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C é l<br />
i n e<br />
B o y e r<br />
Gilles Esposito-Farèse<br />
Carl Pappenheim<br />
Jochen Gerner<br />
Mark Andrew Webber<br />
Angela Detanico & Rafael Lain<br />
Louise Marcheix<br />
David Bessis<br />
Hendrik Sturm<br />
Stephen Walter<br />
Paola Di Bello<br />
David Renaud<br />
David Heyman & Ben Sheesley<br />
Kathy Prendergast<br />
Michéa Jacobi<br />
Stendhal<br />
Marc Saenko<br />
Jérémy Garniaux<br />
Elsa Vanzande<br />
Alexandre Vuillemin<br />
Hélène Pourchet<br />
Cristina Lucas<br />
John Cary<br />
Zsuzsanna Ilijin<br />
É T I E N N E<br />
Alberto Duman<br />
Jeremy Wood<br />
L É C R O A R T<br />
David Renaud<br />
Franz Schrader<br />
Franck Scurti<br />
Marion La<br />
MARIE<br />
Howard Horowitz<br />
L’Oucarpo<br />
(Ouvroir de Cartographie<br />
Potentielle) explore la capacité expressive des cartes.<br />
Textes et mots sont trop souvent tenus pour de simples outils<br />
d’information. L’exposition Alpha, <strong>beta</strong>, <strong>carta</strong> débusque<br />
la présence,la transformation et la disparition des mots<br />
dans les cartes. Toutes les cartes sont parlantes et<br />
expressives. <strong>alpha</strong>, <strong>beta</strong>, <strong>carta</strong> le montre en<br />
une quarantaine d’œuvres de « plagiaires par<br />
anticipation », de graphistes<br />
et d'artistes contemporains<br />
CHÉNÉ<br />
BOUCHRA KHALILI<br />
Fathia Haski<br />
Nancy McCabe<br />
Pierre di Sciullo<br />
Pietro Corraini<br />
Chris Kenny<br />
Eric Giraud<br />
T I M F<br />
I S H L O C K<br />
Ian Holcroft<br />
<strong>alpha</strong> <strong>beta</strong> <strong>carta</strong><br />
des mots dans les cartes<br />
Guillaume Monsaingeon<br />
Oucarpo
des mots dans les cartes<br />
3<br />
Oucarpo<br />
Guillaume Monsaingeon
ucarpo<br />
(Ouvroir de cartographie potentielle)<br />
La création de l’Oucarpo en 2013 s’est délibérément inscrite au croisement des cultures<br />
visuelles et littéraires. A l’époque où les arts plastiques découvraient à peine la peinture<br />
de chevalet, des romanciers et des poètes jouaient déjà avec d’invraisemblables<br />
déconstructions cartographiques. L’Utopie de Thomas More, les œuvres de Lewis Carroll,<br />
Jules Verne, Robert L. Stevenson, Joseph Conrad ou Georges Perec constituent autant de<br />
réjouissants plagiats par anticipation qui viennent nourrir simultanément terreau littéraire et<br />
feuilletage cartographique.<br />
Malgré l’apparente similitude, la situation de l’Oucarpo n’a que peu à voir avec celle de<br />
son ancêtre oulipien il y a plus d’un demi-siècle. La littérature, même non potentielle, était<br />
déjà donnée d’emblée comme foyer d’expression et d’émotions. L’une des tâches de<br />
l’Oulipo consistait même à souligner combien la rigueur, la logique et les mathématiques<br />
traversaient cette ardeur.<br />
Le point de départ de l’Oucarpo est tout autre : la cartographie s’est constituée et peu à<br />
Carroll (carte intégralement blanche ou transparente, vide de signes et de lettres), Perec<br />
4 peu définie comme un ensemble rigoureux et strictement codifié de pratiques et de règles.<br />
5<br />
écrivait : « L’espace commence ainsi, avec seulement des mots, des signes tracés sur la<br />
A partir du XIX e siècle, l’abandon des termes « cosmographe », « géographe » ou « peintre »<br />
page blanche. ». On ne s’étonnera guère que les mots jouent un rôle fondateur à l’orée d’un<br />
au profit du « cartographe » signe une intention technique restrictive : produire des objets<br />
essai à ce point virtuose.<br />
et dispositifs cartographiques qui ne seraient esthétiques ou producteurs d’affects qu’en<br />
second lieu et comme par rebond. Là où l’Oulipo entendait valoriser la rigueur littéraire,<br />
l’Oucarpo doit donc souligner combien l’expression constitue une réalité propre à la<br />
plupart des opérations cartographiques. Qui pourrait en effet contester la haute technicité<br />
des questions de projection de surface courbe sur un plan, des algorithmes portant les<br />
Systèmes d’Information Géographiques ?<br />
Reste au contraire à souligner comment ces démarches peuvent renforcer non seulement<br />
le repérage et la connaissance, mais aussi l’abandon, la perte, l’incertitude et l’imagination.<br />
Les artistes n’ont heureusement pas attendu l’Oucarpo pour se mettre au travail. Mais<br />
l’histoire de l’art n’est guère en avance : il reste une page importante à écrire sur la façon dont<br />
les artistes du XIX e siècle se sont progressivement réappropriés le langage cartographique :<br />
guerre de 14-18, Dada et autres avant-gardes, surréalisme, art conceptuel, situationnisme,<br />
Land Art, etc. Cette généalogie devrait permettre de mieux comprendre ce qui nous semble<br />
désormais évident : le croisement de la cartographie et de l’art contemporain est reconnu<br />
comme légitime et parfois fécond, comme en témoignent d’innombrables travaux d’artistes<br />
et des expositions de plus en plus fréquentes.<br />
Au-delà des exercices de contrainte, salutaires et féconds, l’Oucarpo a aussi un rôle à jouer<br />
pour activer la circulation entre sensibilités littéraires, pratiques plastiques et technicité<br />
cartographique, sans oublier les pratiques spontanées et les traditions cartographiques<br />
parfois oubliées. <strong>alpha</strong>, <strong>beta</strong>, <strong>carta</strong> est une première étape dans ce croisement des genres<br />
avant d’autres thématiques comme la couleur, le temps, le cercle, etc. Ce fut les mots dans<br />
les cartes.<br />
Des mots dans les cartes, des cartes par les mots<br />
La relation des cartes aux mots est vieille comme les cartes, sans avoir été vraiment traitée.<br />
On peut imaginer que les cartes préhistoriques, aujourd’hui objets de débat, aient été<br />
dès l’origine le support de dénominations prononcées, peut-être elles aussi débattues<br />
et contestées. Si les cartes donnent à voir et à croire, les toponymes font exister l’espace<br />
et les cartes figent parfois plus qu’elles n’inventent. Mark Monmonier a écrit un ouvrage<br />
au titre évocateur, Des nichons de squaw à la Prairie du bordel : comment les cartes<br />
dénomment, revendiquent et déchaînent, dans lequel il souligne combien la carte est à la<br />
fois prescriptive et conservatrice.<br />
L’ombre de Georges Perec plane ici, plus encore que sur d’autres projets de l’Oucarpo.<br />
Espèces d’espaces, laboratoire euphorique, est devenu malgré lui un texte programmatique.<br />
Quelques pages après la reproduction fidèle de la carte de l’Océan conçue par Lewis<br />
"Espace inventaire, espace inventé : l’espace commence avec cette carte modèle qui, dans les anciennes éditions<br />
du Petit Larousse Illustré, représentait quelques chose comme 65 termes géographiques, miraculeusement<br />
rassemblés, délibérément abstraits : voici le désert, avec son oasis, son oued et son chott, voici la source et le<br />
ruisseau, le torrent, la rivière, le canal, le confluent, le fleuve, l’estuaire, l’embouchure et le delta, voici la mer<br />
et ses îles, son archipel, ses îlots, ses récifs, ses écueils, ses brisants, son cordon littoral, et voici le détroit,<br />
et l’isthme, et la péninsule, et l’anse et le goulet, et le golfe et la baie, et le cap et la crique, et le bec, et le<br />
promontoire, et la presqu’île, voici la lagune et la falaise, voici les dunes, voici la plage, et les étangs, et les<br />
marais, voici le lac, et voici les montagnes, le pic, le glacier, le volcan, le contrefort, le versant, le col, le défilé,<br />
voici la plaine, et le plateau, et le coteau, et la colline ; voici la ville et sa rade, et son port, et son phare…"<br />
Georges Perec, Espèces d'espaces, Bourgois, 1974<br />
Franz Schrader, Carte terminologique,<br />
Premiers éléments de géographie, cours élémentaire, Hachette , 1915
Six lignes plus bas, nouveau départ, cette fois sous le signe de la carte, ou plutôt de<br />
la rencontre de la carte et des mots : « Espace inventaire, espace inventé : l’espace<br />
commence avec cette carte modèle qui, dans les anciennes éditions du Petit Larousse<br />
Illustré, représentait quelques chose comme 65 termes géographiques, miraculeusement<br />
rassemblés, délibérément abstraits ». Et Perec entamait une véritable « danse du ventre »<br />
verbale faite de « voici, voici, voici » désignant non des toponymes de lieux réellement<br />
existant mais une terminologie savante et abstraite déposée sur la carte d’un espace<br />
forgé.<br />
Le monde est plein de mystères et de paradoxes, la relation des mots et des cartes en<br />
constitue un : au milieu de l’océan gît non un A banal, ni même le premier A de Atlantique,<br />
mais « LE A », la matrice ou l’Idée de A. Philémon découvre à la fois l’absurdité et la grande<br />
continuité des noms, des cartes et des entités géographiques qu’il parcourt. Sans compter<br />
la malice de Fred, qui choisit bien entendu l’Atlantique, issu d’Atlas, à la fois personnage<br />
porteur du monde et ouvrage cartographique porteur de cartes.<br />
Perec évite ainsi le traditionnel débat sur la ressemblance de la carte, sa capacité à informer<br />
ou la nécessité de son mensonge. La carte serait d’abord invention et jeu de mots, création<br />
d’un espace mi-inventaire mi-inventé né de la prolifération des mots. « L’espace commence<br />
ainsi » : avec des lettres entassées qui engendrent la page et la carte.<br />
