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Le port de Londres au XIIe siecle

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6%<br />

<strong>Le</strong> Port <strong>de</strong> <strong>Londres</strong> <strong>au</strong> XÏP siècle<br />

PAR<br />

J . DE STURLER<br />

Agrégé <strong>de</strong> ]'Enseignement Supérieur.<br />

L'énoncé du titre <strong>de</strong> cette conférence est net et suffisamment<br />

défini Il n'en est pas moins vrai que le sujet ainsi délimité<br />

est vaste et qu'il y <strong>au</strong>rait moyen, sans <strong>au</strong>cun doute, <strong>de</strong> s'étendre<br />

be<strong>au</strong>coup, trop longuement peut-être, sans en dépasser le'<br />

cadre. 11 est donc nécessaire <strong>de</strong> se limiter, <strong>de</strong> choisir et je crois<br />

bon d'indiquer, en commençant, quels seront les princip<strong>au</strong>x<br />

points que j'abor<strong>de</strong>rai successivement<br />

11 y a lieu tout d'abord d'attirer l'attention sur le rôle <strong>de</strong><br />

certains facteurs géographiques dans le développement du <strong>port</strong><br />

<strong>de</strong> <strong>Londres</strong>.<br />

Je donnerai ensuite un premier aperçu du développement<br />

commercial <strong>de</strong> <strong>Londres</strong> <strong>au</strong> Xlle siècle, tel qu'il peut apparaître<br />

à un prèmier coup d'oeil.<br />

Il sera question, en troisième lieu, assez brièvement à la<br />

vérité,, <strong>de</strong> l'organisation interne du <strong>port</strong> <strong>de</strong> <strong>Londres</strong> à cette<br />

époque.<br />

En quatrième lieu, je m'efforcerai d'évaluer quelle a pu être,<br />

<strong>au</strong> Xlle siècle, lim<strong>port</strong>ance et le rôle <strong>de</strong> <strong>Londres</strong> dans le trafic<br />

international et les échanges à longue distance dans l'Europe<br />

<strong>de</strong> cette époque. li semble assez indiqué d'examiner à ce propos,<br />

quelles ont été les relations commerciales internationales<br />

entre Loikires et les <strong>au</strong>tres nations commerçantes du Xlle siècle.<br />

C'est cet examen qui nous permettra <strong>de</strong> conclure, c'est-àdire<br />

d'apprécier quelle a 'été l'im<strong>port</strong>ance réelle du <strong>port</strong> <strong>de</strong><br />

<strong>Londres</strong> à cette époque.<br />

(I) Conférence publique faite in 29 juin 1936 à l'Université Libre <strong>de</strong> l3ruxeLles.<br />

pour Iobtentioti du gra<strong>de</strong> d'agrégé <strong>de</strong> l 'enseignement supérieur.<br />

Document<br />

JiIIIIIIJIIiIIFJJI IllJI IIIH<br />

0000005684731


- 62 -<br />

On ne s'expliquerait guère l'extraordinaire fortune qui a<br />

placé le <strong>port</strong> <strong>de</strong> <strong>Londres</strong> <strong>au</strong> premier rang <strong>de</strong>s <strong>port</strong>s d'Europe<br />

et même du mon<strong>de</strong> entier, M l'on ne tenait pas compte, dans<br />

une large mesure, du rôle <strong>de</strong>s facteurs géographiques. Pour<br />

s'en rendre compte, il n'est pas nécessaire d'étudier en détail<br />

les divers éléments constitutifs du site géographique <strong>de</strong> la capitale<br />

anglaise. Car il est assez évi<strong>de</strong>nt qu'un seul <strong>de</strong> ces éléments<br />

est essentiel c'est la présence du fleuve, c'est le cours <strong>de</strong> la<br />

Tamise et la proximité <strong>de</strong> son estuaire, largement ouvert sur<br />

la Mer du Nord (I).<br />

Mais ce qu'il im<strong>port</strong>e <strong>de</strong> considérer ici, ce n'est pas tant , le<br />

site géographique qu'occupe la vilk, <strong>au</strong> sens étroit et immédiat<br />

du terme, mais bien plutôt la situation géographique<br />

qu'elle occupe par rap<strong>port</strong> à l'archipel britannique et par rap<strong>port</strong><br />

<strong>au</strong> continent européen, plus particulièrement par rap<strong>port</strong><br />

<strong>au</strong>x différentes régions qui constituent ce que l'on peut appeler,<br />

le bassin <strong>de</strong> la Mer du Nord. Il suffit, en effet, <strong>de</strong> jeter les<br />

yeux sur la carte <strong>de</strong> l'Europe pour constater que l'estuaire <strong>de</strong><br />

la Tamise occupe vraiment une situation exceptionnelle, sinon<br />

unique, dans l'Europe septentrionale.<br />

En effet, on observera tout d'abord que les <strong>au</strong>tres pays riverains<br />

<strong>de</strong> la Mer du Nord sont disposés en quelque sorte en<br />

éventail <strong>au</strong>tour <strong>de</strong>s côtes orientales <strong>de</strong> l'Angleterre. D'<strong>au</strong>tre<br />

part, il s<strong>au</strong>te <strong>au</strong>x yeux que, <strong>de</strong> toué les hâvres et estuaires qui<br />

s'ouvrent dans ces côtes orientales, celui <strong>de</strong> la Tamise est à la<br />

fois le plus profond et le plus largement ouvert. En outre; et<br />

surtout, c'est le plus proche du Continent européen. 11 fait face<br />

à ceux <strong>de</strong> l'Esc<strong>au</strong>t, <strong>de</strong> la Meuse et du Rhin, qui ont toujours<br />

été, on le. sait, <strong>de</strong>s voies commerciales <strong>de</strong> premier ordre. Enfin,<br />

c'est à peine si cet estuaire ne s'ouvre pas directement sur le<br />

Pas-<strong>de</strong>-Calais, la Mâche et par là indirectement sur les mers<br />

plus lointaines <strong>au</strong>xquelles ces détroits 'donnent accès.<br />

Il est donc bien visible et d'une évi<strong>de</strong>nce presque frappante,<br />

que la cité qui s'est développée <strong>au</strong> fond <strong>de</strong> cet estuaire privilégiéest<br />

en quelque sorte pré<strong>de</strong>stinée à excer une attraction<br />

directe sur le trafic <strong>de</strong> . toute une série <strong>de</strong> régions d'outre-mer<br />

(I) A. DEMÂNCE0N, <strong>Le</strong> <strong>port</strong> <strong>de</strong> <strong>Londres</strong> et la Tamise (d'après L. L. ROOWELL<br />

JONES, The Geography of London Rive,, <strong>Londres</strong> 19314, ANNAIXS DE<br />

XLI (1932),, 523-526. - ID., <strong>Le</strong>s lies Britanniques (Paris, 1927), pp. 240 sq. -<br />

K. Ksoit; 'London im Mitteiniter (Vienne et <strong>Le</strong>ipzig, 1932). pp. l45,


- 63 -<br />

plus ou moins proches ou lointaines et à <strong>de</strong>venir le lieu <strong>de</strong><br />

rencontre <strong>de</strong>s commerçants et <strong>de</strong>s marins du Nord-Ouest <strong>de</strong><br />

I 'Europe.<br />

Telle a bien été, en effet, la <strong>de</strong>stinée du Port <strong>de</strong> <strong>Londres</strong>.<br />

A 'partir <strong>de</strong> quelle époque? On ne songera pas à contester qu'il<br />

en aît été ainsi <strong>de</strong>puis le milieu du XVIe siècle environ. Mais<br />

que penser <strong>de</strong> l'im<strong>port</strong>ance commerciale européenne <strong>de</strong><br />

.<strong>Londres</strong> <strong>au</strong>x siècles antérieurs, <strong>au</strong> moyen âge et plus particulièrement<br />

<strong>au</strong> Xlle siècle? C'est là une question à laquelle on<br />

ne peut répondre directement et sans hésitation. Il f<strong>au</strong>drait,<br />

semble-t-il, un examen préalable. C'est précisément, à cet<br />

examen que nous allons procé<strong>de</strong>r maintenant, sommairement<br />

bien entendu et en nous limitant, à l'état actuel <strong>de</strong>s connaissances,<br />

à ce que nous offrent les trav<strong>au</strong>x <strong>de</strong> nombreux <strong>de</strong>vanciers.<br />

Ce n'est qu'<strong>au</strong> terme <strong>de</strong> cet examen que nous verrons<br />

s'il nous est possible d'en dégager quelque conclusion, quelque<br />

certitu<strong>de</strong>.<br />

*<br />

• **<br />

Dans les limites du présent exposé, il serait hors <strong>de</strong> propos<br />

