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VISITE DE SARKOZY EN HAITI ! - Haiti Liberte

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également dans certaines parties<br />

du Kenya, d’Ethiopie et de Djibouti.<br />

Le nouvel Etat somalien adopte<br />

d’ailleurs comme drapeau une étoile,<br />

dont chaque branche représente une<br />

des parties de la Somalie historique.<br />

Le message derrière ce symbole étant<br />

: « Deux Somalies ont été réunies<br />

mais il en reste trois colonisées ».<br />

Devant la légitimité de ces<br />

revendications, les Britanniques - qui<br />

contrôlaient le Kenya - organisèrent<br />

un référendum dans la région de ce<br />

pays revendiquée par la Somalie.<br />

87 % de la population, provenant<br />

essentiellement d’ethnies somaliennes,<br />

se prononcèrent pour l’unité<br />

de la Somalie. Mais lorsque les résultats<br />

fûrent publiés, Jomo Kenyatta,<br />

leader d’un mouvement nationaliste<br />

kenyan, menaça les Britanniques<br />

d’expulser les colons s’ils cédaient<br />

une partie du territoire à la Somalie.<br />

La Grande-Bretagne décida donc de<br />

ne pas tenir compte du référendum<br />

et aujourd’hui encore, une importante<br />

communauté de Somaliens vit<br />

au Kenya. Il faut bien comprendre<br />

que ces frontières coloniales ont été<br />

une véritable catastrophe pour la Somalie.<br />

Cette question avait d’ailleurs<br />

fait l’objet d’un débat important sur<br />

le continent africain.<br />

Grégoire LALIEU & Michel<br />

COLLON : Quel était l’enjeu de ce<br />

débat ?<br />

Mohamed Hassan : Dans les<br />

années soixante, alors que de nombreux<br />

pays africains étaient devenus<br />

indépendants, un débat opposa ceux<br />

qu’on appelait les groupes de Monrovia<br />

et de Casablanca. Ce dernier, comportant<br />

entr’ autres le Maroc et la Somalie,<br />

souhaitait qu’on rediscute les<br />

frontières héritées du colonialisme.<br />

Elles n’avaient aucune légitimité à<br />

leurs yeux. Mais la plupart des pays<br />

africains et leurs frontières sont le<br />

produit du colonialisme. Finalement,<br />

l’Organisation de l’Unité Africaine<br />

(OUA), ancêtre de l’actuelle Union<br />

Africaine, mit un terme au débat<br />

en décrétant que les frontières sont<br />

indiscutables : revenir sur ces délimitations<br />

provoquerait des guerres<br />

civiles partout sur le continent. Plus<br />

tard, l’un des architectes de l’OUA,<br />

le Tanzanien Julius Nyerere, confessa<br />

que cette décision était la meilleure<br />

mais qu’il la regrettait pour le cas somalien.<br />

Grégoire LALIEU & Michel<br />

COLLON : Quel sera l’impact de ces<br />

divisions coloniales sur la Somalie ?<br />

Mohamed Hassan : Elles<br />

vont créer des tensions avec les<br />

pays voisins. Durant ces années où<br />

la Somalie réclamait la révision des<br />

frontières, l’Ethiopie était devenue<br />

un bastion de l’impérialisme des<br />

Etats-Unis, qui tenaient également<br />

des bases militaires au Kenya et en<br />

Erythrée. C’est alors que la Somalie,<br />

jeune démocratie pastorale, émit le<br />

désir de bâtir sa propre armée. Le<br />

but était de ne pas être trop faible<br />

face aux voisins armés, de soutenir<br />

les mouvements somalis en Ethiopie<br />

voire même de récupérer par la force<br />

certains territoires. Mais les puissances<br />

occidentales s’opposèrent à la<br />

création d’une armée somalienne.<br />

