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Interrogations scientifiques Entomologie et éthologie - lycée Roland ...

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<strong>Interrogations</strong> <strong>scientifiques</strong><br />

<strong>Entomologie</strong> <strong>et</strong> éthologie<br />

Solae communes natos, consortia tecta<br />

urbis habent magnisque agitant sub legibus aevum,<br />

<strong>et</strong> patriam solae <strong>et</strong> certos novere penates, 155<br />

venturaeque hiemis memores aestate laborem<br />

experiuntur <strong>et</strong> in medium quaesita reponunt.<br />

Namque aliae victu invigilant <strong>et</strong> foedere pacto<br />

exercentur agris; pars intra saepta domorum<br />

Narcissi lacrimam <strong>et</strong> lentum de cortice gluten 160<br />

prima favis ponunt fundamina, deinde tenaces<br />

suspendunt ceras: aliae spem gentis adultos<br />

educunt f<strong>et</strong>us, aliae purissima mella<br />

stipant <strong>et</strong> liquido distendunt nectare cellas.<br />

Sunt quibus ad portas cecidit custodia sorti, 165<br />

inque vicem speculantur aquas <strong>et</strong> nubila caeli<br />

aut onera accipiunt venientum aut agmine facto<br />

ignavum fucos pecus a praesepibus arcent. […]<br />

Omnibus una quies operum, labor omnibus unus:<br />

mane ruunt portis; nusquam mora; rursus easdem 185<br />

vesper ubi e pastu tandem decedere campis<br />

admonuit, tum tecta p<strong>et</strong>unt, tum corpora curant;<br />

fit sonitus, mussantque oras <strong>et</strong> limina circum.<br />

Post, ubi iam thalamis se composuere, sil<strong>et</strong>ur<br />

in noctem fessosque sopor suus occupat artus.<br />

Virgile Géorgiques IV


Proposition de traduction juxtalinéaire<br />

Solae<br />

communes natos habent,<br />

consortia tecta urbis (habent)<br />

magnisque agitant sub legibus aevum<br />

<strong>et</strong> patriam solae novere<br />

<strong>et</strong> certos penates,<br />

venturaeque hiemis memores,<br />

aestate laborem experiuntur<br />

<strong>et</strong> in medium quaesita reponunt. :<br />

Namque aliae victu 2 invigilant<br />

<strong>et</strong> foedere pacto<br />

exercentur agris ;<br />

pars intra saepta domorum<br />

prima favis ponunt fundamina<br />

narcissi lacrimam<br />

<strong>et</strong> lentum de cortice gluten<br />

deinde tenaces suspendunt ceras ;<br />

aliae educunt f<strong>et</strong>us adultos<br />

spem gentis<br />

aliae stipant<br />

purissima mella<br />

<strong>et</strong> liquido distendunt nectare cellas.<br />

Sunt quibus<br />

ad portas cecidit custodia sorti<br />

inque vicem<br />

speculantur aquas <strong>et</strong> nubila caeli<br />

aut onera accipiunt venientum<br />

aut agmine facto (abl.abs)<br />

a praesepibus arcent<br />

ignavum fucos pecus. […]<br />

Omnibus una quies operum,<br />

labor omnibus unus:<br />

mane ruunt portis;<br />

nusquam mora;<br />

rursus<br />

easdem vesper ubi admonuit tandem<br />

e pastu decedere campis<br />

tum tecta p<strong>et</strong>unt,<br />

tum corpora curant;<br />

fit sonitus,<br />

mussantque<br />

oras <strong>et</strong> limina circum.<br />

Post,<br />

ubi iam thalamis se composuere,<br />

sil<strong>et</strong>ur in noctem<br />

fessosque sopor suus occupat artus.<br />

Seules elles = Elles sont les seules à,<br />

avoir (= élever) en commun leur progéniture,<br />

à avoir = habiter collectivement les demeures de leur ville,<br />

à passer leur vie sous de puissantes lois<br />

<strong>et</strong> seules elles connaissent une patrie<br />

<strong>et</strong> des pénates fixes<br />

<strong>et</strong> se souvenant de l’hiver à venir = prévoyant la venue de<br />

elles s’adonnent au travail l’été<br />

<strong>et</strong> m<strong>et</strong>tent en réserve leur récolte pour le communauté<br />

