10.05.2014 Views

Dimension 3 n° 2009/4 (septembre-octobre 2009)

Dimension 3 n° 2009/4 (septembre-octobre 2009)

Dimension 3 n° 2009/4 (septembre-octobre 2009)

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

dossier<br />

"LE DéVELOPPEMENT NE SE LAISSE NI<br />

© D. Andelean / DGCD<br />

Dans quelle mesure les cultures locales influencentelles<br />

les chances de réussite des projets de<br />

développement ? <strong>Dimension</strong> 3 a posé la question<br />

à l'anthropologue culturel Thierry Verhelst. Après<br />

avoir mené pendant des années des recherches sur<br />

les cultures locales, Thierry Verhelst est aujourd'hui<br />

chargé de cours en relations interculturelles en<br />

Afrique et en Europe. Il est le co-fondateur du<br />

Réseau Sud-Nord Cultures et Développement ainsi<br />

que du Centre de gestion interculturelle et de<br />

communication internationale. En 1987 est paru<br />

son livre "Des racines pour vivre. Sud-Nord :<br />

identités culturelles et développement".<br />

Les vues d'anthropologie culturelle qu'il y a<br />

développé ont ouvert la voie à la discussion sur<br />

l’influence qu’ont les cultures sur les chances de<br />

réussite des projets de développement.<br />

"La coopération au développement n'est pas une donnée universelle,<br />

elle est un projet occidental. Cela ne signifie pas que nous devons<br />

y renoncer, mais il faut faire preuve d'une grande prudence."<br />

Vous êtes juriste de formation<br />

et spécialisé dans le droit<br />

coutumier africain, pourtant<br />

vous êtes surtout connu<br />

en matière de cultures et<br />

développement. Comment<br />

expliquez-vous cela ?<br />

Lorsque j'ai travaillé dans les années ’70<br />

pour Broederlijk Delen, j'ai tout de suite<br />

été frappé par le fait que bien des projets<br />

de multiples organisations gouvernementales<br />

n'étaient pas adaptés à la<br />

culture locale. Ils étaient voués à l'échec,<br />

car ils ignoraient complètement la dimension<br />

culturelle. Quelle est la mentalité<br />

des personnes concernées par le projet ?<br />

Quelles sont leurs valeurs, leurs espérances,<br />

leurs aspirations, leurs compétences<br />

et quels sont leurs modèles d'organisation<br />

sociale ? Comment règlent-ils les conflits<br />

et comment prennent-ils des décisions ?<br />

Ces questions ont été et sont toujours<br />

trop souvent négligées : tant au stade de<br />

conception et d’exécution du projet, que<br />

lors de son évaluation et de l’analyse des<br />

raisons de l'échec.<br />

Cette préoccupation, que je partageais avec<br />

d'autres, a abouti à la création du Réseau<br />

Sud-Nord Cultures et Développement.<br />

Pendant 15 ans, nous avons travaillé sur le<br />

terrain avec l'appui de la Commission européenne<br />

: recherche-action participative sur<br />

le lien entre les cultures locales et l'économie,<br />

la situation de la femme, l'environnement,<br />

la technologie, etc. Nous ne parlons<br />

ici donc pas de la culture au sens restreint<br />

– la culture comme art – mais de son sens<br />

large et anthropologique. Elle compte alors<br />

trois dimensions indissociables. En premier<br />

lieu, la dimension symbolique qui<br />

comprend les valeurs, la foi, l'éthique, les<br />

archétypes, le sens du temps et de l'espace…<br />

La seconde dimension est la dimension<br />

sociale, c'est-à-dire les modèles d'organisation,<br />

tels que la structure familiale,<br />

les castes, le rôle du chef… La troisième est<br />

la dimension technologique. Nous considérons<br />

la culture dans son sens le plus large<br />

possible pour sensibiliser les organisations<br />

de développement à son existence et à son<br />

importance.<br />

L’idée que la culture est un<br />

besoin élémentaire, commence<br />

à faire son chemin dans le<br />

monde du développement.<br />

Tout à fait, et c'est une bonne chose !<br />

Nous avons trop tendance à résumer l'être<br />

humain à ses besoins corporels. Or, c'est<br />

faire abstraction de sa résistance morale,<br />

de sa créativité, de sa confiance et de son<br />

respect de soi. Si on a une image négative<br />

de soi, et que les autres répètent sans<br />

cesse qu'on est ignorant, pauvre et sousdéveloppé,<br />

on commence à intérioriser<br />

ce discours et à y croire soi-même. C'est<br />

là que commence le vrai sous-développement.<br />

Mais tant que le feu de la confiance<br />

en soi couve, il reste de l'espoir. Et c'est aux<br />

coopérants, entre autres, qu'il revient d'alimenter<br />

ce feu.<br />

Le sous-développement n'est donc pas une<br />

simple question matérielle. Il ne se laisse ni<br />

chiffrer ni photographier ; il est ancré dans<br />

l'esprit et dans le coeur. Il est déterminé par<br />

le degré de confiance qu'on a en sa propre<br />

créativité et par l’aptitude qu’on a à mobiliser<br />

sa culture au profit de son projet de<br />

vie, que ce soit comme individu ou comme<br />

groupe.<br />

Le développement est pensé<br />

selon le modèle occidental…<br />

Exactement ! Il existe un parallélisme<br />

frappant entre le colonialisme, la coopération<br />

au développement et la mondialisation.<br />

Ces périodes sont toutes trois centrées<br />

sur l'homme blanc comme modèle<br />

18 dimension s e p t e m b r e-o c t o b r e <strong>2009</strong>

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!