Radios avant manipulation : Les recommandations de la SOFMMOO

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Annales de réadaptation et de médecine physique 50 (2007) 111–116
Pratiques professionnelles et recommandations
Faut-il faire des radiographies systématiques avant manipulation vertébrale ?
Recommandations de la Société française de médecine manuelle
orthopédique et ostéopathique (SOFMMOO)
Is systematic radiography needed before spinal manipulation?
Recommendations of the SOFMMOO
J.-Y. Maigne a, * , J.-C. Goussard a , F. Dumont b , M. Marty c , G. Berlinson d
a Service de médecine physique, Hôtel-Dieu de Paris, 1, place du Parvis de Notre-Dame, 75181 Paris cedex 04, France
b Médecine manuelle ostéopathie, Orléans, France
c Service de rhumatologie, CHU de Henri-Mondor, Créteil, France
d Médecine manuelle ostéopathie, Dijon, France
Reçu le 6 avril 2006 ; accepté le 6 août 2006
http://france.elsevier.com/direct/ANNRMP/
Résumé
Objectifs. – La Haute autorité de santé demande des radiographies systématiques avant manipulation vertébrale lombaire. La recherche
actuelle montre au contraire que l’imagerie systématique a plus d’inconvénients que d’avantages. Pour le rachis cervical, la jurisprudence fait
apparaître qu’en cas de complication après manipulation cervicale, l’absence de clichés préalable est une faute, même si ces derniers n’auraient
pu contre-indiquer la manipulation. Pour établir des recommandations claires sur ce thème, nous avons recherché dans la littérature qu’elles
étaient les complications des manipulations qui pouvaient être évitées par la pratique d’une imagerie préalable. Puis nous avons cherché à savoir
si ces complications étaient prévues ou non par les recommandations internationales (« guidelines »).
Matériel et méthode. – Recherche de la littérature.
Résultats. – Pour le rachis lombaire et thoracique, les recommandations internationales sont suffisantes, sauf en cas de kyste anévrismal
osseux, qui peut se révéler jusqu’à l’âge de 25 ans alors que l’imagerie n’est systématiquement recommandée que jusqu’à l’âge de 20 ans.
Pour le rachis cervical, malgré l’absence de données de la littérature, la prudence et les risques médico-légaux justifient la pratique d’une imagerie
systématique.
Conclusion. – La SOFMMOO recommande une imagerie systématique avant manipulation cervicale d’une part et en cas de douleur de dos ou
de cou chez le sujet de moins de 25 ans d’autre part. Dans les autres cas, les recommandations internationales suffisent.
© 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Objectives. – The French National Health Authority recommends systematic radiography before lumbar manipulation. However, current
research shows radiography to have more disadvantages than advantages. For the cervical spine, in cases of complication following cervical
manipulation, the lack of prior radiography is a fault, even if such x-ray results would have advised manipulation. To establish clear recommendations
on this topic, we searched in the literature for complications of spinal manipulations that could have been prevented had preliminary
radiography been performed to determine whether these complications were anticipated or not by the international guidelines.
Material and Methods. – Literature search.
Results. – For the lumbar and thoracic spine, the international guidelines are sufficient, except in cases of aneurysmal bone cyst, which can
appear until the age of 25 years. For the cervical spine, despite a lack of data in the literature, prudence and medicolegal issues justify the
performance of systematic radiography.
Author's personal copy
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : jy.maigne@htd.aphp.fr (J.-Y. Maigne).
0168-6054/$ - see front matter © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.annrmp.2006.08.004

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J.-Y. Maigne et al. / Annales de réadaptation et de médecine physique 50 (2007) 111–116
Conclusion. – The SOFMMOO recommends systematic radiography prior to cervical manipulation and in case of back or neck pain in
patients of less than 25 years of age. In all other cases, the international guidelines provide sufficient recommendations.
© 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Manipulations vertébrales ; Complications ; Recommandations
Keywords: Spinal manipulations; Complications; Recommendations
1. Introduction
Faut-il faire systématiquement des radiographies (ou tout
autre examen d’imagerie) avant manipulation vertébrale ? Il
n’existe pas de réponse claire à cette question.
