Le Sahel - Nigerdiaspora
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Il est sans nul doute peu connu.<br />
Mais il n’est pas ignoré. Disons<br />
qu’il fait partie de ces artistes dont<br />
la première œuvre a besoin d’être<br />
secondée d’une autre beaucoup plus<br />
forte pour convaincre. Sinon c’est le<br />
silence, l’oubli. Ou presque. C’est dire<br />
que le premier livre de Coulibaly,’’ <strong>Le</strong><br />
devoir’’, bien qu’accueilli favorablement<br />
dans certains milieux à sa sortie<br />
en 1996, n’a pas percé dans les<br />
milieux littéraires…..Et pour preuve,<br />
adapté à l’écran en 1999 sous le titre<br />
de Wajibi, la pièce de théâtre (puisque<br />
ç’en est une), disparaît pratiquement<br />
des rayons et peut-être même des<br />
esprits. A l’inverse, le film a connu et<br />
Monsieur Harouna Coulibaly, vous avez<br />
disparu depuis une décennie du<br />
paysage culturel nigérien…<br />
Cela arrive, et puis, avant tout, c’est mon<br />
problème.<br />
J’insiste…<br />
Moi aussi !<br />
Comment avez-vous retrouvé le Niger,<br />
après une absence voulue de 10 ans ?<br />
Je retrouve un pays qui, après avoir<br />
trébuché, se remet enfin sur les rails<br />
démocratiques.<br />
Parlez-nous de Wadjibi, votre premier<br />
long métrage ?<br />
C'est un hymne à ma profession de<br />
fiscaliste. A travers ce film, j'ai voulu<br />
apporter une très modeste contribution aux<br />
multiples efforts que mènent la Direction<br />
Générale des Impôts, le Ministère des<br />
Finances, bref l'Etat du Niger, pour sensibiliser<br />
les contribuables à payer leurs<br />
impôts et à les payer régulièrement.<br />
Pourquoi ? Pour permettre à l'Etat de<br />
respecter ses devoirs de souveraineté,<br />
payer les salaires des fonctionnaires,<br />
construire des classes, des dispensaires,<br />
tracer des routes...<br />
Qu’est –ce qui est à l’origine du déclic?<br />
Au moment où j'écrivais la nouvelle<br />
‘’Illustres martyrs’’, que j'ai mise en scène<br />
sous le titre ‘’Devoir’’ puis adaptée à l'écran<br />
sous le titre ‘’Wadjibi’’, j'étais habité par un<br />
credo, une conviction profonde : la faillite<br />
de l'Afrique n'est pas économique. Elle est<br />
d'abord et surtout humaine et culturelle. Et<br />
cette faillite là, aucune institution internationale<br />
(FMI, Banque Mondiale ...) ne peut<br />
en venir à bout. Sa solution, son remède,<br />
réside en nous-mêmes : en notre prise de<br />
conscience collective à compter d'abord<br />
sur nous-mêmes, sur la mobilisation de nos<br />
ressources internes, fiscales. Aucun pays<br />
au monde, fut-il les USA ne peut se passer<br />
de l'impôt.<br />
Vous y croyez vraiment ?<br />
L’impôt est pour un pays ce que le carburant<br />
est pour un véhicule! Même l'aide<br />
internationale, c'est l'impôt payé par<br />
d'autres peuples sous d'autres cieux. Mais<br />
le nœud du problème en Afrique et au<br />
Niger, c'est que l'impôt et son rôle ne sont<br />
pas compris par le peuple. Il y a un déficit<br />
de communication entre l'administration fiscale<br />
et les contribuables. Dès lors, comment<br />
le peuple paiera spontanément l’impôt?<br />
Il semble qu’il existe un déficit de communication<br />
entre l’administration fiscale<br />
et les contribuables. Dès lors comment<br />
le peuple paiera-t-il spontanément<br />
l’impôt ?<br />
La solution réside dans une vaste campagne<br />
de sensibilisation perpétuelle, permanente<br />
et continuelle jusqu'à ce que le<br />
paiement de l'impôt soit intégré dans le<br />
mental quotidien du contribuable. Jusqu'à<br />
ce que le paysan, le commerçant, le travailleur,<br />
l'étudiant qui reçoit de l'argent,<br />
CULTURE<br />
Entretien avec Harouna Coulibaly, écrivain et cinéaste<br />
L’intellectuel qui revient de loin<br />