Et les unes, en eff<strong>et</strong>, veillent à la subsistance<br />

<strong>et</strong> suivant le pacte établi / selon un accord convenu<br />

travaillent dans les champs ;<br />

une partie = d’autres, enfermées à l’intérieur des maisons,<br />

posent comme premiers fondements pour les rayons<br />

les larmes du narcisse<br />

<strong>et</strong> la gomme visqueuse provenant de l’écorce<br />

ensuite elles y suspendent la cire tenace = qui tient fortement<br />

d’autres font sortir les fo<strong>et</strong>us qui ont grandi,<br />

espoir de la nation ;<br />

d’autres collectent<br />

le miel le plus pur<br />

<strong>et</strong> gonflent les alvéoles d’un fluide nectar.<br />

Il y en a auxquelles<br />

est échue par le sort la garde des portes ; (N.B : porta = porte d’une ville vs fores)<br />

<strong>et</strong>, tour à tour,<br />

elles observent les eaux <strong>et</strong> les nuages du ciel,<br />

ou bien reçoivent les fardeaux de celles qui s’en reviennent,<br />

ou bien, une colonne étant faite = se formant en colonne,<br />

repoussent loin de la ruche<br />

les bourdons, troupe improductive. […]<br />

un seul repos de leur travaux pour toutes = ttes se reposent en même tps de …<br />

un seul travail pour toutes = elles travaillent toutes en même temps :<br />

le matin elles se ruent hors des portes (= de leur ville)<br />

nulle part du r<strong>et</strong>ard = aucune r<strong>et</strong>ardataire nulle part<br />

de nouveau<br />

quand le soir a enfin invité les mêmes = les a enfin invitées<br />

à quitter leur pâture dans les champs = champêtres<br />

alors elles regagnent leurs toits = demeures<br />

alors elles soignent leurs corps = réparent leurs forces ;<br />

un bruit se fait (entendre)<br />

<strong>et</strong> elles bourdonnent<br />

autour des bords <strong>et</strong> des seuils (de la ruche).<br />

Puis,<br />

une fois qu’elles se sont installées dans leurs chambres,<br />

le silence se fait pour la nuit<br />

<strong>et</strong> le sommeil s’empare de leurs membres fatigués


Deux traductions d’auteurs<br />

Traduction Bordas ( livre du maître 1 ère 2002)<br />

Ce sont les seules à élever leurs p<strong>et</strong>its en commun, à habiter en commun les maisons d'une cité <strong>et</strong><br />

à passer leur vie sous de puissantes lois; elles sont les seules à connaître une patrie <strong>et</strong> des pénates<br />

fixes; soucieuses de l'hiver à venir, elles s'adonnent en été au travail <strong>et</strong> m<strong>et</strong>tent en réserve pour la<br />

communauté leur butin. Et en eff<strong>et</strong>, les unes veillent à la nourriture <strong>et</strong>, selon l'arrangement conclu,<br />

s'activent sans relâche dans les champs; les autres, à l'intérieur de l'enclos des habitations, utilisent<br />

la larme du narcisse <strong>et</strong> la gomme visqueuse qui provient de l'écorce pour poser la base des<br />

fondations des rayons; puis elles y fixent de haut en bas la cire qui tient fortement; d'autres font sortir,<br />

quand il a grandi, le couvain, espoir de leur peuple; d'autres accumulent le miel le plus pur <strong>et</strong><br />

remplissent les alvéoles de nectar limpide. Il en est à qui la garde devant les portes est échue par le<br />

sort <strong>et</strong> à tour de rôle elles observent les eaux <strong>et</strong> les nuages du ciel ou bien elles reçoivent le fardeau<br />

de celles qui arrivent ou bien, ayant formé une colonne, elles écartent de la ruche les bourdons,<br />

troupe improductive.[…] Toutes prennent le repos en même temps, toutes travaillent en m^me<br />

temps ; le matin elles se précipitent hors des portes ; nulle part il n’y a de délai ; quand le soir enfin<br />

leur a donné le signal de quitter la pâture dans les plaines, alors elles regagnent la ruche, alors elles<br />

se reconfortent ; un bruit s’élève <strong>et</strong> elles bourdonnent aux abords <strong>et</strong> autour du seuil de la ruche. Puis,<br />

le silence se fait pour la nuit <strong>et</strong> le sommeil s’empare de leurs membres fourbus.<br />

Traduction Maurice Rat (1932) http://bcs.fltr.ucl.ac.be/Virg/georg/georgiv.html<br />