<strong>de</strong> s'étendre sur l'évolution commerciale du <strong>port</strong> <strong>de</strong> <strong>Londres</strong><br />

<strong>au</strong> cours <strong>de</strong>s siècles antérieurs. Je i'oudrais cependant relever,<br />

dans ce domaine, quelques traits caractéristiques, car ils<br />

montrent combien le développement <strong>de</strong> <strong>Londres</strong> comme <strong>port</strong><br />

<strong>de</strong> mer ouvert <strong>au</strong> commerce international est déjà considérable<br />

à , une époque relativement reculée. En effet, , une consignation<br />

<strong>de</strong>s droits d'im<strong>port</strong>ation perçus à Billingsgate, rédigée sous le<br />

roi saxon Ethelred 11(978-1016), dans les <strong>de</strong>rnières années du.<br />

Xe siècle, nous apprend que le <strong>port</strong> était fréquenté couramment,<br />

dès cette époque, par les marchands <strong>de</strong> France, <strong>de</strong><br />

Flandre, <strong>de</strong> Normandie et <strong>de</strong> Ponthieu, par les Lotharingiens<br />

<strong>de</strong> Huy. <strong>de</strong> Liège et <strong>de</strong> Nivelles, et par les sujets <strong>de</strong> l'Empereur<br />

(I). Il y a là, semble-t-il, la trace l'un développement tout<br />

à fait exceptionnel dans l'Europe du Nord-Ouest à cette époque.<br />

Au Xlle siècle, ce développement ne s'est pas arrêté, bien<br />

<strong>au</strong> contraire. Nous pouvons constater tout d'abord que les<br />

sources narratives anglàises sétendènt avec complaisance. sur<br />

(I) LIEBERMÂNN, Gcse&e <strong>de</strong>r Angelsachsen (Halle, 1898-1916, 3 vol.), I'.<br />

pp. 232-233. '


- 64 -<br />

la prospérité commerciale •<strong>de</strong> la capitale du roy<strong>au</strong>me. Voici.<br />

par exemple. le chroniqueur Guill<strong>au</strong>me <strong>de</strong> Malmesbury qui<br />

écrit (avant 1141): la noble cité <strong>de</strong> <strong>Londres</strong> regorge <strong>de</strong> richesses<br />

accumulées par ses habitants et <strong>de</strong> nombreux négociants .venus<br />

<strong>de</strong> toutes les nations, mais surtout <strong>de</strong> la Germanie, s'y pressent<br />

pour y accomplir leurs transactions (I). Voici encore le biographe<br />

<strong>de</strong> Thomas Becket, Guill<strong>au</strong>me Fitz-Stephen (avant<br />

1183), qui se laisse aller à décrire longuement la capitale où<br />

« les marchands <strong>de</strong> toutes les qui sont sous les cieux<br />

sont heureux <strong>de</strong> pouvoir, débarquer leurs marchandises n. Fitz-<br />

Stephen insiste sur le fait que la ville reçoit pour les retransmettre<br />

<strong>au</strong> loin les marchandises et les richesses (opes et merees<br />

longius transmittit) (2). On remarquera qu'il y a là une allusion<br />

très •nette à cette forme particulière <strong>de</strong> commerce que l'on<br />

désigne sous le nom <strong>de</strong> u commerce d'entrepôt », qui est à<br />

l'origine <strong>de</strong> la fortune <strong>de</strong> <strong>Londres</strong> et qui est, <strong>au</strong>jourd'hui encore,<br />

un trait •caractéristique et distinctif <strong>de</strong> -son activité commerciale<br />

(3).<br />

Fera-t-on valoir que ce sont là <strong>de</strong>s témoignages discutables<br />

parce qu'empruntés à <strong>de</strong>s sources littéraires qui ne sont<br />

exemptes ni d'imprécision ni d'exagération? je ne crois pas<br />

qu'on puisse, dans ce cas particulier, en contester l'exactitu<strong>de</strong><br />

et en voici les raisons. Tout d'abord il y a le prodigieux développement<br />

du <strong>port</strong> <strong>de</strong> <strong>Londres</strong> <strong>au</strong> Xllle siècle, qui implique<br />

impérieusement un développement antérieur assez consi dé<br />

-rable. D'<strong>au</strong>tre part c'est précisément <strong>au</strong> Xlle siècle que se<br />

situe la phase décisive <strong>de</strong> l'évolution politique et constitutionnelle<br />

<strong>de</strong> la ville <strong>de</strong> <strong>Londres</strong>; c'est <strong>au</strong> cours <strong>de</strong> ce siècle que la<br />

capitale conquiert, avant les <strong>au</strong>tres villes anglaises, une constitution<br />

urbaine d'un type entièrement nouve<strong>au</strong> et qu'elle se<br />

constitue en commune (4). Or, c'est un fit bien connu qu'à<br />

l'époque envisagée ici <strong>de</strong> pareilles réformes impliquent toujours<br />

(I) e Lundonia, duitas nobiils, opima ciuium divijiis, constipaa ncgotiatorum ex<br />

omnï terra et maxime ex Gerrnania uenienhu,n commertis » (Wilietmi Malniesbericnsis<br />

Gesta Pont if leur,, Anglorum I. II. e. 73. in M. G. H., SS. 'XIII, 37).<br />

(2) WIWAM FITZ.STEPHEN, Vila sanc,ti Thomac, apnd J. C. ROBERTSON, Materiais<br />

for the Hissai-y o! Thomas Becket, t. III 4<strong>Londres</strong>, 877). pp. 2, 7.<br />

(3) A. DEMANGEON, <strong>Le</strong>s fies Britanniques, p. 241.<br />

(4) Ch. PETIT-IJÙTAILUS, <strong>Londres</strong> ou XII' siècle (dan» W. Si'usss,, Histoire<br />

constitutionnelle <strong>de</strong> l'Angleterre, t. 1 Paris, 1907, pp. 845-860). J. H. Rouso,<br />

The Commune of London (Westminster, 1899). - F. M. STENTON, Nom,an London<br />

(No.w. éd., Londre,. 1934). pp. 17-19.


65 -<br />

<strong>de</strong>s changements <strong>de</strong> fait dans l'ordre économique et social,<br />

<strong>au</strong>xquels le développement commercial <strong>de</strong> l'agglomération ne<br />

peut être étranger. Enfin, on ne s<strong>au</strong>rait perdre <strong>de</strong> vue que<br />

ces données sont entièrement conformes à ce que i'on sait par<br />

ailleurs <strong>de</strong> la vie économique <strong>de</strong> l'Angleterre <strong>au</strong> Xlle siècle.<br />

En effet, l'Angleterre <strong>de</strong> cette époque est avant tout un pays<br />

producteur <strong>de</strong> matières premières (I): la laine, dont la production<br />

s'intensifie si rapi<strong>de</strong>ment <strong>au</strong> Xlle siècle, les mét<strong>au</strong>x (le<br />

fer du Sussex et du Cumberland, l'étain du Devon et <strong>de</strong> la<br />

Cornouaille), les produits <strong>de</strong> l'agriculture et <strong>de</strong> l'élevage (2).<br />

Or, il f<strong>au</strong>t noter qu'<strong>au</strong> Xlle siècle l'ex<strong>port</strong>ation <strong>de</strong> ces produits<br />

est presque exclusivement un commerce u passif n en ce sens<br />

que la presque totalité <strong>de</strong> cette production est ex<strong>port</strong>ée d'Angleterre<br />

par <strong>de</strong>s marchands étranger. L'extension considérable<br />

<strong>de</strong>s possessions continentales <strong>de</strong>s rois d'Angleterre à la fin du<br />

Xlle siècle est d'ailleurs également faite pour intensifier le<br />

commerce maritime. C'est donc en gand nombre que les corn-,<br />

merçants étrangers, les u aliens n, apparaissent dans les princip<strong>au</strong>x<br />

<strong>port</strong>s <strong>de</strong> mer du roy<strong>au</strong>me. Il est vrai qu'ils y sont fréquemment<br />

l'objet d'une hostilité plus ou moins ouverte. <strong>Le</strong><br />

sentiment xénophobe est tout à fait courant <strong>au</strong> moyen-âge et<br />

il était sans doute particulièrement accusé chez <strong>de</strong>s insulaires.<br />

Il est à la base <strong>de</strong> toute une série <strong>de</strong> dispositions législatives<br />

ou coutumières qui visent à limiter l'activité <strong>de</strong>s « aliens n<br />

dans les centres urbains, en la soumettant à <strong>de</strong>s restrictions tracassières.<br />

