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les prix

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Présentation des statistiques de <strong>prix</strong> – la théorie des <strong>prix</strong> selon Jean Fourastié<br />

Le 26 janvier 2013 - page 1<br />

PRESENTATION DES STATISTIQUES DE PRIX. LA THEORIE<br />

DES PRIX SELON JEAN FOURASTIE<br />

Le pouvoir d’achat est toujours ressenti comme baissant, alors qu’il<br />

augmente ! Voilà l’une des conclusions de Jean Fourastié, uniquement à partir<br />

de données observées. Si vous n’êtes pas d’accord, regardez ses milliers de<br />

séries de <strong>prix</strong> mises à jour.<br />

Principe : se baser sur l’observation. Les <strong>prix</strong> réels<br />

Jean Fourastié voulait se limiter à des <strong>prix</strong> et des salaires observés. Il<br />

pensait que la science économique était trop rationnelle et il voulait la<br />

transformer en science d’observation ; il ajoutait : « Il est dur de voir <strong>les</strong><br />

hommes prétendre expliquer <strong>les</strong> mouvements de <strong>prix</strong> avant de <strong>les</strong> avoir<br />

observés 1 ».<br />

L’observation<br />

Jean Fourastié se méfiait de la rationalité pure, de la capacité de l’homme<br />

à abstraire, à construire des raisonnements logiques déconnectés de la réalité.<br />

Sa théorie des <strong>prix</strong> repose uniquement sur des observations. Ainsi lui-même et<br />

son équipe de chercheurs ont-ils réuni des milliers de séries de <strong>prix</strong>, surtout en<br />

France sur longue période, mais aussi dans tous <strong>les</strong> pays. Avec des moyens<br />

moindres, j’ai tenté de mettre à jour, pour la France, quelques-unes d’entre<br />

el<strong>les</strong> : la plupart sont disponib<strong>les</strong> sur le présent site.<br />

Un moyen de comparaison, le <strong>prix</strong> réel<br />

Une autre intuition de Jean Fourastié a été de rechercher un moyen de<br />

mesurer l’évolution. Sur une longue période, la monnaie a changé, non<br />

seulement en francs, Nouveaux Francs ou Euros, mais surtout parce qu’il existe<br />

toujours une inflation plus ou moins forte, qui fait qu’un franc de 1900 ne<br />

ressemblait guère à un franc de 1959...<br />

Jean Fourastié observait le pouvoir d’achat que procure une heure de<br />

travail au salarié le moins rémunéré. Ainsi, il obtenait un moyen de<br />

comparaison des <strong>prix</strong> moins soumis aux fluctuations irrationnel<strong>les</strong>, politiques<br />

ou autres, que le taux de change ou <strong>les</strong> coefficients de conversion. Le <strong>prix</strong> réel<br />

peut se calculer en tout temps et en tout lieu. Voici la définition, pour un<br />

produit x i :<br />

Prix réel de x i = Prix nominal de x i<br />

Salaire horaire<br />

<strong>prix</strong> et salaires doivent être observés au même lieu et à la même date. Le salaire<br />

est celui du manœuvre le moins rémunéré (le SMIC en France aujourd’hui)<br />

augmenté des charges socia<strong>les</strong> subies par l’employeur et le salarié (salaire<br />

1 . Jean Fourastié et alii, L’évolution des <strong>prix</strong> à long terme, P.U.F, Paris, 1969.


Présentation des statistiques de <strong>prix</strong> – la théorie des <strong>prix</strong> selon Jean Fourastié<br />

Le 26 janvier 2013 - page 2<br />

total). Le <strong>prix</strong> réel d'un produit, à une date donnée et dans un pays donné,<br />

représente donc, dans son ordre de grandeur, le temps de travail nécessaire<br />

au travailleur le moins qualifié pour acquérir ce produit.<br />

L’inverse du <strong>prix</strong> réel mesure le pouvoir d’achat (le salaire réel selon<br />

Adam Smith) : si le <strong>prix</strong> réel du blé était en 1900 de 0,64 salaire horaire pour un<br />

kilogramme, cela signifie que le pouvoir d’achat d’une heure de travail était de<br />

1/0,64, soit 1,66kg. Si aujourd’hui, un kilo de pain vaut 2,50€, soit 0,171 salaire<br />

horaire ou 10minutes de salaire, le pouvoir d’achat est de 5,85 kg de pain par<br />

heure de travail.<br />

Le <strong>prix</strong> réel d'un produit est donc, au profit près - négligeable devant <strong>les</strong><br />

amp<strong>les</strong> variations d'ordre de grandeur : 10 ou 20% du <strong>prix</strong> ou même plus ont<br />

une faible influence sur des variations aussi importantes que cel<strong>les</strong> que nous<br />

observons - une mesure du temps de travail nécessaire pour le fabriquer ; ce<br />

temps de travail est mesuré en "équivalent-manœuvre", c'est-à-dire qu'une heure<br />

d'ingénieur est comptée, par exemple, pour 3 ou 4 heures d'équivalentmanœuvre,<br />

selon la rémunération. Le temps de production comprend ainsi la<br />

production des biens intermédiaires (machines) et la recherche. Le <strong>prix</strong> réel<br />

d’un produit est donc le temps "d'équivalent manœuvre" qu'a demandé,<br />

au total, la fabrication de ce produit<br />

On peut contester le choix du salaire ! En particulier, le choix du<br />

manœuvre le moins rémunéré, du SMIC aujourd’hui : tous <strong>les</strong> salaires<br />

n’évoluent pas de la même manière. Nous ne pouvons pas mesurer le pouvoir<br />

d’achat d’un joueur de football ou d’un PDG du CAC 40 avec ce moyen. Mais<br />

cela reflète le niveau de vie du plus grand nombre et c’est ce qui compte.<br />

La baisse du <strong>prix</strong> réel du blé, le fait capital de l’histoire<br />