D’un côté, la Haute autorité de santé (HAS), dans ses
recommandations sur l’imagerie de la lombalgie, écrit qu’
« En dehors de la recherche d’une lombalgie symptomatique,
il n’y a pas lieu de demander d’examen d’imagerie dans les
sept premières semaines d’évolution, sauf quand les modalités
du traitement choisi (comme manipulation et infiltration) exigent
d’éliminer formellement toute lombalgie spécifique »
[16]. De plus, la jurisprudence fait apparaître qu’en cas de
complication suivant une manipulation vertébrale, quel que
soit l’étage concerné, l’absence de radiographie préalable est
considérée par l’expert comme un manque de soins compétents
(circonstance aggravante), même dans des cas où celle-ci
n’aurait en aucun cas pu empêcher la survenue de la complication
en cause [14].
D’un autre côté, les recommandations internationales (« guidelines
») insistent avec force sur l’inutilité de l’imagerie systématique
en cas de douleur lombaire ou thoracique, qu’elle
soit aiguë ou chronique [4,6,8,18,32,36]. En effet, l’imagerie
coûte cher, l’irradiation subie par le patient n’est pas négligeable
et la mise en évidence d’anomalies non significatives
l’influence négativement et peut favoriser le passage à la chronicité.
L’imagerie lombaire et thoracique n’est indiquée qu’en
présence de signes d’alerte (Tableau 1). Pour le rachis cervical,
il y a moins de sources. Pour l’American College of Radiology,
les radiographies doivent être systématiques devant une cervicalgie
chronique, quel que soit le contexte [11]. En cas de cervicalgie
aiguë, les indications sont résumées dans le Tableau 2
[37].
Tableau 1
Signes d'alerte dits « red flags » dans la littérature internationale :
● Âge : moins de 20 ans ou survenue au-delà de 50 ou 55 ans (selon les
guidelines)
● Traumatisme violent par rapport à l'âge ou traumatisme mineur chez un sujet
âgé ou potentiellement ostéoporotique, pouvant indiquer une fracture
● Douleur constante, non mécanique, progressive, douleur nocturne sévère ou
s'aggravant en décubitus
● Raideur matinale de plus d'une heure
● Douleur thoracique (selon les guidelines)
● Antécédents de cancer, de déficit immunitaire, d'usage de drogues IV
● Altération de l'état général, syndrome infectieux persistent
● Sévère limitation de la flexion lombaire
● Signes neurologiques (anesthésie en selle, survenue récente d'un
dysfonctionnement vésical, déficit neurologique des membres inférieurs
d'apparition progressive ou sévère)
● Déformation structurale
Mais il s’agit ici d’imagerie à visée diagnostique et non
d’imagerie destinée à évaluer la fragilité vertébrale. Les traités
classiques de MMO n’abordant pas cette question, il nous a
semblé important de l’étudier en fonction des données de la
littérature et de proposer, au nom de la Société française de
médecine manuelle orthopédique et ostéopathique (SOFM-
MOO), des recommandations pour les médecins manipulateurs.
2. Méthode
La manipulation selon R. Maigne est une « manœuvre
unique, brève et sèche qui porte un segment mobile au-delà
de son jeu habituel tout en restant dans les limites anatomiques.
Elle s’accompagne en général d’un bruit de craquement ».
Cette définition exclut les techniques de mobilisation, de
contracter relâcher, les étirements et les tractions.
Nous avons recherché dans la littérature les complications
des manipulations lombaires, thoraciques et cervicales en
entrant dans Medline les mots clés « spinal manipulation »
ou « manipulative therapy » d’un côté, et de l’autre « complications
» ou « accident ». Nous avons analysé les articles obtenus
en évaluant quel aurait pu être l’intérêt préventif d’une
radiographie préalable (ou de tout autre procédé d’imagerie)
pour chaque complication. Nous avons ensuite confronté ces
résultats aux principales recommandations internationales
pour savoir si leur application stricte aurait suffit à faire prescrire
une radiographie et si le fait de disposer de cette radiographie
aurait été utile pour la prévention de ces complications.