Seules, elles élèvent leur progéniture en commun, possèdent des demeures indivises dans leur<br />

cité, <strong>et</strong> passent leur vie sous de puissantes lois; seules, elles connaissent une patrie <strong>et</strong> des pénates<br />

fixes; <strong>et</strong>, prévoyant la venue de l'hiver, elles s'adonnent l'été au travail <strong>et</strong> m<strong>et</strong>tent en commun les<br />

trésors amassés. Les unes, en eff<strong>et</strong>, veillent à la subsistance, <strong>et</strong>, fidèles au pacte conclu, se<br />

démènent dans les champs; les autres, restées dans les enceintes de leurs demeures, [4,160]<br />

emploient la larme du narcisse <strong>et</strong> la gomme gluante de l'écorce pour j<strong>et</strong>er les premières assises des<br />

rayons, puis elles y suspendent leurs cires compactes; d'autres font sortir les adultes, espoir de la<br />

nation; d'autres épaississent le miel le plus pur <strong>et</strong> gonflent les alvéoles d'un limpide nectar. Il en est à<br />

qui le sort a dévolu de monter la garde aux portes de la ruche; <strong>et</strong>, tour à tour, elles observent les<br />

eaux <strong>et</strong> les nuées du ciel, ou bien reçoivent les fardeaux des arrivantes, ou bien encore, se formant<br />

en colonne, repoussent loin de leurs brèches la paresseuse troupe des frelons.<br />

Toutes se reposent de leurs travaux en même temps, toutes reprennent leur travail en même temps.<br />

Le matin, elles se ruent hors des portes; aucune ne reste en arrière; puis quand le soir les invite à<br />

quitter enfin les plaines où elles butinent, alors elles regagnent leurs logis, alors elles réparent leurs<br />

forces. Un bruit se fait entendre; elles bourdonnent autour des bords <strong>et</strong> du seuil; puis, quand elles ont<br />

pris place dans leurs chambres, [4,190] le silence se fait pour toute la nuit, <strong>et</strong> un sommeil bien gagné<br />

s'empare de leurs membres las.


L'entomologie <strong>et</strong> l’éthologie sont des sciences relativement récentes : la première est une branche de<br />

la zoologie dont l’obj<strong>et</strong> <strong>et</strong> l’étude des insectes ; la deuxième, qui signifie étymologiquement « science des<br />

mœurs » (<strong>et</strong>hos : « mœurs », logos : « étude/science ») concerne en fait l'étude du comportement animal ;<br />

toutes deux, même si elles trouvent leur origine entre le XVII° <strong>et</strong> Le XVIII° siècle ont pris leur véritable essor au<br />

XX° siècle. Ce serait donc anachronique de parler d’entomologie ou d’éthologie à propos de Virgile, poète latin<br />

du premier siècle avant J.-C. Il n’en reste pas moins vrai que, dans livre IV des Géorgiques, consacré à<br />

l’apiculture, le passage qui traite de l’organisation sociale des abeilles relève, au moins dans l’esprit, de ces<br />

deux sciences.<br />

1. une précision d’entomologiste<br />

La démarche entreprise par Virgile pour décrire les abeilles participe de c<strong>et</strong>te précision scientifique; il<br />

commence par les caractéristiques générales pour passer ensuite à l'observation de détail. Le présent de<br />

vérité générale employé tout au long de la description est l'indice d'une observation maintes <strong>et</strong> maintes fois<br />

recommencée.<br />

Virgile saisit les abeilles d'abord en masse, <strong>et</strong> donne de l'essaim l'image d'une communauté soudée (v. 152-<br />

157) ; puis il passe à l'organisation du travail <strong>et</strong> rend compte de chaque activité, à l’extérieur <strong>et</strong> à l'intérieur de<br />

la ruche (v. 158-164). Enfin, après avoir évoqué les gardiennes (v. 165-168), il revient à l’ensemble du groupe<br />

à l’heure du coucher (v. 184 -190).<br />

La description proprement dite se situe aux vers 158 à 168. Virgile procède de façon précise <strong>et</strong><br />

rigoureuse, en suivant un ordre spatial. Il évoque d’abord les tâches des abeilles à l’extérieur de la ruche (aliae<br />

victu… agris), avant de décrire en détail les occupations des abeilles restées à l’intérieur (pars intra saepta<br />

domorum), en introduisant une nouvelle distinction entre les abeilles en charge de la construction des<br />

nouveaux rayons de cire (narcissi lacrimam… suspendunt ceras) <strong>et</strong> celles qui, au sein de la ruche, s’occupent<br />

de nourrir les larves (aliae spem… f<strong>et</strong>us) ou produisent le miel <strong>et</strong> le nectar (aliae purissima… cellas). Enfin,<br />

avec l’expression sunt quibus il évoque la zone « frontière » (ad portas) entre l’intérieur <strong>et</strong> l’extérieur de la<br />

ruche <strong>et</strong> les différentes fonctions des gardes (custodia) : surveiller la météo (speculantur aquas <strong>et</strong> nubila caeli),<br />

accueillir les butineuses (onera accipiunt venientum), repousser les intrus (arcent fucos).<br />