La cité <strong>de</strong> <strong>Londres</strong> ne fait pas exception à la règle<br />

et se montre à l'occasion très jalouse <strong>de</strong> faire respecter les<br />

privilèges <strong>de</strong> ses habitants. Mais, d'<strong>au</strong>tre part, le particularisme<br />

<strong>de</strong>s cités se heurte à l'opposition <strong>de</strong> pouvoir royal. De<br />

bonne heure, les rois et les grands du roy<strong>au</strong>me ont adopté visà-vis<br />

<strong>de</strong>s étrangers une attitu<strong>de</strong> résolument opposée et conforme<br />

à leurs intérêts <strong>de</strong> classe. En effet, ce sont les négociants étrangers<br />

qui im<strong>port</strong>ent dans le roy<strong>au</strong>me les articles <strong>de</strong> luxe que<br />

requiert leur train <strong>de</strong> vie somptueux. De plus, à l'occasion,<br />

(I) G. BRODNJTZ, EngIiche Wirftchafesgeschichte, t. I (Jena, 1918), pp. 232.236.<br />

(2) R. WHITWELL, Eng1th Monaslcries and ihe Waal Trada (Viertetjaf,rschr. J.<br />

Sozia!- u. WiHscha/tsgesch., II, pp. 1-33), - E. Lwsos, Eeonomic Hisrory of<br />

England, I (LOI1dTCS, 1929), p. 221. - L. F. SÀLZMAN, English Traie oj the<br />

Audite-Ages (Oxford, 1931). pp. 280.285.


ces étrangers ouvrent crédit et se transforment volontiers en<br />

bailleurs <strong>de</strong> fonds. Enfin, la couronne ne néglige pas la source<br />

<strong>de</strong> revenus que peut constituer, dès cette époque, l'ensemble<br />

<strong>de</strong>s droits levés sur la circulation <strong>de</strong>s marchandises im<strong>port</strong>ées<br />

(I).<br />

Ceci nous amène à dire un mot <strong>de</strong> l'organisation générale<br />

du <strong>port</strong> <strong>de</strong> <strong>Londres</strong> <strong>au</strong> Xlle siècle. L'organisation <strong>de</strong>s douanes<br />

anglaises, telle qu'elle subsiste encore actuellement, est très<br />

ancienne, sans toutefois remonter <strong>au</strong> Xlle siècle; elle date<br />

du règne d'Edouard I, plus précisémentdu <strong>de</strong>rnier tiers du<br />

Mlle siècle, Antérieurement à cette date, c'est un officier<br />

royal, le chambellan, qui dirige la perception <strong>de</strong>s droits d'entrée<br />

levés sur les marchandises im<strong>port</strong>ées à <strong>Londres</strong> par voie <strong>de</strong><br />

mer (2). De temps immémorial c'est à Billingsgate, en aval<br />

<strong>de</strong> London Bridge, que s'opère cette perception, à l'endroit<br />

même où s'élèvent, <strong>de</strong> nos jours encore, les bâtiments <strong>de</strong> la<br />

douane, le Customs l-lôuse. En <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s douanes, toutes<br />

les matières concernant l'organisation, la police et la surveillance<br />

du <strong>port</strong> sont <strong>de</strong> la compétence <strong>de</strong> l'<strong>au</strong>torité municipale,du<br />

magistrat <strong>de</strong> <strong>Londres</strong>, en vertu <strong>de</strong> pouvoirs délégués par<br />

l'Etat. C'est également à la Cité qu'incombent dès cette époque<br />

et il en a été ainsi jusqu'en 1857.— les trav<strong>au</strong>x d'entretien<br />

du cours <strong>de</strong> la Tamise, le dragage <strong>de</strong>s passes, le balisage, bref<br />

tout ce que semblable mission peut com<strong>port</strong>er (3). lI semble<br />

d'ailleurs que ce soit <strong>au</strong> <strong>XIIe</strong> siècle que l'on aît procédé à la<br />

l'endiguement du fleuve entre <strong>Londres</strong> et la mer (4). D'<strong>au</strong>tre<br />

part, c'est du <strong>de</strong>rnier quart du siècle que date la reconstruction,<br />

en pierre, du fameux pont <strong>de</strong> <strong>Londres</strong> qui, n'était jusque<br />

là qu'un léger pont <strong>de</strong> bois. <strong>Le</strong> nouve<strong>au</strong> pont présente <strong>de</strong>s piles<br />

larges et <strong>de</strong>s arches étroites; il constitue désormais comme un<br />

barrage établi sur le fleuve, ce qui tend à créer une ligne <strong>de</strong><br />

démarcation plus ou moins nette entre la navigation fluviale<br />

(1) J. DE STURLER <strong>Le</strong>s relations politiques et IC3 échanges commerci<strong>au</strong>x entre te<br />

duché ' <strong>de</strong> Brabant es l'Angleterre ais moyen âge (Paris, 1936), pp. 86-87. et les<br />

oovragcs cités en cet endroit.<br />

(2) H. HALL, A History o! the Custorn Revenue in Engtend (<strong>Londres</strong>, 1892,<br />

2 vol.), Il, pp. 3-5, 37. - N. S. B. GRAS, The Early Lng/ish Custnms Syste,n<br />

(<strong>Londres</strong> et Cambridge. 1918), p. 95.<br />

(3) G. BR000BANK, A Nistorj ai the Port of London (<strong>Londres</strong>, 1921, 2 vol.);<br />

I, pp. 32-35. -<br />

(4) lbiaem, pp. 29-32.


- 67.—<br />

venant <strong>de</strong> l'amont et la navigation maritime venant <strong>de</strong> la<br />

mer (I). C'est donc .à proprement parkr en aval <strong>de</strong> London<br />

Bidge que s'étend le <strong>port</strong> <strong>de</strong> mer <strong>de</strong> iatapitale. Il est difficile<br />

<strong>de</strong> préciser son étendue exacte <strong>au</strong> Xlle siècle. Toujours est-il<br />

que nous savons qu'<strong>au</strong> siècle suivant le <strong>port</strong> s'étendait, <strong>de</strong>puis<br />

ce pont, sur les <strong>de</strong>ux rives <strong>de</strong> la Tamise, jusqu'à h<strong>au</strong>teur <strong>de</strong><br />

Greenwich (2). 11 suffit <strong>de</strong> connaître les gran<strong>de</strong>s lignes <strong>de</strong> la<br />

topographie <strong>de</strong> <strong>Londres</strong> et <strong>de</strong> ses f<strong>au</strong>bourgs; pour apprécier<br />

l'étendue déjà considérable <strong>de</strong> ce <strong>port</strong>, surtout si on le considère,<br />

comme il se doit, à l'échelle d'une ville - même d'une<br />

gran<strong>de</strong> ville --- du moyen 'âge.<br />

*<br />

**<br />

Mais je m'en voudrais d'insister plus longuement sur la<br />

topographie du <strong>port</strong> <strong>de</strong> <strong>Londres</strong>. Pour apprécier l'im<strong>port</strong>ance<br />

<strong>de</strong> son commerce <strong>au</strong> Xlle siècle, nus disposons, en effet;<br />

<strong>de</strong> données <strong>au</strong>trement révélatrices. C'est avec leur concours<br />

qu'il nous f<strong>au</strong>t essayer <strong>de</strong> nous former quelque idée <strong>de</strong> ce<br />

qu'était à cette époque ce qu'il est convenu d'appeler le mou<br />

ventent <strong>de</strong> ce <strong>port</strong>, quelle était la place qu'il occupait dans<br />

le commerce maritime international ou européen. Il est presque<br />

superflu <strong>de</strong> dire qu'il ne s<strong>au</strong>rait être question <strong>de</strong> fournir à cet<br />

effet <strong>de</strong>s chiffres précis, <strong>de</strong>s matéri<strong>au</strong>x statistiques. S'il est possible<br />

d'en produire pour <strong>de</strong>s époques légèrement postérieures<br />

(les XllL e et XIV° siècles), grâce à la prodigieuse richesse <strong>de</strong>s<br />

sources d'ordre fiscal que recèlent les dépôts d'archives britanniques,<br />

il n'en est cependant pas <strong>de</strong> même pour le<br />

Xlle siècle. Mais il convient d'ajouter immédiatement qu'un<br />

ensemble<strong>de</strong> données <strong>de</strong> ce genre relatives <strong>au</strong> <strong>port</strong> <strong>de</strong> <strong>Londres</strong><br />

ne pourrait avoir <strong>au</strong>cune Caleur comparativepuisque l'on ne<br />

pourrait mettre en regard <strong>au</strong>cune précision analogue concernant<br />

d'<strong>au</strong>tres <strong>port</strong>s européens à la même époque. Nous pouvons<br />

<strong>au</strong> contraire nous former une image be<strong>au</strong>coup plus significative<br />

et be<strong>au</strong>coup plus juste <strong>de</strong> ce qu'était le <strong>port</strong> <strong>de</strong> <strong>Londres</strong><br />

<strong>au</strong> Xlle siècle en examinant quelles étaient les différentes<br />

nations commerçantes représentées sur le marché <strong>de</strong> la capi-<br />

(I) Ibi<strong>de</strong>m, p. 28,<br />

42) HALL, o. c., I!, pp. 24-25.