économique depuis trois sièc<strong>les</strong><br />

Quel est le fait majeur de l’histoire depuis 300 ans ? Vous avez<br />

probablement envie de me dire : la révolution française, l’abolition de<br />

l’esclavage, l’Union Européenne… Il y a un fait inaperçu de la plupart, mais<br />

majeur, c’est l’évolution du <strong>prix</strong> du blé et d’autres denrées de première<br />

nécessité. Nous sommes passés, en France et en Europe, d’une situation de<br />

famine endémique à l’opulence en matière de nourriture.<br />

La courbe ci-après représente l’évolution du <strong>prix</strong> réel du quintal de blé en<br />

France depuis 1700 :<br />

Les données ont été recueillies par Jean Fourastié et son équipe à partir<br />

de mercuria<strong>les</strong>, de comptes, d’annuaires et mises à jour avec <strong>les</strong> données de<br />

l’INSEE. Les <strong>prix</strong> depuis 1875 figurent dans la rubrique « <strong>prix</strong> de gros/<strong>prix</strong><br />

agrico<strong>les</strong> ». Les <strong>prix</strong> plus anciens sont <strong>les</strong> suivants (Prix observés en livres puis<br />

en francs à partir de 1800)


Présentation des statistiques de <strong>prix</strong> – la théorie des <strong>prix</strong> selon Jean Fourastié<br />

Le 26 janvier 2013 - page 3<br />

Pour lire <strong>les</strong> séries de <strong>prix</strong> aller à<br />

Au XVIII e siècle, en moyenne, <strong>les</strong> salariés <strong>les</strong> moins rémunérés et <strong>les</strong><br />

agriculteurs non-salariés devaient travailler deux heures pour produire ou<br />

acheter un kilogramme de blé ; le pouvoir d’achat d’une heure de leur travail<br />

était d’environ un demi-kilogramme de blé ; ceci explique que la structure de<br />

leur consommation comportait environ 80% de méteil 1 , du sel, et des sommes<br />

insignifiantes consacrées au logement et à l’habillement.<br />

On observe des aléas, essentiellement climatiques ; la rareté faisait croître<br />

le <strong>prix</strong> du blé (jouait la loi de l’offre et de la demande ; <strong>les</strong> paysans travaillaient<br />

autant pour produire moins, leur productivité étant plus faible) ; la dernière<br />

famine nationale, en France, en 1709, d’origine climatique (un hiver très<br />

rigoureux qui a provoqué le gel des récoltes) s’est traduite par un <strong>prix</strong> de 817<br />

salaires horaires le quintal de blé. Un salarié ne pouvait, en une longue journée<br />

de travail, rapporter à sa famille plus d’un à deux kilogrammes de blé ou deux à<br />

trois kilogrammes de méteil... À ce <strong>prix</strong>, la mortalité a été très élevée.<br />

Depuis, <strong>les</strong> oscillations continuent, mais le <strong>prix</strong> réel du blé baisse<br />

régulièrement. Nous sommes aujourd’hui en dessous de deux salaires horaires<br />

le quintal de blé, et parfois au-dessous de un, soit plus de deux cent fois moins<br />

qu’au XVIII e siècle. Il suffit de travailler environ une heure au SMIC pour avoir<br />

assez de blé pour se nourrir cent jours !<br />

1 Le méteil est un mélange de céréa<strong>les</strong> pauvres, seigle et froment, moins cher que le froment pur, qui formait la<br />

base de la nourriture d'alors.


Présentation des statistiques de <strong>prix</strong> – la théorie des <strong>prix</strong> selon Jean Fourastié<br />

Le 26 janvier 2013 - page 4<br />

Un regard sur d’autres <strong>prix</strong> réels<br />

L’évolution à long terme du <strong>prix</strong> du blé est spectaculaire ! Tous <strong>les</strong> <strong>prix</strong><br />

n’ont pas évolué de la même manière. Vous pouvez dire que j’ai choisi juste un<br />

<strong>prix</strong> qui a baissé rapidement et que ce qui vous intéresse, c’est l’évolution<br />

récente, et que, pour le moment, votre pouvoir d’achat baisse ! Je vais donc<br />

prendre quelques exemp<strong>les</strong> de la dernière décennie disponible, 2001-2011 :<br />

Des exemp<strong>les</strong> sur 10 ans<br />

Voici quelques exemp<strong>les</strong> de <strong>prix</strong> comparés sur <strong>les</strong> dix dernières années<br />

en France. Les <strong>prix</strong> sont des <strong>prix</strong> réels, exprimés en salaires horaires ; <strong>les</strong> <strong>prix</strong><br />

courants figurent dans <strong>les</strong> données disponib<strong>les</strong> sur le présent site : vous pouvez<br />

<strong>les</strong> vérifier !<br />

Produit 2001 2011 Rapport Coefficient<br />

2011/2001 2011/2001<br />

Photocopieur 101,106 11,963 0,118 8,45<br />

Imprimante laser 33,222 5,383 0,162 6,17<br />

Automobile 990,74 597,48 0,603 1,66<br />

Calculatrice 0,670 0,410 0,612 1,63<br />

Coquil<strong>les</strong> Saint-Jacques 0,718 0,486 0,677 1,48<br />

Camembert 0,153 0,121 0,790 1,27<br />

Concombres 0,176 0,143 0,813 1,23<br />

Carottes 0,100 0,082 0,815 1,23<br />

Eau minérale non gazeuse 0,266 0,222 0,834 1,20<br />

Beurre pasteurisé 0,138 0,116 0,839 1,19<br />

Cabillaud surgelé 0,380 0,323 0,852 1,17<br />

Bégonia en pot 0,841 0,719 0,854 1,17<br />

Pneu d'automobile 5,481 4,866 0,888 1,13<br />

Cabillaud frais 1,320 1,177 0,891 1,12<br />

coupe shampoing homme 1,502 1,341 0,892 1,12<br />

Lettre urgente (timbre) 0,043 0,040 0,921 1,09<br />

Café arabica 0,210 0,196 0,934 1,07<br />

Bière blonde en salle 0,190 0,179 0,940 1,06<br />

Pain (1kg baguette) 0,248 0,237 0,957 1,04<br />

Le Figaro à l'unité 0,100 0,097 0,970 1,03<br />

Epinards surgelés 0,538 0,546 1,015 0,99<br />

Entrecôte parée 1,431 1,462 1,022 0,98<br />

électricité (1h de main d'œuvre) 2,753 3,021 1,097 0,91<br />

Ticket de métro 0,073 0,087 1,191 0,84<br />

Cafetière électrique 2,550 3,500 1,373 0,73<br />

Hôtel une étoile 2,804 3,868 1,379 0,72<br />

Essence super sans plomb 0,093 0,137 1,482 0,67


Présentation des statistiques de <strong>prix</strong> – la théorie des <strong>prix</strong> selon Jean Fourastié<br />

