Sahel Dimanche - Nigerdiaspora
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Economie<br />
contre le blanchiment de capitaux<br />
Mme SANADY Tchimaden Hadatan, présidente de la Cellule<br />
Nationale de Traitement des Informations Financières (CENTIF)<br />
« La CENTIF réitère son appel à l’endroit des personnes assujetties à jouer pleinement<br />
leur rôle à l’image de tout ce qui se passe dans les pays développés»<br />
La CENTIF est chargée de mener des<br />
enquêtes policières, collecter des informations<br />
complémentaires dans le cadre<br />
des réquisitions, ainsi que le traitement<br />
des déclarations de soupçon. Comment<br />
arrivez-vous à accomplir toutes ces<br />
tâches ?<br />
Il faut préciser que la CENTIF est un service<br />
administratif qui mène des enquêtes<br />
administratives et financières, avec un<br />
volet investigations policières. Ces tâches<br />
sont accomplies par les différents départements,<br />
avec la collaboration des assujettis,<br />
des correspondants nationaux et étrangers,<br />
ainsi que le concours de toute personne<br />
dont la compétence est jugée<br />
nécessaire. Par correspondants étrangers,<br />
il faut comprendre les Cellules de<br />
Renseignements Financiers (CRF) des<br />
pays tiers.<br />
Depuis le lancement des activités de la<br />
CENTIF, combien de dossiers avezvous<br />
traités et transmis à la justice ?<br />
Depuis le lancement de ses activités, la<br />
CENTIF a reçu 23 déclarations de soupçon<br />
et saisines administratives dont 16<br />
pour la seule année 2012. Douze (12) dossiers<br />
ont fait l’objet de rapports transmis au<br />
parquet, dont 5 pour l’année 2012. Il faut<br />
noter que l’évolution positive de ces résultats<br />
se justifie par la forte volonté politique<br />
des autorités de la 7 ème République à<br />
combattre toute sorte de criminalité d’une<br />
part, et le dynamisme des acteurs qui animent<br />
la structure d’autre part.<br />
En tout état de cause, le Niger a l’obligation<br />
d’avoir un dispositif de LBC/FT opérationnel<br />
et dynamique répondant aux normes<br />
et recommandations internationales<br />
pour protéger son économie et l’intégrité<br />
de son territoire, et encourager ainsi les<br />
investisseurs à opérer dans un environnement<br />
économique et financier sain. Ce qui<br />
favorisera sans nul doute un développement<br />
social, économique et politique profitable<br />
à tous.<br />
Comment les individus ou les institutions<br />
peuvent-ils vous contacter en cas<br />
de soupçons relatifs aux crimes financiers<br />
?<br />
La CENTIF ne peut recevoir des déclarations<br />
d’opérations suspectes (DOS) que<br />
des personnes assujetties à la LBC/FT à<br />
savoir : du trésor public (régies financières);<br />
de la BCEAO ; des organismes financiers<br />
(banques, systèmes financiers<br />
décentralisés, assurances ) ; des membres<br />
des professions juridiques indépendantes,<br />
lorsqu’ils représentent ou assistent<br />
des clients en dehors de toute procédure<br />
judiciaire, notamment dans le cadre<br />
des activités d’achat et vente de biens,<br />
d’entreprises commerciales ou de fonds<br />
de commerce ; de manipulation d’argent,<br />
de titres ou d’autres actifs appartenant au<br />
client ; d’ ouverture ou de gestion de comp-<br />
Réalisée par Seini Seydou Zakaria<br />
tes bancaires, d’épargne<br />
ou de titres ; de constitution,<br />
gestion ou direction<br />
de sociétés, de fiducies<br />
ou de structures similaires,<br />
et d’exécution d’autres<br />
opérations financières.<br />
Les autres assujettis,<br />
notamment les apporteurs<br />
d’affaires aux organismes<br />
financiers ; les<br />
commissaires aux comptes<br />
; les agents immobiliers<br />
; les marchands<br />
d’articles de grande<br />
valeur, tels que les objets<br />
d’art (tableaux, masques<br />
notamment), pierres et<br />
métaux précieux ; les<br />
transporteurs de fonds ;<br />
les propriétaires, directeurs<br />
et gérants, de casinos<br />
et d’établissements<br />
de jeux, y compris les<br />
loteries nationales; les agences<br />
de voyage; les organisations non gouvernementales<br />