De même , la fabrication du miel est relatée en détail, dans toutes ses phases : la collecte du pollen<br />

exercerentur agris, la «première pierre» (fundamina prima) jusqu'au rayon (favus), en passant par le<br />

remplissage des alvéoles (cellas); l'œil se fait « microscope» pour observer la larme du narcisse (narcissi<br />

lacrimam) mêlée à la goutte d'eau dont l'amalgame va donner naissance au rayon de miel. Chaque terme<br />

spécifique tels que gluten, cera, nectar, est caractérisé par des adjectifs qui en précise la qualité intrinsèque :<br />

la viscosité du gluten (lentum), l’adhérence de la cire (tenaces), la fluidité (liquido) du nectar.<br />

La précision <strong>et</strong> le caractère très visuel mais aussi auditif (sonitus ; mussant ; sil<strong>et</strong>ur) de c<strong>et</strong>te<br />

description suggèrent une réelle familiarité de l’auteur avec le suj<strong>et</strong> : l’on sait en eff<strong>et</strong> que le père de Virgile<br />

était lui-même apiculteur. Et même si Virgile se comporte ici en poète notamment grâce à la musicalité de ses<br />

vers (voir étude en annexe), le connecteur nam qui inaugure c<strong>et</strong>te description lui donne un caractère<br />

didactique : ce que veut, en eff<strong>et</strong> montrer Virgile c’est la corrélation entre organisation sociale <strong>et</strong> gestion des<br />

activités.<br />

2. Virgile éthologiste avant l’heure ?<br />

C’est bien sur le comportement d’une espèce animale en milieu naturel que se penche Virgile, à savoir<br />

les abeilles dont il souligne d’ailleurs le caractère unique au sein du règne animal (solae x 2) : c’est en cela<br />

qu’on pourrait le qualifier d’éthologiste.<br />

Ce qu’il m<strong>et</strong> d’abord en avant c’est leur organisation sociale qui motive la répartition des tâches; car<br />

l'intérêt commun prévaut sur les intérêts personnels. La présence du champ lexical du partage en est une<br />

bonne illustration : communes ; consortia ; in medium ; omnibus una ; omnibus unus. Quelques figures<br />

remarquables sont à noter à ce propos : l’emploi du préfixe co- ; le rapprochement oxymorique <strong>et</strong> le chiasme<br />

du vers 184. Par ailleurs, l'anaphore de aIiae, complétée par pars, sunt quibus <strong>et</strong> in vicem, évoque la<br />

répartition des tâches dans <strong>et</strong> autour de la ruche. Le balancement aut... aut... participe de la même idée. Les<br />

verbes d'action nombreux <strong>et</strong> variés (invigilant, exercentur, ponunt, suspendant, educunt, stipant, distendunt,<br />

speculantur, accipiunt, arcent, ruunt, decedere, p<strong>et</strong>unt, curant, mussant) m<strong>et</strong>tent en évidence la diversité des<br />

tâches. Les repères spatiaux, agris <strong>et</strong> infra saepta, ont un double intérêt : d'abord, ils définissent les deux<br />

espaces de leur activité, l'un (les champs) très ouvert, celui de la récolte des matières premières, l'autre<br />

(l'intérieur de la ruche) confiné, réservé à l'industrie du miel. Ensuite, ils m<strong>et</strong>tent l'accent sur la<br />

complémentarité des activités; personne ne chôme, chacune a son poste à occuper. Les repères temporels<br />

enfin, reprennent c<strong>et</strong>te idée : deinde, rursus, tum, tum, ubi tandem, post, ubi jam évoquent l’enchaînement des<br />

tâches, quant à mane, vesper <strong>et</strong> noctem, à l’initiale des vers, ils donnent la durée du temps de travail <strong>et</strong> de<br />

repos.