Le 26 janvier 2013 - page 5<br />

Fioul (1000 l) 37,158 61,520 1,656 0,60<br />

ma pension (euros) * * 1,147 0,87<br />

Indice <strong>prix</strong> à la consommation 105,100 125,260 1,192 0,84<br />

Le smic horaire brut 6,670 9,220 1,382 0,72<br />

On peut lire ce tableau ainsi : le <strong>prix</strong> réel d’un photocopieur est passé de<br />

101 salaires horaires à près de 12, soit de 1 à 0,118 : Le <strong>prix</strong> actuel est 11% du<br />

<strong>prix</strong> d’il y a dix ans ; le <strong>prix</strong> réel a été divisé par 8,45.<br />

J’ai indiqué en bas du tableau trois éléments qui peuvent aider à voir<br />

l’évolution moyenne du pouvoir d’achat sur ces dix ans : une pension, le salaire<br />

minimum et l’indice des <strong>prix</strong> à la consommation. On voit que le smic a<br />

augmenté plus rapidement que l’indice des <strong>prix</strong> à la consommation : son<br />

pouvoir d’achat a augmenté sensiblement. « Ma » retraite est une retraite de<br />

fonctionnaire ; elle a un peu moins augmenté que le smic, avec un décalage<br />

faible. Dans tous <strong>les</strong> cas, on ne peut se contenter de dire : <strong>les</strong> <strong>prix</strong> augmentent,<br />

mais <strong>les</strong> salaires et retraites ne bougent pas ! Ils bougent !<br />

Dans <strong>les</strong> derniers temps de sa vie, Jean Fourastié a observé que la<br />

fameuse classification en secteurs, primaire, secondaire, tertiaire, éclatait d’une<br />

certaine façon. Il a donc proposé d’examiner <strong>les</strong> variations du <strong>prix</strong> réel à court<br />

terme en utilisant une autre classification. C’est l’échelle de Jean Fourastié où<br />

<strong>les</strong> produits sont placés selon le rapport des <strong>prix</strong> réels dans <strong>les</strong> 10 dernières<br />

années. Sur le tableau précédent comme sur l’ensemble des <strong>prix</strong> présentés sur<br />

ce site, et sur ceux que vous pourrez recueillir directement, on peut faire la<br />

constatation que <strong>les</strong> disparités importantes dans l’évolution sont dues<br />

essentiellement au fait que le progrès technique s’exerce de façon différente<br />

selon <strong>les</strong> produits.<br />

Les baisses de <strong>prix</strong> spectaculaires concernent des produits électroniques<br />

qui évoluent très vite, ils sont HPT (haut progrès technique). Ils sont moins<br />

chers beaucoup plus performants que dix ans auparavant (un <strong>prix</strong> réel divisé par<br />

8,45 pour un photocopieur… ; par plus de 5 pour une imprimante,<br />

« multifonctions » depuis 4 ou 5 ans : laser, photocopieur, imprimante…). Les<br />

plus âgés d’entre nous peuvent comparer au duplicateur à alcool ou à la ronéo !,<br />

Il est difficile de comparer <strong>les</strong> <strong>prix</strong> des automobi<strong>les</strong>, car j’ai recherché le<br />

bas de gamme, et cela m’amène à suivre des marques différentes. Le rapport<br />

que je trouve est 0,603, ce qui veut dire que le <strong>prix</strong> réel a été divisé par 1,66.<br />

Soit le constructeur faisait un bénéfice indu en 2001, soit le <strong>prix</strong> de revient a<br />

baissé ! C’est la seconde version qui est la bonne ! Il faut moins d’heures de<br />

travail (de l’extraction des métaux et des travaux de recherche au montage et à<br />

la finition) pour produire une automobile qu’il y a 10 ans. C’est un avantage<br />

pour <strong>les</strong> consommateurs, même si cela explique que <strong>les</strong> constructeurs aient<br />

besoin de moins de personnel… On ne parle que des conséquences négatives<br />

sur le chômage, mais jamais de la baisse des <strong>prix</strong> !<br />

Les <strong>prix</strong> réels des produits dont le coefficient est compris entre 0,7 et 1<br />

ont baissé dans une moindre mesure. Il s’agit de produit à progrès technique


Présentation des statistiques de <strong>prix</strong> – la théorie des <strong>prix</strong> selon Jean Fourastié<br />

