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L’exploitation de la crevette à<br />
Madagascar réunit tous les critères<br />
d’une pêche ou d’une aquaculture<br />
responsable, au sens du code de bonne<br />
conduite de la FAO. L’offre de crevettes<br />
malgaches reste une goutte d’eau dans<br />
l’océan des 6 millions de tonnes produites<br />
à l’échelle mondiale, mais elle se distingue<br />
par les calibres, l’aspect, la texture et la<br />
saveur. Si la monodon de Madagascar joue<br />
dans la catégorie supérieure, la qualité se<br />
paye. Or, le consommateur ne connaît pas<br />
assez les crevettes tropicales pour apprécier<br />
ce qui les distingue. Résultat, la grande<br />
distribution passe de gros volumes de vanamei<br />
qui pleuvent d’Amérique du Sud ou<br />
d’Asie, à moindre coût. Et les stocks de crevettes<br />
malgaches s’empilent dans les entrepôts<br />
frigorifiques.<br />
Baisse des cours, surreprésentation de<br />
la vanamei, hausse du prix du carburant,<br />
temps de transport vers l’Europe en augmentation…<br />
la crevette malgache est plus<br />
fragile que jamais. Son salut réside dans la<br />
politique de qualité de la pêche sauvage,<br />
sans doute bientôt labellisée MSC, ou les<br />
démarches déjà abouties en aquaculture<br />
avec les signes officiels. Les labels rouge et<br />
biologique sont des atouts importants pour<br />
se différencier.<br />
L’autre carte à jouer est celle du développement<br />
durable. À condition de communiquer<br />
les bonnes pratiques de pêche<br />
ou d’élevage au grand public. Madagascar<br />
et sa formidable biodiversité constituent<br />
une véritable carte de visite. Le développement<br />
des communautés proches des<br />
LES DOSSIERS DE PDM j<br />
❘ Homard et langouste ❘ Moules de Hollande ❘ Développement durable ❘ Islande ❘ Recherche & développement ❘<br />
La crevette malgache sort du lot<br />
exploitations est une réalité. Le secteur<br />
privé sait se substituer ou s’associer à un<br />
État démuni de moyens pour assumer certaines<br />
responsabilités en matière de santé<br />
ou d’éducation.<br />
La crevette à Madagascar, est un peu à<br />
l’image de cette « Corse » de l’Afrique : haute<br />
en couleur et avec beaucoup de caractère.<br />
Reportage : Dominique GUILLOT<br />
Madagascar prawns are a cut above the rest<br />
Madagascar prawns, whether caught or farmed, fulfil every one of the FAO’s code of conduct<br />
criteria for a responsible and sustainable exploitation. The monodon from Madagascar<br />
is up in the top category and one has to pay for quality. But with huge quantities of vanamei,<br />
which pour in from South America and Asia – and which are much cheaper, stocks of<br />
Madagascar prawns pile up in refrigerated warehouses.<br />
Its hope lies in the policy of promoting the quality of the wild caught prawns, soon no doubt<br />
to be given MSC certification, and the moves towards official recognition which are already afoot<br />
in the fisheries side of the industry. The french ‘red’ and ‘biological’ labels are vital trump cards<br />
in the business of being recognised as the very best.<br />
The other card to be played is that of sustainable exploitation. This means getting the<br />
message across to the general public about how well managed both the fishing and farming<br />
industries are in Madagascar. The island with its vast biodiversity is a real invitation to see for<br />
oneself. The development of communities closely allied to the two industries is real evidence.<br />
Dominique Guillot<br />