Ainsi aucune carte ne serait plus « muette » et le monde des cartes se trouverait comme<br />
recouvert d’un nappage terminologique (on se rappelle que le terme « nappe » constitue<br />
la racine de celui de « mappe »). Les artistes invités dans <strong>alpha</strong> <strong>beta</strong> <strong>carta</strong> seraient alors<br />
les révélateurs d’une sorte de glossolalie pas toujours contrôlée qui précèderait notre<br />
expérience du monde. Des mondes souterrains prennent la parole, des mots s’effacent, se<br />
retournent ou se rassemblent pour fabriquer du tissu cartographique : ce ne sont plus les<br />
pixels qui bâtissent l’espace, mais les lettres, les mots et les textes.<br />
On pourrait invoquer ici Philémon et le naufragé du «A», cette bande dessinée dans laquelle<br />
Fred dépeint la stupéfaction de Philémon et de son compagnon découvrant où ils se<br />
trouvent : « - Ici se trouve l’Amérique, là l’Europe, et entre ces deux continents, l’océan<br />
Atlantique. Eh bien, nous sommes ici, sur le A. - Vous voulez dire que cette île a la forme<br />
d’un A ? - Elle n’a pas la forme d’un A, C’EST LE « A » ! - Mais voyons… euh… ces lettres<br />
n’existent pas… elles ne figurent sur la carte que pour… - JUSTEMENT ! Ah là là, justement<br />
!... Ces lettres n’existent pas et pourtant nous sommes sur l’une d’elle. Alors ? »<br />
Marseille, 1er avril 2013, quatre pilotines du port de Marseille écrivent au large du château d’If les deux lettres<br />
6 IF : l’Oucarpo teste ainsi la résistance de la mer Méditerranée, rétive à devenir une carte et à se laisser marquer. 7<br />
L’artiste John Baldessari paraît presque pâle à côté d’une telle aventure conceptuelle, lui<br />
qui traversait la Californie dans les années 70 pour rectifier le territoire et y marquer à<br />
l’échelle 1 les lettres C-A-L-I-F-O-R-N-I-E telles qu’elles figuraient sur les cartes.<br />
L’une de ses premières manifestations de l’Oucarpo consista à tester la résistance de la<br />
mer Méditerranée, rétive comme toutes ses consoeurs à se laisser marquer, écrire, fixer par<br />
des mots trop peu subtils. A l’aide de quatre pilotines du port de Marseille, il fut possible<br />
de faire apparaître quelques instants au large du château d’If les deux lettres IF : « L’espace<br />
commence ainsi, avec seulement des mots », disait Perec, en l’occurrence deux lettres qui<br />
constituent le moteur du Comte de Monte-Cristo mais aussi, lu à l’anglaise, de toutes les<br />
histoires fictionnelles, « et si seulement… »<br />
A ceux que la bande dessinée dérange (aussi rares, gageons-le, que les personnes<br />
insensibles aux cartes…) on pourrait suggérer de lire Jules Verne et sa délicieuse Île<br />
mystérieuse :<br />
- Un instant, mes amis, répondit l’ingénieur, il me paraît bon de donner un<br />
nom à cette île, ainsi qu’aux caps, aux promontoires, aux cours d’eau que<br />
nous avons sous les yeux.<br />
- En effet, reprit le marin, c’est déjà quelque chose de pouvoir dire où l’on<br />
va et d’où l’on vient. Au moins, on a l’air d’être quelque part.<br />
L’île était là sous leurs yeux comme une carte déployée, et il n’y avait<br />
qu’un nom à mettre à tous ses angles rentrants ou sortants, comme à<br />
tous ses reliefs. Gédéon Spilett les inscrirait à mesure, et la nomenclature<br />
géographique de l’île serait définitivement adoptée.<br />
Fred, Philémon et le naufragé du "A",<br />
Dargaud, 1972<br />
L’île est déjà une carte déployée avant d’être dénommée ! Le baptiseur de caps et de<br />
sommets est de facto rédacteur de la carte grâce à laquelle on a (enfin ?) « l’air d’être<br />
quelque part ».
est désormais, à la suite de Walter Benjamin, une encyclopédie incomplète composée de<br />
fragments de textes et de lettres brouillés en tous sens. Il était inévitable qu’<strong>alpha</strong>, <strong>beta</strong> <strong>carta</strong><br />
s’attache à des pratiques urbaines d’abécédaire cartographique. Paul Auster a dépeint,<br />
dans La Cité de verre, un héros découvrant comment un autre personnage déambule dans<br />
la ville en écrivant par le seul mouvement de ses pas : peu à peu, l’expression « Tower of<br />
Babel » émerge, menace d’autant plus forte qu’elle puise dans une mythologie destructrice<br />
tout en restant invisible car dématérialisée.<br />
Les artistes abécédariens et marcheurs (Michéa Jacobi, Franck Scurti, Tim Fishlock, Ian<br />
Holcroft, Jeremy Wood) laissent des traces <strong>alpha</strong>bétiques de leurs déambulations.<br />
Les mots surgissent en ordre ou en désordre (Alberto Duman, Hendrik Sturm), dessinent<br />
des continents, des graphes ou des nuages (David Bessis, Carl Pappenheim, Eric Giraud).<br />
Ils s’agitent et bouchent l’horizon pour certains (Stephen Walter, John Cary, Mark Andrew<br />
Webber), se révèlent par la traduction (Marie Chéné) et s’effacent pour d’autres, parfois<br />
jusqu’au silence (Kathy Prendergast, Paola Di Bello, Jochen Gerner, David Renaud).<br />
Découpés, assemblés, retournés et détournés en toutes les couleurs (Cristina Lucas, Chris<br />
Kenny, Pierre di Sciullo), lettres et mots finissent par devenir la matière même de la carte de<br />
la ville ou de l’espace (Nancy McCabe, Zsuzsanna Ilijin, Howard Horowitz, David Heyman<br />
et Ben Sheesley).<br />
Supports de palimpsestes (Marc Saenko) et de détournements superbement oucarpiens<br />
(Gilles Esposito-Farèse), les mots se font ensuite récits pour dire l’expérience des habitants<br />
(Elsa Vanzande et Jérémy Garniaux) ou des migrants (Bouchra Khalili, Céline Boyer).<br />
La typographie permet de penser le texte comme surface et encombrement (Pietro Corraini,<br />
Rafael Detanico et Angela Lain), mais aussi l’impact d’une police de caractère (Frank Scurti,<br />
Hélène Pourchet, Louise Marcheix, John Cary).<br />
Dans tous les cas ce qui peut sembler simple ou même un peu sec se révèle riche en<br />
émotions, telles les cartes raturées d’Emilio Isgrò qui constituent bien plus qu’un retour<br />
professoral aux cartes muettes. Supprimer les mots dans les cartes, c’est encore les<br />
multiplier en nous, et célébrer avec Pessoa les retrouvailles des cartes et des lettres, réunies<br />
par leur capacité à exprimer ce qu’elles n’expriment pas.<br />
8 9<br />
Gravure anonyme publiée dans la revue Punch, mai 1920.<br />
La satire vise ici une série de plans de Londres conçus par MacDonald Gill dans les années<br />
1910-1920. Particulièrement élégants et riches, ils étaient cernés d’un bandeau dont le texte<br />
tournait sur les quatre côtés.<br />
Et la splendeur des cartes, chemin abstrait vers l’imaginaire concret<br />
Lettres et traits irréguliers ouvrant sur la merveille ! (…)<br />
Tout ce qui suggère, ou qui exprime ce qu’il n’exprime pas,<br />
Tout ce qui dit ce qu’il ne dit pas<br />
Fait rêver notre âme, à la fois différente et distraite.<br />
Lire les cartes<br />
Cette invasion des mots n’est pas sans conséquences. On utilise souvent l’expression<br />
« lire des cartes ». Est-ce à dire qu’après l’an<strong>alpha</strong>bétisme, l’illettrisme et maintenant<br />
l’innumérisme il faudrait parler d’immappisme pour désigner le manque de capacité à se<br />
repérer dans une carte ? Mais à quoi mesure-t-on cette incapacité ?<br />
Et que lit-on dans les cartes ? Des mots et des textes ? Des légendes ? Une échelle ? Un<br />
Nord tourné vers le haut du document (à moins que ce ne soit l’inverse) ? On retrouve ici<br />
ici, comme dans le dessin satirique de Punch, une hantise des bonnes gens perplexes<br />
devant des cartes urbaines de plus en plus complexes, qui supposent une gymnastique du<br />
graphiste comme du lecteur.<br />
L’apprentissage de la lecture passe en tout cas par la maîtrise des lettres, <strong>alpha</strong>bet désormais<br />
augmenté de pictogrammes et autres codes cartographiques : difficile d’échapper aux<br />
cartes dans notre monde numérisé, publicisé, urbanisé, métropolitanisé. Le plus modeste<br />
d’entre nous doit faire les comptes un jour ou l’autre avec un plan de métro ou un écran<br />
de téléphone. La multiplicité des figures circulaires relève de cet apprentissage : la terre<br />
entourée de son faisceau de méridiens n’est ni la puce circulaire du « Vous êtes ici » ni le<br />
schéma d’orientation des automobilistes d’un rond-point ; la flèche du Nord n’est pas celle<br />
des vents ni des fleuves ou des flux migratoires ; les codes couleur distinguent subtilement<br />
affectations traditionnelles (forêts vertes, océans bleus, etc.) et valeurs arbitraires.<br />
La complexité de cette sémiologie ouvre autant de pistes vers d’innombrables pratiques à<br />
contraintes qui ne peuvent être ici qu’évoquées.<br />
Si le monde physique de Galilée était un grand livre écrit en langage mathématique, la ville<br />
Emilio Isgrò, Sicile, 1970,<br />
Carte géographique raturée<br />
Fernando Pessoa, « Et la splendeur des cartes »<br />
in Poesías de Álvaro de Campos<br />
Guillaume Monsaingeon<br />
Février 2014<br />
Qu’il nous soit permis ici de remercier Olivier Salon qui a généreusement invité l’Oucarpo lors de sa résidence au Parc<br />
culturel de Rentilly, et rendu possible sa rencontre avec l’Oubapo. Les quelques pages de ce modeste <strong>catalogue</strong> lui<br />
doivent leur existence, mais pas leurs erreurs ou inexactitudes.<br />
A l’exception de la carte théorique de Schrader, les œuvres reproduites dans ce texte introductif ne figurent pas dans<br />
l’exposition.
