À L'ECOLE DES HISTOIRES I. Mais pourquoi avons-nous ... - Cndp

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eprésente mentalement le texte, anticipe sa chevauchée. Diverses quêtes ordonnent ces déambulations : fonder une famille 20 , s’implanter ailleurs 21 , voyager 22 , chercher des impressions 23 , apprécier le but atteint, le retour au bercail. Rares sont cependant les albums qui organisent des rendez-vous plus rugueux, plus saisissants avec le monde mettant les consciences à l’épreuve : confrontations sincères mais sans concessions (parfois sans illusions) avec les formes du pouvoir ou leurs représentations. 24 La narration linéaire est la forme qui a été privilégiée pour la transmission des histoires : cette forme provoque les émotions pour les contenir par la chronologie, les ruptures, les reprises… Cependant d’autres formes cherchent à donner une part décisive au lecteur : à lui de faire des liens, d’organiser des cohérences, d’imaginer d’autres suites, d’autres fins à partir d’images dont la logique d’association est apparemment invisible. 25 Pour Jerome Bruner, il semble que les premières histoires aient eu (aient toujours) pour fonction de réunir un fonds commun de mythes pour dire les normes d’une culture tout en présentant quelques transgressions acceptables. D’où le danger des histoires. QU’EST-CE QU’UNE HISTOIRE ? 1. Une histoire commence avec des personnages. Ils ont des partenaires privilégiés (parent, copain, animal…) avec ou contre qui ils prennent confiance, intègrent les règles, testent les limites 26 . Avec eux, le lecteur apprend à nommer le quotidien, le reconnaître. Ils sont seuls et font leur entrée dans le monde, ses opacités : ils commencent à verbaliser des émotions latentes (Joseph K., Max, Sylvain… 27 ) Parfois, leur solitude est l’indice d’un archétype fictionnel 28 ou de l’espèce animale 29 . Ces histoires ont des cadres narratifs assez communs dont la répétition installera des matrices d’écriture (des patrons). Les couples habitent parfois des séries où règnent des duos familiaux (frère/sœur 30 ) ou des paires d’amis (souris/ours, crapauds… 31 ) : chaque volume explore des types de relations, vit les variations des sentiments, plaçant le lecteur devant des situations qu’il connaît, qu’il découvre et devant lesquelles il peut se positionner. D’autres couples sont plus occasionnels : de tempéraments différents ils illustrent l’hétérogénéité des forces en présence dans les coopérations 32 sans toujours gommer les tensions 33 . <strong>À</strong> trois, le nombre introduit une relation d’ordre 34 ou de désordre. 35 Sept, le nombre est fatal (on ne peut y échapper) : il représente, en général, des « portées » de frères et sœurs. 36 Entre quatre et dix, vont les randonnées : un personnage en rencontre un autre, jusqu’au dernier 37 ; un personnage en fédère d’autres derrière lui 38 . 20 Laissez passer les canards, Robert McCloskey, Circonflexe 21 999 têtards, Ken Kimura & Yasunari Murakami, Autrement 22 Petit poisson voit du pays, Bruno Gibert, Autrement 23 Barnabé et la vache qui marchai au plafond, René Gouichoux & Nicole Claveloux, Mijade 24 Ami-Ami, Rascal & Stéphane Girel, Pastel 25 Tout un monde, Au Jardin, Katie Couprie & Antonin Louchard 26 Coucou, L’heure du bain, Où est Mouf ?, etc. Jeanne Ashbé, Pastel 27 Tout change, Anthony Browne, Kaléidoscope, Max et les Maximonstres, Maurice Sendak, L’école des loisirs, Sylvain note tout, Tord Nygren, L‘école des loisirs. 28 Loup, L’Ogre, Olivier Douzou, Le Rouergue, Va-t-en grand monstre vert, Ed Emberley, Milan 29 Crapaud, Ruth Brown, Gallimard. Le Renard, La Taupe, La Chouette... Thierrry Dedieu, Milan 30 Tromboline & Foulbazar, Claude Ponti, L’école des loisirs 31 Monsieur Monsieur et Mademoiselle Moiselle, Claude Ponti, L’école des loisirs, Ernest & Célestine, Gabrielle Vincent, Casterman 32 Le Voyage d’Oregon, Rascal & Joos, Pastel 33 Le Tunnel, Anthony Browne, Kaléidoscope, La Brouille, Claude Boujon, L’école des loisirs 34 Les Trois petits cochons… 35 Bébés chouettes, Martin Waddell et Patrick Benson, Kaléidoscope 36 7 souris dans le noir, Ed Young, Milan, La famille souris, Kazuo Iwamura, L’école des loisirs 2
