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24 Dossier T aupier, mécanicien de précision, hôtelier, charcutier: quels sont les points communs entre ces différents métiers? On y manque cruellement de main-d’œuvre alors que ce sont des métiers accessibles à tous et promis à un bel avenir. Leur seul défaut: ils n’ont pas une très bonne image et n’attirent pas les candidats. Et les petites entreprises de ces secteurs ont du mal à se développer alors qu’elles auraient les débouchés pour le faire. Prenons un cas extrême. Gilles Poussier, jeune dirigeant de Nantes, a eu l’idée de créer SOS Taupes, une petite entreprise qui capture1 ces drôles de mammifères myopes et fouisseurs qui vous retour- nent un jardin ou un terrain de football Gilles Poussier en quelques jours. Les demandes d’intervention affluent de différents coins de France, mais Gilles ne peut pas suivre, faute de trouver des taupiers sur place. Il leur propose pourtant de les former et de les équiper et ce métier de plein air est plutôt agréable. Seul inconvénient, ce n’est pas une activité à temps plein qui ne peut constituer qu’un complément de salaire, sur la base d’une fois et demie le Smic. Gilles recherche d’urgence trois ou quatre personnes qu’il ne trouve pas. Mais il reconnaît qu’il n’a peut-être pas travaillé dans la bonne direction, car c’est un concept nouveau et il faut tout inventer. Peutêtre va-t-il tenter sa chance du côté des retraités… D I R I G E A N T N ° 7 6 • N O V E M B R E 2 0 0 7 TERRAIN Pour séduire, CULTIVER SES DIFFÉRENCES Pour embaucher et garder leurs salariés, les PME n’ont sans doute pas intérêt à se positionner en concurrence directe avec les grands groupes mais plutôt à rechercher des profils différents. Enquête auprès d’entrepreneurs JD qui cherchent des solutions innovantes. PAR RAPHAËL D’ACHERY Magali Bernard LÂCHER DU LEST Pour la charcuterie ou la mécanique, les dirigeants se tournent plutôt vers les jeunes. « Malheureusement, constate Magali Bernard qui dirige une PME de charcuterie d’une dizaine de personnes, Le cochon de TY-Neuden, ce métier ne les attire pas. Cette année, il n’y a pas un seul sortant dans la filière boucherie-charcuterie des lycées professionnels du Finistère, où je suis installée. Les conditions de travail font un peu peur : on se lève tôt, on travaille dans le froid, on se salit. Et les jeunes en ont d’autant moins envie que l’enseignement qu’on leur propose est décalé des réalités de l’entreprise. C’est un problème récurrent depuis trente ans qu’on n’arrive pas à résoudre. Mais il est vrai aussi que les entreprises ne proposent pas assez de stages pour les attirer. Récemment, un jeune avait frappé à trente-deux portes avant d’arriver chez moi ! Les entreprises doivent s’engager plus. » Florence Lauff, jeune dirigeante des Hauts-de-Seine, partage cette analyse. Consultante en ressources humaines, elle a été DRH en contrat d’externalisation pour une société de mécanique de précision de 180 personnes : « La productique (tournage, fraisage, ajustage) est un métier Florence Lauff ancien, mais qui a encore
L’équipe de Gilles Cibert de belles possibilités de développement dans l’aéronautique ou l’automobile. Il demande des profils extrêmement techniques. Mais le cursus de formation n’est pas adapté. On oriente dans ces filières ceux qui ne réussissent pas ailleurs. Et on ne leur vend pas l’intérêt de cette activité qui, du coup, est en voie de disparition. » Second problème, le turn-over. « Les charcutiers ont la bougeotte. Ils restent rarement plus d’un an, déplore Magali Bernard. Même s’ils ne sont pas si mal payés, 1 600 euros mensuels nets en moyenne, ils partent vers les grandes surfaces, où la convention collective est plus favorable que dans la branche boucherie-charcuterie. » « C’est vrai que les jeunes sont attirés par les grands groupes, reconnaît Florence Lauff. Dans le secteur de la mécanique, outre des salaires plus élevés et des avantages divers, ils y trouvent des conditions de travail bien meilleures. S’ils veulent s’en sortir, les dirigeants des PMI doivent aussi lâcher un peu de lest en termes de