Leur prospérité repose, ainsi, sur une division du travail qui est subordonnée à la réalisation d'un<br />

ouvrage commun, le rayon de miel. Ignorant l'oisiv<strong>et</strong>é, chaque groupe exerce des talents différents. Tous les<br />

cas de figure semblent avoir été prévus. Fait-il beau? on butine. Fait-il mauvais? il y a du travail à l'intérieur. La<br />

survie de la communauté est assurée hiver comme été hiemis, aestate. Les abeilles veillent jalousement sur<br />

ce bien auquel elles consacrent toutes leurs forces; la preuve en est qu'elles ne supportent pas les parasites<br />

que sont les bourdons, «troupe improductive» (ignavum fucos pecus).<br />

Pour mieux faire comprendre à son lecteur le comportement des abeilles Virgile utilise un lexique<br />

anthropomorphique que ce soit pour l'habitat (tecta urbis, domorum, certos Penates, portas – portis, limina,<br />

thalamis), pour les institutions politiques (rem publicam, sub legibus, patriam, foedere pacto), ou, dans les<br />

activités mentales comme la capacité à prévoir (memores, spem gentis) il les admire aussi pour leur altruisme<br />

(in medium quaesita reponunt), leur endurance à la tâche (artus fessos).<br />

Dans la réalité, les tâches des abeilles ne sont pas aussi strictement distribuées : une même abeille<br />

peut alternativement construire les rayons ou produire le miel dans la ruche, puis butiner au-dehors.<br />

L’intention de Virgile n’est pas seulement de livrer une description aussi exacte que possible du monde des<br />

abeilles. Ce tableau d’une société miniature, rationnellement organisée, <strong>et</strong> dont les membres sont entièrement<br />

dévoués au bien commun, possède aussi un sens symbolique : c’est un certain modèle d’organisation sociale,<br />

transposable à la sphère humaine, que livre Virgile à la réflexion de ses lecteurs. Il semble régner un<br />

consensus que rien ne vient troubler. On peut toutefois s'interroger sur c<strong>et</strong>te utopie, qui lie la production à une<br />

certaine uniformisation; les abeilles apparaissent aussi comme de merveilleuses mécaniques <strong>et</strong> les donner en<br />

modèle aux hommes présente le même danger que les utopies politiques <strong>et</strong> sociales, plus tardives, du même<br />

genre.<br />

ANNEXE – cf livre du maître Nathan Terminale 2002<br />

La journée des abeilles se déroule à un rythme soutenu : dans les vers 184 à 190 Virgile en donne un<br />

raccourci d'autant plus saisissant que la forme du vers épouse l'idée développée.<br />

Il joue habilement des coupes le vers 184 en est un bon exemple.<br />

Le vers donne limage d'une discipline parfaite, grâce à l'anaphore de omnibus <strong>et</strong> una/ unus. L'accumulation<br />

des dactyles mime l'activité réglée de la ruche. Mais la scansion de l'hexamètre apporte un élément<br />

supplémentaire intéressant<br />

- u u l - uu l – uu l - // uu I –uu l - u<br />

om-ni-bus u- na-qui es o-pe – rum , la-bor om-ni-bus u-nus<br />

La coupe hephthémimère (après le septième demi-pied) donne une ampleur sereine au début du vers,<br />

consacré au repos, tandis que la deuxième partie de l'hexamètre évoque dans sa brièv<strong>et</strong>é la mobilisation<br />

instantanée d'une troupe immédiatement opérationnelle.<br />

L'organisation du vers 185 est tout aussi intéressante. Elle propose une césure principale, dite césure<br />

bucolique, après le quatrième pied. Dans ce cas, les deux derniers pieds (ici, rursus easdem) se rattachent<br />

pour le sens au vers suivant. C<strong>et</strong>te césure principale n'exclut pas une césure secondaire, ici penthémimère.<br />

- uu I - - I - // - I – u u // – u u I - u<br />

ma-ne ru -unt por-tis nus -quam mo-ra rur-sus e -as-dem<br />

Jusqu'à la coupe principale, les mots sont dissyllabiques, imprimant on rythme quasi militaire à la sortie des<br />

abeilles <strong>et</strong> l’économie du verbe dans nusquam mora est à l’image de la précipitation des insectes.<br />

Les enjambements participent à c<strong>et</strong>te évocation mimétique. Aux vers 185-186-187 les deux enjambements<br />

successifs font du rej<strong>et</strong> admonuit le signal qui m<strong>et</strong> fin à une activité prolongée. De même, l'enjambement aux<br />

vers 189-190 invite à prendre conscience de la progression du silence.<br />

Enfin, les jeux sur les sonorités accompagnent les activités diverses : l’allitération en [r] du vers 185 évoque<br />

le bourdonnement de l'essain, se précipitant au travail. Les allitérations en nasales <strong>et</strong> [s] du vers 188<br />

accompagnées des notes aiguës de l'assonance en -i- ne sont pas sans évoquer un fond sonore, un<br />

bourdonnement sourd, sur lequel on distingue quelques motifs musicaux (abeilles qui se posent un instant<br />

puis repartent?). Le vers 190 présente, quant à lui, une allitération en -s- qui semble aller de pair avec<br />

l'assoupissement général.

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