BULLETIN D'INFORMATION DE LA FPGL - Schule.at

suspendue au-dessus des flots déchaînés, elle irait son chemin
en pleine mer, sans qu’une goutte d’eau n’éclabousse ses pieds
rapides.
C’est elle qu’admire la jeunesse accourue des hameaux et des
campagnes, et la foule des mères. Tous la regardent passer, ébahis,
contemplant avec stupéfaction
la manière dont le manteau royal voile de pourpre ses épaules
brillantes, comment le peigne d’or se mêle à sa chevelure, la façon
dont elle, une jeune fille, porte le carquois de Lycie et le bâton de
berger armé d’un fer de lance.
La foule aperçoit d’abord Camille de loin au milieu sa cavalerie,
nimbée de l’éclat des armes. Surprise : une jeune femme qui part à la
guerre ! Elle a reçu une éducation de garçon, une éducation militaire
qui vise à développer l’endurance et la rapidité. Deux comparaisons
très efficaces, donc puissamment poétiques, imposent à l’imagination
du lecteur cette rapidité littéralement extraordinaire, en y joignant une
légéreté toute féminine qui s’apparente à de la danse. Camille est à la
fois masculine et féminine.
Dans la dernière partie du « poème » 1 , brusque changement de point
de vue : nous voilà dans la foule venue nombreuse au défilé. Camille
passe devant eux et l’attention du public – et la nôtre ! – peut alors se
concentrer sur des détails qui sont maintenant visibles : le vêtement, la
chevelure, les armes. Ce ne sont pourtant pas ces détails eux-mêmes
qui stupéfient les spectateurs mais la manière dont ils servent Camille
(les interrogations indirectes dans leur imprécision sont ici pleinement
significatives). Elle est reine, et la transparence pourpre du manteau
royal embellit ses épaules ; elle est femme, et son peigne d’or valorise
sa chevelure ; mais elle est aussi homme« ipsa », et porte les armes
comme un guerrier. Ce dernier détail, plus développé que les deux
précédents, exprime bien l’ambivalence troublante du personnage.
Dernière image du défilé. Image surprenante qu’emporteront les
spectateurs étourdis dans leurs yeux et leur mémoire.
Marie THEUNISSEN-FAIDER
On sait le parti poétique que Virgile tire du mouvement. Aucun
statisme chez lui. Osons un anachronisme : les procédés en usage dans
le cinéma : flash back, arrêt sur l’image, zoom, changement brusque
de point de vue, etc., se rencontrent déjà dans sa poésie. Cette
dynamique stimule la lecture. Ce devait être plus entraînant encore
pour l’auditeur antique, qui recevait le texte parfaitement coulé dans
un rythme musical qui en décuplait la puissance.
1 La structure et l’équilibre de ce texte imposent ce terme. D’où sa transcription en strophes. Serait-ce
déjà un sonnet ?
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FPGL N° 154 — mars-avril 2006