Pique-nique à Rentilly, quand la bande dessinée rencontre la cartographie :<br />
une contrainte fondée sur le choix des noms de 30 lieux-dits des environs<br />
Carte du territoire (1), carte du parc (2), planche de bande dessinée (3) et frise<br />
cartographique (4) en bas de <strong>catalogue</strong> : quatre façons différentes, à la fois<br />
oucarpiennes et oubapiennes, de traverser le même espace.<br />
10 11<br />
(1) Trente lieux-dits ont été sélectionnés sur le<br />
territoire de la Communauté d’agglomération de<br />
Marne et Gondoire (CAMG).<br />
(2) Dans le parc de Rentilly ont été installées trente<br />
boites aux lettres. Chacune d’elle correspond à un<br />
lieu-dit de la CAMG, son emplacement étant calculé<br />
par un effet de miroir.<br />
Marcher sur la planche d’Étienne Lécroart dans la salle des Bains turcs, c’est<br />
reparcourir dans un certain ordre le chemin qui sépare les 30 boites aux lettres<br />
du parc, et c’est par rebond franchir les espaces beaucoup plus vastes de la<br />
CAMG. Lire ce <strong>catalogue</strong>, c’est à nouveau reparcourir le même tracé, cette<br />
fois dans l’espace des pages imprimées.<br />
(4) A partir de la présente page 11 jusqu’à la page 39, une frise cartographique déroule<br />
en bas de page le trajet qui relie les 30 lieux-dits dans l’ordre retenu par le scénario<br />
d’Étienne Lécroart. Départ ci-dessous aux « Grands repas » (commune de Dampmart),<br />
arrivée en bout d’ouvrage aux « Clefs » (commune de Thorigny-sur-Marne).<br />
Étienne Lécroart, Pique-nique à Rentilly - 2014 -<br />
(3) Cette planche présentée dans la salle des Bains turcs est composée<br />
de 30 cases dont chacune porte le nom d’un lieu-dit de la Communauté<br />
d’agglomération de Marne et Gondoire (CAMG), depuis « Les grandes tables »<br />
(case 1) jusqu’à « Les clefs » (case 30).<br />
Les grands repas<br />
Dampmart<br />
Chalifert<br />
Thorigny-sur-Marne
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Hendrik<br />
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Toulon-mundi<br />
- 2013 -<br />
alberto<br />
duman<br />
View of Braziers Park<br />
- 2007 -<br />
Hendrik Sturm s’est inspiré de la même vignette de Franz ou ondulés, distordus par la carte,<br />
Schrader qui aiguisait déjà l’appétit de Perec (fig. p. 5). Vue hiérarchisés, classés, qui soulignent<br />
depuis Toulon où il enseigne, l’idéalité du paysage ne pouvait peut-être mieux encore que<br />
12<br />
résister très longtemps : l’ensemble des formes dites idéales l’original la richesse du propos typocartographique.<br />
13<br />
ressemble furieusement à la Baie de Toulon - presqu’île de Saint-<br />
Mandrier, tombolo de Giens, îles du Levant... Pourquoi avoir<br />
choisi ce site pour accrocher les 65 termes géographiques, nul<br />
ne le sait. Sans doute nécessitait-il moins d’« aménagements<br />
du territoire » qu’un autre. Une version plus tardive est d’ailleurs<br />
présentée dans l’exposition sous le nom de Relief côtier, qui<br />
révèle les toponymes sous les termes génériques par un savant<br />
jeu de hiérarchie typographique.<br />
Pour mieux cerner la nature de cette carte théorique, Hendrik<br />
Sturm a effacé tous les éléments cartographiques qui n’étaient<br />
pas terminologiques. Reste donc un fond blanc ou transparent,<br />
identique à la fameuse carte blanche de La Chasse au Snark<br />
de Lewis Carroll, à ceci près que flottent ici des mots rigides<br />
Fidèle à la tradition d’un feuilletage<br />
artistique et cartographique, Marion<br />
Lacroix s’est inspirée de ce travail<br />
pour concevoir la couverture du<br />
<strong>catalogue</strong>, où les artistes d’<strong>alpha</strong><br />
<strong>beta</strong> <strong>carta</strong> remplacent les termes<br />
géographiques : le site idéal<br />
s’éloigne alors de Toulon pour se<br />
rapprocher de Rentilly, dessinant<br />
une autre carte tout à fait déformante<br />
mais qui rassemble bel et bien des<br />
personnalités variées.<br />
La série des Views of London renvoie au dépouillement d’un travail conceptuel : simplicité,<br />
disparition, interrogation ; perte de repères au sein de la ville et de nos dispositifs de<br />
représentation.<br />
Duman est une exception dans <strong>alpha</strong> <strong>beta</strong> <strong>carta</strong>, dans la mesure où il n’est pas certain<br />
qu’il s’agisse de cartographie. En réalité, il applique à notre vision classique de paysage<br />
urbain balayé d’un regard horizontal le système taxinomique en usage dans la cartographie.<br />
Puis-je dire que je vois « une maison », puis une autre ? Faut-il jeter comme ici dix fois le<br />
mot « grass » (herbe) comme le cartographe jetterait un motif discret pour qualifier tout un<br />
espace de « marais » ou de « pâturages » ? S’agit-il encore d’un paysage si je n’en vois ni<br />
les couleurs ni les formes, si je n’en perçois que des termes génériques ?<br />
Nous interrogeant sur le partage entre des signes désignant des classes (« ceci est une<br />
montagne ») et des mots exprimant l’individualité du toponyme (« on l’appelle le Mont-<br />
Blanc »), ces mots sur fond blanc marquent en creux le mode de fonctionnement des mots<br />
dans les cartes.<br />
es pe i es<br />
a r ar e on hes-sur- on oire<br />
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Michea<br />
jacobi<br />
Cursi Lerini<br />
- 2014 -<br />
tim<br />
fishlock<br />
A to Z<br />
- 2011-<br />
Cet abécédaire du métro de<br />
14<br />
Londres résulte d’une commande<br />
du London Transport Museum à<br />
15<br />
L’abécédaire est pour Michéa Jacobi à la fois une sur laquelle sont portés les parcours<br />
l’occasion de l’exposition Mind<br />
obsession et une forme de libération : quel outil plus de jogging de l’artiste. Mais la taille<br />
the Map en 2011. Tim Fishlock<br />
commode pour classer le monde en vingt-six boites, de l’île contraint à produire plusieurs<br />
s’est emparé du célébrissime plan<br />
éventuellement elles-mêmes rangées dans une grande exemplaires de la « même » carte, dont<br />
de métro par Harry Beck pour y<br />
boite qui serait la première d’une nouvelle série de vingtsix…<br />
de l’<strong>alpha</strong>bet. Alphabétique, insulaire<br />
élégamment coloré.<br />
du contre-sens. Comparé aux <strong>alpha</strong>bets voisins, londoniens<br />
chacune porte seulement une partie<br />
dégager vingt-six lettres au lettrage la connexion en voies sans issue, il y a là toutes les apparences<br />
et cartographique, cet ensemble est<br />
Le réseau d’une ville-monde se ou parisiens, qui tous conservent le tissu cartographique ou<br />
Cursi Lerini est constitué de plusieurs écorces assurément la seule carte poivrée,<br />
trouve ainsi découpé en éléments le positionnement dans l’espace, ce choix d’isoler les lettres<br />
d’eucalyptus ramassées lors d’un séjour sur les iles de chaque lettre débutant par un grain<br />
minuscules, sortes de vers sur fond crème renforce en réalité l’efficacité de ce dispositif<br />
Lérins. Chacune d’elle, peinte d’un bleu qui la transforme de poivre !<br />
<strong>alpha</strong>bétiques que l’on verrait cartographique sans carte, sans Nord ni centre. Chaque lettre<br />
en fragment de Méditerranée, accueille une carte de l’île<br />
volontiers se tortiller. Couper des est elle-même formée de mots, les noms des stations retenues.<br />
lignes potentiellement infinies pour C’est cet élément interne qui se charge de « localiser » l’<strong>alpha</strong>bet<br />
les borner en segments, transformer tout en le lâchant n’importe où dans le monde<br />
Bois de l'Epinière<br />
ossigny
Franck<br />
scurti<br />
Topo-typographie<br />
- 2003 -<br />
Franck Scurti a réalisé sa Topo-typographie en 2003 pour<br />
l’exposition GNS - Global Navigation System. Selon un<br />
principe commun à d’autres artistes, il produit « avec ses<br />
pieds » vingt six lettres dans le tissu urbain parisien. Pour<br />
chaque lettre, l’itinéraire est expliqué à la façon d’un guide<br />
typotouristique, sur fond d’une cartographie plutôt neutre.<br />
Ces lettres sont devenues une police « Topo-typographie »<br />
(librement disponible sur le site www.franckscurti.net) utilisée<br />
pour les noms d’auteur dans l’ouvrage que vous tenez entre<br />
