Médiations spirituelles et diversité des spiritualités - Nouvelle Revue ...

612 ' CH, A, BERK'ARD, S.J.
sidérée comme la voie par excellence. Montrons-en maintenant les
limites.
Bien qu'un certain nombre d'auteurs parlent de la voie contemplative
comme d'une voie au-delà des médiations 10 , « en dehors des
signes » 11 , il faut maintenir que la vie contemplative utilise la médiation
des états de conscience. Seul Dieu est parfaitement transparent
à lui-même : le Père, en exprimant son Verbe dans l'Amour qui est
l'Esprit, n'introduit aucune distance entre les Personnes ; pour nous
au contraire, la conscience de notre relation à Dieu n'est pas cette
relation elle-même fondée sur la communication de grâce. Ce serait
conférer un privilège exorbitant à la vie mystique que de la situer
dans la Réalité divine, au-delà des médiations. Aussi bien son acte
essentiel n'est-il pas une intuition intellectuelle mais une prise de
conscience de la réalité spirituelle en nous. Il s'ensuit aussi que la
valeur de la vie spirituelle se mesure à l'intensité de la vie théologale
et non à la conscience que nous en avons. L'intériorisation est une
médiation parmi d'autres. L'union s'accomplit à travers le voile ".
Nierons-nous pour autant sa valeur privilégiée ? Ce serait aller
contre une tradition trop constante dans l'Eglise. Mais nous saisissons
plus précisément en quoi consiste son privilège. De toutes les
médiations, l'intériorisation est celle qui exerce {'action transformante
la plus immédiate. Ne pouvant se maintenir que grâce à la rectitude
de la conscience, la vie contemplative suppose et conduit à une exigence
morale toujours plus grande. Et puisque, d'autre part, la médiation
de la conscience s'exerce en un monde de l'invisible, elle est
bien plus immédiatement proportionnée à l'exercice de la foi, qui
est «une conviction des choses qu'on ne voit pas» (He 11, 1).
S'adonner à la vie intérieure, c'est sans doute courir le risque de
ne s'occuper que de soi-même, bien sûr ! Mais c'est aussi se mettre
dans la disposition la meilleure pour s'unir à Dieu actuant et manifestant
sa présence. Dieu alors apparaît comme l'Existant dont l'action
créatrice et communicatrice emplit chaque instant de notre durée
et de celle du monde. A partir de cette vérité lumineuse, il devient
possible de poser sur toutes choses un regard transfiguré. Tout alors
pourra à son tour devenir médiation. Valables en elles-mêmes, ces
médiations reçoivent un surcroît de lumière et, pour ainsi dire, de
réalité. La Beauté de Dieu les mue en sa splendeur,
10. Par exemple Ph. ROQUEPLO, Expérience du monde : expérience de Dieu ?,
Paris, Ed. du Cerf, 1964 : « D'autres enfin, dans la mesure du possible, abandonneront
les médiations et se voueront à la contemplation pure de l'Eternel
Présent » (p. 233).
11. L'expression est de l'abbé Monchanin.
12. L'idée de voile se retrouve chez le» mystiques ; d'où l'aspiration au faceà-face
définitif.