PRODUITS DE LA MER N°109 JUIN-JUILLET 2008 49
50<br />
f LES DOSSIERS DE PDM<br />
❘ Homard et langouste ❘ Moules de Hollande ❘ Développement durable ❘ Islande ❘ Recherche & développement ❘<br />
L’or rose vire morose<br />
Malgré les efforts d’encadrement de la filière, les pêcheurs<br />
de crevettes sauvages s’inquiètent de leur avenir.<br />
Pour l’Observatoire économique de la<br />
filière crevette (OEFC), emmené par<br />
Hanitra Rasetarinera, « le volume des<br />
captures des pêches industrielles et artisanales<br />
est au plus bas depuis quatre ans. La baisse est<br />
d’environ 30 % par rapport à 2004 ». L’OEFC<br />
recensait alors 7 036 t de crevette issue des<br />
pêches industrielles et 601 t du côté artisan,<br />
contre 4 967 t et 420 t en 2007. Pourtant, la<br />
pêche s’est recadrée depuis le milieu des années<br />
quatre-vingt-dix afin de mieux exploiter<br />
la ressource. Un récent décret paru en<br />
2007, vise encore à atteindre, « en concertation<br />
avec les organisations professionnelles<br />
représentatives, suivant le principe du partenariat<br />
public – privé, la production maximale<br />
équilibrée économique dans l’ensemble des zones<br />
de pêche, tout en préservant la ressource,<br />
l’environnement et les intérêts des acteurs déjà<br />
historiquement présents et restés opérationnels<br />
dans la pêcherie crevettière malgache ».<br />
Dominique Guillot<br />
Le TED (Turtle excluding device), ici présenté<br />
par Thierry Rasoanaivo de la Somapêche (à gauche)<br />
est systématisé sur les chaluts.<br />
UN PLUS, LE CSP<br />
Placé sous l’autorité du ministère de<br />
l’Agriculture, de l’Élevage et de la<br />
Pêche (MAEP), le centre de surveillance<br />
des pêches (CSP) embarque des observateurs<br />
et dispose d’un système de<br />
suivi des navires par satellites (SSNS)<br />
basé sur le couple balise Argos + logiciel<br />
Métapêche. Mis en place en 2000,<br />
il permet de suivre en temps réel leur<br />
déplacement dans les eaux territoria-<br />
PRODUITS DE LA MER N°109 JUIN-JUILLET 2008<br />
Un système de droits de pêche individuels<br />
transférables est en vigueur. Chaque<br />
navire titulaire d’une autorisation annuelle<br />
peut utiliser une longueur correspondante<br />
d’engin de pêche (corde de dos), contre<br />
paiement d’une redevance annuelle.<br />
Onze sociétés, souvent investies dans<br />
l’aquaculture, se réunissent au sein du<br />
GAPCM (1). Elles se partagent soixantecinq<br />
licences de pêche industrielle, réparties<br />
dans quatre zones (A, B, C et D) étalées<br />
sur la côte ouest de Madagascar pour<br />
les trois premières, et sur la côte est pour la<br />
dernière, la moins exploitée. S’y ajoutent 21<br />
licences de pêche artisanale. La production<br />
porte principalement sur du congelé bord, à<br />
destination des marchés d’exportation.<br />
Soucieuse de pérenniser son exploitation,<br />
la pêche cherche à développer la sélectivité<br />
des chaluts dans le cadre du projet<br />
Chamad avec des scientifiques de l’Ifremer.<br />
Des dispositifs d’échappement<br />
de poisson (BRD) sont désormais<br />
systématiquement implantés<br />
dans le gorget pour limiter<br />
les prises accessoires. Et des dispositifs<br />
anti-tortue (TED) se positionnent<br />
dans la rallonge du cul<br />
de chalut. Ce choix fait suite à<br />
un projet de marquage des<br />
tortues, lancé avec le WWF.<br />
Un maillage minimum de<br />
55 mm étiré a été imposé,<br />
les chaînes bannies et une<br />
période de repos biologique<br />
instaurée, entre novembre<br />
et mars, alors que<br />