vos mains.<br />
Franck Scurti delineavit, aurait-on dit autrefois : c’est lui qui a dessiné cet <strong>alpha</strong>bet. Mais c’est aussi bien la ville qui en est<br />
l’auteur, capable d’en produire une infinité d’autres ou presque. Paris, comme la plupart des grandes villes, devient ainsi<br />
le réservoir et le chaudron d’une ébullition typographique potentielle : chacun de nous peut dessiner une carte nouvelle,<br />
nous piétinons sans cesse de possibles <strong>alpha</strong>bets, avec lesquels bien entendu nous pourrions écrire d’infinies poésies.<br />
jeremy<br />
wood<br />
Meridians<br />
- 2006 -<br />
Ian<br />
holcroft<br />
A to Z of London<br />
16 - 2004 -<br />
17<br />
Avec la même contrainte que Franck Scurti, Ian Holcroft<br />
explore les rues de Londres de A à Z pour y débusquer<br />
un <strong>alpha</strong>bet pédestre. La comparaison des deux<br />
œuvres souligne, si besoin, la fécondité de l’exercice<br />
du « passage à la contrainte ». Ici, les lettres ne sont<br />
pas isolées (comme chez Scurti ou Fishlock), mais<br />
restituées dans leur continuité spatiale, géolocalisées.<br />
Le fond bleu intense renvoie immanquablement à la<br />
cartographie céleste et au déchiffrement séculaire de<br />
formes humaines parmi les constellations célestes.<br />
De façon à la fois malicieuse et expressive, Holcroft a<br />
transformé Charing Cross en étoile polaire et conservé<br />
les codes postaux londoniens formulés à partir des<br />
points cardinaux (SW1, NE8…). Les rues de la ville<br />
seraient-elles la voûte céleste de la modernité, et<br />
l’<strong>alpha</strong>bet un substitut à la mythologie ?<br />
Jeremy Wood a longuement marché dans Londres pour y tracer la phrase de<br />
Melville « It is not down on any map. True places never are » (Ce n’est inscrit<br />
sur aucune carte. Les véritables lieux ne le sont jamais). Il a choisi précisément<br />
de marcher donc d’écrire, tel un écolier dans son cahier, sur la ligne idéale du<br />
méridien de Greenwich. Patatras ! à y regarder de plus près, la ligne unique du<br />
méridien se dédouble : selon les modes et moyens de calcul employés, il existe<br />
deux lignes parallèles qui pourraient être considérées comme référence ou<br />
origine du monde cartographié. C’est le fondement mystique de la cartographie<br />
moderne qui s’effondre.<br />
Ainsi, la phrase qui dénonce la vanité de tout projet cartographique devient un<br />
véritable manifeste rédigé sur cette impossible ligne parallèle à elle-même…<br />
Les<br />
r sses<br />
e<br />
e<br />
ha i er<br />
Dampmart
stephen<br />
walter<br />
London Subterranea<br />
- 2012 -<br />
paola<br />
di bello<br />
La Disparition<br />
- 1994 -<br />
Kathy<br />
Prendergast<br />
Lost<br />
- 1999 -<br />
David<br />
Renaud<br />
Le travail de David Renaud traverse inlassablement<br />
l’espace et sa représentation cartographique<br />
entre les deux pôles d’une tension : les mots qui<br />
Désert de Danakil envahissent, les mots effacés. Le bavardage et le<br />
Carte des entrailles urbaines, London Subterranea est l’anti-<br />
silence.<br />
18 - 2003 -<br />
19<br />
plan de métro de Harry Beck : celui-ci supprime quand cellelà<br />
rajoute, encombre, entasse en un tourbillon d’écriture<br />
manuscrite inventive. Palimpseste du monde et de l’histoire,<br />
Londres comptait encore nombre de replis qui n’avaient pas<br />
été explorés ni « mis au monde » par les vertus maïeutiques de<br />
l’acte cartographique. Contre les cartes sèchement factuelles,<br />
Walter s’attache à jouer avec une culture irrévérente qui tient<br />
des comics et des facéties médiévales.<br />
Les mots ne se contentent pas de désigner : ils doutent en<br />
indiquant le tracé présumé d’un tunnel, regrettent le projet<br />
inabouti d’un pont ou contestent le montant estimé de travaux<br />
engagés. La langue est ici à la fois le scalpel d’une enquête<br />
tatillonne et le ciment d’un vaste chaos à la fois universel et<br />
très personnel.<br />
La Disparition, est un montage de gros plans<br />
très rapprochés : dans les stations du métro<br />
parisien, Paola Di Bello a photographié le détail<br />
du plan installé dans la station concernée.<br />
Ainsi à Châtelet, les visiteurs naturellement<br />
concernés par cette même station effacent<br />
progressivement le toponyme sous leurs<br />
doigts. Ce n’est plus un « E » qui disparaît ici,<br />
comme dans le roman lipogrammatique de<br />
Perec, c’est le plan qui s’efface, et avec lui les<br />
noms restitués à leur condition orale.<br />
Plus le métro est fréquenté, plus il devient silencieux<br />
et dépouillé. Il plonge dans un étrange<br />
atoponymat, monde sans identification<br />
toponymique. Ira-t-il vers une carte indéfiniment<br />
blanche, façon Chasse au Snark, carte<br />
asymptotique qui représenterait à la fois tous<br />
les océans et chaque ville?<br />
Comme Empty Atlas et Between Love and<br />
Paradise, Lost résulte d’une contrainte simple<br />
et expressive : dépeindre un territoire privé de<br />
toponymes à l’exception des villes comportant<br />
certaines catégories de mots : ici les toponymes<br />
en «Lost». Dé-nommer, soustraire, effacer,<br />
représente pour Kathy Prendergast le moyen<br />
privilégié de faire apparaître des émotions.<br />
Lost constitue une variation sur le thème des lieux<br />
« perdus » d’Amérique du Nord. Les villes célèbres<br />
comme les simples bourgades, trop sûres d’elles,<br />
presque arrogantes du seul fait d’être intitulées -<br />
posséder un titre, condition presque nobiliaire.<br />
« La carte ne reproduit pas un inconscient fermé<br />
sur lui-même, elle le construit» affirmait Deleuze :<br />
les silences toponymiques de Kathy Prendergast<br />
montrent une fois de plus la place du langage<br />
dans l’inconscient cartographique.<br />
C’est le silence qui est exploré dans cette Carte<br />
topographique du Désert de Danakil. Un fond<br />
imperturbable et homogène ; un quadrillage<br />
géométrique de latitudes et de longitudes ;<br />
deux courbes de niveaux lascives, colorées et<br />
improbables ; enfin deux locutions en lettres<br />
capitales : Désert de Danakil et Dépression du<br />
Danakil. La première, un peu plus importante,<br />
est rectiligne, la seconde curviligne. La première<br />
prétend être le Danakil et pourrait se déplacer<br />
n’importe où sur la carte ; la seconde est assignée<br />
à résidence, et ne désigne qu’une partie DU<br />
Danakil.<br />
Pas un mot de l’artiste, pas un message. Silence.<br />
on hes-sur-<br />
on oire<br />
uer<br />
an es<br />
lo e<br />
on hes-sur-<br />
on oire<br />
r ie<br />
o r e
Cristina<br />
Lucas<br />
Europa<br />
Feminina<br />
Europa<br />
Masculina<br />
- 2008 - 2014 -<br />
Chris<br />
kenny<br />
No man’s land<br />
- 2013 -<br />
Chris Kenny accumule, sélectionne et<br />
découpe pour procéder ensuite à un<br />
véritable remontage du monde. Qu’il<br />
s’agisse de visages découpés dans<br />
des photos de classe, de mots arrachés<br />
aux textes ou d’éléments tirés de<br />
son insatiable curiosité cartographique,<br />
ce sont toujours des parcelles de<br />
réalité qui sont assemblées avec une<br />
rare délicatesse.<br />
No man’s land représente le<br />
croisement entre la passion des mots<br />
et celle des formes cartographiques.<br />
Un carré de dix fois dix cercles flotte à<br />
20<br />
L’une de ces deux Europe est-elle une déformation, une Bel exemple d’une carte linguistique<br />
quelques centimètres au-dessus d’un<br />
fond blanc. Nul ne sait d’où provient<br />
méditation calme et angoissée sur le grouillement d’un espace<br />
21<br />
Europe inversée ou « vue d’en-dessous » inférieure à la dans laquelle les mots sont à la fois le<br />
tel M situé sur l’avant-dernière ligne,<br />
qui n’est nulle part. La multiplication de cellules auparavant<br />
« bonne » Europe qui serait vue d’en haut ? La force des point de départ (quels sont les usages<br />
ni à quels espaces ont été arrachés<br />
précisément localisées produit cette fois un corps qui n’obéit<br />
couleurs tranquilles, simples et insouciantes, est pour linguistiques ?) et le point d’arrivée :<br />
les 30 N. Aucune de ces pastilles<br />
pas aux mêmes lois et n’appartient plus à personne.<br />
