] »<br />

<strong>Notes</strong> <strong>sur</strong> <strong>quelques</strong> mécan$mes <strong>schizoï<strong>de</strong>s</strong><br />

« Les expériences extérieures ont, naturellement, une<br />

gran<strong>de</strong> importance dans cette évolution. Par exemple, dans le<br />

cas d’un patient qui présentait <strong>de</strong>s traits dépressifs et<br />

<strong>schizoï<strong>de</strong>s</strong>, l’analyse fit <strong>sur</strong>gir avec une gran<strong>de</strong> netteté <strong>de</strong>s<br />

expériences vécues dans son enfance, à tel point que dans<br />

certaines séances <strong>de</strong>s sensations physiques dans la gorge ou<br />

dans les organes digestifs se produisaient. Le patient avait été<br />

sevré brusquement à l’âge <strong>de</strong> quatre mois, parce que sa mère<br />

était tombée mala<strong>de</strong>. En outre, il n’avait pas vu sa mère<br />

pendant quatre semaines. Quand elle revint, elle trouva<br />

l’enfant très changé. Il avait été un bébé plein <strong>de</strong> vie, il<br />

s’intéressait à son entourage, et il semblait maintenant avoir<br />

perdu cet intérêt. Il était <strong>de</strong>venu aphatique. Il avait accepté<br />

19<br />

Mélanie Klein


l’alimentation substitutive très facilement, et, en fait, n’avait<br />

jamais refusé les aliments. Mais il n’en profitait plus, il perdait<br />

du poids, et avait une quantité <strong>de</strong> troubles digestifs. Ce ne fut<br />

qu’à la fin <strong>de</strong> la première année, quand on introduisit d’autres<br />

aliments, qu’il reprit une bonne croissance. »<br />

« L’analyse permit d’éclaircir considérablement<br />

l’influence qu’avaient eue ces expériences <strong>sur</strong> l’ensemble <strong>de</strong><br />

son développement. Son aspe$ extérieur et ses attitu<strong>de</strong>s dans<br />

la vie adulte étaient fondés <strong>sur</strong> <strong>de</strong>s patrons établis dans cette<br />

première pério<strong>de</strong>. Par exemple nous remarquions à maintes<br />

reprises la tendance à se laisser influencer par d’autres<br />

personnes, sans discrimination – en fait, d’incorporer<br />

voracement tout ce qu’on lui offrait – en même temps qu’une<br />

gran<strong>de</strong> méfiance au cours du processus d’introje$ion. Ce<br />

processus était constamment perturbé par <strong>de</strong>s angoisses<br />

provenant <strong>de</strong> sources diverses, ce qui contribuait aussi à<br />

augmenter la voracité. »<br />

« En prenant le matériel <strong>de</strong> cette analyse comme un<br />

tout, je suis arrivée à la conclusion qu’au moment où se<br />

produisit la perte soudaine du sein et <strong>de</strong> la mère, le patient<br />

avait déjà établi dans une certaine me<strong>sur</strong>e une relation avec un<br />

objet “bon” et complet. Il était sans aucun doute déjà entré<br />

dans la position dépressive, mais il ne pouvait pas l’élaborer<br />

avec succès, et la position schizoparanoï<strong>de</strong> fut renforcée<br />

régressivement. Cela se manifestait dans l’“apathie” qui suivit<br />

une pério<strong>de</strong> où l’enfant avait déjà montré un intérêt vivant<br />

envers son entourage. Le fait qu’il eût atteint la position<br />

dépressive et introje$é un objet complet se révélait dans sa<br />

personnalité <strong>de</strong> diverses manières. Il avait réellement une<br />

<strong>Notes</strong> <strong>sur</strong> <strong>quelques</strong> mécan$mes <strong>schizoï<strong>de</strong>s</strong><br />

Mélanie Klein<br />

20


gran<strong>de</strong> capacité d’amour et une gran<strong>de</strong> nostalgie <strong>de</strong> son objet<br />

bon et complet. Un trait cara$éristique <strong>de</strong> sa personnalité<br />

était le désir d’aimer les gens et <strong>de</strong> leur faire confiance, ou,<br />

inconsciemment, <strong>de</strong> récupérer et <strong>de</strong> reconstruire le sein bon et<br />

complet qu’il avait jadis possédé et perdu. […] »<br />

« Résumé <strong>de</strong>s conclusions »<br />

« Je résumerai maintenant <strong>quelques</strong>-unes <strong>de</strong>s<br />

conclusions présentées dans ce travail. L’une <strong>de</strong> mes idées<br />

essentielles était que, dans les tout premiers mois <strong>de</strong> la vie,<br />

l’angoisse est <strong>sur</strong>tout vécue comme une peur <strong>de</strong> persécution,<br />

et que cela contribue à certains <strong>mécanismes</strong> <strong>de</strong> défense qui<br />

sont cara$éristiques <strong>de</strong> la position schizoparanoï<strong>de</strong>. Parmi ces<br />

défenses, le mécanisme <strong>de</strong> clivage <strong>de</strong>s objets internes et<br />

externes, <strong>de</strong>s émotions et du moi, a une importance<br />

particulière. Ces <strong>mécanismes</strong> <strong>de</strong> défense font partie du<br />

développement normal, et constituent en même temps la base<br />

<strong>de</strong> la schizophrénie ultérieure. J’ai décrit les processus qui<br />

sous-ten<strong>de</strong>nt l’i<strong>de</strong>ntification par projection comme une<br />

combinaison du clivage <strong>de</strong> parties <strong>de</strong> la personne et <strong>de</strong> leur<br />

proje$ion <strong>sur</strong> une autre personne, et <strong>quelques</strong>-uns <strong>de</strong>s effets<br />

qu’à cette i<strong>de</strong>ntification <strong>sur</strong> les relations d’objet normales et<br />

<strong>schizoï<strong>de</strong>s</strong>. L’éveil <strong>de</strong> la position dépressive est la conjon$ure<br />

dans laquelle les <strong>mécanismes</strong> <strong>schizoï<strong>de</strong>s</strong> peuvent être renforcés<br />

par régression. »<br />

21<br />

<strong>Notes</strong> <strong>sur</strong> <strong>quelques</strong> mécan$mes <strong>schizoï<strong>de</strong>s</strong><br />

Mélanie Klein


<strong>Notes</strong> <strong>sur</strong> <strong>quelques</strong> mécan$mes <strong>schizoï<strong>de</strong>s</strong><br />

Mélanie Klein<br />

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23<br />

<strong>Notes</strong> <strong>sur</strong> <strong>quelques</strong> mécan$mes <strong>schizoï<strong>de</strong>s</strong><br />

Mélanie Klein


<strong>Notes</strong> <strong>sur</strong> <strong>quelques</strong> mécan$mes <strong>schizoï<strong>de</strong>s</strong><br />

Mélanie Klein<br />

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