L'INDUSTRIE MUSICALE Ã L'AUBE DU XXIe SIÃCLE - Irma
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L’IN<strong>DU</strong>STRIE <strong>MUSICALE</strong><br />
À L’AUBE <strong>DU</strong> XXI e SIÈCLE<br />
<br />
Questions contemporaines<br />
Série Les industries de la culture et de la communication
L’IN<strong>DU</strong>STRIE <strong>MUSICALE</strong><br />
À L’AUBE <strong>DU</strong> XXI e SIÈCLE<br />
Approches critiques
Questions contemporaines<br />
Collection dirigée par B. Péquignot et D. Rolland<br />
Chômage, exclusion, globalisation… Jamais les « questions contemporaines »<br />
n’ont été aussi nombreuses et aussi complexes à appréhender. Le pari de la<br />
collection « Questions contemporaines » est d’offrir un espace de réflexion et de<br />
débat à tous ceux, chercheurs, militants ou praticiens, qui osent penser autrement,<br />
exprimer des idées neuves et ouvrir de nouvelles pistes à la réflexion collective.<br />
Derniers ouvrages parus<br />
Hubert LEVY-LAMBERT et Laurent DANIEL (dir), Les douze travaux<br />
d’Hercule du nouveau Président, 2012.<br />
Tony FERRI, Qu’est-ce que punir ? Du châtiment à l’hypersurveillance, 2012.<br />
Abou-Bakr Abelard MASHIMANGO, La dimension sacrificielle de la guerre.<br />
Essai sur la martyrologie politique, 2012.<br />
Jordane ARLETTAZ, Séverine NICOT (dir.), Le cadre juridique de la<br />
campagne présidentielle, 2012.<br />
Alain BÉNÉTEAU, Louis MALLET, Michel CATLLA, Les régions françaises<br />
au milieu du gué, Plaidoyer pour accéder à l’autre rive, 2012.<br />
Jean BRILMAN, Réconcilier démocratie et gestion, 2012.<br />
André PRONE et Maurice RICHAUD, Pour sortir du capitalisme. Éco-partage<br />
ou communisme ?, 2012.<br />
Christophe du PAYRAT, Pourquoi avoir fait de Mayotte le 101 e département<br />
français ?, 2012.<br />
Jean-Michel VINCENT, L’invention de la maîtrise d’œuvre urbaine. De la ville<br />
nouvelle aux ateliers, 2012.<br />
Simon DOLAN, Martine GUIDONI, Succès et valeurs. Les valeurs pour un<br />
mieux-être professionnel et personnel, 2012<br />
François-Gabriel ROUSSEL, Les mondes virtuels. Panorama et perspectives,<br />
2012.<br />
Rémi RAHER, La signature en politique. Entre attribut du pouvoir et<br />
contrainte matérielle, 2012.<br />
Henri MALOSSE et Laure LIMOUSIN, La construction européenne. Histoires<br />
et avenir d’une Europe des peuples, 2012.<br />
Rémi GUILLET, Propositions pour une économie équitable, 2012.<br />
Thorsten BOTZ-BORNSTEIN, La Chine contre l’Amérique, Culture sans<br />
civilisation contre civilisation sans culture ?, 2012.<br />
Mireille GIRAUD, Être et vivre seule : le harcèlement quotidien, 2012.<br />
Patrick PILLON (dir.), La faim par le marché, Aspects sénégalais de la<br />
mondialisation, 2012.<br />
Kilien STENGEL, Une cantine peut-elle être pédagogique ? La place de la<br />
transmission dans la restauration scolaire, 2012.
Sous la direction de<br />
Jacob T. Matthews et Lucien Perticoz<br />
L’IN<strong>DU</strong>STRIE <strong>MUSICALE</strong><br />
À L’AUBE <strong>DU</strong> XXI e SIÈCLE<br />
Approches critiques
© L’Harmattan, 2012<br />
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris<br />
http://www.librairieharmattan.com<br />
diffusion.harmattan@wanadoo.fr<br />
harmattan1@wanadoo.fr<br />
ISBN : 978-2-336-00402-0<br />
EAN : 9782336004020
INTRO<strong>DU</strong>CTION<br />
Prendre au sérieux l’industrie musicale<br />
Jacob T. MATTHEWS<br />
Financés par la fondation des Maisons des Sciences de l’Homme et<br />
l’Université Paris 8, les travaux ayant nourri cet ouvrage 1 émanent d’une<br />
double interrogation. D’abord, il nous a semblé que les délimitations<br />
courantes des diverses composantes de l’industrie musicale devaient être<br />
fondamentalement réexaminées. Il s’agissait ainsi de s’interroger sur la<br />
viabilité, notamment à l’ère des réseaux numériques, du modèle traditionnel<br />
de structuration de la filière entre des acteurs alternatifs/indépendants, d’un<br />
côté, et l’oligopole, les majors, de l’autre. Nous sommes en effet partis de<br />
l’hypothèse que ladite « crise » de l’industrie musicale était peut-être à<br />
concevoir comme un bouleversement des équilibres traditionnels, une<br />
mutation de la structuration de cette filière. Cette intensification de<br />
partenariats et de collaborations relativement inédits, entre acteurs de tailles<br />
différentes et aux logiques fort diverses a été pressenti par Bernard Miège<br />
dès la fin des années 1990 :<br />
« [les industries du contenu] connaîtront effectivement l’essor<br />
généralement attendu (…) seulement si l’auto-médiation laisse la<br />
place – hypothèse maintenant très vraisemblable – à<br />
l’intermédiation, c’est-à-dire à la multiplication (et à la<br />
superposition) d’espaces de médiations individuels et collectifs,<br />
de dimension très variable, fonctionnant ou non dans une<br />