(ONG). Les déclarations de<br />
soupçon sont faites suivant un modèle fixé<br />
par arrêté du ministre des Finances.<br />
Par ailleurs, la CENTIF peut faire l’objet de<br />
saisine administrative par toute autorité<br />
administrative et judiciaire, ainsi que par<br />
les cellules de renseignement financier<br />
(CRFs) de l’UEMOA ou des pays tiers<br />
sous réserve de réciprocité. La CENTIF<br />
reçoit également toutes autres informations<br />
utiles, nécessaires à l’accomplissement<br />
de sa mission, notamment celles<br />
communiquées par les autorités de contrôle,<br />
ainsi que les officiers de Police<br />
Judiciaire.<br />
Mme la présidente, le 27 décembre dernier,<br />
vous avez procédé à la remise du<br />
projet de document de Stratégie<br />
Nationale de Lutte contre le<br />
Blanchiment des Capitaux et le<br />
Financement du Terrorisme (LBC/FT)<br />
au ministre des Finances. Quelle est<br />
l’importance de ce document à travers<br />
son contenu ?<br />
Mme SANADY Tchimaden Hadatan<br />
La stratégie nationale repose fondamentalement<br />
sur les lacunes et insuffisances<br />
identifiées dans le Rapport d’Evaluation<br />
Mutuelle (REM) du dispositif national de<br />
Lutte contre le Blanchiment de Capitaux et<br />
le Financement du Terrorisme (LBC/FT),<br />
ainsi que d’autres lacunes et vulnérabilités<br />
mises en évidence dans les documents de<br />
stratégies de développements sectoriels<br />
des professions assujetties à la LBC/FT.<br />
Ainsi, après avoir recensé les lacunes et<br />
insuffisances majeures, la stratégie nationale<br />
propose les actions concrètes à<br />
entreprendre en vue de les corriger et d’améliorer<br />
de ce fait le fonctionnement du<br />
dispositif dans son ensemble. En d’autres<br />
termes, la stratégie nationale vise à améliorer<br />
le fonctionnement des trois volets du<br />
dispositif, à savoir le volet préventif constitué<br />
des assujettis, le volet répressif représenté<br />
par les autorités de poursuites pénales,<br />
et l’interface entre les deux qu’est la<br />
CENTIF appuyée, en cela, par les autorités<br />
de contrôle et de supervision et les<br />
associations professionnelles des assujettis.<br />
Elle se décline en objectifs et axes stratégiques<br />
(opérationnels) et en plans d’actions<br />
de la mise en œuvre des mesures<br />
préconisées.<br />
Mme la Présidente, pouvez-vous nous<br />
dresser un bilan succinct des activités<br />
de la CENTIF au cours de l’année 2012<br />
qui vient de s’écouler ?<br />
Disons que d’importations actions ont été<br />
menées au cours de l’année 2012. Il s’agit,<br />
entre autres, de l’adoption de la loi uniforme<br />
qui, suite au constat par la BCEAO de<br />
la non-conformité d’un article, a été amendée<br />
par le conseil des Ministres ; de l’atelier<br />
de formation des acteurs sur l’élaboration<br />
d’une stratégie nationale de LBC/FT;<br />
de la validation de la stratégie nationale de<br />
LBC/FT ; de la création du Comité National<br />
de Coordination des Actions de Lutte contre<br />
le Blanchiment des Capitaux et du<br />
Financement du Terrorisme (CNCA-<br />
LBC/FT). Un arrêté a été pris pour créer en<br />
son sein un sous comité chargé du gel des<br />
avoirs criminels. Le CNCA-LBC/FT a tenu<br />
trois (3) sessions ordinaires au courant de<br />
l’année ; mené des actions de sensibilisation<br />
et de vulgarisation, notamment une<br />
réunion avec les banques, convoquée par<br />
le Ministre des Finances, concernant la<br />
LBC/FT pour les amener à jouer leurs<br />
rôles ; un atelier de sensibilisation conjointement<br />
avec l’ONUDC au profit des professions<br />
assujetties; un atelier au profit des<br />
compliances des banques sur l’Approche<br />
Basée sur le Risque (ABR) ; procédé à l’amélioration<br />
des statistiques : 16 saisines et<br />
DOS ainsi que 5 rapports transmis au juge<br />
au cours de l’année 2012 ; institué la<br />
coopération avec les CRFs étrangères : 5<br />
accords de coopération signés avec le FIC<br />
du Ghana, l’ANIF-Gabon, la CTIF-<br />
Belgique, le FIC du Nigéria et l’URTF du<br />
Maroc ; organisé une visite d’imprégnation<br />
de l’Agence Nationale d’Investigations<br />