Le 26 janvier 2013 - page 6<br />

moyen (PTM), essentiellement des produits agrico<strong>les</strong>. Les produits<br />

manufacturés sont en général l’objet d’un progrès technique élevé ;<br />

malheureusement le catalogue Manufrance, qui nous a servi de base pour la<br />

recherche des <strong>prix</strong> depuis le début du XX e siècle, a disparu en 1980. Je n’ai pas<br />

su le remplacer par d’autres catalogues : ceux qui pourraient m’aider en ce<br />

domaine seraient <strong>les</strong> bienvenus ! J’ai donc peu de <strong>prix</strong> récents de produits<br />

manufacturés (le pneu d’automobile est le seul actuellement publié par<br />

l’INSEE). Certains services se trouvent dans cette catégorie, comme la coupe de<br />

cheveux sur laquelle je vais revenir ou le timbre-poste pour lettre ou, de<br />

justesse, le journal Figaro à l’unité.<br />

Les <strong>prix</strong> qui ont augmenté seraient plutôt des services (tertiaire) comme<br />

le métro ou l’hôtel ; le progrès technique n’a qu’un faible rôle dans leur<br />

évolution ; ils sont PTF (progrès technique faible ou nul).<br />

Il existe des produits dont le <strong>prix</strong> ne dépend pas du progrès technique,<br />

mais uniquement de l’offre et de la demande ; c’est le cas, sur le tableau, de<br />

l’essence et du fioul (voir le tableau : fioul dans la classe énergie) ; le <strong>prix</strong> réel<br />

baisse puis remonte au gré de la demande, de la conjoncture et de la situation<br />

monopolistique des pays producteurs (dans le cas du fioul, le progrès technique<br />

est important, et contrebalance en grande partie la hausse qu’imposent <strong>les</strong><br />

monopo<strong>les</strong>…) . C’est aussi le cas de l’or ou des timbres-poste de collection, des<br />

œuvres d’art, des terres.<br />

Quelques exemp<strong>les</strong> typiques à plus long terme<br />

Les exemp<strong>les</strong> de <strong>prix</strong> réels que nous citons ici montrent la prépondérance<br />

du progrès technique dans la formation des <strong>prix</strong>. Certains ont un caractère<br />

anecdotique, mais des centaines d’autres (dont certains sont sur le site) viennent<br />

corroborer ceux que nous présentons. Les exemp<strong>les</strong> présentés ici, mis à jour,<br />

sont ceux que citait volontiers Jean Fourastié.<br />

Le blé et la pomme de terre<br />

En France, en 1961, un kilogramme de pain baguette (c’étaient <strong>les</strong> débuts<br />

de la baguette) valait 0,61 salaire horaire (s. h.), un kilogramme de pommes de<br />

terre 0,11 s. h. donc 6 fois moins. Aujourd’hui, le kilogramme de pain vaut 0,24<br />

s. h. et celui de pommes de terre 0,09 s. h (Voir <strong>les</strong> séries). Il s’agit de produits<br />

alimentaires de base, presque substituab<strong>les</strong> ; et nous constatons que le <strong>prix</strong> du<br />

pain a été divisé par trois, tandis que celui de la pomme de terre a à peine baissé<br />

(le <strong>prix</strong> réel a, encore récemment, de fortes fluctuations). Que se passe-t-il ?<br />

L’explication ne peut résider que dans l'évolution des techniques de production<br />

qui n'est pas la même pour <strong>les</strong> deux produits. Il s'agit d’ailleurs d’un<br />

mouvement de longue durée, car vers 1875 un kilo de pain valait 1,86 s. h. soit<br />

près de 7 fois plus qu’un kilo de pommes de terre (0,27 s. h.) ; aujourd’hui, il<br />

vaut près de trois fois moins.<br />

Quelques <strong>prix</strong> ayant spectaculairement baissé<br />

Outre le pain, nous pouvons regarder le jambon (1950 : 9,6 ; 2011 : 0,96,<br />

divisé par 10) ; le kilogramme de carottes (1950 : 0,54 ; 2011 : 0,08, divisé par<br />

6,75) ; le beefsteack (1950 : 6,56 ; 2011 : 1,4, divisé par 4,7) ; l’automobile bas<br />

de gamme (1950 : 3090 ; 2012 : 556, divisé par 5,5) ; le dentifrice au fluor<br />

(1950 : 0,79 ; 2012 : 0,1, divisé par 7,9). Plus généralement, c’est le cas de<br />

produits agrico<strong>les</strong> et de produits manufacturés.


Présentation des statistiques de <strong>prix</strong> – la théorie des <strong>prix</strong> selon Jean Fourastié<br />

Le 26 janvier 2013 - page 7<br />

La lettre (pli non urgent) et le téléphone<br />

En 1964, il en coûtait le même <strong>prix</strong>, 0,25F, soit 0,079 s. h., d’envoyer une<br />

lettre au tarif alors unique ou de téléphoner pour une unité. En 1996, la lettre en<br />

courrier "lent" coûtait 2,70F soit 0,045 s. h. et l’unité téléphonique 0,74F, 0,013<br />

s. h., largement trois fois moins que la lettre ; depuis, la lettre au courrier<br />

« lent » est passée à 0,036 s. h ; et je ne suis pas capable de donner un <strong>prix</strong> à la<br />

fameuse « unité téléphonique », puisque <strong>les</strong> <strong>prix</strong> varient selon qu’il s’agit d’un<br />

téléphone fixe, d’un téléphone public, ou d’un portable, et que le plus souvent,<br />

avec des couplages Internet, l’« unité » est gratuite. Il y a eu progrès technique<br />

sur le <strong>prix</strong> de l’envoi d’une lettre, puisque le <strong>prix</strong> réel a baissé de moitié, mais il<br />

subsiste des travaux de manutention dont beaucoup sont probablement<br />

incompressib<strong>les</strong>, d’où une baisse limitée. Par contre, le téléphone a progressé de<br />

façon extraordinaire.<br />

Quelques autres produits<br />

Même des services voient leurs <strong>prix</strong> réels baisser fortement. C'est le cas<br />

en particulier des soins de santé. La consultation d'un médecin généraliste<br />

coûtait de l’ordre de 7 salaires horaires dans <strong>les</strong> années trente, trois dans <strong>les</strong><br />

années soixante, deux dans <strong>les</strong> années quatre-vingts, aujourd’hui, dans le cadre<br />

du parcours de soin, elle coûte 25 € soit 1,68 s. h. La consultation du spécialiste<br />

coûtait entre 6 et 7 s. h. dans <strong>les</strong> années soixante, deux à trois dans <strong>les</strong> années<br />

quatre-vingts, et 33€, soit 2,22 s. h. aujourd’hui, hors parcours de soin. Il ne<br />

s'agit pas ici tellement d'augmentation de productivité que de dévalorisation de<br />

ces actes (il s'agit des <strong>prix</strong> officiels, bases des remboursements). La séance de<br />

kinésithérapie coûtait 1,25 s. h. en 1961 ; elle s’est dévalorisée fortement<br />

jusqu’à un quart de salaire horaire en 1989 ; aujourd’hui elle est revenue à 1,47<br />

s. h.<br />

Il faut citer quelques exemp<strong>les</strong> rendus célèbres par Jean Fourastié, la<br />

glace de 4m 2 et la tapisserie : au temps de Louis XIV, la première était<br />

beaucoup plus chère que la seconde. Le <strong>prix</strong> d’une glace de 4m 2 est passé de 35<br />