la crevette se reproduit. Les<br />
professionnels s’engagent<br />
cette année dans un travail de<br />
certification MSC.<br />
les malgaches. Le CSP dispose aussi<br />
de trois navires (dont un neuf, l’Atsantsa,<br />
patrouilleur de 35 m) et peut<br />
affréter des avions pour certaines missions.<br />
Les limites ? Madagascar dispose<br />
de 5 000 km de côtes… La tâche est<br />
sans doute plus aisée avec les contrôles<br />
terrestres, destinés à encadrer la collecte<br />
et le marché domestique de la crevette<br />
à partir d’embarcations traditionnelles.<br />
Dominique Guillot<br />
La crevette de mer entière, congelée et crue<br />
(ici chez Pêchexport), est le produit phare<br />
de la production malgache.<br />
L’un des facteurs identifiés de la baisse<br />
des captures est celui de la pêche dite traditionnelle.<br />
Aux communautés de pêcheurs<br />
sédentaires ou nomades, se sont agrégés<br />
ces dernières années, une foule de nouveaux<br />
convertis à l’or rose, rejetée par<br />
d’autres secteurs en faillite. Cette économie<br />
de subsistance aurait un impact négatif<br />
sur la jeune population de crevettes. En<br />
particulier à cause de l’utilisation de moustiquaires<br />
destinées à lutter contre le paludisme,<br />
lesquelles se transforment en filet à<br />
la maille extra-fine. Des actions de recensement,<br />
d’information et de formation sont<br />
menées afin de réduire le phénomène.<br />
Parallèlement, la concurrence de la vanamei<br />
d’Asie et d’Amérique du sud s’affirme.<br />
« Nous sommes sur un marché de qualité<br />
de plus en plus restreint. Seuls les Espagnols<br />
ou les Portugais restent capables d’apprécier<br />
la différence, se désole Antoine Pierre<br />
Rossignol de Réfrigépêche. Les autres ne regardent<br />
que le prix ». Et paradoxalement,<br />
les stocks de crevettes congelées malgaches<br />
augmentent…<br />
(1) Groupement des aquaculteurs et pêcheurs de<br />
crevettes de Madagascar<br />
Dominique Guillot
52<br />
f LES DOSSIERS DE PDM<br />
❘ Homard et langouste ❘ Moules de Hollande ❘ Développement durable ❘ Islande ❘ Recherche & développement ❘<br />
Le choix d’une aquaculture « douce »<br />
L’aquaculture de crevettes à Madagascar s’appuie<br />
sur une production semi intensive. Ce choix est stratégique face<br />
à la crevetticulture productiviste pratiquée en Asie ou au Brésil.<br />
Lorsque l’idée a jailli d’investir dans<br />
la crevetticulture à Madagascar, une<br />
autre a suivi rapidement, il fallait à la<br />
fois préserver l’image de qualité acquise<br />
par la crevette de pêche et éviter les risques<br />
de maladies dans les fermes. Exit les<br />
techniques intensives, le recours aux antibiotiques<br />
et la dégradation de la mangrove,<br />
la filière a opté pour une aquaculture responsable,<br />
conforme à l’esprit du code de<br />
conduite de la FAO ou du GAA (Global<br />
aquaculture alliance). Repérés dès la fin des<br />
années quatre-vingt par les scientifiques, les<br />
sites retenus correspondent à des zones sèches<br />
et stériles situées en bordure de mangrove.<br />
Afin de bannir d’éventuelles contaminations<br />
en cas de maladie, les fermes<br />
sont éloignées les unes des autres. Le fait<br />
d’élever des espèces locales, P. monodon et<br />
P. indicus, dans de grands bassins à une densité<br />
20 individus maximum au m 2 , réduit le<br />
risque de virus.<br />
En 2008, 27 établissements de transformation<br />
sont agréés par l’UE.<br />
Les 7 fermes situées sur la côte nordouest<br />
réalisent environ 8 000 t de captures<br />
