PENTAGRAMMA - ROMANIAN LIBRARY

thrace, fondé sur les plaintes, les lamentations aux funéiailles et sur un sens
rare de la langue reconstituée, qu’illustre Cezar Ivãnescu dans son monumental
volume A Baaad (espace utopique) une encyclopédie de formules
lyriques médiévales, folkloriques et cultivées aspirant à récupérer une époque
qui n’a pas eu de littérature écrite mais certainement une littérature orale.
Les poésies de Cezar Baltag (les volumes Reflets, La Licorne dans le miroir,
Monnaie) sont elles aussi folkloriques, mais dans un esprit hermétique. Il
y a, cependant, chez les Roumains, deux moyens-âges et tandis que le moyen
âge folklorique parle par Cezar Ivânescu, le moyen âge byzantin s’exprime
dans la poésie ascétique et parfois aride, à esprit hésichaste, glorificatrice
et extatique de Ioan Alexandru, (des volumes monumentaux d’Hymnes: Les
Hymnes de la joie, les Hymnes de l’amour, les Hymnes de la Valachie), – son
représentant le plus précieux. Suivent les structures orientales, à hermétisme
sûfi et iranien des Chasses de Dumitru M. Ion (conçues en arabesques, tel
un tapis persan) et le balkanisme à la fois turc, phanariote et polychrome
de Gheorghe Tomozei (Suave sens dessus dessous et Mécanismes romantiques).
Ce qui caractérise ces productions c’est la régénération lyrique qui
fait appel à des phénomènes internes de culture, mais le processus parallèle,
d’enrichissement par le rapport établi, avec des phénomènes universels
est également possible. La lyrique de l’antiquité grecque (chez Stefan
Augustin Doinaº), la Renaissance pétrar-quesque (chez Radu Cârneci),
l’aspiration romantique à la ballade et le culte du sonnet (chez Tudor
George) – configurent un lyrisme d’adoption, d’essence livresque. Le résumé
de ces phénomènes, à direction évidente vers l’intégralité d’une civilisation,
est visible dans la poésie de Nichita Stã-nescu, une encyclopédie de formules
autochtones et de réminiscences livresques, une expérience des formes imparfaites
dont la synthèse donne un sens à l’équilibre nécessaire en dépit de la
précarité ontologique. Ce sens de l’équilibre, invoquant une forte composante
écologiste, qui tire peut-être son origine de la poésie de Nicolae Labiº (1935-
1956), – véritable phénomène auroral – est évident jusqu’à nos jours dans
une œuvre inégale mais éthi-ciste avec priorité, comme l’est celle d’Adrian
Pãunescu.
Ainsi, valorisation de la tradition lyrique vernaculaire, régénération à
travers les strates historiques de culture (signifiant, toutes deux, le désir d’illustrer
un fonds encore non-utilisé), encyclopédisme post-moderne, solution
écologique, éthique et formelle, – tels sont les principes du lyrisme
roumain, organisé dans les cadres spécifiques et aspirant à s’affirmer de
manière monumentale.
La Prose: épos, phénoménologie, argument ethnologique
L’évolution de la prose roumaine ne pouvait pas, elle non plus, ne pas
tenir compte de la configuration de la tradition, et il est indiscutable qu’avec
Mihail Sadoveanu (Le Hachereau, L’Auberge d’Ancoutza, Les Frères Jder)
la littérature roumaine se trouve au seuil d’une grande synthèse de l’épos
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