3. Résultats pour la région lombaire et sacro-iliaque
3.1. Apparition d’un syndrome de la queue de cheval
3.1.1. Après manipulation d’une hernie discale lombaire
Le syndrome de la queue de cheval est la complication la
plus grave des manipulations lombaires. Haldeman et al. ont
recensé 29 cas dans la littérature depuis 1911 [15]. Ils’agissait
pour 28 d’entre eux de sciatiques par hernie discale. Parmi eux,
16 patients avaient été manipulés sous anesthésie générale.
Oppenheim en rapporte deux cas plus récents dont l’un au
Author's personal copy
Tableau 2
Indication d'imagerie cervicale (d'après Work Loss Data Institute) :
● Cervicalgie chronique, quel que soit le contexte
● Cervicalgie aiguë post-traumatique (trauma direct, chute, coup du lapin)
● Patients de plus de 50 ans
● Antécédents de cancer, de déficit immunitaire, d'usage de drogues IV
● Raideur cervicale nette
● Cervicalgie avec irradiation radiculaire persistante
● Anomalies neurologiques

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moins était porteur d’une hernie discale avant manipulation
[26]. Le mécanisme pourrait être une brusque augmentation
de volume de la hernie ou une interruption du flux sanguin
destiné au cône terminal [2].
3.1.2. Après manipulation d’une sténose lombaire
Dans le travail de Haldeman et al., le 29 e cas concernait un
patient atteint de nanisme achondroplasique et se plaignant
d’une sciatalgie. Le canal étroit étendu est une constante du
rachis achondroplasique, condition contre-indiquant a priori
les manipulations. Lorsque la sténose est localisée, aucun accident
n’a été décrit dans la littérature à notre connaissance.
3.1.3. Après tassement d’une vertèbre tumorale
Dupeyron et al. ont rapporté quatre cas de syndromes de la
queue de cheval dont deux liés au tassement d’une vertèbre
tumorale ou à une épidurite [13]. S’agissant d’une étude rétrospective,
aucun renseignement clinique n’est disponible, en
particulier sur les symptômes qui avaient motivé la consultation.
Trois publications de cas cliniques font état de manipulations
pratiquées de façon fautive sur des rachis cancéreux.
Dans l’une, il s’agissait d’une patiente en cours de chimiothérapie
pour un lymphome, manipulée au niveau de ses articulations
sacro-iliaques. La conséquence fut un tassement lombaire
sans atteinte neurologique [21]. Dans l’autre, il n’y eu aucune
complication et les patients furent même paradoxalement soulagés
de façon temporaire. Les auteurs en tirèrent argument
pour un effet antalgique non spécifique des manipulations
[34,35]. Dans la troisième, trois patients porteurs de métastases
vertébrales non reconnues ont été manipulés (sans avoir été vus
par un médecin avant) avec apparition immédiate d’un tassement
et de troubles neurologiques. Un décès rapide lié à la
maladie est survenu dans deux cas [26]. Les patients avaient
tous plus de 55 ans et avaient des antécédents carcinologiques.
Aucun renseignement n’est donné sur les caractéristiques de
leur douleur ayant motivé la manipulation.
3.1.4. Après tassement ostéoporotique
L’ostéoporose est une affection asymptomatique qui,
lorsqu’elle est évoluée, peut se compliquer de tassement corporéal.
Il était classique de dire que ces tassements ne s’accompagnaient
jamais de complications neurologiques, mais quelques
cas ont été décrits récemment [3]. Aucun cas post-manipulatif
ne figure parmi eux à ce jour. Tous avaient plus de 55 ans.