Grégoire LALIEU & Michel<br />

COLLON : Donc, la Somalie entretenait<br />

des relations tendues avec ses<br />

voisins. N’était-il pas raisonnable<br />

de s’opposer à ce projet d’armée somalienne<br />

? Cela aurait provoqué des<br />

guerres, non ?<br />

Mohamed Hassan : Ce qui<br />

préoccupait l’Occident, ce n’était pas<br />

les conflits entre pays africains mais<br />

ses propres intérêts. Les Etats-Unis et<br />

la Grande-Bretagne équipaient et formaient<br />

des militaires en Ethiopie, au<br />

Kenya et en Erythrée. Des pays qui<br />

vivaient encore sous le joug de systèmes<br />

féodaux très oppressifs. Mais<br />

c’était des régimes néocoloniaux dévoués<br />

aux intérêts des Occidentaux.<br />

En Somalie, par contre, le pouvoir en<br />

place était plus démocratique et indépendant.<br />

L’Occident n’avait donc<br />

pas d’intérêt à armer un pays qui<br />

pouvait échapper à son contrôle.<br />

En conséquence, la Somalie<br />

décida de se tourner vers l’Union<br />

Soviétique. Cela inquiéta hautement<br />

les puissances occidentales qui redoutaient<br />

que l’influence de l’URSS<br />

s’étende en Afrique. Ces craintes<br />

vont s’accentuer avec le coup d’Etat<br />

de 1969.<br />

Grégoire LALIEU & Michel<br />

COLLON : C’est-à-dire ?<br />

Mohamed Hassan : Des idées<br />

socialistes s’étaient répandues dans le<br />

pays. En effet, une importante communauté<br />

somalienne vivait à Aden<br />

dans le Sud du Yémen. Or, c’est dans<br />

cette ville que la Grande-Bretagne<br />

avait pris pour habitude d’envoyer<br />

en exil toutes les personnes qu’elle<br />

considérait comme dangereuses en<br />

Inde : communistes, nationalistes,<br />

etc. Ils étaient tous arrêtés et envoyés<br />

à Aden où se développèrent<br />

rapidement des idées nationalistes<br />

et révolutionnaires qui affecteront<br />

plus tard les Yéménites mais aussi<br />

les Somaliens. Sous l’impulsion de<br />

civils aux idées marxistes, un coup<br />

d’Etat fût organisé en 1969 par les<br />

militaires et Siad Barré prit le pouvoir<br />

en Somalie.<br />

Grégoire LALIEU & Michel<br />

COLLON : Quelles étaient les raisons<br />

de ce coup d’Etat ?<br />

Mohamed Hassan : Le gouvernement<br />

somalien était corrompu.<br />

Il avait pourtant tous les ingrédients<br />

en mains pour ériger le pays au rang<br />

de grande puissance de la région :<br />

une position stratégique, une seule<br />

langue, une seule religion et d’autres<br />

éléments culturels communs. Ce qui<br />

est plutôt rare en Afrique. Mais en<br />

ratant le développement économique<br />

du pays, ce gouvernement a créé un<br />

climat favorable à la division entre<br />

clans. Sous prétexte de faire de la<br />

politique, les élites somaliennes se<br />

sont divisées, chacune créant son<br />

parti sans véritable programme et<br />

en recrutant son électorat selon les<br />

clans existants. Cela accentua les<br />

divisions et se révéla totalement<br />

inefficace. Une démocratie de type<br />

libéral n’était en fait pas adaptée à<br />

la Somalie : il y avait à un moment<br />

63 partis politiques pour un pays<br />

de trois millions d’habitants ! Et le<br />

gouvernement n’était même pas capable<br />

d’adopter une écriture officielle<br />

ce qui créait de sérieux problèmes<br />

dans l’administration. Le niveau<br />

d’éducation était faible. On établit<br />

malgré tout une bureaucratie, une<br />