à 40 mille heures en 1702 (<strong>les</strong> glaces de la galerie des glaces, de 45 pouces, soit<br />

1,44m, valaient 5 000 s. h. chacune), 6 900 s. h. en 1845, 1 000 en 1862, 200 en<br />

1805 et environ 10 s. h. aujourd’hui. Le <strong>prix</strong> réel du mètre carré de tapisserie de<br />

haute lisse est resté, durant cette période, entre 3 000 et 20 000 s. h. Même si<br />

l’on admet que la manufacture de Saint-Gobain était plus dynamique que celle<br />

des Gobelins au XIX e siècle, il faut attribuer <strong>les</strong> différences aux techniques de<br />

production. En effet, ce n'est pas au <strong>prix</strong> des matériaux (à base de sable) qu'est<br />

dû le <strong>prix</strong> élevé des glaces au XVII e siècle, ni à une "technicité" qui<br />

demanderait un personnel plus spécialisé. Les ouvriers du verre n'étaient pas<br />

plus qualifiés que <strong>les</strong> artisans et artistes de la tapisserie. Les explications par la<br />

demande sont également insuffisantes : c'est l'offre qui crée la demande. Si la<br />

manufacture de Saint-Gobain a pu se donner pour but commercial une glace<br />

dans chaque habitation, au siècle dernier, c'est qu'elle a utilisé des techniques de<br />

production qui ont fait baisser suffisamment le <strong>prix</strong> de revient pour que l'achat<br />

devienne possible pour un ménage modeste. La technique de fabrication de la<br />

tapisserie de haute lisse n’a pas contre, pas évolué depuis le XVII e siècle.<br />

Le <strong>prix</strong> réel de la coupe de cheveux pour hommes, dans tous <strong>les</strong> temps et<br />

<strong>les</strong> pays, est voisin de un salaire horaire : il faut toujours environ une heure<br />

pour couper <strong>les</strong> cheveux d’un homme. Aujourd'hui, l’INSEE ne publie plus le<br />

<strong>prix</strong> de la coupe sans shampooing ; avec shampooing, le <strong>prix</strong> réel s'établit à<br />

1,34 s. h. (2,11 en 1990 ; et, sans shampoing, 1,25 s. h. en 1950 et 0,61 en


Présentation des statistiques de <strong>prix</strong> – la théorie des <strong>prix</strong> selon Jean Fourastié<br />

Le 26 janvier 2013 - page 8<br />

1980) ; il a tendance à osciller, voire à augmenter légèrement, en liaison avec<br />

une amélioration de la qualité du service…<br />

La glace de 4m 2 est HPT, la tapisserie et la coupe de cheveux sont PTF.<br />

Un « produit » dont le <strong>prix</strong> réel ne baisse plus significativement est le<br />

ticket de métro parisien (2 e classe puis classe unique, en carnets) : en 1950 :<br />

0,17 ; en 1980 : 0,08 ; en 2011 : 0,087). C’est surtout un service, malgré<br />

l’automatisation du contrôle et parfois de la conduite, un produit PTF.


Présentation des statistiques de <strong>prix</strong> – la théorie des <strong>prix</strong> selon Jean Fourastié<br />

Le 26 janvier 2013 - page 9<br />

Pourquoi cette baisse ? Le progrès des techniques de<br />

production<br />

Les <strong>prix</strong> réels qui augmentent sont rares ! Recherchez-en parmi <strong>les</strong><br />

données ! La plupart des <strong>prix</strong> réels baissent plus ou moins rapidement. La<br />

raison en est le progrès des techniques de production ; il faut moins de temps<br />

aujourd’hui qu’il y a dix ans, vingt ans ou plus pour produire la plupart des<br />

biens de consommation.<br />

Sur le tableau, regardons <strong>les</strong> <strong>prix</strong> en croissance. Le fioul et l’essence sont<br />

en partie déconnectés du <strong>prix</strong> de revient et, à long terme, présentent des<br />

oscillations à la baisse ; la tendance du <strong>prix</strong> réel de l’essence sur 50 ou 60 ans<br />

est à une baisse considérable ; le <strong>prix</strong> de 1000 litres de fioul a retrouvé son<br />

niveau de 1974 (60 salaires horaires, après avoir monté jusqu’à plus de 80 et<br />

être descendu jusqu’à 30 salaires horaires : voir la série). La cafetière électrique<br />

que j’ai suivie a beaucoup varié ; l’hôtel, le métro… sont des services qui<br />

demandent toujours le même temps de travail pour être accomplis.<br />

La raison de la baisse générale n’est pas seulement le jeu de la<br />

concurrence, mais la conséquence de la transformation des techniques de<br />

production.<br />

Revenons au <strong>prix</strong> du blé. De l'araire à la charrue puis au tracteur, de la<br />

moisson à la main à la moissonneuse-batteuse, de la culture du moindre lopin<br />

de terre, peu fertile, parfois en pente, rarement fumé, à celle de grands espaces<br />

ferti<strong>les</strong> et convenablement renforcés par des engrais, de la semence prélevée sur<br />

la récolte à la semence sélectionnée... Nous sommes passés d’un agriculteur qui<br />

nourrissait mal 1,7 personnes (en le comptant) vers 1700 à un agriculteur qui<br />

nourrit bien aujourd’hui environ 100 personnes.<br />

On peut étudier chaque produit, et constater la même réalité. Le blé,<br />

quoique produit agricole, a un comportement à Haut Progrès Technique. La<br />

plupart des produits manufacturés sont dans ce cas ; mais la multiplicité des<br />

produits rend importante la part de services incompressib<strong>les</strong> : dessin du produit,<br />

commercialisation..., ce qui fait que <strong>les</strong> <strong>prix</strong> réels des produits manufacturés<br />

baissent moins vite que jusque vers 1960 ; l’automobile en est un exemple. Les<br />

produits de l’agriculture ont fait l’objet, à long terme, de progrès moyens ; dans<br />

la période récente, leurs <strong>prix</strong> réels baissent rapidement, car <strong>les</strong> techniques de<br />

culture ont évolué très vite.