68 -<br />

tale à cette époque et quelle peut avoir été l'im<strong>port</strong>ance du<br />

trafic qu'elles y exerçaient. Nous allons entreprendre cette<br />

revue en adoptant, pour les besoins <strong>de</strong> l'exposé, un classement<br />

géographique <strong>de</strong>s régions intéressées.<br />

Il est presque superflu <strong>de</strong> dire que nous exclurons <strong>de</strong> cet<br />

examen les territoires compris dans l'archipel britannique,<br />

même ceux qui ne font pas partie du roy<strong>au</strong>me d'Angleterre<br />

(roy<strong>au</strong>me d'Ecosse, lie <strong>de</strong> Man, Pays <strong>de</strong> Galles, Irlan<strong>de</strong>). <strong>Le</strong><br />

trafic par terre ou le trafic maritme côtier entre <strong>Londres</strong> et<br />

ces régions (I) doit être considéré comme négligeable du point<br />

<strong>de</strong> vue <strong>au</strong>quel nous <strong>de</strong>vons nous placer ici, celui <strong>de</strong>s échanges<br />

internation<strong>au</strong>x et du commerce maritime.<br />

Ceci dit, <strong>port</strong>ant nos regards vers la partie septentrionale,<br />

du bassin <strong>de</strong> la Mer du Nord, nous discernons immédiatement<br />

un premier groupe <strong>de</strong> régions dont les relations commerciales<br />

avec l'Angleterre sont anciennes <strong>de</strong> plusieurs siècles ce sont<br />

l'es pays scandinaves, plus particulièrement la Norvège et le<br />

Danemark. La navigation entre ces pays et les lIes Britanniques<br />

a été, on le sait, extrêmement assidue '<strong>au</strong> h<strong>au</strong>t moyen<br />

âge, particulièrement à la suite <strong>de</strong>s migrations du IXe siècle<br />

(2). On a cru pouvoir affirmer que l'intensité <strong>de</strong> ce trafic a<br />

be<strong>au</strong>coup décru par la suite et dès le Xlle siècle en particulier<br />

(3). C'est là une opinion en gran<strong>de</strong> partie erronée. Vers<br />

le milieu du 'Xlle siècle, encore, on constate que les Danois et<br />

les Norvégiens jouissent à <strong>Londres</strong> d'un traitement d'exception,<br />

en ce ser's,qu'ils ont le droit <strong>de</strong> prolonger leur séjour dans la<br />

ville jusqu'à une année (4), la durée maximum du séjour <strong>de</strong><br />

l'étranger étant généralement fixée , à 40 jours. Sans doute, le<br />

commerce <strong>de</strong>s Danois à <strong>Londres</strong> est-il en régression vers la<br />

fin du Xlle siècle, puisque nous voyons les Danois cé<strong>de</strong>r <strong>au</strong>x<br />

marchands <strong>de</strong> Cologne 'la u halle u' ou « salle u qu'ils possé-<br />

(I) SALZIAN. o. e; pp. 2I5sq. - G. S±HANZ, Engtischc HandcIspo!i!i (<strong>Le</strong>ipzig,<br />

1881, 2 vol.). I, 213.<br />

(2) A. BUGGE, Die nor<strong>de</strong>uropaischcn Verehrswcge in, /riihen Mittelaltcr (Vie:feljahrschr.<br />

j. Sozial- ii. Wirfscha/tsgcsch., IV, 1906), pp. 230 sq., 256 sq..<br />

261 sq. .- E. LIPS0N, ø. t., 1, 445 sq.<br />

(3) W. CItNNINGF4AM, The Growth c4 Eng!ish !ndustry und Commerce. I (5' éd.<br />

Cambtidge, 927), p, 183. -<br />

(4) Botsate Danoruta et Noeweygiorum », p. p. A. BUGGE, Akstykker vedroren<strong>de</strong><br />

Norges Forbin<strong>de</strong>lse mcd <strong>de</strong> Britiskc Ocr, t. I. (Christiania, 1910 Diplorna-jarium<br />

Noroegicurn, XIX, I,' pp. 91-92. n° 112. - Hansi,ches U,kun<strong>de</strong>nbuch.<br />

t. 111 (Halle, 886), n° 603, p. 392. -


daient à <strong>Londres</strong> dans la paroisse <strong>de</strong> St-Clement the Dames (I).<br />

Cependant ils déploient encore une activité appréciable sur<br />

le marché <strong>de</strong> Londre s<strong>au</strong> cours du Xllle siècle (2). Il en est<br />

<strong>de</strong> même <strong>de</strong>s Norvégiens (3), <strong>au</strong>xquels il f<strong>au</strong>t peut-être joindre<br />

dès cette époque, .les Gotiandais, en entendant par là les habitants<br />

andrigènes <strong>de</strong> l'île <strong>de</strong> Gotland (particulièrement ceux <strong>de</strong>.<br />

Wisby), qu'il f<strong>au</strong>t distinguer <strong>de</strong>s colons hanséates qui s'éta-<br />

.blissent dans l'île par la suite (4).<br />

Non moins im<strong>port</strong>ant est le trafic exercé par les négociants<br />

<strong>de</strong>s villes commerçantes <strong>de</strong> l'Allemagne septentrionale et <strong>de</strong><br />

la Baltique, celles qui se grouperont plus tard sous la dénomination<br />

<strong>de</strong> villes <strong>de</strong> la Hanse Teutonique. <strong>Le</strong>s marchands<br />

<strong>de</strong> ces régions apparaissent dès la fin du Xe siècle sur le marché<br />

<strong>de</strong> <strong>Londres</strong>, sous le nom.<strong>de</strong> hommes ou sujets <strong>de</strong> l'Empereur<br />

(hommes imperatoris) (5). Au Xlle siècle, ils constituent<br />

déjà le plus puissant groupement <strong>de</strong> négociants étrangers fréquentant<br />

la capitale anglaise (6). D'ailleurs il est à remarquer<br />

qu'<strong>au</strong>x Xlle et Xllle siècles, c'est le trafic avec <strong>Londres</strong> qui<br />

concentre la plus grosse part <strong>de</strong>s intérêts commerci<strong>au</strong>x <strong>de</strong>s<br />

villes <strong>de</strong> la Hanse. En effet; la compétition qui oppose, pendant<br />

tout le Xllle siècle, le groupe <strong>de</strong>s villes orientales<br />

(Lübeck, Rostock, Stralsund, Hambourg) <strong>au</strong> groupe <strong>de</strong>s villes<br />

occi<strong>de</strong>ntales (Cologne, Dortmund, Munster, Osnabrück et<br />

Soest) a pour enjeu principal l'hégémonie sur le marché anglais,<br />

plus particulièrement sur le marché <strong>de</strong> <strong>Londres</strong> (7). Ceci nous<br />

permet <strong>de</strong> mesurer pleinement l'im<strong>port</strong>ance <strong>de</strong> <strong>Londres</strong> dans<br />

la vie commerciale <strong>de</strong> l'Europe du Nord-Ouest à cette époque.<br />

<strong>Le</strong>s négociants allemands qui fréquentent le <strong>port</strong> <strong>de</strong> <strong>Londres</strong><br />

<strong>au</strong> XIk siècle sont ceux <strong>de</strong>s villes <strong>de</strong> la Rhénanie septen-<br />

(I) A. BUCCE, Kicine Bcit,ôge rue a/testen Geschichte <strong>de</strong>: <strong>de</strong>uschen 14an<strong>de</strong>(nnie<strong>de</strong>rlas300g<br />

mi A uslan<strong>de</strong> (Vicrtcljahrnchr. J. Sozial- u. (l'irtschaftsgeschiclilc, VI.<br />

1908). p. 187. - In., Dia Verehriwege..., pp. 262-264.<br />

(2) Particulièrement tes marchands <strong>de</strong> Ribe (ail. Ripen) sur la côte occi<strong>de</strong>ntale<br />

du Jutland BUGGE, Die If erkehrswcge, pp. 264-265.<br />

(3) Ibi<strong>de</strong>m, p. 266.<br />

(4) Ih<strong>de</strong>m. p. 267. - BUGcE, Gotlacndingernes Ron<strong>de</strong>l pua England og Norge<br />