sur 2 300 ha de bassin. Avec un coefficient<br />
de conversion alimentaire élevé (plus<br />
de 2 kg de granulé pour 1 kg de crevette),<br />
l’aliment est le plus gros poste de dépense<br />
(40 %), suivi du carburant (20 %). Parce<br />
qu’elles sont isolées, les fermes assurent<br />
leur autonomie énergétique. Les opérateurs<br />
se sont dotés d’usines de transformation<br />
dignes des plus belles unités européennes.<br />
Bien qu’elles soient situées en zone franche<br />
et soumises à une faible fiscalité, elles enregistrent<br />
des pertes d’exploitation car le<br />
PRODUITS DE LA MER N°109 JUIN-JUILLET 2008<br />
Dominique Guillot<br />
produit reste coûteux (environ<br />
8,50 €/kg). Le retour<br />
à la compétitivité passe<br />
par des gains de productivité,<br />
sans effets négatifs<br />
sur la qualité.<br />
Le pari est difficile<br />
pour les deux locomotives<br />
que sont<br />
Aqualma-Unima<br />
et Les Gambas de<br />
l’Ankarana-OSO).<br />
Ces entreprises ont<br />
misé sur des démarches<br />
qualité (respectivement<br />
Label Rouge et<br />
AB - Agriculture biologique),<br />
qui couronnent leurs<br />
propres dynamiques, mais<br />
aussi l’esprit d’une filière entière.<br />
« Nous souhaitons capitaliser<br />
sur ce que Madagascar fait de bien et<br />
aller au-delà, sur la biodiversité, l’absence de<br />
pollution et d’impact sur la nature, explique<br />
Mathias Ismail, PDG de OSO. Nous misons<br />
sur la qualité environnementale, sociale et éthique<br />
». Les aquaculteurs malgaches poursuivent<br />
des débats passionnés sur la maîtrise<br />
de l’amont. LGA tient à conserver une part<br />
de géniteurs sauvages, tandis qu’Aqualma<br />
cherche à domestiquer entièrement les espèces.<br />
En aval, le groupe Unima dispose de<br />
sa propre usine de cuisson en France. De<br />
son côté, Oso a des partenaires transformateurs<br />
comme Miti et Coldwater.<br />
Encore faudrait-il que les efforts soient<br />
récompensés. Comme le remarquait<br />
Bertrand Coûteaux, secrétaire général<br />
du groupe Unima, au Seafood choice alliance<br />
de Barcelone en Janvier : « Dans<br />
un contexte de baisse des prix, les producteurs<br />
engagés sont asphyxiés par des exigences<br />
croissantes qui ne se traduisent par aucun<br />
avantage supplémentaire. L’enjeu est de maîtriser<br />
la marge commerciale ; et en général,<br />
ce n’est pas au bénéfice du producteur et encore<br />
moins à celui des objectifs affichés : social,<br />
environnement… Il faut définir les objectifs<br />
d’une certification unique, reconnue par<br />
les marchés, des indicateurs, favoriser la transparence<br />
et s’assurer d’un contrôle indépendant<br />
». À ce jeu, Madagascar a d’excellentes<br />
cartes en main.<br />
Les sites de transformation élevés<br />
par les opérateurs (ici, LGA),<br />
combinent isolement et modernité.<br />
DES LABOS TRÈS PROS<br />
Les activités halieutiques sont essentielles<br />
à l’économie de Madagascar,<br />
rappelle Dorothée Ravomanana, directrice<br />
de l’Autorité sanitaire halieutique<br />
(ASH). En Europe, nous sommes sur<br />
des marchés de niche que nous devons<br />
pérenniser en affichant une excellente<br />
qualité sanitaire ». Les missions de<br />
l’ASH ont donc été calquées sur le<br />
dispositif réglementaire du paquet<br />
hygiène européen. En mars 2008,<br />
l’union européenne a agréé 55 navires,<br />
6 entrepôts et 27 usines. Par ailleurs,<br />
l’Institut Pasteur de Madagascar a<br />
créé un laboratoire d’épidémio-surveillance<br />
et il reçoit l’aide de l’Australie<br />
