Médiations spirituelles et diversité des spiritualités - Nouvelle Revue ...

618 ' CB. A. BERNARD, S.J.
sisme. Mais qu'y a-t-il de plus inconsistant que le reflet de Narcisse
sur l'onde ? Ce n'est donc pas sans un effort considérable que Fart
coupé au départ de toute relation à Dieu pourrait retrouver une
fonction médiatrice. Une telle tentative, pourtant, vaut d'être poursuivie.
Mais le problème plus important posé par la relation au monde
demeure celui de la praxis. Comment valoriser cette relation vécue
pour ainsi dire universellement ? Qui ne participe à la construction
du monde ? Qui, par lui, ne se sent concerné ? L'Eglise tout entière
a pris conscience de l'ampleur et de l'importance de cette nouvelle
dimension et, a son sujet, s'est prononcée dans la déclaration conciliaire
Gaudium et spes.
Le problème est de toujours. Mais souvent on s'est contenté de
lui apporter une solution de type occasionnaliste. A l'occasion de
ses différentes occupations dans le monde, le chrétien, animé d'une
bonne intention sans cesse purifiée, s'efforce de vivre selon la
volonté de Dieu. Le Père Teilhard de Chardin a bien montré qu'une
telle perspective ne suffisait pas ; il faut, en effet, apporter dans
l'analyse de la praxis une distinction simple et éclairante : « C'est
déjà beaucoup de pouvoir penser que, si nous aimons Dieu, quelque
chose ne sera jamais perdu de notre activité intérieure, de notre
ûperatio. Mais le travail même de nos esprits, de nos cœurs et de
nos mains, — nos , résultats, nos œuvres, notre opus — ne sera-t-il
pas, lui aussi, en quelque façon, 'éternisé', sauvé 16 ?» La question
fondamentale concerne donc l'oeuvre accomplie, en sa matérialité
même- Peut-elle être médiation ?
On serait infidèle à la pensée du Père Teilhard si l'on ne faisait
ressortir la liaison dialectique entre l'œuvre et l'activité qui se déploie.
L'activité, en effet, ne s'exerce que dans une œuvre, tout
comme l'œuvre contribue à déterminer la quali fication morale et
spirituelle de l'activité. Mais il faut expressément insister id sur la
considération de l'œuvre en elle-même.
La première modalité pour valoriser spirituellement le monde est
la consécration. Par elle, tout chrétien, parce qu'il participe au
sacerdoce du Christ, établit une liaison entre le monde et Dieu. Si
l'on envisage, comme le fait le Père Teilhard de Chardin dans La
Messe sw le monde, la Terre matérielle, cette consécration consistera
à rendre consciente dans , l'homme la participation divine que recèle
le monde en son principe et en sa fin ; si l'on regarde le milieu
humain qui se construit, la Consecratw mundi consistera à valoriser
ce milieu en l'imprégnant des valeurs évangéliques et en lui rendant
présente dans le signe sa relation a Dieu.
19, P. TSILHAHD DB CHARDIN, Le milieu divin, Paria, Ed. du Seuil, 1967,
w. 3P-40,