Claude Ponti parie sur de grands nombres (120, 1000) 39 , rejoint par une histoire de pingouins aussi nombreux que les jours d’une année 40 . Quel monde taillent ces diverses quantités ? Quelles relations établissent-elles à l’interne ? Que disentelles des liens avec « le reste du monde « ? Quelles sont les absences, les redondances ? Quelle vision des groupes ? 1. Une histoire a besoin d’un imprévu pour rompre l’ordre des choses Plutôt sereine, la situation initiale se trouve déréglée par un événement aux conséquences plus ou moins prévisibles qui ramène (presque toujours) personnages et lecteurs à la situation initiale (même si elle est, à l’origine, déréglée). 41 Quant à l’imprévu, il peut clore une situation anormale 42 ou ramener à une forme tout à fait anormale. 43 La vengeance (et même le crime prémédité) peuvent ainsi être valorisés. 44 Si des albums travaillent à établir les fins inexorables, comme la mort 45 , d’autres fins sont la porte ouverte au recommencement 46 . Certains ne se prononcent pas, maintenant la tension émotive du doute, de l’arbitrage. 47 2. Une histoire exhibe une cohérence qui fait place aux questions. Comme pour montrer la cohérence de leurs histoires, certains auteurs en exposent la topologie (traces 48 , plan 49 , carte 50 ). Divers éléments organisent la trame logique : nombres 51 , pièces d’une maison 52 , cycles naturels 53 . Les connecteurs sont alors les charnières 54 . L’histoire en boucle est une autre manière d’indiquer le parcours 55 . Quelques auteurs déconstruisent le codex pour occuper autrement l’espace, en faire un allié du sens 56 : Kveta Pacovska est habituée du genre. 3. Une histoire c’est une voix qui dit le point de vue sur le monde « Il était une fois… », « Par un beau jour d’été… » Qui raconte ? Qui prétend avoir été là pour se faire auteur du récit ? Le narrateur est parfois difficile à identifier. Dans Cinquième 57 qui parle ? Le docteur ? La secrétaire ? Un jouet ? Dans Machin Chouette 58 , même embrouillamini. Des personnages s’emparent de la fable de leur vie (La Caresse du papillon) en dialoguant 59 ; un seul personnage soutient parfois le récit de sa voix. 60 Quelques auteurs discutent directement avec leur lecteur, en tête à tête 61 . 37 De la petite taupe qui voulait savoir qui lui avait fait sur la tête, Wolf Erlbruch, Seuil 38 L’Anniversaire de Monsieur Guillaume, Une soupe au caillou, Anaïs Vaugelade, L’école des loisirs 39 Pétronille et ses 120 petits, Mille secrets de poussins, Claude Ponti, L’école des loisirs 40 365 pingouins, Jean-Luc Fromental & Joëlle Jolivet, Naïve 41 Vezmo la sorcière, Geoffroy de Pennart, La Guerre, Anaïs Vaugelade, L’école des loisirs 42 Moi, ma grand-mère, Pef, Gallimard 43 Bébé corbeau, John A. Rowe, Nord Sud 44 La Vengeance de Germaine, Emmanuelle Eeckhout, Pastel 45 La Caresse du papillon, Christian Voltz, Le Rouergue 46 Anton et les filles, Ole Könnecke, L’école des loisirs 47 Le Pêcheur et l’oie, Le Voyageur et les oiseaux, Anne Brouillard, Seuil 48 Devine qui a retrouvé Teddy, Gerda Muller, L’école des loisirs 49 Le petit chaperon rouge, Rascal, Pastel, Madlenka, Peter Sis, Grasset 50 Ma Vallée, Claude Ponti, L’école des loisirs 51 Dix petites graines, Ruth Brown, Gallimard, 7 souris dans le noir, Ed Emberley, Milan 52 Une histoire sombre, Ruth Brown, Gallimard 53 L’Aventure d’une bulle rouge, L’œuf et la poule, Iela et Enzo Mari, L’école des loisirs, Toujours rien ?, Christian Voltz, Le Rouergue 54 Jojo la mache, Olivier Douzou, Le Rouergue 55 Le Gentil facteur, Alan et Janet Allbergh, Albin Michel 56 Le Petit invité, Hélène Riff, Albin Michel 57 Cinquième, Norman Junge & Ernst Jandl, L’école des loisirs 58 Machin Chouette, Philippe Corentin, L’école des loisirs 59 La Chasse à l’ours, Michael Rosen & Helen Oxenbury, Kaléidoscope 60 Maman me fait un toit, Patrice Favaro & Françoise Malleval, Syros 61 L’Arbre en bois, Philippe Corentin, L’école des loisirs 3
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