(Nork Hisiorisk Tidsskrij t, 3" série, t. V. 898). pp. 4-6, etc.<br />

(5'. LiEoEnMxr, Gaseiza, I. n'. 232-233.<br />

(6) Voir la « commune ad hommes le empernur dAliemayne » dans Hansische<br />

Urkssn<strong>de</strong>nbucls, t. iii, n° 603. p. 391. - Voir. également ic texte 4e MÀLa1ESBuRY<br />

reproduit plus h<strong>au</strong>t, p. 64. n. I. Cf. CUNNINGHAM. GrowUs, I. p. 196.<br />

(7) K. KUNZE. Dos ciste Jahrhun<strong>de</strong>rt dur <strong>de</strong>uschen Hanse in England (Hans6che<br />

Gcschid,tsbliittcr, 1889), pp. 130 aq.<br />

1


- 70<br />

trionale et <strong>de</strong> la Westphalie, -en ordre principal ceux <strong>de</strong><br />

Cologne, qui y possè<strong>de</strong>nt, dès 1157 <strong>au</strong> moins, un établisemenÏ<br />

particulier qualifié <strong>de</strong> damas (I), qui <strong>de</strong>viendra plus tard la<br />

célèbre Gildhaflc ou Stapelhoj <strong>de</strong> la Hanse Teutonique (2).<br />

A côté <strong>de</strong>s marchands rhénans et westphaliens, il est éalement<br />

fait mention <strong>de</strong> ceux <strong>de</strong> Brème (3) qui se rattachent <strong>au</strong><br />

même groupe. Ces marchands im<strong>port</strong>ent en Angleterre les produits<br />

bruts ou à <strong>de</strong>mi-façonnés <strong>de</strong> l'Allemagne Orientale, <strong>de</strong><br />

la Russie et <strong>de</strong>s pays baltes les fourrures, le bois, ic bitume<br />

et la poix. Ils im<strong>port</strong>ent <strong>au</strong>ssi les épices et les articles <strong>de</strong> luxe<br />

venus du proche Orient par la Russie ou par les vallées du<br />

Danube et <strong>de</strong> ses affluents. <strong>Le</strong>s Colonais pratiquent, en outre,<br />

l'im<strong>port</strong>ation du vin du Rhin et <strong>de</strong> la Moselle, en qiliantités<br />

déjà appréciables. Ils constituent leur fret <strong>de</strong> retour en plomb,<br />

en étain, en laines et en pe<strong>au</strong>x qu'ils ex<strong>port</strong>ent d'Angleterre<br />

(4).<br />

Poursuivant notre revue <strong>de</strong>s différentes régions commerçantes<br />

du bassin <strong>de</strong> la Mer du Nord, il nous f<strong>au</strong>t considérer<br />

à présent les Pays-Bas, c'est-à-dire l'ensemble <strong>de</strong>s territoires<br />

compris actuellement dans les roy<strong>au</strong>mes <strong>de</strong> Belgique et <strong>de</strong>s<br />

Pays-Bas. La <strong>port</strong>ion septentrionale <strong>de</strong> ces territoires, soit<br />

l'actuel roy<strong>au</strong>me <strong>de</strong>s Pays-Bas, ne retiendra pas longtemps<br />

notre attention. Il n'est guère trace <strong>de</strong> relations commerciales<br />

entre ces régions et l'Angleterre <strong>au</strong> Xlle siècle (5).<br />

Une seule exception c'est la ville <strong>de</strong> Tiel, sur le Waal, à<br />

la frontière <strong>de</strong> la Gueldre et du Brabant, <strong>au</strong>jourd'hui petite<br />

ville entièrement déchue, mais qui a été <strong>au</strong> h<strong>au</strong>t moyen âge<br />

une cité commerçante extrêmement prospère et qui reste,<br />

jusqu'à la fin du Xlle siècle, en relations commerciales suivies<br />

avec <strong>Londres</strong> (6). Au contraire si l'on envisage l'ensemble<br />

(I) Ibi<strong>de</strong>m, p. 130. - H. BAcHTOLD, Der Norddcutsche Hrsn<strong>de</strong>l im 12. Jahr-<br />

!iun<strong>de</strong>rt (Berlin et <strong>Le</strong>ipzig, 1910), pp. 231, 236, 238. -<br />

(2) Au bond <strong>de</strong> la Tamise, en amont <strong>de</strong> London Bridge, dans 1 hamea street.<br />

près <strong>de</strong> l'emplacement actuel <strong>de</strong> la gare <strong>de</strong> Cannon stre& Description <strong>de</strong> l'édifice,<br />

<strong>au</strong>jourd'hui disparu, dans STow, Sur&ey oJ London (1598), éd. <strong>de</strong> 1890, pp. 233-235.<br />

(3) BAcHTOLD, o. e., 230-231.<br />

(4) Ibidém., 238-239, - L. l3nEwrAso, Geachichte Jet wirischaftlichen En!w(e1u'ng<br />

Englonds, I liens, 1927), p. 300. - CUNNINGHAM. Growth, I, p. 196.<br />

- (5) Cf. J RuiN, De oudste hon<strong>de</strong>lshe!rekkingen von HoUonS en Zeeland met<br />

bngelend (Amsterdam, 1919), pp. 1-2. III. - Cf.. <strong>au</strong>ssi BAcHTOLD, o. e.. pp. 232-<br />

234. (6) J . oc STIJALER. <strong>Le</strong>s relations et /es échanges. pp. 138-140.


- 7!.—<br />

constitué par les Pays-Bas méridion<strong>au</strong>x (actuel roy<strong>au</strong>me <strong>de</strong><br />

Belgique), on peut dire sans exagération que leur trafic avec<br />

l'Angleterre est <strong>au</strong>ssi im<strong>port</strong>ant que celui <strong>de</strong>s princip<strong>au</strong>tés septentrionales<br />

est insignifiant. Tout le mon<strong>de</strong> sait que nos provinces<br />

forment <strong>au</strong> moyen âge la principale région industrielle<br />

<strong>de</strong> l'Europe du Nord-Ouest et que c'est <strong>de</strong> l'im<strong>port</strong>ation <strong>de</strong> la<br />

laine anglaise que dépend l'approvisionnement <strong>de</strong> l'industrie<br />

drapière qui s'y est développée. Il en est déjà ainsi <strong>au</strong><br />

Xlle siècle, particulièrement en ce qui concerne la Flandre,<br />

à laquelle on doit rattacher l'Artois, <strong>Le</strong> développement <strong>de</strong> la<br />

draperie est déjà considérable dans ces régions à l'époque où<br />

nous nous plaçons ici. Aussi les Flamands sont-ils les princip<strong>au</strong>x<br />

ex<strong>port</strong>ateurs <strong>de</strong> laine anglaise <strong>au</strong> XIle siècle. <strong>Le</strong>s marchands<br />

drapiers <strong>de</strong> Gand, <strong>de</strong> Bruges, d'Ypres et surtout <strong>de</strong><br />

Saint-Orner apparaissent couramment sur le marché <strong>de</strong><br />

.<strong>Londres</strong>, où ils écoulent leurs draps et où ils concentrent leurs<br />

achats <strong>de</strong> laine (I). A côté <strong>de</strong>s Flamands, il y a les commerçants<br />

<strong>de</strong>s <strong>au</strong>tres territoires <strong>au</strong>jourd'hui belges, alors compris<br />

dans le duché <strong>de</strong> Basse-Lotharingie. <strong>Le</strong>s Lotharingiens, les<br />

II Lorengs u comme on les désigne en français anglo-normand,<br />

visitent régulièrement le. <strong>port</strong> <strong>de</strong> <strong>Londres</strong>, où ils im<strong>port</strong>ent,<br />

comme les Allemands, le vin rhénan ou mosellan et <strong>de</strong>s articles<br />

<strong>de</strong> luxe qui relèvent du commerce <strong>de</strong> transit; ils y jouissent<br />

d'un traitement particulier <strong>au</strong> même titre que les Impéri<strong>au</strong>x,<br />

les Danois et les Norvégiens (2).<br />

On ne peut accor<strong>de</strong>r la même attention à l'activité comrner<br />

ciale <strong>de</strong>s marchands <strong>de</strong>s régions du Nord-Est <strong>de</strong> la France,<br />

qui s'éten<strong>de</strong>nt entre les Pays-Bas et la vallée <strong>de</strong> la Seine le<br />

Boulonnais, le Ponthieu, la Picardie et la H<strong>au</strong>te-Normandie.<br />

