BulletindeContre-infoenCévennes - Bulletin contre-info Cevennes
BulletindeContre-infoenCévennes - Bulletin contre-info Cevennes
BulletindeContre-infoenCévennes - Bulletin contre-info Cevennes
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
12<br />
RessouRces humaines<br />
responsables des affrontements 8 .<br />
Mais le refrain du complot policier<br />
tout comme l’image d’un pays<br />
coupé en deux (les violents <strong>contre</strong><br />
les autres) se fissurent au rythme<br />
des explosions sociales : des luttes<br />
ouvrières de Moulinex (« Un jour, ça<br />
pétera. Et alors Mai 68 ressemblera<br />
à une promenade », une ouvrière en<br />
2001), Cellatex (« Du fric ou boum »),<br />
Continental (la sous-préfecture) et bien<br />
d’autres, aux émeutes des banlieues, la<br />
question incontournable de la violence<br />
dans les rapports sociaux capitalistes<br />
est remise au goût du jour depuis une<br />
dizaine d’années.<br />
CONCLUSION<br />
L’automne 2010 ne restera pas dans<br />
les mémoires pour ses expressions de<br />
colère incontrôlables. Au contraire.<br />
Bien que des millions de personnes<br />
aient défilé et qu’on comptabilise des<br />
milliers d’arrestations, des peines<br />
de prison ferme et des jugements<br />
qui n’ont pas encore eu lieu (surtout<br />
parmi les jeunes), on peut résolument<br />
faire le constat que ce mouvement est<br />
resté à la traîne sinon aux ordres des<br />
syndicats. Ce sont eux qui ont sifflé<br />
l’ouverture et la fin des réjouissances,<br />
et à peu près partout on s’y est plié.<br />
Plus encore que la cadence, ce sont les<br />
pratiques dans la lutte qui ont emprunté<br />
des allures syndicales, par leur côté<br />
symbolique, spectaculaire et éphémère,<br />
sous le vernis radical du « blocage ».<br />
Du citoyennisme et du syndicalisme,<br />
on ne sait plus trop lequel emprunte à<br />
l’autre, les deux opérant la médiation<br />
et visant l’intégration au système de<br />
tout ce qui ressemble à de la critique<br />
ou de la contestation. Par ailleurs,<br />
en dépit du contexte européen et<br />
international, ce mouvement est resté<br />
très franco-français, pétri de références<br />
à l’État-providence et au CNR (Conseil<br />
national de la résistance), nostalgique<br />
d’une vision largement partagée ‒ sur<br />
l’échiquier politique, associatif et<br />
syndical ‒, du contrat social français.<br />
Retraites et syndicalisme incarnaient<br />
ce compromis historique hexagonal du<br />
vingtième siècle.<br />
En dépit des limites de ce conflit,<br />
on peut se réjouir de voir que l’alibi de<br />
la crise ne trompe plus grand monde,<br />
et que les volontaires se raréfient<br />
pour sauver l’économie. Par ses<br />
résultats nuls malgré la satisfaction<br />
des centrales 9 , cette mobilisation aura<br />
clarifié une chose : il ne sert à rien<br />
de se battre sans l’idée de mettre à<br />
mal le Capital, car il n’y a, pour ceux<br />
qui espéraient encore, plus aucun<br />
aménagement à attendre de lui. La<br />
revendication n’est plus entendue, le<br />
spectacle citoyen et démocratique est<br />
voué à finir dans les urnes ou dans de<br />
quelconques alternatives marchandes<br />
relookées durables ou écolos. Il n’y<br />
a donc pas d’autre possibilité que<br />
le conflit frontal pour l’abolition de<br />
cette société, à moins de verser dans<br />
le nihilisme ou la guerre de tous<br />
<strong>contre</strong> tous (des scénarios qui ne sont<br />
pas inenvisageables vu les situations<br />
imprévisibles de toutes parts).<br />
Le dépassement de ce qui existe<br />
naît dans la dynamique des luttes et<br />
en actes. Le mouvement médiatique et<br />
encadré de l’automne a dit très peu de<br />
choses, et n’a pas bousculé la normalité<br />
du quotidien pour que l’ordre social<br />
existant commence d’être questionné.<br />
Ce n’est de toute façon pas en un<br />
« mouvement », pas plus qu’en un<br />
grand soir, qu’on en finira avec le vieux<br />
monde. Mais c’est en luttant chaque<br />
jour <strong>contre</strong> les conditions qui nous sont<br />
faites, en s’attaquant frontalement aux<br />
fondements du système, en rendant<br />
effectives et pérennes des solidarités,<br />
que l’on se réappropriera une force<br />
offensive et que la subversion des<br />
rapports sociaux pourra prendre corps.<br />
Il n’y a rien à sauver dans ce<br />
système. Tout ce qui nous détruit est à<br />
détruire. Et tout le reste est à inventer.<br />
8 - « Des manipulateurs s’infiltrent et poussent<br />
au crime dans des piquets de grève, des<br />
manifestations, des occupations de rondspoints,<br />
violentent les situations en fin de manifs<br />
[...] », Bernard Thibault, 27 octobre 2010.<br />
9 - « Nous avons gagné la bataille de l’opinion,<br />
gardons cette force », communiqué de la CFDT,<br />
21 octobre 2010 ; « On a gagné la bataille.<br />
des idées », Charles Foulard (CGT Total), 29<br />
octobre 2010