police et une armée. Qui va d’ailleurs<br />

jouer un rôle fondamental dans le<br />

coup d’Etat progressiste.<br />

Grégoire LALIEU & Michel<br />

COLLON : « Progressiste » ! Avec<br />

l’armée ?<br />

Mohamed Hassan : L’armée<br />

était la seule institution organisée en<br />

Somalie. En tant qu’appareil de répression,<br />

elle était supposée protéger<br />

le soi-disant gouvernement civil et<br />

l’élite. Mais pour de nombreux Somaliens<br />

provenant de familles et de<br />

régions différentes, l’armée était aussi<br />

un lieu de rencontres et d’échanges<br />

où il n’y avait pas de frontières, pas<br />

de tribalisme, pas de divisions claniques…<br />

C’est comme cela que les<br />

idées marxistes héritées d’Aden<br />

vont circuler au sein de l’armée. Le<br />

coup d’Etat sera donc mené par des<br />

officiers qui étaient avant tout nationalistes<br />

et qui, sans avoir de très<br />

bonnes connaissances du socialisme,<br />

éprouvaient de la sympathie pour ces<br />

idées. De plus, ils étaient au courant<br />

de ce qui se passait au Vietnam et<br />

nourrissaient des sentiments antiimpérialistes.<br />

Les civils qui connaissaient<br />

bien Marx et Lénine mais qui<br />

n’avaient pas de parti politique de<br />

masse, appuyèrent le coup d’Etat et<br />

devinrent les conseillers des officiers<br />

lorsque ceux-ci prirent le pouvoir.<br />

Les Etats-Unis et l’Europe maintiennent la Somalie dans le chaos :<br />

famine, guerres, pillages, pirates et attentats ont sombré le pays<br />

Les puissances impériales présentent toujours comme terroristes les<br />

peuples qui luttent pour leurs droits.<br />

En 1993, les soldats US de l’opération restore Hope seront vaincus par<br />

une résistance nationaliste somalienne. Depuis lors, la politique des<br />

Etats-Unis a été de maintenir la Somalie sans véritable gouvernement<br />

Grégoire LALIEU & Michel<br />

COLLON : Quel changement apporta<br />

le coup d’Etat en Somalie ?<br />

Mohamed Hassan : Un aspect<br />

positif important : le nouveau gouvernement<br />

adopta rapidement une<br />

écriture officielle. De plus, l’Union<br />

Soviétique et la Chine aidaient la<br />

Somalie. Les étudiants et la population<br />

se mobilisaient. L’éducation<br />

ainsi que les conditions sociales<br />

s’améliorèrent. Les années qui ont<br />

suivi le coup d’Etat fûrent ainsi les<br />

meilleures que la Somalie ait jamais<br />

connues. Jusqu’en 1977.<br />

Grégoire LALIEU & Michel<br />

COLLON : Qu’est-ce qui a changé ?<br />

Mohamed Hassan : La Somalie,<br />

qui avait été divisée par<br />

les puissances coloniales, attaqua<br />

l’Ethiopie pour récupérer le territoire<br />

de l’Ogaden, majoritairement peuplé<br />

de Somalis. A cette époque pourtant,<br />

l’Ethiopie était elle-même un Etat socialiste<br />

soutenu par les Soviétiques.<br />

Ce pays avait été longtemps dirigé<br />

par l’empereur Sélassié. Mais durant<br />

les années septante, la mobilisation<br />

était forte pour le renverser. Les mouvements<br />

d’étudiants - auxquels j’ai<br />

personnellement participé - posaient<br />

quatre revendications majeures.<br />

Tout d’abord, résoudre les tensions<br />

avec l’Erythrée de manière pacifique<br />

et démocratique. Deuxièmement,<br />

établir une réforme agraire qui distribuerait<br />

des terres aux paysans.<br />

Troisièmement, établir le principe<br />

d’égalité des nationalités : l’Ethiopie<br />