pour mettre en place un plan<br />
spécifique pour la production crevettière.<br />
Enfin, les sociétés elles-mêmes<br />
disposent de laboratoires très pointus,<br />
à l’image de celui dédié à la biologie<br />
moléculaire (PCR) créé par LGA.<br />
Dominique Guillot
Dominique Guillot<br />
f LES DOSSIERS DE PDM<br />
❘ Homard et langouste ❘ Moules de Hollande ❘ Développement durable ❘ Islande ❘ Recherche & développement ❘<br />
La crevette au service de l’Homme<br />
La qualité reconnue du produit sauvage et d’élevage, s’accompagne<br />
d’actions sociales et l’environnementales. Madagascar y tient.<br />
Si les fermes aquacoles ont pour premier<br />
principe de s’installer sans destruction<br />
de la mangrove, sur des tannes,<br />
le second est une volonté d’intégration<br />
dans le milieu social. Un projet aquacole<br />
implique l’instauration d’un dialogue avec<br />
les communautés locales, même si cellesci<br />
sont réduites et disséminées. Il se réalise<br />
dans le respect des coutumes, celui des<br />
cultes, des zones taboues, des « fady ».<br />
Une convention de cohabitation et de collaboration<br />
est élaborée et les promoteurs<br />
s’engagent à satisfaire certains besoins sociaux<br />
et économiques. Il est d’usage d’embaucher<br />
prioritairement les populations locales<br />
et de mettre en place de conditions<br />
d’installation décentes pour les travailleurs<br />
venus des villes plus éloignées. Banni est le<br />
travail des enfants, tandis que celui des femmes<br />
est encouragé. Le code du travail malgache,<br />
combiné avec des conventions d’entreprises<br />
(représentation syndicale…) fait<br />
de la crevetticulture un secteur économique<br />
avancé socialement.<br />
54 PRODUITS DE LA MER N°109 JUIN-JUILLET 2008<br />
Les villages passent de quelques dizaines à<br />
quelques milliers d’habitants et les sociétés<br />
s’investissent directement ou en collaboration<br />
avec l’État ou des ONG, dans des programmes<br />
de santé. La création de dispensaires<br />
qui s’impliquent ensuite dans le planning<br />
familial, les vaccinations, l’achat de médicaments<br />
ou la prévention de MST, contribuent<br />
au développement. Liée au réseau d’alimentation<br />
des sites de production, la fourniture<br />
d’eau potable est un facteur de bien-être et<br />
de santé. L’enseignement constitue un autre<br />
volet d’action avec la construction d’écoles<br />
et de bibliothèques.<br />
tout un système<br />
Les sociétés cherchent ainsi à établir un<br />
cercle vertueux. L’exportation des produits<br />
finis génère des devises qui sont en partie investies<br />
dans les outils de production autour<br />
desquels on développe des services publics.<br />
Et des interactions se créent : les petits agriculteurs<br />
ou pêcheurs proches, commercent<br />
avec les fermes ou avec les villages qui accueillent<br />
les populations d’employés. Le développement<br />
d’infrastructures (électricité,<br />
aérodromes, routes, pistes, débarcadères)<br />
facilite l’évacuation sanitaire des malades. Le<br />
développement communautaire passe encore<br />
par celui des rizières, des cultures maraîchères<br />
ou de l’élevage.<br />
Autre obligation importante, tout projet<br />
aquacole doit participer au maintien de<br />
la mangrove par des opérations de surveillance<br />
et de reboisement. Les plantations<br />
s’alignent le long des bassins et aux alentours<br />
des villages pour générer du bois de chauffe.<br />
Certains, comme Aqualma (Unima), vont<br />
plus loin. La société a créé à proximité de<br />
