la "recherche-action" - European Trade Union Institute (ETUI)

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37 2 e semestre 2010/HesaMag #02 "Beaucoup de collègues quittent leur emploi à 58 ans parce qu'elles n'en peuvent plus, elles sont usées", témoigne Anne-Marie Brogniez devant une vingtaine de travailleurs et de responsables de la fédération ouvrière du syndicat belge FGTB (la "Centrale générale"). La déléguée syndicale du groupe de distribution Mestdagh-Champion connaît bien le problème des troubles musculosquelettiques (TMS). Des enquêtes ont déjà, par le passé, été menées dans son entreprise, notamment auprès des bouchers et des caristes, deux professions durement touchées par ces maladies. Mais si la syndicaliste aborde à nouveau le problème des TMS, un jour d'été 2009, c'est pour un projet plus ambitieux encore, qui doit impliquer l'ensemble du personnel du supermarché et d'autres enseignes du groupe, soit près de 200 personnes. Les délégations syndicales de deux autres entreprises, Laurenty, une société de nettoyage, et Lepage, actif dans la maintenance industrielle, sont également présentes. Les trois entreprises ont répondu à l'appel lancé par la FGTB quelques mois plus tôt, le 28 avril 2009, quand le syndicat avait réuni plusieurs centaines de militants pour une Journée mondiale pour la sécurité et la santé au travail placée par le syndicat sous le thème des TMS. Et pour cause, cette famille très étendue de maladies inflammatoires et dégénératives du système musculosquelettique frappe tous les secteurs et toutes les catégories de travailleurs. Selon la plus importante enquête sur la santé au travail menée en Europe, dont la dernière livraison remonte à 2005, un travailleur européen sur quatre se plaint de Mouvement syndical 2/4 douleurs au dos, et 23 % ressentent des douleurs musculaires aux niveaux des épaules, de la nuque et des membres supérieurs et inférieurs. 1 Les TMS représentent, et de très loin, le problème de santé lié au travail le plus répandu en Europe. 2 86 % des travailleurs touchés Améliorer la visibilité d'un problème constitue généralement l'étape préalable à toute démarche de prévention. C'est le principe qui a guidé la "recherche-action" coordonnée par la FGTB de Charleroi, une ville industrielle de l'ouest de la Belgique. Le projet repose sur l'utilisation d'un questionnaire connu dans les milieux scientifiques sous le nom de "questionnaire nordique". 3 Il comporte des questions aussi concrètes que : "Avez-vous eu, au cours des 12 derniers mois, des problèmes de courbatures, douleurs, gênes, engourdissements au niveau de la région nuque/cou, genou/jambe, poignet ?" Les travailleurs doivent également évaluer le niveau des douleurs ressenties sur une échelle de 0 à 10. La FGTB a confié le traitement des réponses au Centre de défense et d'action pour la santé des travailleurs (CDAST), une association qui a pour but d'accompagner et de défendre les travailleurs victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle. Au total, 343 travailleurs – 201 femmes et 142 hommes – ont rempli le questionnaire. 86 % des travailleurs ont répondu avoir ressenti des douleurs ou gênes musculosquelettiques au cours des 12 derniers mois, et 72 % au cours des sept jours ayant précédé 1. Fourth European Working Conditions Survey (2005), European Foundation for the Improvement of Living and Working Conditions. 2. Selon les chiffres d’Eurostat, les TMS représentent 50 % des maladies professionnelles reconnues dans l'Union européenne. European Occupational Diseases Statistics (EODS), 2000. 3. Développé en 1987 par des experts scandinaves, ce questionnaire est constitué de questions fermées, et peut être utilisé en auto-questionnaire ou en interview. Le questionnaire a été créé pour répondre à la question suivante : "Est-ce qu'une pathologie ostéo-articulaire existe dans la population donnée et, si oui, quelle région du corps touche-t-elle ?" Le questionnaire comporte un schéma du corps humain vu de dos, divisé en neuf régions anatomiques.
2e 38 semestre 2010/HesaMag #02 Mouvement syndical 3/4 Graphique 1 Pourcentage de travailleurs qui rapportent au moins une plainte 80 70 60 50 40 30 20 10 0 5 4,5 4 3,5 3 2,5 2 1,5 1 0,5 0 12 10 8 6 4 2 0 nuque, cou épaule, bras coude poignet, main doigts haut du dos Graphique 2 Intensité des douleurs par localisation nuque, cou épaule, bras coude poignet, main doigts haut du dos bas du dos hanche, cuisse bas du dos hanche, cuisse Graphique 3 Relations entre ancienneté au même poste et intensité des douleurs genou, jambe cheville, pied genou, jambe cheville, pied 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 leur participation à l’enquête. Avec 71 % des travailleurs concernés, les douleurs au bas du dos sont très nettement le type de TMS le plus courant dans les trois entreprises (voir graphique 1). Il s’agit également de la localisation qui provoque les douleurs les plus intenses. Ceux qui en sont victimes les placent à un niveau de 4,5 sur une échelle de 10, soit des douleurs qui sont deux fois plus intenses que celles ressenties par ceux qui se plaignent du haut du dos, de la nuque ou des genoux/ jambes (voir graphique 2). Les travailleurs devaient également répondre à des questions liées aux démarches entreprises auprès des milieux médicaux : 43 % des travailleurs déclarent avoir consulté un médecin pour des plaintes musculosquelettiques au cours des 12 mois antérieurs à l’enquête, 45 % déclarent avoir bénéficié d’un traitement et 22 % déclarent avoir interrompu le travail. "Les différences constatées dans la localisation et l’intensité des plaintes déclarées ne peuvent être reliées au genre des travailleurs", estime l'auteur du rapport, le docteur Jilali Source des graphiques 1,2, 3 : Recherche-action en pays de Charleroi, les troubles musculosquelettiques, FGTB, CDAST Laaouej. "Quand on observe les résultats des travailleurs occupés dans des postes de travail où il y a une certaine mixité, comme par exemple à la boucherie des magasins Mestdagh, les différences s'estompent", constate l'expert du CDAST. Une exception cependant, les femmes se plaignent nettement plus que les hommes de douleurs au niveau des membres supérieurs. Selon le docteur Laaouej, cette différence serait surtout due à la différence de taille entre hommes et femmes, les travailleurs de grande taille se plaignant moins de douleurs dans les membres supérieurs que ceux de petite taille. Par contre, l’enquête montre une nette différence liée au genre en ce qui concerne les consultations médicales : les femmes se rendent plus facilement chez le médecin et suivent plus souvent un traitement médical que les hommes. On constate cependant qu’elles ne sont pas plus souvent en incapacité temporaire de travail que leurs collègues masculins. Le poids de l'organisation du travail Des facteurs liés à l’organisation du travail semblent jouer un rôle évident dans les problèmes de TMS : les travailleurs avec un horaire de type variable (travail à pause et horaires découpés) déclarent significativement plus de plaintes douloureuses que les travailleurs en horaire régulier. De même, plus le nombre d’heures prestées par semaine est élevé, plus la douleur moyenne ressentie l’est également. Cela n’est pas vraiment surprenant, pas plus que ne l'est le lien observé entre l’intensité de la douleur et l’ancienneté, que ce soit aux niveaux du poste, de l’entreprise ou de l’activité professionnelle totale (voir graphique 3). L'objectif de la méthode vise à ce que les travailleurs s'approprient l'ensemble de la L’enquête montre une nette différence liée au genre en ce qui concerne les consultations médicales : les femmes se rendent plus facilement chez le médecin et suivent plus souvent un traitement médical que les hommes.
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