était alors un pays multinational<br />

dirigé par une élite non représentative<br />

de la diversité. Quatrièmement,<br />

abolir le système féodal et établir un<br />

Etat démocratique. Tout comme en<br />

Somalie, l’armée était la seule institution<br />

organisée en Ethiopie et les<br />

civils s’associèrent aux officiers pour<br />

renverser Sélassié en 1974.<br />

Grégoire LALIEU & Michel<br />

COLLON : Comment se fait-il que<br />

deux Etats socialistes soutenus par<br />

l’Union Soviétique se sont fait la<br />

guerre ?<br />

Mohamed Hassan : Après<br />

la révolution éthiopienne, une délégation<br />

regroupant l’Union Soviétique,<br />

Cuba et le Yémen du Sud organisa<br />

une table ronde en présence<br />

de l’Ethiopie et de la Somalie en vue<br />

de résoudre leur différend. Castro se<br />

rendit à Adis Abeba et à Mogadiscio.<br />

Selon lui, les revendications somaliennes<br />

étaient tout à fait justifiées. Finalement,<br />

la délégation éthiopienne<br />

accepta d’étudier sérieusement la demande<br />

de son voisin somalien et les<br />

deux pays signèrent un accord stipulant<br />

qu’aucun acte de provocation ne<br />

serait commis le temps de prendre<br />

une décision. Les choses semblaient<br />

donc bien parties, mais la Somalie ne<br />

respecta pas cet accord…<br />

Deux jours après que la délégation<br />

éthiopienne soit retournée au<br />

pays, Henry Kissinger, ancien ministre<br />

du président Nixon, débarqua<br />

à Mogadiscio. Kissinger représentait<br />

une organisation officieuse : le Safari<br />

Club qui regroupait notamment<br />

l’Iran du Chah, le Congo de Mobutu,<br />

l’Arabie Saoudite, le Maroc ainsi que<br />

les services secrets français et pakistanais.<br />

L’objectif de cette organisation<br />

était de combattre la prétendue<br />

infiltration soviétique dans le Golfe<br />

et en Afrique. Sous les pressions et<br />

les promesses d’aides du Safari Club,<br />

Siad Barré va commettre un désastre,<br />

une grave erreur stratégique: attaquer<br />

l’Ethiopie.<br />

Grégoire LALIEU & Michel<br />

COLLON : Quelles seront les conséquences<br />

de cette guerre ?<br />

Mohamed Hassan : Les Soviétiques<br />

quittèrent la région et la<br />

Somalie, toujours présidée par Siad<br />

Barré qui intégra le réseau néocolonial<br />

des puissances impérialistes. Le<br />

pays avait été sérieusement endommagé<br />

par le conflit et la Banque Mondiale<br />

et le FMI fûrent chargés de le<br />

« reconstruire ». Ceci allait aggraver<br />

les contradictions au sein de la bourgeoisie<br />

somalienne. Chacune des<br />

élites régionales voulant posséder<br />

son propre marché. Elles ont accentué<br />

les divisions entre clans et contribué<br />

à la dislocation progressive du<br />

pays jusqu’à la chute de Siad Barré<br />

en 1990. Depuis, aucun chef d’Etat<br />

ne lui a succédé.<br />

Grégoire LALIEU & Michel<br />

COLLON : Mais, trente ans après la<br />

guerre de l’Ogaden, le scénario va<br />

s’inverser : l’Ethiopie sera appuyée<br />

par les Etats-Unis pour attaquer la<br />

Somalie...<br />

Mohamed Hassan : Oui,<br />

comme je l’ai dit, depuis l’échec de<br />

l’Opération Restore Hope, les Etats-<br />

Unis préfèrent maintenir la Somalie<br />

dans le chaos. Cependant, en 2006,<br />

un mouvement spontané se<br />

Suite à la page (17)<br />

Vol. 3 No. 31 • Du 17 au 23 Février 2010 Haïti Liberté 11

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