3.1.5. Après tassement lié à une tumeur bénigne
Les tumeurs bénignes du rachis sont rares et surviennent
pour la plupart dans un contexte particulier. L’ostéochondrome
et le granulome éosinophile se voient chez l’enfant de moins de
dix ans, âge ou les radiographies sont indispensables. Les
tumeurs à cellules géantes, l’ostéome ostéoïde et l’ostéoblastome
ne se compliquent pas de fractures. En revanche,
l’hémangiome agressif et le kyste anévrismal osseux sont des
causes de tassement avec parfois compression radiculaire ou
médullaire. Le premier est surtout à localisation thoracique et
sera envisagé plus loin. Le second survient surtout entre 5 et
25 ans, mais touche l’adulte au-delà de cet âge dans 12 % des
cas [5,27]. Il se manifeste par des rachialgies mécaniques et,
dans environ 10 % des cas, par une fracture pouvant s’accompagner
de paraplégie [27]. Chez l’adulte de plus de 25 ans, les
localisations lombaires et thoraciques sont rarissimes (respectivement
deux et deux cas sur 41 en 45 ans pour Boriani et al. et
zéro et trois cas sur 52 en 83 ans pour Papagelopoulos et al.).
De plus, les durées d’évolution de ces cas sont particulièrement
longues avant diagnostic (entre 30 et 52 mois [5]), imposant
des radiographies selon les guidelines. Aucun de ces patients
n’a eu de fracture.
4. Fracture vertébrale
Un tassement vertébral non compliqué secondaire à une
manipulation est théoriquement possible, en particulier dans
le cadre d’une ostéoporose, bien qu’il n’y ait aucune observation
dans la littérature à notre connaissance. Ce type d’événement
paraît encore moins probable avant 55 ans. Seule l’ostéodensitométrie
permet le diagnostic de gravité de l’ostéoporose.
On peut aussi imaginer le cas d’une patiente souffrant d’un
tassement récent et douloureux se faisant manipuler avec un
diagnostic de lombalgie aiguë bénigne et voyant son tassement
aggravé. Il existe cependant une recommandation imposant la
radiographie en cas de traumatisme mineur chez un sujet
potentiellement ostéoporotique (Tableau 1).
5. Apparition d’une sciatique après manipulation
L’aggravation d’une sciatique après manipulation, ou son
apparition alors que le praticien traitait une lombalgie est un
fait parfois évoqué [1,12,20,28,30]. Oppenheimer et al. en ont
rapporté trois cas [26]. Un autre est rapporté par Goussard lors
d’une recherche sur des dossiers d’expertise d’une compagnie
d’assurance [14]. Ils’agit d’une sciatique hyperalgique apparue
le lendemain d’une manipulation pour lombalgie. L’absence de
radiographie lombaire préalable a été considérée comme une
« imprudence » par l’expert judiciaire, malgré l’impossibilité
de diagnostiquer une hernie discale sur des clichés standards,
a fortiori si elle n’est pas encore constituée. En revanche, les
deux essais randomisés et contrôlés publiés à ce jour sur le
traitement de la sciatique par manipulation ne font état
d’aucune complication particulière [6,29].
Un spondylolishésis (SPL) par lyse isthmique, facilement
dépisté sur des clichés simples, pourrait aussi être à l’origine
d’une lombalgie qu’une manipulation intempestive transformerait
en sciatique. À notre connaissance, aucune publication ne
vient soutenir cette hypothèse. Au contraire, l’expérience des
manipulateurs va à l’inverse, puisque des patients lombalgiques
avec SPL ont pu être traités avec de bons résultats par
manipulation lombaire [38].
Author's personal copy
6. Résultats pour le rachis thoracique
6.1. Compression radiculomédullaire
Les complications observées après manipulation du rachis
thoracique sont similaires à celles observées au niveau lom-

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baire (sinon que la compression radiculomédullaire remplace le
syndrome de la queue de cheval).
Le cas de l’angiome vertébral agressif compliqué, dont la
localisation est thoracique dans 86 % des cas, doit être évoqué.
Il est plus fréquent chez la femme, en particulier lors d’une
grossesse, se révélant par des rachialgies ou par une compression
radiculomédullaire de survenue rapide, symptômes
d’apparition post-traumatique ou spontanée en rapport avec
une fracture ou un hématome épidural [9]. L’IRM est l’examen
de choix. La survenue d’une douleur thoracique représente en
principe un signe d’alerte nécessitant une radiographie
(Tableau 1). De toute façon, l’apparition brusque d’une dorsalgie,
a fortiori avec signes neurologiques, constitue une contreindication
aux manipulations. Cette règle semble suivie, dans
la mesure où nous n’avons pas trouvé de publication rapportant
un accident post-manipulatif de ce type.