Présentation des statistiques de <strong>prix</strong> – la théorie des <strong>prix</strong> selon Jean Fourastié<br />

Le 26 janvier 2013 - page 10<br />

La classification des produits : primaire, secondaire, tertiaire<br />

L’intuition fondamentale de Jean Fourastié, celle qui a fait le succès 1 du<br />

Grand Espoir du XX e siècle, était la classification de la production, de la<br />

consommation et de l’emploi en trois secteurs : primaire, secondaire, tertiaire. Il<br />

montrait l’influence que progrès technique sur <strong>les</strong> <strong>prix</strong>, donc sur la production<br />

la consommation et l’emploi.<br />

Il transformait la classification en trois secteurs d’Allen Fisher, reprise<br />

par Colin Clark. Pour eux, le Primaire représentait l’agriculture, le Secondaire,<br />

l’industrie, et le Tertiaire <strong>les</strong> services. Jean Fourastié a transformé la définition<br />

en classant <strong>les</strong> trois secteurs selon le niveau de leur progrès technique :<br />

Primaire : progrès technique moyen, Secondaire : progrès technique élevé,<br />

Tertiaire, progrès technique faible ou nul.<br />

Pour lui, la tapisserie ou la coupe de cheveux sont des produits tertiaires,<br />

dont le <strong>prix</strong> réel est incompressible, car il faut toujours autant de temps, pour<br />

couper <strong>les</strong> cheveux d’un homme ou pour réaliser à la main une tapisserie de<br />

haute lisse ; la glace de 4m 2 est un exemple type du comportement secondaire :<br />

une glace de qualité de plus en plus élevée produite en de moins en moins de<br />

temps de travail. La plupart des produits agrico<strong>les</strong> font l’objet d’un progrès<br />

technique moyen.<br />

Cette classification est toujours valable ! Elle a l’avantage de recouvrir<br />

<strong>les</strong> classifications simp<strong>les</strong> : agriculture, industrie, services. C’est la raison pour<br />

laquelle <strong>les</strong> <strong>prix</strong> qui sont sur le site sont classés ainsi.<br />

Cependant, dès le départ, Jean Fourastié a été amené à parler de produits<br />

agrico<strong>les</strong> à comportement secondaire, comme le blé, ou de services faisant<br />

l’objet de progrès techniques, surtout avec l’arrivée de l’informatique. C’est la<br />

raison pour laquelle nous avons introduit également l’échelle de Jean Fourastié<br />

qui a été présentée ci-dessus. Cette échelle ne permet pas de classer<br />

définitivement <strong>les</strong> produits, car <strong>les</strong> rapports de <strong>prix</strong> n’évoluent pas toujours à la<br />

même vitesse… Un cas limite est celui du fioul qui est PTF dans le tableau cidessus,<br />

mais qu’on pouvait considérer comme HPT par exemple de 1990 à<br />

2000.<br />

1 Succès littéraire, puisque plus de 300 000 exemplaires ont été vendus, mais surtout succès des<br />

prévisions : pour l’édition 1989 - peu avant le décès de l’auteur - de ce livre publié en 1949, nous avons pu<br />

montrer, statistiques à l’appui, que <strong>les</strong> prévisions s’étaient réalisées.


Présentation des statistiques de <strong>prix</strong> – la théorie des <strong>prix</strong> selon Jean Fourastié<br />

Le 26 janvier 2013 - page 11<br />

Conséquences sur le pouvoir d’achat, la structure de l’emploi,<br />

la production et le niveau de vie<br />

L’évolution de notre niveau de vie est résumée par l’évolution du <strong>prix</strong> du<br />

blé. Parce que nous ne travaillons plus uniquement pour avoir une nourriture de<br />

base, nous avons d’abord diversifié notre nourriture, puis nous avons pu<br />

produire et consommer beaucoup d’autres choses.<br />

Ainsi, la structure de l’emploi, celle de la production, celle de la<br />

consommation ont suivi la même tendance ; je reproduis le schéma présenté<br />

dans Le Grand Espoir qui indiquait <strong>les</strong> tendances de la répartition de la<br />

population active par secteurs, en pourcentage du total. Jusque vers 1950,<br />

l’agriculture était prépondérante, l’industrie a absorbé la population qui quittait<br />

l’agriculture, mais il arrive un moment de saturation dans l’industrie, non que la<br />

production baisse, mais que la productivité croissante permette une production<br />

plus importante avec un nombre d’employés moindre. Le report se fait vers le<br />

tertiaire.<br />

Le schéma ci-dessous reproduit <strong>les</strong> variations en pourcentages de la<br />

population active en France telle qu’elle a effectivement été repartie depuis<br />

1800. On peut voir que ce que prévoyait Jean Fourastié s’est réalisé. Hélas !<br />

l’ajustement ne se fait pas bien, d’où le chômage.<br />

Pratiquement, il faut de moins en moins de temps pour produire notre<br />

nourriture. Nous commençons par user d’une nourriture plus riche puis nous<br />

reportons notre production et notre consommation et donc la structure de


Présentation des statistiques de <strong>prix</strong> – la théorie des <strong>prix</strong> selon Jean Fourastié<br />