rémunération et de confort. Certains ne regardent leurs ouvriers que sous l’angle de la productivité. En visitant des ateliers, j’ai parfois eu l’impression de me retrouver chez Zola. Il n’y a pas de politique RH. La première chose est de prendre en compte l’humain. Proposer des fontaines à eau quand il fait chaud, ça ne coûte pas cher, ou organiser des moments de convivialité, faire des entretiens d’évaluation. Mais aussi moderniser les ateliers, clarifier les rémunérations, au lieu de jouer sur des primes aléatoires. Ça me semble le minimum. » VALORISER CHACUN Gilles Cibert, également membre du CJD de Nantes, l’a bien compris. Il a fait d’une bonne gestion des ressources humaines le « préambule à tout le reste ». Directeur d’un hôtel indépendant d’une quinzaine d’employés, il est pourtant constamment confronté à « LE CANDIDAT EST UN CLIENT » Christophe Collignon dirige IMA technologies, un centre d’appel de 270 personnes spécialisé notamment dans le renseignement juridique et l’assistance technique automobile. Témoignage. « Même si 90 % des salariés sont en CDI, je dois recruter une centaine de personnes par an, en particulier des saisonniers, l’été et à Noël. Des niveaux bac +2 pour les réponses commerciales, des BTS, si possible bilingues, pour l’assistance technique automobile et des maîtrises ou DESS de droit pour le renseignement juridique. Et malgré tous ces “handicaps” – la réputation des centres d’appels, le besoin de diplômés –, je n’ai pas de difficultés de recrutement. Cela tient, je crois à trois choses : une bonne image sur la région, un respect des candidats et une vraie stratégie RH. L’image : nous sommes très présents sur notre bassin d’emploi, en Loire-Atlantique. Nous travaillons avec les écoles professionnelles et la faculté de droit, nous allons dans tous les salons, nous prenons parfois toute une promo de techniciens auto en stage. Mais nous sommes aussi très actifs auprès de l’ANPE et sur Internet où nous assurons un flux continu d’annonces. Nous communiquons également beaucoup avec la presse locale sur ce que nous faisons. Si bien que les gens nous connaissent et savent qui nous sommes. Deuxième point, nous considérons tous les candidats comme des clients. Nous les accueillons agréablement avec un café, des journaux, nous essayons de ne pas les faire attendre, nous leur réservons des places de parking. Nous leur faisons visiter systématiquement nos locaux. Même si le recrutement ne se fait pas, ils gardent un bon souvenir de nous et en parlent à leurs amis. Enfin, notre métier repose sur les hommes. Nous tenons donc à ce qu’ils se trouvent bien chez nous, pour le temps qu’ils y passent. Cela veut dire que nous acceptons une grande souplesse dans l’organisation et que nous ne refusons rien par principe, seulement ce que nous ne sommes pas capables de gérer. Par exemple, plusieurs des femmes qui sont au Comité de direction ont demandé à travailler à 80 %. Ça n’a pas posé de problème. Cette attention aux besoins de chacun est essentielle et elle ne coûte pas très cher. Mais la politique rémunération est également une priorité : les salaires et charges représentent 70 % des frais. Le niveau des salaires est évidemment celui du marché et un tiers des bénéfices sont redistribués en intéressement. 7 % du temps est consacré à la formation. Nous pouvons le faire parce que nous avons choisi des marchés « hauts de gamme » qui sont moins concurrentiels que les hot lines des fournisseurs d’accès Internet ou le télémarketing. Cela nous permet de ne pas délocaliser et de jouer notre jeu face à des grands groupes comme Téléperformance qui compte 75 000 salariés. » la pénurie de main-d’œuvre puisqu’il manque en moyenne 70000 personnes dans le secteur touristique, toujours en expansion. Mais il a trouvé des solutions. D’abord, recruter plus sur le comportement du candidat que sur ses compétences – celles-ci peuvent s’acquérir rapidement par la suite – et vérifier que la personne a aussi un intérêt personnel à accepter TÉMOIGNAGE D I R I G E A N T N ° 7 6 • N O V E M B R E 2 0 0 7 25
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