beaucoup dans l’efficacité du travail de Cristina Lucas, qui la couleur dit l’unité d’un espace<br />
circulaires n’est identique, toutes<br />
repose sur les corps autant que sur les mots.<br />
linguistique, mais il faut un terme écrit<br />
renvoient à de « vraies » cartes, de<br />
Tandis que The Centre of the Universe souligne l’infinité de<br />
Ici les limites ne sont pas politiques mais linguistiques : pour préciser le mot utilisé.<br />
« vrais » lieux avec leur lot de drames<br />
centres possibles, No man’s land raconte le cauchemar d’un<br />
l’espace géographique est découpé selon les termes utilisés<br />
et de vies quotidiennes. Ces lettres qui<br />
monde décentré. Là où la cartographie jetait son filet de<br />
par l’argot courant pour désigner les organes sexuels<br />
expriment le fourmillement du monde<br />
méridiens et de parallèles autour du globe, Chris Kenny lance<br />
masculin et féminin. Rien de bien politique, donc: les<br />
s’ordonnent pour composer un carré<br />
une poignée de lettres qui n’en finissent pas de hanter les cartes<br />
usages, surtout ceux qui disent le sexe, débordent toujours<br />
d’or lisible en deux sens.<br />
du monde. À l’inverse des artistes abécédaristes vus plus haut,<br />
des frontières et des conventions. Du coup, les découpages<br />
qui permettent à chacun d’écrire la ville, ces sept lettres ne font<br />
masculin et féminin ne se recoupent pas complètement, les<br />
No man’s land n’est pourtant pas<br />
que répéter partout le même mot, la même question : No man’s<br />
deux Europe ne sont pas symétriques.<br />
une revue militaire mais plutôt une<br />
land, à qui appartient la terre autrefois terra nullius ?<br />
re<br />
es l<br />
is
Stendhal - Vie de Henry Brulard<br />
Stendhal<br />
Vie de Henry Brulard<br />
- 1835 -<br />
Au cœur de la Vie de Henry Brulard,<br />
alors que la plume enlace la fiction et<br />
la biographie, d’innombrables cartes<br />
manuscrites surgissent. Pour raconter<br />
son bonheur à lire Don Quichotte,<br />
échappant ainsi à la tristesse<br />
ambiante, Stendhal précise qu’il l’a<br />
lu « sous le second tilleul de l’allée<br />
du parterre dont le terrain s’enfonçait<br />
d’un pied » avant de se cacher «<br />
dans les charmilles, petite salle de<br />
verdure à l’extrémité orientale du<br />
clos ». Une carte griffonnée au milieu<br />
du manuscrit atteste la véracité des<br />
mots qui l’entourent. Jolie rencontre<br />
de la carte subjective des passions<br />
avec un souci d’objectivité. Les<br />
mots s’appuient sur les lignes, les<br />
cartes mystérieusement dessinées<br />
prolongent ici directement le projet<br />
d’écriture.<br />
David Bessis - Ars Grammatica<br />
Est-ce un texte ? un poème ? une<br />
carte ? un graphe ? tout cela à<br />
Mathématicien, David Bessis<br />
la fois ? Alors que David Bessis<br />
inscrit son Ars Grammatica dans<br />
figurait explicitement la relation<br />
la mouvance de la théorie des<br />
entre certains mots, Eric Giraud<br />
graphes plutôt que dans la filiation<br />
agence des noms par juxtaposition,<br />
formant un nuage calme<br />
poétique du calligramme. Chaque<br />
mot est ici un sommet relié à<br />
et sans menace. Noms et prénoms<br />
sont répartis par affinités :<br />
d’autres sommets par une ou<br />
plusieurs arêtes, qui peuvent être<br />
une importante poche de nuage<br />
22 courbes, sinueuses ou rectilignes<br />
devient variations sur un thème 23<br />
à la façon d’un réseau de métro.<br />
Carl Pappenheim - Au cœur des ténèbres<br />
Eric Giraud - Name dropping<br />
carl<br />
pappenheim<br />
Au cœur des ténèbres<br />
- 2012 -<br />
Carl Pappenheim agit en metteur<br />
en scène respectueux du texte. Au<br />
cœur des ténèbres, de Conrad, est<br />
intégralement reproduit sur une<br />
affiche, sa mise en page produisant<br />
un effet par rebond puisque le<br />
roman devient carte de l’Afrique. Les<br />
phrases s’enchaînent pour dessiner<br />
des contours, une ombre renvoyant<br />
ainsi à l’association classique<br />
Afrique/inconscient, tous deux<br />
appelés Dark Continent. A l’inverse<br />
de Stendhal, qui éprouvait le besoin<br />
de dessiner lui-même des cartes<br />
intégrées au récit, Pappenheim<br />
montre comment le texte de Conrad<br />
ne se contente pas d’évoquer<br />
l’Afrique : le roman est la carte.<br />
David<br />
Bessis<br />
Ars Grammatica<br />
- 2006 -<br />
Les relations entre les mots<br />
s’appellent traditionnellement<br />
vers ou phrases, conduits par un<br />
enchaînement unique et linéaire.<br />
Ici les lectures sont multiples,<br />
réversibles et ouvertes.<br />
Cette combinatoire et son motif<br />
expressif ne se contentent pas<br />
de dessiner dans l’espace de la<br />
page ; à mi-chemin entre nature<br />
morte et aphorisme, certains de<br />
ces graphes sont simultanément<br />
production et représentation<br />
représentation d’un espace<br />
engendré par les mots et leurs<br />
relations.<br />
eric<br />
giraud<br />
Name Dropping<br />
- 2010 -<br />
de Matisse : Henri, M. Matisse,<br />
monsieur Matisse, les Matisse,<br />
des Matisse, madame Matisse,<br />
Madame Matisse…<br />
Qu’est-ce qui se dessine ainsi ?<br />
La carte d’une autobiographie<br />
des noms ? Plus encore que<br />
pour Conrad mis en scène par<br />
Pappenheim, Giraud produit une<br />
cartographie rigoureuse et affective<br />
constituée exclusivement<br />
des mots.<br />
e<br />
r n<br />
ine
Nancy McCabe - Chartis Graphein<br />
Zsuzsanna Ilijin - Hello Map<br />
ZSUZSANNA<br />
ILIJIN<br />
Hello Map<br />
- 2007 -<br />
nancy<br />
mc cabe<br />
Chartis Graphein<br />
- 2011 -<br />
« A l’origine était le verbe » lit-on dans la<br />
Genèse. Nancy McCabe (Chartis Graphein) et<br />
Zsuzsanna Ilijin (Hello Map) le déclinent à leur<br />
façon en s’affranchissant des représentations<br />
traditionnelles du monde. Toutes deux ont<br />
placé les noms au cœur de la cartographie,<br />
à l’exclusion des lignes, couleurs et autres<br />
facilités cartographiques. En termes<br />
oucarpiens, elles ont obéit à la même contrainte<br />
: dessiner un planisphère noir et blanc à l’aide<br />
des seuls mots. Zsuzsanna Ilijin dépeint le<br />
monde à coups de « bonjours » curvilignes et<br />
fluctuants quand Nancy McCabe se contente<br />
des toponymes rigoureusement ordonnés sur<br />
fond noir. Une fois de plus, la même contrainte<br />
produit des effets artistiques divergents.<br />
Howard<br />
Howard Horowitz est<br />
géographe et poète. Son<br />
poème Manhattan est un<br />
tour de force. Mieux qu’un<br />
calligramme, ce texte sur<br />
le cœur de ville devient<br />
à son tour la ville. « Walk<br />
east toward the Bronx<br />
Howard Horowitz - Manhattan<br />
David Heyman<br />
Ben Sheesley<br />
- AxiS Maps<br />
Typographic Map of Manhattan<br />
- 2011 -<br />
Attention chef-d’œuvre ! Commencée comme un passetemps<br />
volé aux heures de projets cartographiques<br />
professionnels, cette cartographie typographique a<br />
finalement pris corps pour dix villes, pour la plupart<br />
américaines. Rue après rue, avenue après boulevard,<br />
chaque toponyme a été défini manuellement dans sa<br />
police, sa taille, sa forme et sa position. L’accumulation<br />
de milliers de mots entrelacés les uns avec les autres a<br />
restitué un tissu urbain dense mais lisible.<br />
Ces typo-cartographies soulignent le poids des mots<br />
dans notre expérience quotidienne. La « précession des<br />
artefacts » chère à Jean Baudrillard est ici donnée à voir<br />
sans ambiguïté : cartes et mots nous traversent à tout<br />
jamais, impossible de percevoir la ville sans les noms et<br />
les formes cartographiques qui la constituent.<br />
24 25<br />
Horowitz<br />
Manhattan<br />
- 1997 -<br />
across High bridge; gaze to the south<br />
from Sugar Hill, where trumpeters and<br />
tap dancers stepped up into the sun… ».<br />
Rien n’est laissé au hasard : High bridge<br />
arrive à point nommé dans le texte, avec<br />
la bonne justification autrement dit la<br />
bonne latitude, débordant légèrement<br />
de la presqu’ile pour franchir l’East river.<br />
Et il en va de même pour tous les ponts.<br />
Mise en page et mise en carte constituent<br />