Le 26 janvier 2013 - page 12<br />

l’emploi, vers des produits manufacturés, mais la saturation arrive (on peut<br />

avoir une automobile par personne, mais difficilement plusieurs !)<br />

Je ne sais si je vous ai convaincus ! Le pouvoir d’achat a progressé et<br />

progresse toujours pour le blé et <strong>les</strong> produits à haut progrès technique ; il reste<br />

stable (voire diminue légèrement) en ce qui concerne <strong>les</strong> produits à progrès<br />

technique faible ou nul. Mais, contrairement à ce que nous imaginons sans<br />

cesse, il ne diminue pas !<br />

Nous ne réalisons pas la hausse de notre niveau de vie ! Nous disons que<br />

tout augmente, que notre pouvoir d’achat baisse. C’est un domaine où il y a une<br />

grande différence entre ce que chacun ressent et ce qui existe effectivement.<br />

Pour me faire comprendre, je remonterai jusqu’au XVII e siècle, c’est-à-dire à<br />

nos grands-parents d’il y a un peu plus de deux cents ans<br />

Voici le budget décrit par Vauban 1 à la fin du XVII e siècle pour un<br />

ouvrier chef de famille de 4 personnes :<br />

- un tiers de minot de sel (17 kg) 8 livres 16 sols<br />

- 10 setiers de méteil (1 100 à1 200 kg) 60 livres<br />

- loyer, entretien et autres aliments 15 livres 4 sols<br />

- impôt 6 livres<br />

_________________________<br />

Total 90 livres<br />

Il faut lire le texte émouvant du Projet de dixme royale pour voir qu'un<br />

gain de 90 livres apparaissait à Vauban comme un gain maximum possible. Il<br />

considère <strong>les</strong> 15 livres 4 sols consacrés au loyer, au linge, à l'ameublement et à<br />

quelques compléments alimentaires (un peu de beurre, de lard, de lait) comme<br />

insuffisants. L'ouvrier ne peut, à son avis, s'en tirer que si sa femme parvient à<br />

gagner elle-même un peu ou à entretenir quelques animaux. Dans ce budget,<br />

l'alimentation intervient pour environ 85% dont 67% de méteil et l'impôt pour<br />

6,7%. C’étaient alors <strong>les</strong> pauvres qui payaient l’impôt, la Dîme royale ; <strong>les</strong><br />

nob<strong>les</strong> qui étaient aussi <strong>les</strong> riches, en étaient complètement exemptés ! Vauban<br />

écrivait au Roi pour lui demander de baisser ces impôts.<br />

La méthode des <strong>prix</strong> réels permet de mesurer l’influence du progrès<br />

technique sur <strong>les</strong> <strong>prix</strong> ; si le <strong>prix</strong> du blé a été divisé par 100 en deux sièc<strong>les</strong>,<br />

c’est en effet parce que <strong>les</strong> techniques de production ont permis de le produire<br />

cent fois plus vite. Mais si le blé et d’autres denrées agrico<strong>les</strong> sont ainsi<br />

produits à l’aide de beaucoup moins de travail humain intégré 2 , cela a des<br />

conséquences importantes sur l’emploi et sur la consommation :<br />

- Notre budget n’a plus rien à voir avec celui que décrit Vauban ! Le<br />

consommateur, rapidement saturé en blé, puis en produits alimentaires plus<br />

riches, dispose d’une part de plus en plus grande (20% au XVIII e siècle, plus de<br />

80% aujourd’hui) de son budget pour acheter d’autres biens et services. Il<br />

achète d’abord ce qui est le moins cher (et dont le <strong>prix</strong> baisse le plus vite),<br />

1 . Projet de dixme royale.<br />

2 Le temps de travail nécessaire pour produire un quintal de blé n’est pas le travail de l’agriculteur seul, il est celui<br />

des producteurs de machines, ingénieurs et ouvriers, des chercheurs qui sélectionnent la semence et de ceux qui<br />

expérimentent et produisent <strong>les</strong> engrais, et de bien d’autres travailleurs.


Présentation des statistiques de <strong>prix</strong> – la théorie des <strong>prix</strong> selon Jean Fourastié<br />

Le 26 janvier 2013 - page 13<br />

c’est-à-dire des produits manufacturés, puis, une certaine saturation se faisant<br />

jour, des services. Son appétit de consommation global apparaît illimité.<br />

- non sans douleur, <strong>les</strong> agriculteurs ont dû et doivent encore quitter la<br />

terre, pour entrer dans l’industrie, puis celle-ci devenant de plus en plus<br />

productive, dans <strong>les</strong> services. Nous assistons en ce moment, non pas à une<br />

désindustrialisation coupable, mais au fait qu’il faut de moins en moins de<br />

personnes pour produire <strong>les</strong> mêmes objets (une automobile bas de gamme,<br />

3 000 h de travail en 1950, 600 aujourd’hui : il faut donc 5 fois moins de<br />

personnes pour la réaliser ; on a commencé par en produire davantage, mais il y<br />

a saturation : une même personne ne peut guère avoir deux autos !). L’inégalité<br />

des niveaux de vie dans le monde et donc des rémunérations, aggrave ce<br />

problème, mais l’essentiel est là !<br />

Ainsi s’expliquent, dans le même mouvement, <strong>les</strong> variations de <strong>prix</strong>,<br />

cel<strong>les</strong> de la consommation et cel<strong>les</strong> de la structure de l’emploi. Dans <strong>les</strong> trois<br />

cas, le "moteur" est le même, c’est le progrès des techniques de production.