6.2. Fracture simple
Les mêmes remarques que celles faites pour le rachis lombaire
peuvent être faites ici. En revanche, une fracture de côte
est exceptionnellement possible lors de certaines manipulations
prenant appui sur le plastron sternocostal (aucun cas publié à
notre connaissance). Ce risque existe chez toute personne âgée
et doit conduire à la prudence lors de la réalisation de ces
manœuvres. La radiographie ne peut remplacer cette nécessaire
prudence.
7. Résultats pour le rachis cervical
7.1. Dissection vertébrale
La dissection de l’artère vertébrale est la complication la
plus sérieuse des manipulations. Elle est imprévisible et personne
ne discute l’absence d’intérêt de la radiographie. Si le
doppler semble une voie de recherche intéressante [17], sa pratique
systématique n’a à ce jour pas reçu de validation. La
seule prévention possible est de suivre les recommandations
de la SOFMMOO qui déconseillent la pratique de manipulations
en rotation chez la femme de moins de 50 ans [22].
7.2. Aggravation d’une fracture ou d’une entorse cervicale
Les fractures ou entorses graves du rachis cervical surviennent
après un traumatisme en général violent mais parfois
modeste, en particulier chez le sujet âgé (fracture de l’odontoïde,
susceptible de se déplacer secondairement). La règle
absolue est d’obtenir des radiographies après tout traumatisme
cervical suivi de douleurs (Tableau 2). Il faut pouvoir visualiser
l’odontoïde et disposer de radiographies dynamiques huit jours
après l’accident pour dépister une instabilité. Deux publications
récentes rappellent cette nécessité [7,10].
7.3. Radiculalgie ou symptômes de myélopathie
cervicarthrosique
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Une cervicalgie peut se compliquer d’une névralgie cervicobrachiale,
voire de manifestations liées à une myélopathie cervicarthrosique
après manipulation. Cela est rapporté dans trois
études rétrospectives. Stevinson et al. ont demandé à 323 neurologues
de se souvenir si, en l’espace d’un an, ils avaient
observé des complications survenues dans les 24 heures après
manipulation cervicale [31]. Sur 239 qui répondirent, 24 en
avaient effectivement observé. Outre 14 complications vasculaires,
il y avait trois cas de myélopathie et trois cas de radiculopathie.
S’agissant d’une étude rétrospective, aucun détail
supplémentaire n’est donné sur l’état avant manipulation.
Dans l’étude de Malone et al., un centre neurochirurgical rapporte
qu’en cinq ans, il a accueilli 22 patients aggravés par des
manipulations cervicales dont 19 ont vu apparaître une radiculopathie
ou une myélopathie. Les observations sont un peu plus
détaillées et l’on observe que cinq patients ont continué à se
faire manipuler alors qu’ils s’aggravaient, que deux le furent
alors qu’ils étaient porteurs d’une arthrodèse cervicale et
qu’un autre le fut après traumatisme cervical lors d’un plongeon,
en contradiction avec les règles de sécurité les plus élémentaires.
La troisième étude est celle d’Oppenheim [26] qui
rapporte six cas non détaillés de radiculopathie après manipulation
cervicale. Dans un autre cas rapporté par Goussard,
l’absence de radiographie cervicale préalable a été considérée
comme une « imprudence » par l’expert bien que, faite après,
elle fut normale [11]. Ces complications sévères ne sont pas
retrouvées dans une étude prospective des effets secondaires de
4 712 traitements par manipulation [Senstad].
Nous n’avons pas trouvé de cas avec une malformation de
charnière craniocervicale aggravé par des manipulations. Des
radiographies normales n’excluent en aucun cas une malformation
d’Arnold-Chiari dont le diagnostic repose sur l’IRM. La
conséquence la plus classique en est la syringomyélie, dont une
manifestation est souvent une cervicobrachialgie. Le cas de
patients porteurs de cette malformation et manipulés sans problème
pour des douleurs cervicales a été rapporté [24].