les deux faces d’une même opération<br />
spatiale, l’écriture est devenue mappage.<br />
David Heyman & Ben Sheesley - Typographic Map of Manhattan<br />
es elle<br />
ères<br />
Chalifert
anonyme<br />
Carte des distances<br />
depuis Paris<br />
- vers 1950 -<br />
Marie<br />
Chéné<br />
Oreille, Intérieur, Toi :<br />
les communes de France<br />
traduites du Chinois<br />
- 2014 -<br />
26<br />
Le traitement graphique réservé<br />
isolément correspondre à un son, une image ou<br />
une fonction linguistique. Un locuteur chinois ne<br />
27<br />
Dans ce document anonyme des années 50 le portrait<br />
les décomposera pas plus que monsieur Dupont<br />
national résulte d’une simple organisation de noms et<br />
ne songe au pont qui structure son patronyme.<br />
de chiffres selon le procédé appelé « carte-oursin ».<br />
Chaque toponyme est indexé d’une valeur qui définit sa<br />
distance à la capitale : soumission évidente, déférence<br />
à l’égard de Paris, lointaine mais dominante. Comble de<br />
raffinement, le document est imprimé avec les seules<br />
couleurs de Paris, le rouge et le bleu.<br />
« Paris et le désert français ?» En fait de désert, la page et<br />
le territoire sont fort encombrés, celui-ci étant d’ailleurs<br />
déformé pour s’adapter à celle-là comme le montre le<br />
sort réservé au Finistère, qui mériterait ici de changer<br />
de nom. Dans certains cas, des villes<br />
habituées aux seconds ou troisièmes<br />
rôles sont promues afin d’éviter des<br />
trous dans l’oursin (Digoin, Pont<br />
d’Ain ou l’étonnant Mont Dore).<br />
Des lignes irradiantes - les épines<br />
de l’oursin - semblent embrocher les<br />
villes plus qu’elles ne les désignent.<br />
aux toponymes est fonction de leur<br />
position sur un mode compensatoire :<br />
ainsi « Bagnères de Bigorre » peutelle<br />
s’étaler en toutes lettres grâce à<br />
sa position périphérique tandis que<br />
« Nogent s/S » reste pénalisé par sa<br />
proximité, à 102 kilomètres de Paris.<br />
Quelques toponymes, touchés par<br />
la grâce, bénéficient d’une onction<br />
capitale, les autres restent dans<br />
l’ordinaire du bas de casse : pourquoi<br />
Draguignan mais pas Montpellier,<br />
pourquoi Niort et pas La Rochelle ?<br />
Ici, c’est la carte qui fait le lettrage.<br />
Marie Chéné pratique une poésie toponymique<br />
située au carrefour de la langue et de la<br />
cartographie. Son outil de travail initial est le<br />
corpus des 36.000 toponymes des communes de<br />
France, riche ensemble pour une fois valorisé et<br />
non conspué. A partir d’une sélection de 3.000<br />
toponymes qui sont aussi des noms communs,<br />
elle compose des poèmes qui sont autant de<br />
voyages à travers la carte de France.<br />
Pour <strong>alpha</strong> <strong>beta</strong> <strong>carta</strong>, Marie Chéné a effectué<br />
une analyse poético-linguistique des noms des<br />
communes françaises à travers le filtre de la<br />
langue chinoise. Les toponymes sont en effet<br />
couramment désignés en chinois par l’assemblage<br />
de plusieurs sinogrammes, unités qui peuvent<br />
Marie Chéné le fait pourtant à l’aide d’une<br />
méthode de remplacement-décomposition qui<br />
rappelle les contraintes de correspondance au<br />
sein du dictionnaire. Comment ne pas admirer<br />
l’ «Inspiré-Nirvana » dignois ou la beauté d’une<br />
Arles devenue « Ah ! Toi ! » ? Faut-il plus attendre<br />
avant de jumeler « Silence-Logique » avec « Terrelogique<br />
», alias Meaux et Toulon ? Une fois de<br />
plus, la traduction conduit à un bouleversement<br />
de la carte que l’on croyait bien connue.<br />
es pe eie<br />
es or<br />
es<br />
' o<br />
e or
Jochen<br />
gerner<br />
Bassin de Paris<br />
- 2013 -<br />
gilles<br />
esposito - farese<br />
Plan de métro<br />
anagrammatique<br />
- 2006 -<br />
Membre de l’Oubapo, Jochen Gerner a déjà détourné de les mots, retournés à leur condition de noms<br />
nombreuses cartes , en particulier scolaires ou militaires. communs et de patronymes et d’anonymes : d’où<br />
Sa contrainte par soustraction, appliquée à Tintin en vient ce « Georges », énigmatique personnage<br />
28<br />
Amérique devenu TNT, rapproche la bande dessinée de tiré d’une ville qui se cherche ? Pourquoi un ver,<br />
la carte, qui toutes deux organisent spatialement des<br />
29<br />
signes, des images et du texte.<br />
Les éléments d’une carte tiennent parce qu’ils font<br />
système - on aurait dit il y a quelques décennies qu’ils<br />
constituaient une « structure » dont chaque élément n’a<br />
de sens que par rapport à tous les autres. La magie opérée<br />
par Jochen Gerner, et l’émotion qu’il suscite, tiennent au<br />
pouvoir dissolvant de son aplat de couleur, qui semble<br />
délier les éléments survivants de leurs engagements<br />
antérieurs.<br />
Un dicton allemand affirmait que « la ville rend libre ». Ici<br />
c’est Gerner qui libère les couleurs, les formes, et surtout<br />
et un cerf ? Pourquoi « Denis » et « vin » ont-ils<br />
cette importance quand « Château » et « Dieu»<br />
demeurent si modestes ?<br />
Tous ces mots qui restent attachés à leur espace<br />
d’origine ressemblent à des organes abandonnés<br />
: Gerner le chirurgien a terminé l’opération,<br />
l’ablation a été menée avec succès, il est temps<br />
de recoudre le patient. Le Bassin parisien apparaît<br />
devant nous, et l’anatomie devient physiologie : le<br />
corps rafistolé est constellé de vaisseaux, la carte<br />
a enfin redécouvert l’émotion dont se chargent<br />
des mots. Le visiteur de cartes peut entrer dans<br />
la chambre, le patient aura beaucoup à dire.<br />
Gilles Esposito-Farèse n’a pas attendu<br />
l’Oucarpo pour travailler les cartes à l’aide<br />
de la reine des contraintes, l’anagramme.<br />
Membre de l’Institut d’Astrophysique de Paris,<br />
il a dès 2006 conçu et réalisé ce plan de la ville<br />
de Prisa, qui semble constituer une source<br />
d’inspiration pour la RATP depuis ses origines.<br />
Certaines de ces anagrammes retrouvent des<br />
propositions qui avaient été formulées par<br />
Michelle Grangaud dans Stations, recueil de<br />
poèmes anagrammatiques sur les stations du<br />
métro parisien (P.O.L, 1990).<br />
Un coup d’œil rapide trompera sans peine le passant : rien ne<br />
bouge, tout est là. Formes, surfaces, couleurs, typographies,<br />
« rien ne change pour que tout change » pourrait-on dire en<br />
inversant le célèbre aphorisme de Tomasi di Lampedusa. Le<br />
même nombre de lettres à l’unité près, la même répartition<br />
et le même groupement… mais nous voici embarqués<br />
dans un univers burlesque et poétique qui invalide toute<br />
visée fonctionnelle. Les lettres méticuleusement culbutées<br />
transforment radicalement la carte, devenue outil d’une subtile<br />
désorientation.<br />
on r le se
marc<br />
saenko<br />
C’est quoi ce métro<br />
- un plan imaginaire de<br />
la RATP<br />
- 2011 - 2013 -<br />
mark andrew<br />
webber<br />
London Linocut<br />
- 2006 -<br />
Tel un démiurge, Mark Andrew Webber<br />
façonne la ville. Avec la gouge, le ciseau<br />
ou le matoir, il entaille le linoléum selon<br />
le principe de la taille en épargne : ce qui<br />
est évidé reste blanc, à la différence de la<br />
taille douce pour laquelle ce qui est gravé<br />
devient trait encré.<br />
Sa ville n’est donc pas bâtie par addition<br />
à partir d’un terrain vacant, elle se dégage<br />
peu à peu d’une gangue urbaine pour<br />
prendre la forme que l’on connaît. Mais<br />
voilà, cette ville n’est pas de pierre et de<br />
béton : juste des mots et de l’encre pour la<br />
gravure, une compression de gomme et de<br />
30<br />
résine pour la matrice.<br />
31<br />
Cartographe à l’Agence<br />
cartographique de la RATP, Marc<br />
Saenko a réalisé ce Plan de métro<br />
palimpseste à l’occasion de la<br />
25è International Cartographic<br />
Conference qui s’est tenue à Paris<br />
en 2011.<br />
Le souvenir des mémorables<br />
inondations parisiennes de 1910<br />
rôde encore. Un siècle après,<br />
la Seine déborde encore, du<br />
moins sur le plan de métro. Elle<br />
envahit Paris, sa banlieue, jusqu’à<br />
dessiner d’étranges territoires qui<br />
