Médiations spirituelles et diversité des spiritualités - Nouvelle Revue ...

606 ' CH. A, BBKNARD, S,J.
ne s'agit-il pas de retrouver, dans l'histoire de l'humanité et de sa
culture, l'indice d'une volonté de Dieu en voie d'accomplissement ?
Pour une telle entreprise, l'homme n'est pas laissé dans un têteà-tête
ponctuel avec Dieu : comme si la recherche et la découverte
de la volonté de Dieu naissaient à chaque instant dans une nouveauté
sans cesse jaillissante ! Encore que cette idée doive être conservée,
il convient cependant de l'équilibrer avec le fait d'une intervention
de Dieu instituant, par l'événement de l'Incarnation, des médiations
objectives permanentes. Désormais, le déchiffrage des « signes des
temps » s'opère à l'aide d'une grille qui est le message évangélique ;
l'action suppose une insertion dans le Corps mystique du Christ et
une articulation de l'activité particulière à l'évangélisation du monde,
dont la responsabilité appartient à l'Eglise ; enfin, le mouvement
même de l'histoire s'oriente vers l'accomplissement du Christ total.
Commencement, milieu et fin, le Christ incarné constitue la Médiation
substantielle à laquelle se réfère toute médiation possible.
Si l'idée de médiation est si décisive pour l'intelligence du projet
spirituel, le refus des médiations le fait disparaître. Refuse les médiations
celui, bien entendu, qui récuse l'un des termes, c'est-à-dire
l'athée. Même s'il contribue objectivement à l'accomplissement du
Royaume, il ne prend pas conscience- de la signification spirituelle
de son projet de vie. Tout au plus pourra-t-on concéder qu'il la
transpose dans l'abstrait, en recherchant la réalisation de l'humanité
au moyen d'une action culturelle, technique, ou politique. Même si
l'on estime qu'en fonction de son activité il vit un christianisme
anonyme, on ne pourra lui reconnaître qu'une vie spirituelle au sens
large ; sa relation au Christ ne sera qu'indirecte. Sans oublier que,
sur le pîan de la conduite éthique, une contradiction peut toujours
survenir, entre l'activité extérieure et la rectitude personnelle-
Pour que la relation à l'extérieur devienne une véritable médiation,
il faut que la réalité soit pénétrée de la présence de Dieu. A supposer,
par exemple, que le monde comme terme du travail de l'homme
soit étranger à Dieu, le travail lui-même ne pourrait plus être qu'une
occasion d'exercer une activité éthique ; il ne saurait constituer une
médiation. On travaillerait par dévoûment ou par nécessité de sustenter
une vie qui tirerait d'ailleurs une valeur spirituelle.
Dans le régime de l'Incarnation, qui est le nôtre, une position
aussi minimisante n'est pas tenable. Comme le Christ est Ïa manifestation
de Dieu, ainsi son œuvre de récapitulation est-elle la réalisation
du Dessein de Dieu. Mais rien n'échappe à la récapitulation
dans le Christ, hormis le péché qu'il est venu détruire ! L'idée de
médiation rejoint donc celle du Médiateur. En lui, vrai Dieu et vrai
homme, se sont conjoints dans l'unité de la personne le mouvement
de descente de Dieu vers les hommes et le mouvement de la création