On ne rencontre sur ce littoral <strong>au</strong>cun <strong>port</strong> <strong>de</strong> mer <strong>de</strong> gran<strong>de</strong><br />

im<strong>port</strong>ance, si ce n'est peut-être Calais (3) et Boulogne.<br />

D'<strong>au</strong>tre part, le développement industriel <strong>de</strong>s villes <strong>de</strong> l'inté-<br />

(I) G. G. DEPT, Las marchands flamands el la roi d'Angleterre- (Renne. da<br />

Nord, t. XII, 1926). pp. 303-324. - H. PIRENNE, La Hanse flaman<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>Londres</strong><br />

(Bulletin <strong>de</strong> lA cad. Royale <strong>de</strong> Belgiqua. Cl. <strong>de</strong>s <strong>Le</strong>ttres, XXXVII, 2. I899,<br />

PP . 65-108). - A. Giny, Histoire <strong>de</strong> do ville <strong>de</strong> Sain-Omer (Paris. 1877), pp. 3k-<br />

317. 381. 413. -_Voir <strong>au</strong>ssi les articles <strong>de</strong> H. JENKIN5ON, & ,J.H. ROUND ci <strong>de</strong><br />

Ch. HÀSKIN5 sur Guill<strong>au</strong>me Ca<strong>de</strong>. <strong>de</strong> Saint-Orner, dans English Historical Reoiew.<br />

t. XXVIII, pp. 209 sq., 522 s., 730 sq.<br />

(2) J. DE STURLER, <strong>Le</strong>s relations, pp. 78-80.<br />

43) Privilège <strong>de</strong> Richard I <strong>au</strong>x C-alésiens. 1194: J. H. ROUND, Calcndar. of<br />

Documents in Fronce (<strong>Londres</strong>, 1899), p. 480.<br />

ri


72 -<br />

rieur <strong>de</strong>s terres est, <strong>au</strong> Xlle siècle, <strong>de</strong> loin inférieur à celui<br />

<strong>de</strong>s cités flaman<strong>de</strong>s. Par contre, certains <strong>port</strong>s ont dû jouer,<br />

dès cette époque, le rôle <strong>de</strong> lieux <strong>de</strong> débarquements et d'embarquement<br />

dans la circulation <strong>de</strong>s marchandises entre l'Angleterre<br />

et les célèbres foires <strong>de</strong> la Champagne et <strong>de</strong> la Brie (I).<br />

Tout <strong>au</strong>tre est l'aspect que présente la Basse-Normandje,<br />

avec un estuaire profond, une large vallée fluviale et un grand<br />

<strong>port</strong> <strong>de</strong> mer Rouen. <strong>Le</strong>s marchands <strong>de</strong> Rouen fréquentent<br />

déjà le <strong>port</strong> <strong>de</strong> <strong>Londres</strong> antérieurement à la domination norman<strong>de</strong><br />

(2). 11 est certain que la conquête <strong>de</strong> l'Angleterre par<br />

le duc <strong>de</strong> Normandie a considérablement intensifié ces relations,<br />

qui atteignent, <strong>au</strong> Xlle siècle, une très gran<strong>de</strong> assiduité<br />

(3). <strong>Le</strong> principal objet du commerce <strong>de</strong>s Rouennais avec<br />

l'Angleterre est l'im<strong>port</strong>ation à <strong>Londres</strong> <strong>de</strong> vins français, plus<br />

particulièrement <strong>de</strong> ceux qu'on appelle les « vins d'amont<br />

c'est-à-dire les crus du centre <strong>de</strong> la France, <strong>de</strong> l'Orléanais, <strong>de</strong><br />

l'Auxerrois et <strong>de</strong> la Bourgogne, qui constituent dès le Xlle siècle<br />

un article très apprécié du consommateur anglais (4).<br />

Au <strong>de</strong>là <strong>de</strong> la Normandie s'étend la Bretagne, qu'il n'y a<br />

lieu <strong>de</strong> mentionner que pour mémoire: En dépit <strong>de</strong>s avantages<br />

initi<strong>au</strong>x que leur confère une situation géographique exceptionnellement<br />

favorable, les Bretons sont restés, pendant la plus<br />

gran<strong>de</strong> partie du moyen âge - et en tout cas <strong>au</strong> Xlle siècle -<br />

plutôt pirates que commerçants (5) et on ne les voit point<br />

apparaître sur le marché <strong>de</strong> <strong>Londres</strong>.<br />

<strong>Le</strong> Sud-Ouest <strong>de</strong> la Bretagne, l'embouchure <strong>de</strong> la Loire avec<br />

Nantes, la Baie <strong>de</strong> Bourgneuf, se rattachent, semble-t-il; assez.<br />

naturellement à un <strong>au</strong>tre groupe <strong>de</strong> régions qui s'éten<strong>de</strong>nt<br />

<strong>au</strong> Sud <strong>de</strong> la Loire, le long <strong>de</strong> la côte, jusqu'<strong>au</strong>x limites du<br />

Bor<strong>de</strong>lais ce sont les pays <strong>de</strong> Poitou, <strong>de</strong> Saintonge et d'Aunis.<br />

Comme l'écrit M. BOI3s0NNAÔE, « c'est le commerce avec l'Angleterre<br />

qui tient alors fi.e. <strong>au</strong>x Xlle et Mlle siècles] la pré-<br />

(1) ScHÀxz. Eng(i,che Handc1spo)iii, I. 293, à rapprocher <strong>de</strong> H. LAURENT, L<br />

draperie <strong>de</strong>s Pays-Bas en Francs et dans les pays méditerranéens (Paris, 1935).<br />

P. 85.<br />

(2) LrEBr.RMANN. GeseIze..., t. I. pp. 232.233.<br />

(3) ROUND, Documents in Fronce. pp. 34-35. 35-36. - E. DE FRtVILLE, <strong>Le</strong><br />

commerce maritime <strong>de</strong> Roue,, (Rouais, 1857, 2 vol.), I. pp. 108-120.<br />

(4) DE IRÉVJLLE, o. e., I, 203-204. - CUNNINCHAsi, o. ç., I, 197.<br />

(5) Cf. Findigence <strong>de</strong>s données réunies pou' te .XlVo siècle par A. DE LÀ BOR-<br />

DERIE, Histoire <strong>de</strong> Bretagne (Rennes, 189e-1914, 6 vol.), t. IV, pp. 1 26 sq.<br />

E


- 73 -<br />

mière place dans la vie maritime <strong>de</strong> l'Ouest n (I). <strong>Le</strong> principal<br />

objet <strong>de</strong> ce trafic est le sel marin, que l'on recueille dans<br />

les marais salants <strong>de</strong> la Baie <strong>de</strong> Noirmoutiers, à Olonne, à<br />

Oléron, à Brouage, à Ré, dans le Marais Poitevin et dont les<br />

princip<strong>au</strong>x marchés sont à La Rochelle, à . Bourgneuf, à<br />

Brouage. On ex<strong>port</strong>e <strong>au</strong>ssi vers l'Angleterre les vins <strong>de</strong> l'Anjou<br />

et <strong>de</strong> la Charente, ainsi que les blés du Poitou. Ce sont principalement<br />

les marchands <strong>de</strong> La Rochelle qui se font les agents<br />

<strong>de</strong> ce commerce d'ex<strong>port</strong>àtjori sur le marché <strong>de</strong> <strong>Londres</strong> (2).<br />

Toujours plus <strong>au</strong> Sud, <strong>au</strong> <strong>de</strong>là <strong>de</strong> la Giron<strong>de</strong>, nous trouvons<br />

la Gascogne et l'Aquitaine, qui <strong>de</strong>viennent <strong>au</strong> Xlle siècle <strong>de</strong>s<br />

possessions <strong>de</strong>s rois d'Angleterre; <strong>Le</strong> commerce <strong>de</strong> ces régions<br />

avec l'Angleterre présente une im<strong>port</strong>ance particulière., car il<br />

a pour principal objet le vin du Bor<strong>de</strong>lais, qui est, <strong>de</strong> tous<br />

les vins im<strong>port</strong>és en Gran<strong>de</strong>-Bretagne, à la fois le moins cher<br />

et lé plus <strong>de</strong>mandé (3). Dès le Xlle siècle le vin <strong>de</strong> Bor<strong>de</strong><strong>au</strong>x<br />

est acheté en gran<strong>de</strong>s quantités par l'hôtel du roi, par les<br />

nobles, les prélats, les monastères. C'est principalement à<br />

<strong>Londres</strong> que se concentre ce commerce, que pratiquent surtout<br />

les négociants <strong>de</strong>Bor<strong>de</strong><strong>au</strong>x, mais <strong>au</strong>ssi, dès cette époque sans<br />

doute, ceux d'<strong>au</strong>tres villes telles que Saint-Macaire, Libourne,<br />