ressemblent à l’Afrique, l’Europe et un début d’Asie. Avec ce palimpseste,<br />
Paris révèle son véritable visage de ville-monde. Jusqu’où faut-il porter<br />
la comparaison ? L’Amérique a disparu comme l’Atlantide, la Grande-<br />
Bretagne est à peine traversée tandis que la tour Eiffel est sagement<br />
plantée à deux pas de Tunis…<br />
Les mots s’engouffrent aussitôt dans l’ambiguïté, jouant de ce<br />
dédoublement de personnalité. Si le tracé des lignes et l’emplacement des<br />
stations restent intangibles, le nom des stations est en proie à une sorte<br />
de contagion topographique. Certains résistent et conservent leur nom<br />
(Invalides ou République), tandis que d’autres optent pour une double<br />
nationalité. L’étoile est devenue suisse (Lausanne), la ligne 7 traverse la<br />
Russie… et le Centre de conférences internationales du Ministère des<br />
Affaires Étrangères, anciennement installé à la station Kléber, comprend<br />
enfin sa véritable vocation : habiter le château d’If.<br />
Les mots se choquent, et Webber excelle<br />
à les hiérarchiser tout en respectant<br />
leurs positions respectives. Certaines<br />
institutions ou activités s’expriment par leur<br />
logogramme comme la National Gallery ou<br />
Harrod’s, selon une méthode qui s’affirmera<br />
plus encore dans les cartes plus tardives<br />
de Paris ou Berlin.<br />
A partir de cette matrice, de multiples<br />
impressions sont possibles, de styles et de<br />
couleurs très variés. Mais toutes restituent,<br />
avec une attention poétique aux mots de<br />
la ville, un double portrait de Londres la<br />
chaotique, Londres l’ordonnancée.<br />
o eille es e<br />
Les<br />
res<br />
h ri r ar e<br />
Thorigny-sur-Marne
Elsa<br />
Vanzande<br />
Jérémy<br />
Garniaux<br />
Le nord de Marseille en mots<br />
- 2013 -<br />
Bouchra<br />
Khalili<br />
Mapping journey<br />
- 2010 -<br />
Bouchra Khalili recourt dans ses Mapping<br />
Journey (« voyage cartographieur », ou<br />
« voyage producteur de carte ») à un dispositif<br />
vidéo classique de plan fixe devant une<br />
carte. Elle donne la parole à des migrants<br />
racontant leur périple vers l’Europe. Sans<br />
recherche d’originalité formelle, ces films<br />
donnent à voir et à entendre ce qui est le plus<br />
souvent négligé ou passé sous silence. La<br />
carte murale scolaire insipide se fait presque<br />
oublier, laissant place au récit oral. Les mots<br />
ne sont pas écrits mais prononcés pour<br />
dessiner un autre visage de l’Europe.<br />
Membres du collectif de création en espace public<br />
« La Folie kilomètre », Elsa Vanzande et Jérémy<br />
Empreintes<br />
Garniaux se sont attachés à dresser une carte à<br />
- 2012 -<br />
32 partir des mots de personnes habituellement peu<br />
Des personnes vivant en France, immigrées ou issues de parents 33<br />
écoutées : la parole des habitants des quartiers<br />
Saint-André et Saint-Antoine à Marseille n’est pas<br />
seulement un commentaire déposé sur une carte,<br />
elle devient la carte elle-même, ses flux et ses<br />
réseaux.<br />
« Ici, les autoroutes traversent la ville, c’est ouvert<br />
sur l’extérieur» ou encore « En voiture c’est pas loin<br />
; à pied c’est loin ; en transports en commun c’est<br />
encore plus loin ; le mieux c’est à vol d’oiseau »,<br />
autant de lignes qui relient autant qu’elles séparent<br />
des points éloignés. Ce ne sont plus les toponymes<br />
qui comptent, mais bien les phrases porteuses de<br />
souffrances et de revendications.<br />
celine<br />
boyer<br />
ou grands-parents immigrés, sont invitées à raconter leur pays<br />
d’origine, qu’ils n’ont parfois pas connu ou ne se rappellent pas.<br />
Céline Boyer photographie l’intérieur de leur main ouverte, sur<br />
laquelle elle superpose la carte de ce lieu d’origine.<br />
Chaque Empreinte carto-photographique est donc constituée de<br />
deux pendants : le récit à la première personne, le portrait d’une<br />
main et de sa carte des origines. Les mots ne sont plus éléments<br />
graphiques de la carte, chacun fonctionne en complément de<br />
l’autre. Le récit des souvenirs permet de façonner la carte de<br />
sa vie au présent. Bientôt, ces carto-photographies deviendront<br />
aimant à paroles : la carte appelle le récit de vies personnelles<br />
ou familiales, elle est un véritable filet à confidences qui attise<br />
les mots.<br />
han e ou -en- rie e ro e<br />
Mon<br />
rain<br />
han e ou -en- rie r e a ar<br />
e<br />
agny-sur-Marne
oire<br />
louise<br />
marcheix<br />
Atlas<br />
départemental<br />
manuscrit<br />
- vers 1860 -<br />
Alexandre<br />
vuillemin<br />
Nouvel atlas illustré<br />
des départements et des colonies<br />
- vers 1860 -<br />
helene<br />
pourchet<br />
Carte muette<br />
- 2014 -<br />
Mystère et surprise des marchés aux « Travail d’amateur », diront les<br />
Alexandre Vuillemin a conçu vers 1860 ce Nouvel atlas<br />
puces : un atlas manuscrit inattendu experts. Inutile en effet d’y chercher<br />
illustré des départements et des colonies. A chaque page,<br />
figure les départements français l’exactitude ou la précision. De sa<br />
le nom de département est « écrit par Isidore » dans<br />
vers 1860. Plusieurs planches sont graphie assurée, à l’encre légèrement<br />
un tourbillon d’invention typographique. La graphiste<br />
36 signées: l’auteure, Louise Marcheix, sépia, Louise Marcheix chante<br />
Hélène Pourchet s’est emparée de ce corpus (alors 86<br />
37<br />
inconnue de toutes les bibliographies,<br />
savait ce qu’elle faisait.<br />
Insouciante des réalités<br />
géographiques ou topographiques,<br />
elle s’attache presque exclusivement<br />
aux toponymes transformés en motif<br />
d’un extraordinaire tapis linguistique.<br />
Contrairement à la plupart des<br />
cartes, les noms sont ici alignés<br />
horizontalement en une implacable<br />
trame sans chaîne : un travail garanti<br />
« fait main », de la belle cartographie<br />
manuscrite presque anachronique en<br />
cette fin de siècle…<br />
sans grandiloquence nationaliste la<br />
douce continuité du territoire, mais<br />
à l’intérieur de chaque département<br />
seulement. Paradoxalement plus<br />
parlés qu’écrits, ils constituent autant<br />
de pièces d’un patchwork dépareillé<br />
dont les morceaux ne sont même<br />
pas dessinés à la même échelle,<br />
chacun chuchotant aux dépens de<br />
ses voisins condamnés au silence.<br />
Il appartient au lecteur de reconstituer,<br />
page après page, la polyphonie des<br />
voix colorées qui animent ces cartes<br />
modestes et poétiques.<br />
départements métropolitains) pour en tirer autant de cartes<br />
postales : sur chaque carton la cartographie se trouve<br />
expulsée par le seul nom du département agrémenté<br />
d’éléments visuels tirés de la carte initiale.<br />
Ces cartes, dont chacune est isolément peu cartographique,<br />
sont ensuite agencées sur le mur de façon à redessiner<br />
une carte de France : détrônée par la typographie, la<br />
cartographie revient in extremis par la simple mise en<br />
page d’une «carte de cartes». Les mots qui à l’origine<br />
agrémentaient et se contentaient d’intituler chacun des<br />
départements deviennent désormais grâce à Hélène<br />
Pourchet la matière même d’une nouvelle carte géante<br />
aussi graphique que typographique.<br />
es ordonniers<br />
Les as s<br />
e s<br />
er<br />
n es<br />
in<br />
i ol s<br />
Thorigny-sur-Marne<br />
agny-sur-Marne<br />
a r ar e<br />
on hes-sur-<br />
on oire
oire<br />
Anonyme<br />
Carte<br />
topographique<br />
- 1854 -<br />
John<br />
cary<br />
New Maps of England<br />
and Wales with part of<br />
Scotland<br />
- 1794 -<br />
recadrer er ++<br />
La carte de John Cary ressemble à<br />
sa voisine française de la page 38. En<br />
78 planches finement gravées, John<br />
Cary présente Angleterre, Pays de<br />
Galles, et sud de l’écosse, mais pas<br />
l’Irlande. Parmi les quatre planches<br />
présentées dans l’exposition, celle<br />
du bas à droite montre Cary lui<br />
38 aussi contraint d’attraper des coins<br />
39<br />
de territoire étranger : le nom de<br />
Dieppe s’apparente alors au cri de<br />
s’il suffit d’écrire « titre » pour remplacer huit lignes de titre, pourquoi<br />