8. Discussion
La limite de notre étude est que les complications ou accidents
des manipulations ne sont probablement pas tous publiés.
Il en est ainsi, par exemple, des fractures de côte, complication
pourtant connue dont nous n’avons pas trouvé d’observation
dans la littérature. On peut cependant supposer que les cas
sérieux le sont. D’autre part, il s’agit souvent des cas cliniques
rapportés de façon rétrospective. On ne connaît pas l’état préalable
des patients, on ne dispose d’aucun renseignement sur les
techniques utilisées et, du fait de l’absence de groupe témoin,
on ne peut différentier l’évolution naturelle de ce que l’on
nomme complication. Malgré ces réserves, il est possible, à la
lumière de cette recherche, de juger de l’intérêt préventif de
radiographies systématiques avant manipulation. Elles ne se
justifient que si elles aident à diagnostiquer une fragilité
osseuse, discale ou neurologique qui ne se manifesterait pas
cliniquement et qui rendrait risquée la pratique d’une manipulation.
Autrement dit, elles n’ont d’intérêt que si les « guidelines
» sont insuffisants.

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8.1. Rachis lombaire ou thoracique
La plupart des cas publiés de syndrome de la queue de cheval
après manipulation d’une lombalgie ou d’une sciatique par
hernie discale sont survenus après des manipulations pratiquées
sous anesthésie générale. Il s’agit d’une technique risquée
(absence de réaction du patient) qui n’est pas pratiquée en
France. Les autres cas sont anciens, voire très anciens (1 911
pour le premier) ou semblent avoir été le fait de praticiens peu
compétents comme en témoigne le cas d’un patient qui continuait
à recevoir des manipulations alors que sa paralysie
s’aggravait [15]. En revanche, nous soulignons qu’une hernie
discale est mieux diagnostiquée par la clinique que par la
radiographie simple. L’intérêt de cette dernière est encore
plus faible si l’on prétend lui demander de prédire l’occurrence
d’une hernie non encore constituée. Enfin, la question de
savoir si une hernie discale constitue une contre-indication
relative ou absolue aux manipulations est autre problème, qui
dépasse le cadre de notre travail.
Le SPL par lyse isthmique peut être détecté sur des clichés
simples. La lyse isthmique, lorsqu’elle se constitue et donne
lieu à des manifestations cliniques, ne peut être manquée
puisqu’elle est à l’origine d’une douleur d’apparition relativement
brutale, chez un adolescent souvent suite à un geste sportif
en extension. Un tel tableau impose des radiographies, ne
serait-ce qu’en raison de l’âge. En ce qui concerne le SPL
constitué, nous n’avons trouvé aucune observation publiée
d’une aggravation après manipulation. Les recommandations
internationales nous semblent donc suffisantes dans ce
domaine.
Mais la question la plus importante est celle des complications
neurologiques après tassement vertébral, qu’il s’agisse
d’une tumeur maligne ou bénigne ou d’un tassement ostéoporotique.
Une affection maligne peut-elle être suffisamment évoluée
pour fragiliser une vertèbre au point qu’une manipulation
puisse la fracturer, sans donner aucun signe clinique d’alarme,
chez un patient qui n’aurait par ailleurs aucun antécédent
carcinologique ? Dans les quelques cas cliniques rapportés,
on ne dispose d’aucun renseignement sur les symptômes (douleur
inflammatoire ?) ayant conduit au traitement manipulatif.
Il apparaît tout de même que tous avaient plus de 55 ans et
avaient des antécédents carcinologiques, deux raisons qui
auraient dû faire pratiquer des radiographies selon les recommandations
internationales. Pour les tumeurs bénignes, on a vu
que le kyste anévrismal osseux avec symptômes mimant une
douleur commune survenait surtout jusqu’à l’âge de 25 ans.