temporalité instantanée et impulsés selon les cas par des agents<br />
sociaux spécialisés ; ces espaces sont susceptibles de se<br />
constituer en “places de marché”. Et si cette perspective se<br />
vérifie, ce n’est pas à la fin des médiations qu’il faut s’attendre,<br />
mais au contraire à leur renforcement, ou plutôt à leur<br />
prolifération. » (MIÈGE, 2000 : 101)<br />
Notre travail d’observation et d’analyse des rapports entre les différents<br />
acteurs de l’industrie musicale s’est accompagné d’un second constat<br />
préliminaire, à savoir que cette « crise » apparaît en même temps comme<br />
l’occasion d’expérimenter un certain nombre de nouvelles modalités de<br />
valorisation économique de la musique. En attestent aussi bien l’importance<br />
croissante de la promotion en ligne et du marketing dit « viral », ainsi que la
8<br />
place prise par de nouveaux acteurs tels que les sites de streaming et les sites<br />
d’échange de vidéos, les distributeurs numériques ou les agrégateurs de<br />
contenus, sans parler des échanges de pair-à-pair. Les conditions dans<br />
lesquelles se déroule cette valorisation ont en effet évolué de manière<br />
significative au cours des quinze dernières années. Un des exemples les plus<br />
probants de cette mutation est sans doute le phénomène du crowd-funding.<br />
En permettant aux fans d’acquérir des parts en vue de la production<br />
d’enregistrements d’artistes de leur choix, avec une rémunération<br />
correspondante en cas de succès de l’album, ce modèle suppose non plus<br />
uniquement un investissement symbolique de l’auditeur, mais un véritable<br />
engagement économique, à la fois dans le financement de la production et en<br />
matière de promotion. Sur un registre analogue, des acteurs organisés au sein<br />
de réseaux de labels indépendants invitent les auditeurs à télécharger<br />
gratuitement « pour découvrir », mais à acheter « pour soutenir ». Selon<br />
certains commentateurs, nous assistons ainsi à l’éclosion de dispositifs<br />
inédits, qui contribuent à redéfinir fondamentalement les positions et les<br />
prérogatives qui ont historiquement caractérisé la filière de la musique<br />
enregistrée, entraînant notamment un affaiblissement supposé des acteurs<br />
industriels au profit de réseaux d’acteurs du Web collaboratif.<br />
Une analyse plus nuancée des phénomènes en cours dans les champs de la<br />
production, la diffusion, la communication et la réception musicales nous<br />
incite toutefois à davantage de prudence. Même si la musique n’a sans doute<br />
jamais été aussi partagée – comme le rappelle à juste titre Lucien Perticoz –<br />
nous soutenons que cette expansion s’insère bien dans un processus<br />
d’intensification de l’industrialisation de la culture et de la communication<br />
(BOUQUILLION, 2008). Ce processus implique, entre autres, que les contenus<br />
musicaux deviennent, de plus en plus, de simples « produits d’appel »<br />
insérés dans le cycle de valorisation d’autres biens et services.<br />
Partant de ces observations, notre ouvrage se subdivise en deux parties :<br />
une première qui éclaire les évolutions de la valorisation de la musique en<br />
tant que dynamiques résultant à la fois de mutations de l’offre industrielle et<br />
de pratiques individuelles et collectives renouvelées ; une seconde qui<br />
interroge plus précisément la question des transformations de la structuration<br />
de la filière industrielle et des enjeux soulevés par ces modifications,<br />
notamment du point de vue des acteurs économiques.<br />
Dans un premier chapitre, Lucien Perticoz montre en quoi nos deux<br />
constats préliminaires sont proprement corrélatifs à la question des<br />
transformations des pratiques d’écoute musicale, en ce sens qu’une certaine<br />
musicalisation du quotidien et une nécessaire gestion de la profusion
9<br />
musicale vont de pair avec des éléments de restructuration de la filière du<br />
côté des acteurs économiques (pp. 21-44). Dans un second temps, Vincent<br />
Rouzé s’interroge sur les opportunités qu’impliquent ces mutations, tant<br />
pour des auditeurs dont la pratique semble a priori s’être affranchie d’un<br />
certain nombre de contraintes traditionnelles, que pour des acteurs<br />
économiques redoublant d’ingéniosité afin de « marchandiser » ces<br />
nouvelles expériences musicales (pp. 45-68). Christophe Magis clôt cette<br />
première partie du livre en questionnant théoriquement, entre autres, la<br />
pénétration de la notion de marque au sein des nouvelles stratégies de<br />
certains éditeurs indépendants et, à travers elle, l’expansion insidieuse des<br />
formes de valorisation économique des productions musicales (pp. 69-94).<br />
Le chapitre suivant, proposé par Stéphane Costantini, explore plus<br />
spécifiquement l’organisation du vivier de la filière de la musique<br />
enregistrée à l’ère des réseaux numériques, les réponses apportées au<br />