vengeance cartographique d’une<br />
ne pas écrire « carte » pour substituer n’importe laquelle des cartes?<br />
ville autrefois anglaise.<br />
Cette carte est publiée en trente feuilles<br />
distinctes, chacune composée de six volets<br />
entoilés. Le détail ici reproduit est un cartel<br />
apposé sur la carte entoilée figurant l’angle<br />
Nord-Est de l’ensemble. Il porte fièrement le<br />
mot « titre » centré entre quelques bribes de<br />
rivières sur la gauche et un chiffre 5 en haut<br />
à droite. Or en réalité cette même planche 5,<br />
présentée dans l’exposition, ne se contente<br />
pas d’un seul mot : le titre y est au contraire<br />
particulièrement long et bavard. Mais alors,<br />
Cette carte est en réalité le coin inutile du grand rectangle dans lequel<br />
s’inscrit la France. Coin deux fois inutile : parce qu’il présente des<br />
mots sans carte ou presque, et parce qu’il s’agit au sens familier d’un<br />
coin perdu Allemagne. Il ne reste dès lors qu’à couvrir ce silence d’une<br />
débauche de mots et de typographies : huit lignes, autant de polices<br />
et de corps différents. Les mots bouffis et forts-en-gueule viennent ici<br />
compenser la faiblesse d’une carte de France oscillant entre la volonté<br />
de taire et l’obligation de représenter l’ennemi.<br />
La planche reproduite ici constitue<br />
peut-être la plus subtile des<br />
présences linguistiques, la plus<br />
poétique aussi : au milieu d’une<br />
planche essentiellement maritime<br />
donc muette trône un « O-R » qui vient<br />
articuler « German or North Sea ».<br />
Mais voilà, cette simple conjonction<br />
« ou » reste pour un œil français tout à fait dorée voire mordorée, l’or se<br />
trouvant ici renforcé par le liseré jaune de la côte voisine.<br />
Les mots n’en finissent pas de s’imposer à nous et de marquer les<br />
cartes jusque dans leurs espaces les plus vierges. Peu à peu notre<br />
regard s’affine, la mer révèle peu à peu les innombrables toponymes<br />
qui semblent assiéger cet OR : simple empreinte inversée de la page en<br />
regard ou inconscient typographique surgi du fond des océans ?<br />
han e ou -en- rie<br />
Mon<br />
rain<br />
e pr d<br />
han e ou -en- rie<br />
arne<br />
es le s<br />
Mon<br />
rain
Ce <strong>catalogue</strong> a été réalisé à l’occasion de l’exposition <strong>alpha</strong>, <strong>beta</strong>, <strong>carta</strong>, organisée<br />
au Parc culturel de Rentilly du 8 mars au 11 mai 2014, dans le cadre de la résidence<br />
d’Olivier Salon.<br />
Parc culturel de Rentilly / Communauté d’agglomération de Marne et Gondoire<br />
Président de la Communauté d’agglomération de Marne et Gondoire : Michel Chartier<br />
Directrice du Parc culturel de Rentilly : Armelle Thévenot<br />
Adjointe : Mélanie Lavérie<br />
Communication : Karine Fournier<br />
Relation aux publics : Laure Chagnon<br />
Secrétariat : Ketty Rosa<br />
Technique : Laurent Klein, aidé par Loris Bardi<br />
Responsable du centre de ressources documentaires : Angélique Tosello<br />
Bibliothécaire : Virginie Bourgade<br />
Régie d’œuvres d’art : Art Frontline<br />
Ingénieur en Systèmes d’Informations Géographiques : Elodie Knecht<br />
Exposition <strong>alpha</strong> <strong>beta</strong> <strong>carta</strong><br />
Commissaire : Guillaume Monsaingeon<br />
Mise en espace : Marion Lacroix<br />
Graphisme, <strong>catalogue</strong> et couverture : Marion Lacroix<br />
Reliure des albums et encadrements spécifiques : Hélène Logeay pour Encadreliure<br />
(Banon)<br />
42 43<br />
Crédits photos :<br />
<br />
Arts, Hobby Limon Chris Kenny : Gallery England & Co, Jane England Stendhal :<br />
Bibliothèque Municipale de Grenoble Carl Pappenheim : Spineless Classics David<br />
Bessis : éditions Allia, Gérard Berréby Eric Giraud : Association Contre-mur, Nicolas<br />
Tardy Nancy McCabe : Designahoy Zsuzsanna Ilijin : Helloyellowstudio Howard<br />
David Heyman & Ben Sheesley : Axis Maps Jochen Gerner :<br />
Galerie Anne Barrault Marc Saenko : Agence cartographique de la RATP, Marc<br />
Saenko Bouchra Khalili : Frac<br />
PACA, Pascal Neveux et France Paringaux Pietro Corraini : Corraini editore, Pietro<br />
Corraini et Elisa Palermo Angela Lain et Rafael Detanico : Galerie Martine Aboucaya<br />
Les photos autres ont été généreusement mises à disposition par les auteurs et les<br />
collectionneurs.<br />
Merci à Cristina Lucas pour avoir encouragé la nouvelle réalisation de son œuvre par<br />
Loris Bardi et Marion Lacroix.<br />
Merci à Jane England d’avoir généreusement ouvert sa collection personnelle<br />
Merci à Philippe Logeay pour ses photos<br />
Merci à tous les membres de l’Oucarpo, et en particulier à Marie Chéné et Michéa<br />
Jacobi pour leur enthousiasme<br />
La police de caractères Topo-typographie utilisée pour mentionner le nom des artistes a<br />
été conçue par Franck Scurti sur la base de son abécédaire des rues de Paris présenté<br />
page 16. Elle est librement disponible sur www.franckscurti.net<br />
Ce <strong>catalogue</strong> constitue le volume n° 2 de la Bibliothèque oucarpienne<br />
(avec le soutien du Conseil Régional d’Île-de-France et du Conseil Général de Seine-et-Marne, dans le cadre du programme des<br />
résidences en Île-de-France.)
Ce <strong>catalogue</strong> a été réalisé à l’occasion de l’exposition <strong>alpha</strong>, <strong>beta</strong>, <strong>carta</strong>, organisée<br />
au Parc culturel de Rentilly du 8 mars au 11 mai 2014, dans le cadre de la résidence<br />
d’Olivier Salon.<br />
Parc culturel de Rentilly / Communauté d’agglomération de Marne et Gondoire<br />
Président de la Communauté d’agglomération de Marne et Gondoire : Michel Chartier<br />
Directrice du Parc culturel de Rentilly : Armelle Thévenot<br />
Adjointe : Mélanie Lavérie<br />
Communication : Karine Fournier<br />
Relation aux publics : Laure Chagnon<br />
Secrétariat : Ketty Rosa<br />
Technique : Laurent Klein, aidé par Loris Bardi<br />
Responsable du centre de ressources documentaires : Angélique Tosello<br />
Bibliothécaire : Virginie Bourgade<br />
Régie d’œuvres d’art : Art Frontline<br />
Ingénieur en Systèmes d’Informations Géographiques : Elodie Knecht<br />
Exposition <strong>alpha</strong> <strong>beta</strong> <strong>carta</strong><br />
Commissaire : Guillaume Monsaingeon<br />
Mise en espace : Marion Lacroix<br />
Graphisme, <strong>catalogue</strong> et couverture : Marion Lacroix<br />
Reliure des albums et encadrements spécifiques : Hélène Logeay pour Encadreliure<br />
(Banon)<br />
42 43<br />
Crédits photos :<br />
<br />
Arts, Hobby Limon Chris Kenny : Gallery England & Co, Jane England Stendhal :<br />
Bibliothèque Municipale de Grenoble Carl Pappenheim : Spineless Classics David<br />
Bessis : éditions Allia, Gérard Berréby Eric Giraud : Association Contre-mur, Nicolas<br />
Tardy Nancy McCabe : Designahoy Zsuzsanna Ilijin : Helloyellowstudio Howard<br />
David Heyman & Ben Sheesley : Axis Maps Jochen Gerner :<br />
Galerie Anne Barrault Marc Saenko : Agence cartographique de la RATP, Marc<br />
Saenko Bouchra Khalili : Frac<br />
PACA, Pascal Neveux et France Paringaux Pietro Corraini : Corraini editore, Pietro<br />
Corraini et Elisa Palermo Angela Lain et Rafael Detanico : Galerie Martine Aboucaya<br />
Les photos autres ont été généreusement mises à disposition par les auteurs et les<br />
collectionneurs.<br />
Merci à Cristina Lucas pour avoir encouragé la nouvelle réalisation de son œuvre par<br />
Loris Bardi et Marion Lacroix.<br />
Merci à Jane England d’avoir généreusement ouvert sa collection personnelle<br />
Merci à Philippe Logeay pour ses photos<br />
Merci à tous les membres de l’Oucarpo, et en particulier à Marie Chéné et Michéa<br />
Jacobi pour leur enthousiasme<br />
La police de caractères Topo-typographie utilisée pour mentionner le nom des artistes a<br />
été conçue par Franck Scurti sur la base de son abécédaire des rues de Paris présenté<br />
page 16. Elle est librement disponible sur www.franckscurti.net<br />
Ce <strong>catalogue</strong> constitue le volume n° 2 de la Bibliothèque oucarpienne<br />
(avec le soutien du Conseil Régional d’Île-de-France et du Conseil Général de Seine-et-Marne, dans le cadre du programme des<br />
résidences en Île-de-France.)