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N°4 – Avril 2011 - Service de Philosophie Morale et Politique ...

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– Revue <strong>de</strong> philosophie politique <strong>de</strong> l’ULg – N°4 – <strong>Avril</strong> <strong>2011</strong> – p. 30<br />

<strong>de</strong> juger soit jamais affûtée 33 . C’est exercice <strong>de</strong> l’enten<strong>de</strong>ment correspond au<br />

mouvement du schématisme transcendantal par lequel un concept ou une règle<br />

s’illustre dans une image ou un cas concr<strong>et</strong> : il faut discerner dans le particulier la<br />

règle ou le concept qui s’applique. Mais pour que l’exemple exerce effectivement le<br />

jugement, il faut précisément ne pas abîmer son enten<strong>de</strong>ment dans le singulier du cas<br />

concr<strong>et</strong> qui n’expose jamais la règle dans sa plénitu<strong>de</strong> : il faut extraire le schème <strong>de</strong><br />

l’image 34 .<br />

Cependant, ce schématisme repose sur le lien du particulier au général qui, à<br />

d’autres – <strong>et</strong> particulièrement à Montaigne –, ne semble plus pouvoir s’établir, <strong>de</strong> la<br />

même façon que la similitu<strong>de</strong> ne paraît plus visible sous l’infinie diversité <strong>de</strong>s choses,<br />

à moins qu’elle ne soit simplement dangereuse.<br />

Dans Penser par cas, Passeron <strong>et</strong> Revel analysent le fonctionnement<br />

épistémologique d’une pensée <strong>de</strong> la singularité, du cas unique, qu’ils opposent à<br />

l’exemple qui vient toujours illustrer un discours normé préalable. Le cas ainsi compris<br />

en opposition à l’exemple force selon eux « l’attention en contraignant à suspendre le<br />

déroulement du raisonnement disponible ou préparé pour lui imposer un changement<br />

<strong>de</strong> régime » 35 . Dans l’histoire <strong>de</strong>s sciences, c<strong>et</strong>te pensée par cas tend à faire émerger<br />

« une forme d’argumentation irréductible au modèle hypothético-déductif <br />

<strong>de</strong> <strong>de</strong>scription <strong>de</strong>s opérations d’inférence <strong>et</strong> <strong>de</strong> preuve qui réduisait, par définition le<br />

cas singulier (…) à un exemplaire substituable par n’importe quel autre » 36 . L’idée<br />

d’une « pensée par cas » débouche en somme sur l’idée que <strong>de</strong>s éléments <strong>de</strong>scriptifs<br />

purement singuliers peuvent néanmoins produire <strong>de</strong>s connaissances en rendant<br />

observable un nouveau phénomène. La pensée du cas opèrerait donc une sorte <strong>de</strong><br />

33<br />

34<br />

35<br />

36<br />

« Une tête obtuse ou bornée, à laquelle il ne manque que le <strong>de</strong>gré convenable d’enten<strong>de</strong>ment <strong>et</strong> <strong>de</strong>s<br />

concepts qui lui soient propres, peut très bien être équipée par l’étu<strong>de</strong> (Erlernung), <strong>et</strong> arriver même<br />

jusqu’à l’érudition (Gelehrsamkeit). Mais comme il y a encore habituellement manque dans la faculté<br />

<strong>de</strong> juger, il n’est pas rare <strong>de</strong> rencontrer <strong>de</strong>s hommes fort instruits ( gelehrte), qui laissent fréquemment<br />

voir, dans l’usage qu’ils font <strong>de</strong> leur science, c<strong>et</strong> irréparable défaut. C’est pourquoi un mé<strong>de</strong>cin, un<br />

juge, ou un homme politique peuvent avoir dans la tête beaucoup <strong>de</strong> belles règles pathologiques,<br />

juridiques ou politiques, à un <strong>de</strong>gré qui peut en faire <strong>de</strong> soli<strong>de</strong>s professeurs ( Lehrer) en ces matières,<br />

<strong>et</strong> pourtant faillir aisément dans leur application, soit parce qu’ils manquent <strong>de</strong> jugement naturel (sans<br />

manquer pour cela d’enten<strong>de</strong>ment) <strong>et</strong> que, s’ils voient bien in abstracto le général, ils sont incapables<br />

<strong>de</strong> discerner si un cas y est contenu in concr<strong>et</strong>o, soit parce qu’ils n’ont pas été assez exercés<br />

(abgericht<strong>et</strong>) à ce jugement par <strong>de</strong>s exemples (Beispiele) <strong>et</strong> <strong>de</strong>s affaires réelles (wirkliche Geschäfte) »<br />

(Critique <strong>de</strong> la raison pure, A132-134/B171-174).<br />

Sur le statut <strong>de</strong> l’exemple chez Kant, on peut se reporter à l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> J. Piéron,J. Piéron, « Rôle <strong>et</strong><br />

statut <strong>de</strong> l’exemple dans l’apprentissage selon Kant », M<strong>et</strong>hIS. Métho<strong>de</strong>s <strong>et</strong> Interdisciplinarité en<br />

Sciences humaines, vol. 3 (<strong>2011</strong>) consacré au thème : « L'exemple en question », à paraître<br />

prochainement.<br />

Passeron <strong>et</strong> Revel, Penser par cas, Paris, éditions <strong>de</strong> l’EHESS, « Enquête », p. 16.<br />

Ibid., p. 37.

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