Présentation des statistiques de <strong>prix</strong> – la théorie des <strong>prix</strong> selon Jean Fourastié<br />

Le 26 janvier 2013 - page 14<br />

Pouvoir d’achat ressenti, pouvoir d’achat réel<br />

Que se passe-t-il donc pour que nous nous plaignions et n’ayons aucune<br />

conscience de l’élévation extraordinaire de notre niveau de vie ?<br />

Il y a d’abord le fait que notre appétit de consommation est pratiquement<br />

illimité ! Depuis Octave Mouret, le propriétaire du Bonheur des Dames 1 , ou<br />

plutôt depuis ses contemporains réels, on a découvert que l’appétit de<br />

consommation croît avec la publicité ; nous sommes tous capab<strong>les</strong> de nous<br />

découvrir de nouveaux besoins - urgents - en traversant un magasin, en<br />

contemplant une publicité ou en regardant ce qu’ont <strong>les</strong> autres… La notion de<br />

"besoin" est sujette à variations et à augmentations indéfinies. Il y a en nous de<br />

l’irrationnel dont <strong>les</strong> responsab<strong>les</strong> de la mercatique savent tenir compte, allant<br />

de la confiance plus ou moins forte dans le producteur ou le vendeur, à la fièvre<br />

d’achat qui possédait déjà Mme Marty dans Le Bonheur des Dames !<br />

Une telle fièvre atteint facilement <strong>les</strong> jeunes qui renoncent difficilement<br />

aux derniers jeux-vidéo, au VTT le plus performant, aux nouvel<strong>les</strong> tablettes... Il<br />

y a aussi des lames de fond collectives, des modes qui poussent à la<br />

consommation, mais peuvent aussi aller dans l'autre sens, comme celle de la<br />

période de "crise" que nous traversons : dans une certaine mesure, la peur du<br />

chômage encourage l’épargne et restreint la consommation ; cependant <strong>les</strong><br />

revendications contre l’austérité montrent que <strong>les</strong> consommateurs d’aujourd’hui<br />

ne sont pas prêts à accepter de se restreindre.<br />

Nous pensons aujourd’hui non seulement qu’il est impossible de vivre<br />

comme Jacquou le Croquant ou Fantine dans <strong>les</strong> Misérab<strong>les</strong> ; nous n’imaginons<br />

pas une habitation sans télévision, chauffage, cuisine équipée, salle de bain…<br />

Imaginez le monde sans Internet ou téléphone portable ! Nos « besoins »<br />

croissent sans cesse (je <strong>les</strong> mets entre guillemets, car nous savons qu’il est en<br />

fait possible de vivre comme Jacquou le Croquant et que des millions de<br />

personnes dans le monde actuel n’ont pas plus que lui ; qu’environ un milliard<br />

d’hommes n’ont pas de ration alimentaire suffisante…).<br />

Jean Fourastié le disait déjà : « l’appétit de consommation est illimité ».<br />

Sa vision de l’influence du progrès technique permet de jeter un regard unifié<br />

sur l’évolution économique.<br />

Ce qui n’était pas vraiment prévisible est que l’adaptation se fait mal et<br />

que le chômage s’installe. Jean Fourastié pourrait aider actuellement à prendre<br />

conscience qu’il ne faut pas tant lutter contre la fermeture des usines, que pour<br />

la formation et l’organisation des emplois dans <strong>les</strong> services (subventionner <strong>les</strong><br />

hôpitaux plutôt que <strong>les</strong> caisses d’allocation-chômage, par exemple ?).<br />

1 .Émile Zola, Au bonheur des dames. 1883. Roman construit sur une étude des Grands Magasins qui<br />

commençaient à se créer.


Présentation des statistiques de <strong>prix</strong> – la théorie des <strong>prix</strong> selon Jean Fourastié<br />

Le 26 janvier 2013 - page 15<br />

Le recueil des données. Aidez-moi !<br />

Les données présentées sur ce site sont cel<strong>les</strong> que Jean Fourastié a<br />

publiées dans divers recueils : Documents pour l’histoire et la théorie des Prix,<br />

Documents pour l’élaboration d’un indice du coût de la vie, Brochures : Prix<br />

de vente et <strong>prix</strong> de revient… ; <strong>les</strong> références de ces ouvrages figurent dans la<br />

bibliographie de Jean Fourastié sur le présent site.<br />

Je me retrouve seule pour effectuer des compléments et des mises à jour !<br />

Je l’ai fait à l’aide de catalogues et des <strong>prix</strong> publiés par l’INSEE. J’ai déposé la<br />

collection complète des catalogues Manufrance (Armes et Cyc<strong>les</strong> de Saint-<br />

Etienne) et quelques autres catalogues à la Bibliothèque du Conservatoire<br />

National des Arts et Métiers en 1997 : je n’ai pas jusqu’ici trouvé le temps de<br />

m’en servir pour compléter des séries. J’ai peu de catalogues récents. Donc :<br />

- Si vous avez des catalogues que vous pouvez me prêter (produits<br />

manufacturés, vêtements, mais aussi hôtels, timbres et toutes vos<br />

bonnes idées…), surtout si vous avez plusieurs années, ce qui facilite<br />

le suivi….<br />

- Si vous vous passionnez suffisamment pour compléter vous-même<br />

certaines séries…<br />

prenez contact avec moi, Jacqueline Fourastié :<br />

jacqueline.fourastie@orange.fr<br />

Merci ! Vous rendrez service à la science économique concrète telle que<br />

la voulait Jean Fourastié et vous nous aiderez tous à connaître la vérité.<br />

La « crise » est due essentiellement à ce que tous, particuliers comme<br />

gouvernements, voulons anticiper le progrès et dépenser à l’avance ce que nous<br />

n’avons pas encore produit, en recourant à l’emprunt. Serons-nous capab<strong>les</strong>,<br />

non pas de retourner à la situation de Jacquou le Croquant, mais d’accepter<br />

quelques restrictions, un progrès moins rapide qui nous permettraient de sortir<br />

de cette « crise » ?<br />

*<br />

*<br />

Ne me donne ni la pauvreté ni la richesse : accorde-moi seulement de quoi subsister. Car, dans<br />

l'abondance, je pourrais te renier en disant : « Le Seigneur n'existe pas. » Et, dans la misère, je<br />

pourrais devenir un voleur, et profaner ainsi le nom de mon Dieu (Livre des Proverbes, 30, 8-9).<br />

Écrit plusieurs sièc<strong>les</strong> avant Jésus-Christ

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