La Réole, Marman<strong>de</strong> Saint-Emilion (4).<br />

C'est d'ailleurs le développement extraordinaire du commerce<br />

<strong>de</strong> la Gascogne et <strong>de</strong> l'Aquitaine avec <strong>Londres</strong> qui<br />

explique que l'on rencontre également dans la capitale anglaise<br />

<strong>de</strong>s marchands originaires d'<strong>au</strong>tres ré gions <strong>de</strong> la France du<br />

Sud-Ouest qui ne sont cependant pas <strong>de</strong>s pays maritimes<br />

l'Agenais, le Périgord, le Quercy. Nous constatons, par<br />

exemple, la présence à <strong>Londres</strong>, <strong>au</strong> Xllle siècle, d'une im<strong>port</strong>ante<br />

colonie <strong>de</strong> marchands <strong>de</strong> Cahors. Un grand nombre<br />

d'entre eux se sont spécialisés dans le commercé <strong>de</strong> l'argent et<br />

(I) P. B0ISSONNADE, La renaissance et l'essor <strong>de</strong> la vie maritime en ?oit-u,<br />

Aunis et Saintosgc du X" <strong>au</strong> XV' siècle (Revue d'Histoire économique et sociale,<br />

1924). p. 315.<br />

(2) P. HOISSONNADE. o. e., pp. 315, 316_322, 323. --H. PIRENNE, Un grand<br />

commerce d'ex<strong>port</strong>ation <strong>au</strong> moyenJgc les vins <strong>de</strong> Fiance (Annales d'histoire économique<br />

cl sociale, V, 1933). p , 234.<br />

(3) J. E. TFroRoLoRccERS, A History o? Agriculture and Puces in England<br />

(Oxlord. 1866, 7 vol.). I, p. 146. - SALZaiAN, Englisi, Tra<strong>de</strong>, pp. 378, 399.<br />

(4) F. MICHEL, Histoire du commerce <strong>de</strong> Bor<strong>de</strong><strong>au</strong>x (Bor<strong>de</strong><strong>au</strong>x. 1366-1870. 2 vol.),<br />

I, pp. 36-38; 47-48, 85. - H. PrnENNE, <strong>Le</strong>s vins <strong>de</strong> France, pp. 232. 234,


- 74 -<br />

font véritablement figure <strong>de</strong> banquiers capitalistes, ce qui nous<br />

montre à la fois l'envergure et l'ancienneté du trafic qu'ils<br />

exercent dans la capitale <strong>de</strong> l'Angleterre, où ils ont probablement<br />

fait leur apparition avec les Gascons dès la secon<strong>de</strong> moitié<br />

du Xlle siècle. L'objet <strong>de</strong> leur commerce paraît avoir été<br />

d'une part l'im<strong>port</strong>ation à <strong>Londres</strong> <strong>de</strong>s draps et du vin du<br />

Quercy, d'<strong>au</strong>tre part l'ex<strong>port</strong>ation <strong>de</strong> la laine anglaise (I).<br />

Descendant plus <strong>au</strong> Sud, <strong>au</strong> <strong>de</strong>là <strong>de</strong>s Pyrénées, il y a lieu<br />

<strong>de</strong> considérer un instant la péninsule ibérique, plus particulièrement<br />

les roy<strong>au</strong>mes <strong>de</strong> Navarre, <strong>de</strong> Castille, <strong>de</strong> Portugal.<br />

<strong>Le</strong>s relations politiques <strong>de</strong>s rois d'Angleterre avec les souverains<br />

<strong>de</strong> ces contrées -remontent <strong>au</strong> Xlle siècle; dès les premières<br />

années du Xtlle siècle il est trace <strong>de</strong> relations commerciales<br />

dont on peut supposer qu'elles he dataient pas <strong>de</strong> la<br />

veille (2). On trouve du reste <strong>de</strong>s Espagnols établis à <strong>de</strong>meure<br />

à <strong>Londres</strong> dès cette époque (3), ce qui constitue un argument<br />

péremptoire en faveur <strong>de</strong> cette opinion. C'étaient principalement<br />

les fruits du midi (aman<strong>de</strong>s, raisins, figues) et les produits<br />

exotiques qui faisaient l'objet <strong>de</strong> ce commerce (4).<br />

Nous touchons ainsi <strong>au</strong> bassin <strong>de</strong> la Méditerranée, qui constitue,<br />

on le sait, un ensemble <strong>de</strong> nations commerçantes entre<br />

lesquelles existent, pèndant la plus gran<strong>de</strong> partie du moyen<br />

âge, <strong>de</strong>s relatiâns commerciales assidues, d'ailleurs anciennes.<br />

A première vue, il semble qu'à l'époque envisagée ici, la vie<br />

commerciale du Bassin <strong>de</strong> la Méditerranée soit tout à fait indépendante<br />

<strong>de</strong> l'attraction qu'un <strong>port</strong> septentrional comme celui<br />

<strong>de</strong> <strong>Londres</strong> est susceptible d'exercer à pareille distance. On<br />

n'oserait affirmer, en l'absence <strong>de</strong> témoignages positifs empruntés<br />

à <strong>de</strong>s sources documentaires, que les nations méditerranéennes<br />

étaient effectivement représentées sur le marché <strong>de</strong><br />

<strong>Londres</strong> <strong>au</strong> Xlle siècle, Mais il est loin d'être certain qu'elles<br />

ne l'étaient pas. En effet, c'est dès la première moitié du<br />

(I) E. ALliE, <strong>Le</strong>s marchands <strong>de</strong> Cahots en Angleterre (Bull. <strong>de</strong> la Soc. <strong>de</strong>s<br />

Eta<strong>de</strong>s liii. scientil. et art. du Lot, 1908), pp. 30 sq. - F. AREIq S, Wilhdm Serval<br />

von Cahors (Vierteljahrsdir. f. Soz.- U. Wirtschaftsgesch., XI, pp. 477-514).<br />

(2) V. M. SHILLINCTON et A. B. W. CHAPMAN, Commercial relations of Engiand<br />

and Portugal(<strong>Londres</strong>, 907), pp. 3-5, 24-29. - ScHANZ, Englischc Hcn<strong>de</strong>1spoliii,<br />

I. pp. 268-269.<br />

(3) Cf. Engiish Historkal Rctsfeui, t. XVII. p. 721.<br />

(4) SAUZ4AN, English T,adc, 411-413. <strong>Le</strong>s vina <strong>de</strong> la péninsule ibérique sont<br />

d'im<strong>port</strong>ation be<strong>au</strong>coup plus tardive en Angletene ibi<strong>de</strong>m, pp. 400405.


- 75 -<br />

Xllie siècle que l'on voit apparaître 'à <strong>Londres</strong> <strong>de</strong>s négociants<br />

<strong>de</strong> Montpellier, <strong>de</strong> Marseille (I). <strong>Le</strong>s Provenç<strong>au</strong>x y sont particulièrement<br />

nombreux cette époque (2). Il ne paraîtra donc<br />

pas impru<strong>de</strong>nt d'admettre que ces relàtions puissent s'être établies<br />

dès le siècle : précé<strong>de</strong>nt. D'une part, c'est <strong>au</strong> règne <strong>de</strong><br />

Richard Coeur-<strong>de</strong>-Lion, exactement à Vannée 1191, que<br />

remontent les premières tractations financières entre la couronne<br />

d'Angleterre et les marchands italiens (3). Je rappellerai<br />

que SCHAUBE a définitivement établi que c'est dans ces<br />

tractations que se trouve l'origine <strong>de</strong>s relations commerciales<br />

proprement dites (4), entre l'Angleterre et l'Italie et c'est effectivement<br />

dans les <strong>de</strong>rnières années, du Xi,le siècle que l'on<br />

voit apparaître à <strong>Londres</strong> les premiers négociants italiens,<br />

in casu ceux <strong>de</strong> Plaisance, <strong>au</strong>xquels viendront bientôt se joindre<br />

ceux <strong>de</strong> Bologne et ceux <strong>de</strong> Rome (5).<br />

*<br />

**<br />

Il n'y a pas lieu <strong>de</strong> pousser plus avant l'examen que nous<br />

avons entrepris. Nous avons passé en revue, dans l'ordre <strong>de</strong><br />

leur situation géographique, la presque totalité <strong>de</strong>s nations<br />