problème de la surproduction désormais amplifiée, ainsi que la place<br />
occupée par les pure players dans les rapports de production et les relations<br />
entre acteurs des industries culturelles et créateurs (pp. 97-128). Dans le<br />
cinquième chapitre, David Pucheu apporte un certain nombre de<br />
propositions empiriques pour mieux appréhender la notion d’indépendant et<br />
questionne la position ambivalente des différents acteurs des marges face<br />
aux mutations contemporaines de la chaîne de production de la valeur des<br />
musiques enregistrées (pp. 129-153). L’ultime chapitre, signé par Guillaume<br />
Dufy, propose de partir de l’exemple de la scène bordelaise pour explorer les<br />
transformations actuelles du live, tant du point de vue de la valorisation, de<br />
la structuration industrielle, que des interventions publiques. Ce chapitre<br />
nous incite également à réfléchir à la notion d’une « économie de la<br />
musique » intégrant désormais les filières auparavant relativement séparées<br />
de la musique enregistrée et du spectacle (pp. 155-165).<br />
Enfin, dans sa postface, Alexandros Baltzis apporte un éclairage<br />
comparatif particulièrement intéressant pour comprendre les analogies et les<br />
spécificités de la situation française vis-à-vis d’autres cas en Europe ou audelà.<br />
De plus, cette contribution permet de questionner davantage la notion<br />
même d’une industrie musicale unique (pp. 167-199).<br />
Quelques apports de l’économie politique de la communication<br />
En guise de préambule, il semble utile de revenir sur certaines conclusions<br />
de l’ouvrage Les industries de la culture et de la communication en mutation<br />
(BOUQUILLION & COMBÈS, 2007). L’ensemble des contributions y figurant<br />
souligne une articulation croissante entre les entreprises productrices de
10<br />
contenus et les firmes du secteur de la communication, les mutations des<br />
premières ne pouvant dorénavant être appréhendées que prises dans le cadre<br />
plus vaste des industries de la culture, de l’information et de la<br />
communication (ICIC). Dans ce contexte, les différents auteurs de l’ouvrage<br />
ont, tour à tour, relevé une extension de la marchandisation des contenus,<br />
celle-ci s’inscrivant dans de nouvelles modalités de valorisation du capital.<br />
Par ailleurs, il est apparu qu’au cours des dernières années, les mouvements<br />
de financiarisation au sein des différentes filières des industries culturelles<br />
allaient s’intensifiant, cette tendance allant de pair avec de vastes<br />
mouvements de concentration. Enfin, l’importance croissante des contenus<br />
culturels et médiatiques dans la définition des stratégies mises en œuvre par<br />
les acteurs des secteurs des télécommunications, des réseaux et de<br />
l’équipement électronique fut également régulièrement pointée. Appliqués à<br />
l’analyse des cycles de production et de valorisation des contenus musicaux,<br />
ces travaux nous amènent à dégager cinq principaux enseignements, qui sont<br />
autant de pistes de réflexion.<br />
Premièrement, il est indéniable que l’époque récente a vu émerger un<br />
nombre significatif de nouveaux acteurs et intermédiaires dans l’industrie<br />
musicale. Le bref inventaire proposé ci-dessus témoigne de l’expansion<br />
qualitative et quantitative de supports et de dispositifs médiatiques<br />
permettant la consommation de contenus musicaux (ou de contenus<br />
informationnels portant sur la musique). Comme le signalait judicieusement<br />
le responsable d’un agrégateur de contenus interviewé dans le cadre des<br />
enquêtes ayant contribué à cet ouvrage : « il y a ce mythe de l’ère du<br />
numérique qui dit qu’aujourd’hui l’artiste et le fan sont plus proches que<br />
jamais, et c’est complètement faux : il y a maintenant davantage<br />
d’intermédiaires dans l’industrie musicale que jamais auparavant. » Un<br />
exemple frappant de cette évolution a été fourni par le « chargé de<br />
communication Web » d’une major du disque également interviewé ; alors<br />
que l’une de ses tâches principales consiste d’après ses dires à optimiser la<br />
communication directe avec la fan-base des artistes (en fournissant<br />
notamment le contenu des pages de réseaux sociaux des artistes), une part<br />
importante de son travail implique l’externalisation de campagnes de<br />
communication « informelles » vers des agences spécialisées dans le<br />
marketing dit « viral » chargées de transmettre des informations et des<br />
suppléments promotionnels auprès de blogueurs et de webzines influents.<br />
Deuxièmement, un nombre significatif de ces nouveaux entrants provient<br />
effectivement des champs des télécommunications, de l’équipement<br />
informatique et de l’électronique, ainsi que des filières du marketing, de la<br />
publicité ou encore du e-commerce. De nombreuses entreprises observées et