D’après les recommandations internationales, des rachialgies
chez un sujet de moins de 20 ans doivent faire demander des
radiographies. Le cas des sujets de 20 à 25 ans n’est donc pas
pris en compte. Nous proposons donc d’étendre à l’âge de
25 ans la nécessité d’une radiographie systématique,
lorsqu’une manipulation est prévue. Au-delà de 25 ans, les
localisations lombaires et thoraciques sont absolument exceptionnelles
et pour nous, elles ne peuvent justifier à elles seules
une imagerie systématique avant manipulation. La chronicité
de la douleur et son caractère rebelle aux traitements est une
justification bien meilleure, prévue par les guidelines.
Pour les tassements ostéoporotiques, l’âge supérieur à 50
(ou 55) ans et l’ostéoporose « potentielle » (post-cortisonique
par exemple) font partie des indications de radiographie systématique,
d’après les recommandations internationales
(Tableau 1). De plus, redisons-le, on ne trouve pas à ce jour
de telles complications dans la littérature.
Notre étude permet de penser qu’aux niveaux lombaire et
thoracique, toutes les situations à risque manipulatif sont
donc prises en compte dans les recommandations internationales.
Elles constituent donc une référence suffisante pour le
médecin. On ne peut qualifier aujourd’hui d’« imprudence »
le fait de ne pas réaliser de radiographie systématique du rachis
lombaire ou thoracique avant manipulation si le praticien respecte
scrupuleusement ces recommandations. La seule exception
est le sujet entre 20 et 25 ans, pour qui nous recommandons
une radiographie. En dehors de ce cas, la pratique
systématique de radiographies avant manipulation lombaire
ou thoracique ne repose pas sur des preuves et n’est donc pas
de mise.
8.2. Rachis cervical
En revanche, on peut estimer qu’au niveau cervical, l’éventualité
d’une fracture occulte, voire d’une malformation
osseuse de la charnière cervicocrânienne, la présence d’une
arthrose évoluée sont des facteurs non reconnaissables cliniquement
et que leur découverte radiologique peut amener le
thérapeute à renoncer à certaines techniques manuelles voire
àn’en pratiquer aucune [12,19,23,25,33]. Nous recommandons
donc la pratique de radiographies systématiques cervicales
avant manipulation. Cette prudence est reflétée par les recommandations
internationales qui demandent, contrairement aux
lombalgies, de toujours pratiquer des radiographies en cas de
cervicalgie chronique.
8.3. Cas particulier
Enfin, certains patients anxieux souhaitent bénéficier de clichés
en dehors des indications classiques. Si des manipulations
sont prévues, il nous semble sage d’accéder à ce souhait pour
les tranquilliser sur l’état de leur colonne. Cela permettrait de
plus de conforter la relation médecin–malade. Ce cas traduit le
fait que les recommandations ne constituent pas un cadre rigide
mais doivent s’adapter à certains cas particuliers.
9. Conclusion
Les recommandations de la SOFMMOO. Ces recommandations
s’énoncent comme telles :
Author's personal copy
● Première recommandation : pour toute manipulation des
articulations sacro-iliaques, du rachis lombaire et du rachis
thoracique, il n’y a pas lieu de demander systématiquement
une radiographie. Le médecin devra se conformer aux
recommandations internationales qui préconisent une radiographie
en cas de douleur chronique rebelle (plus de trois
mois d’évolution) ou lorsque des signes d’alerte sont pré-

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J.-Y. Maigne et al. / Annales de réadaptation et de médecine physique 50 (2007) 111–116
sents ou chez les sujets de moins de 20 ans et de plus de 50
à 55 ans. La SOFMMOO propose de faire passer de 20 à
25 ans l’âge jusqu’où des radiographies systématiques sont
nécessaires.
● Deuxième recommandation : avant toute manipulation du
rachis cervical, des radiographies sont indispensables, quelle
que soit l’ancienneté de la douleur.
● Troisième recommandation : lorsque le patient souhaite de
façon insistante une radiographie médicalement non justifiée
et qu’un traitement manipulatif est indiqué, cette radiographie
doit être réalisée. Cette recommandation est liée au
caractère très particulier du geste manipulatif et de la nécessaire
pleine coopération du patient.
Références
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