étrangères dont il est prouvé qu'elles se sont trouvées en relations<br />

commerciales avec <strong>Londres</strong> <strong>au</strong> Xlle siècle. Je me suis<br />

efforcé <strong>de</strong> me limiter à l'essentiel, <strong>au</strong> principal, et cependant<br />

la liste peut paraître déjà longue.<br />

Parvenus <strong>au</strong> terme <strong>de</strong> cet exposé, il semble que nous puissions<br />

maintenant nous former quelque idée <strong>de</strong> l'im<strong>port</strong>ance<br />

du <strong>port</strong> <strong>de</strong> <strong>Londres</strong> <strong>au</strong> Xlle siècle. Pour préciser, il me semble<br />

assez op<strong>port</strong>un <strong>de</strong> formuler à cet égard <strong>de</strong>ux questions précises<br />

qui correspon<strong>de</strong>nt elles-mêmes à <strong>de</strong>ux aspects du problème.<br />

La première question n'est pas la plus im<strong>port</strong>ante. Elle concerne<br />

le rang que tient <strong>Londres</strong> <strong>au</strong> <strong>XIIe</strong> siècle parmi les <strong>au</strong>tres<br />

<strong>port</strong>s <strong>de</strong> l'Angleterre. Peut-on considérer que dès le Xlle siècle<br />

(1) A. SCIIAIJBE. Han<strong>de</strong>hgcsehichle <strong>de</strong>r romanisd,cn Vâlker <strong>de</strong>s Miiietmeersgebiets<br />

(Munic.h, 1906). p. 413. -'- LEVASSEUR, Histoire du commerce <strong>de</strong> la Fronce (Paris.<br />

1911-1912, 2 vo).), I, 168. - AREN5, Wllhelm Servai, P. 485.<br />

2) Texte suggestif dans la Chronico Londoniensis d'Arnold Fitz.Tlsedmar (ad<br />

an. 1269) in M. G. H., 55. XXVIII, 537. - CF. A. DELFIT, Coilecilon <strong>de</strong>s<br />

documrnis jrançois... ers ,lnglcterre (Paris, 1847), p. il.<br />

(3) SCHAIJBE, Hnn<strong>de</strong>lsgeschichte, pp. 392 sq.<br />

(4) Ibi<strong>de</strong>m, pp. 392-399. - Cf. ScHNZ, Engtische Hari<strong>de</strong>bpahli I, p. I<br />

(5) ScHAIJBE, Han<strong>de</strong>tsgachichte, pp. 399, 100.402, 403.


- 76 -<br />

l'im<strong>port</strong>ance commerciale <strong>de</strong> <strong>Londres</strong> est, à peu près pro<strong>port</strong>ionnelle.<br />

<strong>au</strong> rôle <strong>de</strong> capitale que la ville joue dès cette époque,<br />

<strong>au</strong> point <strong>de</strong> vue politique? Sans aller jusqu'à répondre à cette<br />

question par une affirmation 'catégorique, il est cependant permis<br />

d'assurer qu'il y a, dès les <strong>de</strong>rnières années' du <strong>XIIe</strong> siècle<br />

<strong>au</strong> moins, quelques symptômes avant-coureurs ,<strong>de</strong> i'évohition<br />

qui 'achèvera vers la fin 'du moyen âge et -qui classera défini<br />

tivement <strong>Londres</strong> <strong>au</strong> premier rang <strong>de</strong>s <strong>port</strong>s <strong>de</strong> Gran<strong>de</strong>-Bretagne<br />

(1). On observera par exemple que, dès la secon<strong>de</strong><br />

moitié du Mlle siècle, ce sont les marchands <strong>de</strong> <strong>Londres</strong> qui<br />

ex<strong>port</strong>ent à eux seuls environ la moitié <strong>de</strong> l'ex<strong>port</strong>ation lainière<br />

<strong>de</strong> toute l'Angleterre (2). Pareille prépondérancesuppose<br />

évi<strong>de</strong>mment une longue évolution -antérieure. Je me suis<br />

efforcé <strong>de</strong> montrer combien il est probable qu'elle ait déjà<br />

été fort avancée 'à la fin du Xlle siècle. Il convient d'ailleurs<br />

<strong>de</strong> se rappeler la situation géographique si exceptionnellement<br />

favorable, <strong>de</strong> <strong>Londres</strong> et <strong>de</strong> souligner une fois <strong>de</strong> plus le fait<br />

qu'<strong>au</strong>cun <strong>au</strong>tre <strong>port</strong> anglais ne dispose dé tels et <strong>de</strong> tant d'avantages<br />

réunis.<br />

Nous sommes ainsi amenés à envisager la secon<strong>de</strong> question<br />

qu'il nous f<strong>au</strong>t nous poser et qui est la principale. Peut-on<br />

admettre que dès le Xlle siècle <strong>Londres</strong> a fait figure <strong>de</strong> grand<br />

<strong>port</strong> européen, <strong>au</strong> sens mo<strong>de</strong>rne du mot, c'est-à-dire <strong>de</strong> centre<br />

régularisateur et distributeur du commerce internatiànai? Après<br />

l'examen <strong>au</strong>quel nous, venons <strong>de</strong> nous livrer, il semble difficile<br />

d'hésiter et <strong>de</strong> ne pas répondre par l'affirmàtive. Nous<br />

avons vu le marché <strong>de</strong> <strong>Londres</strong> fréquenté dès le Xlle siècle<br />

par une foule marchan<strong>de</strong> cosmopolite: par <strong>de</strong>s marins et <strong>de</strong>s<br />

négociants <strong>de</strong> nationalités diverses, qui accomplissent <strong>de</strong> lointains<br />

et périlleux voyages pour venir décharger.sur 'les quais<br />

<strong>de</strong> la Tamise, <strong>de</strong>vant London Bridge, les produits <strong>de</strong> la plus<br />

gran<strong>de</strong> partie du mon<strong>de</strong> médiéval: il n'est pas moins remarquable<br />

que toutes ces marchandises paraissent y trouver<br />

acquéreur.<br />

Chose étonnante assurément mais avant 'tout significative et<br />

qu'on n'a peut-être pas relevée assez souvent, les citoyens <strong>de</strong><br />

<strong>Londres</strong>, à l'extrême fin du Xlle siècle, paraissent avoir été plei-<br />

I) GRAS. La49 English Customs Syskm, p. 196.<br />

(2) ScHAuBE, Die Woll<strong>au</strong>sfizh, Engiands vom Jahrc 1273 (Viertc(jahrschr. J. Soz.<br />

u. Wirschgfjsge,gJ,., VI, 1903), pp. 54-55.


- -<br />

nement conscients , <strong>de</strong> tous ces avantages et avoir eu une<br />

vision très nette du rôle im<strong>port</strong>ant qu'ils vont être 'amenés à<br />

jouer, par la suite, dans l'économie <strong>de</strong> leur patrie et dans la vie<br />

commerciale <strong>de</strong> l'Europe. Un document qui émane <strong>de</strong>s sphères<br />

dirigeantes <strong>de</strong> la bourgeoisie <strong>de</strong> <strong>Londres</strong> et dont la rédaction<br />

se place exactement sous le règne <strong>de</strong> Jean-sans-Terre, développe<br />

avec complaisance l'idée qu'il appartient à Ta nation<br />

anglaise et plus particulièrement à <strong>Londres</strong> comme capitale<br />

<strong>de</strong> cette nation, <strong>de</strong> conquérir la mattrise <strong>de</strong>s détroits et <strong>de</strong>s<br />

mers par la seule puissance du commerce et <strong>de</strong> la màrine (I).<br />

C'est sur ce témoignage, d'<strong>au</strong>tant plus éloquent qu'il est strictement<br />

contemporain, que je voudrais conclure. Car il est permis<br />

d'en dire qu'il nous esquisse en quelque sorte une préfiguration<br />

<strong>de</strong> ce que sera un jour, six ou sept siècles plus tard,<br />

l'Empire Britannique. J'espère ainsi avoir fait partager à mon<br />

<strong>au</strong>ditoire l'impression qui semble se dégager <strong>de</strong> plus en plus<br />

nettement <strong>de</strong> tout ceci que dès cette époque, qui peut paraître<br />

bien lointaine, le <strong>port</strong> <strong>de</strong> <strong>Londres</strong> s'achemine déjà insensiblement<br />

vers cette <strong>de</strong>stinée qui l'a <strong>port</strong>é, <strong>au</strong>x temps mo<strong>de</strong>rnes, et<br />

qui l'a maintenu, presque jusqu'à nos jours, <strong>au</strong> rang du premier<br />

<strong>port</strong> du mon<strong>de</strong>.<br />

(I) F. LIEBERMÀNN, Ucter die <strong>Le</strong>ge, Anglorum soec. Xlii. ineune Londoniia<br />

co.lecIae (Halte, 894), pp. 46, 48.. 53. Pour ta date, eh. LIEsMAww, in EngIish<br />

Hi,àoric! Reviw, t. XXVIII, p. 733, - CI, STENTON. Norman London, p. 24.

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