son écloserie, une plantation d’anacardier<br />
destinée à constituer un puits de carbone<br />
négociable avec ceux qui souhaitent réduire<br />
leur empreinte écologique. Les résidus de<br />
crevettes de l’usine, séchés, y sont valorisés<br />
comme engrais !<br />
Enfin, la gestion de l’eau est une question<br />
centrale. En amont, elle est rendue<br />
potable, et en aval, les rejets doivent se limiter.<br />
L’Office national de l’environnement<br />
veille attentivement à l’impact<br />
environnemental des écloseries et<br />
des fermes sur les coraux et sur la<br />
faune halieutique. Il impose aussi<br />
des inventaires de la flore et de<br />
la faune. Plusieurs responsables<br />
de sites sont fiers d’avoir<br />
découvert des espèces rarissimes<br />
de palmier et d’oiseaux.<br />
« Dans les zones d’aménagement<br />
concerté, le dialogue s’est<br />
installé entre industriels et pêcheurs<br />
traditionnels pour préserver<br />
la ressource, se félicite<br />
Harison Randriarimanana, ministre<br />
de l’environnement, des<br />
eaux et forêts, et du tourisme.<br />
À Madagascar, 70 % de la population<br />
est pauvre. Mais nous voulons<br />
enrayer le cycle de la pauvreté<br />
et de destruction de l’environnement.<br />
Le développement économique et le<br />
respect de l’environnement ne sont pas<br />
antinomiques. Au contraire »<br />
Cultures maraîchères et fontaines<br />
d’eau potable (au fond à droite),<br />
font partie des éléments de confort<br />
liés au développement de la crevetticulture.
LES DOSSIERS DE PDM j<br />
❘ Homard et langouste ❘ Moules de Hollande ❘ Développement durable ❘ Islande ❘ Recherche & développement ❘<br />
« Priorité à la gestion de la ressource »<br />
Entretien avec le professeur Panja Ramanoelina,<br />
ministre de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche.<br />
PDM.- Dans quel état d’esprit abordezvous<br />
vos nouvelles fonctions et votre<br />
ministère ?<br />
Panja Ramanoelina.- Intégrer le ministère<br />
de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche<br />
(MAPPE) après avoir dirigé pendant une<br />
quinzaine d’années une institution universitaire,<br />
est un nouveau défi. Mais je suis optimiste<br />
étant donné l’évolution du pays ces<br />
dernières années. En particulier pour notre<br />
premier enjeu, qui est de tripler la production<br />
de riz d’ici à 2012.<br />
Sur la filière halieutique, notre souci premier<br />
est la gestion durable des ressources.<br />
Cette politique compte, en plus de la direction<br />
de la pêche et des ressources halieutiques,<br />
sur trois départements : CSP,<br />
OEFC et PNRC (1). Des dispositions concrètes<br />
ont été prises par mes prédécesseurs.<br />
Le nouveau décret sur la pêche, en<br />
vigueur depuis le début de la saison 2008,<br />
fait suite à ceux concernant la protection<br />
des tortues ou la limitation des rejets. Par<br />
ailleurs, la création de la commission pêche<br />
et environnement au sein du MAEP<br />
puis du ministère de l’Environnement, des<br />
Eaux et Forêts et du Tourisme, constitue,<br />
étant donné leur efficace collaboration directe<br />
et celle avec le GAPCM, des points<br />
Le nouveau ministre Panja Ramanoelina<br />
entend poursuivre le travail<br />
de ses prédécesseurs.<br />
très positifs pour tous les aspects environnementaux<br />
de la filière.<br />
Quelles dispositions concrètes ont-elles<br />
été prises ?<br />
De nombreux chantiers sont en cours,<br />
comme ceux de la gestion intégrée des zones<br />
côtières ou d’un projet d’aires marines protégées.<br />