Financières (ANIF) du Gabon (partage<br />
d’expériences) et une visite de plaidoyer<br />
du Directeur Général du GIABA auprès<br />
des plus hautes autorités nationales ; procédé<br />
à la mise en place d’un réseau des<br />
CENTIFs de la zone UEMOA à Abidjan et<br />
participé à une rencontre à Rabat (Maroc)<br />
des CRF francophones, au renforcement<br />
de capacité des membres de la CENTIF à<br />
Dakar avec le GAFI, le GROUPE<br />
EGMONT et la Direction de Lutte contre le<br />
Terrorisme des Nations Unies; à<br />
Washington avec l’appui de l’Ambassade<br />
des USA ; en Belgique avec le GIABA ; au<br />
Nigéria avec l’appui du gouvernement<br />
Suisse. En outre il a été procédé au<br />
rehaussement de l’enveloppe budgétaire,<br />
au renforcement de la sécurité et de l’appui<br />
en personnel technique. Il faut souligner<br />
que toutes ces actions ont été accomplies<br />
avec le soutien politique fort des plus<br />
hautes autorités de la République.<br />
Toutes ces actions ont amené la 18 ème<br />
plénière du GIABA à apprécier positivement<br />
les avancées du Niger en matière de<br />
LBC/FT. Elle a décidé de le retirer du régime<br />
de ‘’suivi renforcé’’ qui est une sanction<br />
négative pour notre pays, et de le ramener<br />
au ‘’ suivi régulier normal’’. Certains pays<br />
ont mis cinq (5) années pour sortir de la<br />
sanction, contrairement au Niger qui a<br />
réalisé l’exploit d’en sortir au bout d’un an.<br />
Quel appel avez-vous à lancer à l’endroit<br />
des autorités et des populations<br />
afin qu’ensemble, vous puissiez mener<br />
cette lutte titanesque pour sécuriser les<br />
finances publiques dans notre pays ?<br />
Il faut noter que la CENTIF a pour mission<br />
principale la Lutte contre le Blanchiment<br />
des capitaux et le Financement du<br />
Terrorisme. Elle contribue de ce fait à préserver<br />
l’intégrité du système financier du<br />
Niger. Le message particulier à l’endroit de<br />
la population est qu’elle doit comprendre<br />
que le blanchiment des capitaux et le<br />
financement du terrorisme sont des fléaux<br />
mondiaux qui concernent tous les<br />
citoyens. En effet, ces fléaux peuvent mettre<br />
hors de portée des honnêtes citoyens<br />
plusieurs biens et produits du fait de leur<br />
renchérissement (à titre d’exemple le foncier<br />
coûte aujourd’hui plus chère à Niamey<br />
que dans certaines capitales de la sous<br />
région). Il peut aussi mettre en danger tous<br />
les pans de l’économie nationale en favorisant<br />
une concurrence déloyale. Le blanchiment<br />
de capitaux favorise l’émergence<br />
d’une classe sociale mafieuse, composée<br />
de corrupteurs, de trafiquants de drogue,<br />
d’armes, de personnes et de devises,<br />
incitant au détournement des deniers<br />
publics, à la fraude et à l’évasion fiscale.<br />
Forts de leur pouvoir financier, ces individus<br />
sans foi ni loi peuvent fausser le jeu<br />
démocratique et contrôler ainsi l’appareil<br />
d’Etat.<br />
La CENTIF réitère son appel à l’endroit<br />
des personnes assujetties à jouer pleinement<br />
leur rôle à l’image de tout ce qui se<br />
passe dans les pays développés. Plus que<br />
par le passé, le Niger s’inscrit dans cette<br />
dynamique de lutte contre la criminalité<br />
financière organisée et prendra des dispositions<br />
en vue de faire respecter ses lois et<br />
règlements.<br />
Nous sollicitons des pouvoirs publics le<br />
renforcement de nos capacités par la dotation<br />
en moyens techniques, financiers et<br />
humains adéquats pour mener à bien les<br />
missions à nous confiées. En ce qui<br />
concerne les activités prévues pour cette<br />
année, la CENTIF poursuivra les actions<br />
de formation et de sensibilisation des<br />
acteurs impliqués dans la LBC/FT et entreprendra<br />
des démarches auprès des superviseurs<br />
et des régulateurs des assujettis<br />
pour inciter ces derniers à s’acquitter correctement<br />
de leur devoir, celui de déclarer<br />
les opérations suspectes.<br />
Page 13 11 janvier 2013 <strong>Sahel</strong> <strong>Dimanche</strong><br />
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