24.RENCONTRE interview Régis Marcon Les pieds sur terre, l’assiette dans les étoiles Depuis qu’il a été sacré Bocuse d’Or, en 1995, Régis Marcon a connu le parcours fulgurant d’une vedette de la gastronomie française. Mais il a su rester proche des valeurs et de la terre qui l’ont façonné. ©Laurence Lager-Barruel - De Borée <strong>GL</strong> <strong>events</strong> magazine - Avril/April 2010
interview RENCONTRE.25 1 ©Laurence Lager-Barruel - De Borée 2 3 1. En octobre 2005, Régis Marcon a ouvert le restaurant « Jacques et Régis Marcon » pour préparer l’avenir qui verra son fils lui succéder. – 2 et 3. Trois ans plus tard, à côté, il a ouvert l’Hôtel des Cimes qui bénéficie d’une vue splendide sur les confins de la Haute-Loire. 1. In October 2005, Régis Marcon opened the restaurant “Régis et Jacques Marcon” in preparation for the future, when his son will take over from him. – 2 and 3. Three years later, next door, he opened the Hôtel des Cimes, which benefits from a spectacular view of the boundaries of the Haute-Loire. Des veillées entières > à éplucher des champignons… Régis Marcon se souvient avec délectation de tous ces moments vécus en famille : « Comme nous étions sept enfants, à chaque fois, ça donnait lieu à de franches parties de rigolade. » Pourtant, cette joie très tôt associée à la cuisine n’a, dans son esprit, aucunement déterminé son destin de grand chef. « Je ne voulais pas faire ce métier. Après la 3e, moi, je voulais faire les Beaux-Arts... » Mais la vie en a décidé autrement avec le décès d’un papa parti trop tôt : « Ma mère n’a pas voulu que je me destine à devenir artiste peintre. Pour elle, ce n’était pas un métier. Elle m’a donc envoyé à l’école hôtelière de Grenoble. » Durant sa première année passée au cœur des Alpes, Régis Marcon goûte très peu à la joie de son enfance derrière les marmites. Heureusement, l’année suivante il rencontre un pâtissier à part : « Il aimait les décors, il tirait le sucre… Grâce à lui, j’ai perçu que je pouvais très bien développer ma fibre artistique en cuisine. » Trente-cinq ans après, Monsieur Blin – c’est de lui qu’il s’agit – n’est pas peu fier de voir ce que son « poulain » a réalisé dans son village natal de Saint-Bonnet-le-Froid, aux confins de la Haute-Loire et de la Haute Ardèche, entre Velay et Vivarais. Cafetier-restaurateur à 22 ans Depuis 1979, date à laquelle il a repris le café-restaurant familial avec sa femme Michèle, à l’âge de 22 ans, Régis Marcon a, pas à pas, fait beaucoup de chemin : première étoile Michelin en 1990, lauréat du Bocuse d’Or en 1995 (lire encadré), deuxième étoile Michelin en 1997, ouverture d’un salon de thé-pâtisserie en 2000, d’une boulangerie en 2004, troisième étoile Michelin en 2005, ouverture du nouveau restaurant « Régis et Jacques Marcon » en octobre de la même année, ouverture d’un hôtel en 2008. « Il fallait penser à l’avenir incarné par mon fils Jacques qui, prochainement, me succèdera », argumente Régis Marcon. En 2005, un nouveau restaurant est donc sorti de terre. Avec une cuisine composée de recettes reflétant la nature environnante. À la carte, l’agneau en croûte de foin de cistre côtoie le ragoût de lentilles vertes du Puy, la brochette de banane au caramel de morille voisine avec le soufflé de châtaignes… Entre les lignes, on l’aura compris, le champignon est l’emblème de la maison. « Parce qu’il est l’obsession de celui qui attend la saison avec impatience pour chausser les bottes et partir en forêt », souligne Régis Marcon. Pour ravir les cinq cents convives qui, chaque semaine, se rendent à Saint-Bonnet-le-Froid après quatre à cinq mois d’attente, une cinquantaine de salariés s’affairent dans un lieu idyllique. « Un lieu pensé pour les hommes qui y travaillent dans l’esprit du développement durable. C’est pourquoi nous avons décidé d’inscrire notre démarche dans le cadre d’une certification éco-label », affirment en chœur Régis Marcon et son épouse Michèle, très impliquée dans le développement durable. À Saint- Bonnet-le-Froid, les bois de la région sont mariés, avec goût, à la pierre de Beyssac, qui rappelle que nous sommes ici sur les terres volcaniques d’Auvergne. En charge d’une mission ministérielle Une géographie qui permet à Régis Marcon de garder les pieds sur terre malgré son statut de vedette de la gastronomie française depuis qu’il a acquis sa troisième étoile Michelin : « J’ai travaillé pour avoir cette troisième étoile, mais ce n’était pas une finalité. La réussite n’est pas dans les étoiles ! Derrière ce challenge, c’est surtout la reconnaissance de tous les gens qui travaillent à Saint-Bonnet-le- Froid depuis des années qui était en jeu. » Régis Marcon ne cherche pas à attirer les caméras. Il regrette même la starisation des chefs étoilés : « Je trouve dommage que les métiers de service tels que maître d’hôtel ne retiennent pas l’attention des médias. Cela nous empêche d’attirer les jeunes vers ces métiers. Les chefs ne peuvent pas se plaindre d’être sous les feux des projecteurs car ça permet à leurs établissements d’attirer du monde, mais nous ne sommes pas des flambeurs. » Régis Marcon reconnaît toutefois que ce vedettariat a quand même du bon car il lui permet aussi « de se battre pour l’ensemble de la profession ». Depuis le 2 septembre dernier, il est, par exemple, chargé par le ministère de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi d’une mission sur la formation professionnelle et l’alternance dans les métiers de la restauration : faire des propositions pour améliorer les dispositifs existants et élaborer une charte de l’alternance spécifique à la restauration. Une mission que Régis Marcon entend mener à bien, mais qui ne l’empêchera aucunement de continuer à éplucher des champignons. Là est sa vraie joie. Avril/April 2010 - <strong>GL</strong> <strong>events</strong> magazine