Ils prolongent les initiatives des services<br />
de l’Office national de l’environnement<br />
et ceux des membres du GAPCM en matière<br />
de reboisement des mangroves par exemple.<br />
Ces éléments se sont imbriqués lors de<br />
LE GAPCM COUVE L’ACTIVITÉ CREVETTIÈRE<br />
Moteur essentiel de la production<br />
de crevettes à Madagascar depuis<br />
1994, le GAPCM réuni la quasi totalité<br />
des professionnels de la filière, soit 16<br />
membres (2) répartis en deux divisions,<br />
pêche et aquaculture : « Ce regroupement<br />
était devenu une nécessité pour<br />
assurer une meilleure gestion de la ressource,<br />
explique l’actuel président Claude<br />
Brunot. Nous nous sommes investis dans<br />
de nombreux projets comme le gel de<br />
l’effort de pêche, la collecte de données<br />
fiables et les bonnes pratiques. Si nos intérêts<br />
sont parfois divergents, nous sommes<br />
des interlocuteurs crédibles et responsables,<br />
capables de prendre des initiatives<br />
afin d’éviter la dégradation d’une industrie<br />
essentielle ici. Nous souhaitons cogérer<br />
encore plus efficacement la filière avec<br />
Dominique Guillot<br />
l’État et sauver l’origine Madagascar ».<br />
Le principal partenaire du GAPCM est<br />
effectivement le MAEP et le groupement<br />
est membre du conseil d’administration<br />
de l’agence malgache pour la Pêche et<br />
l’Aquaculture (AMPA). Principale source<br />
financière (avec l’Union Européenne),<br />
l’agence française de développement<br />
(AFD) s’implique dans de nombreux<br />
projets d’appui à la filière. Côté environnement,<br />
le fonds français pour l’Environnement<br />
Mondial (<strong>FFEM</strong>), est également<br />
un partenaire important, de<br />
même que l’institut de Recherche pour le<br />
Développement (IRD).<br />
Dominique Guillot<br />
la conférence parisienne de l’Unesco sur la<br />
biodiversité, ou le président de la République<br />
Marc Ravalomanana avait prononcé un discours<br />
important sur ces principes.<br />
Et plus précisément sur la pêche et<br />
l’aquaculture ?<br />
L’aquaculture de Madagascar est reconnue<br />
à travers le monde comme l’une des<br />
plus respectueuse de l’environnement. Le<br />
modèle semi-intensif associe l’interdiction<br />
d’importer de nouvelles espèces ou d’utiliser<br />
des antibiotiques. Il implique la protection<br />
des mangroves ou encore la gestion des<br />
eaux usées. Toutes ces dispositions permettent<br />
de réaliser un travail efficace en matière<br />
de gestion durable. Plus largement, on peut<br />
rappeler les actions menées avec la FAO et<br />
le WWF, notamment le processus de certification<br />
MSC en cours et les ateliers de validation<br />
des « Principes et critères pour le développement<br />
d’une aquaculture responsable »<br />
qui se tiennent début juin à Antananarivo. Le<br />
développement, rapide et durable, est une<br />
priorité de l’État à Madagascar.<br />
(1) Centre de surveillance de pêches, Observatoire<br />
économique de la filière crevette et Programme<br />
national de recherche crevettière.<br />
Claude Brunot, président du GAPCM, est<br />
un acteur historique de la crevette<br />
de Madagascar, avec ses sociétés<br />
Somapêche et Somaqua.<br />
(2) PNB (Pêcheries de Nossi Be), Somapêche, Réfrigépêche Ouest et Est, Crustapêche,<br />
Pêchexport, Aquamen, Kaleta Export, Pêcheries du Menabé et du Melaky (OSO), Sogedirpoma, Sopemo,<br />
Aquamas, Aquamen EF, Aqualma, Les Gambas de l’Ankarana (OSO), Somaqua.<br />
PRODUITS DE LA MER N°109 JUIN-JUILLET 2008<br />
55