pense d'abord à ce qu'il doit à l'Etat. C'est<br />
un combat de longue haleine, un projet de<br />
société. Et ‘’Wadjibi’’ est ma très modeste<br />
contribution pour ce combat. D'ailleurs, j'ai<br />
écrit par la suite ‘’Wadjibi II’’ (le système)<br />
‘’Wadjibi III’’ (<strong>Le</strong> combat) et Wadjibi IV (<strong>Le</strong><br />
triomphe du civisme) téléfilms de 52<br />
minutes chacun, et coécrits avec mon professeur<br />
du cinéma qui est président de la<br />
Fédération Panafricaine des Critiques de<br />
Cinéma/Invitation au civisme" et "L'impôt<br />
c'est la vie" avec l'espoir d'avoir des partenaires<br />
qui les financeront comme l'USAID<br />
qui a financé ‘’Wadjibi I’’ (<strong>Le</strong> Devoir) dans le<br />
cadre du combat fondamental qu'est la<br />
sensibilisation des contribuables. Je profite<br />
de cette opportunité pour rendre à nouveau<br />
hommage à l'USAID, vu les succès<br />
enregistrés par ce film après sa diffusion<br />
sur les chaînes télévisuelles nationales et<br />
internationales.<br />
Dans "Wadjibi" vous parlez aussi de la<br />
corruption ; pensez-vous que ce<br />
phénomène puisse être éradiqué ?<br />
J'ai toujours dit dans mes articles de réflexion<br />
parus dans les journaux "<strong>Sahel</strong><br />
Dimanche", "Haské" etc., que la lutte contre<br />
la corruption échouera toujours tant qu'on<br />
mettra entre parenthèse une question<br />
essentielle : comment mettre les agents de<br />
l'Etat à l'abri du besoin? Je vois ici des faits<br />
peuplés de paradoxes et de contradictions.<br />
D'un côté, un train de vie très cher,<br />
vertigineux; de l'autre côté, des agents de<br />
l'Etat végétant dans une misère ambiante<br />
avec un maigre salaire figé. Je vois venir<br />
des milliards qui passent sous le nez de<br />
ces agents de l'Etat pour les poches des<br />
manitous de la société des décideurs. Estil<br />
possible que ce pauvre agent qui quitte<br />
chez lui au moment où ses enfants reviennent<br />
de l'école, renvoyés pour n'avoir pas<br />
effectué le versement de leur scolarité, et le<br />
dernier grain de riz utilisé, ou alors la<br />
Nigelec a coupé l'électricité pour non<br />
paiement, etc. Est-il possible que cet agent<br />
soit indifférent à une somme de cinquante<br />
mille qu'on lui propose pour donner un<br />
coup de pouce à un dossier? Non! Son<br />
directeur de conscience lui recommande<br />
d'accepter. Quand le ventre a faim, la<br />
morale agonise.<br />
La solution durable ?<br />
Il faut d'abord payer très bien les agents de<br />
l'Etat (j'aurais souhaité les voir gagner dix<br />
fois plus leur salaire d'aujourd'hui) vu la<br />
cherté de la vie. Ensuite mener, par les<br />
supports médiatiques, pendant plus d'une<br />
décennie, une continuelle campagne contre<br />
ce fléau, avant de servir sans état<br />
d'âme. C'est ainsi que je vois la solution du<br />
problème de la corruption.<br />
Parlez-nous de la réalisation du film<br />
AWA?<br />
C'est un heureux hasard qui a présidé à<br />
sa réalisation.<br />
Pouvez-vous nous expliquez davantage?<br />
Je suivais les traces d'Elhadj Omar Tall, le<br />
connaît encore un succès ayant<br />
propulsé son réalisateur et auteur,<br />
Harouna Coulibaly, dans la classe des<br />
cinéastes nigériens et africains. Pour<br />
renforcer son atout, il claque la porte<br />
de l’administration fiscale dont il est<br />
l’agent pour une aventure‘’ intellectuelle<br />
‘ qui lui permettra de connaître<br />
des écrivains comme Cheik<br />
Hamidou Kane, feu Sembène<br />
Ousmane ou des grands cinéastes<br />
comme feu Djibrill Diop Mambéty,<br />
Pierre Yamégo, Dieudonné Ngangura,<br />
et Cheik Oumar Sissoko, ancien ministre<br />
de la Culture du Mali, qui a même<br />
joué dans son film ‘’Awa’’. Il s’est<br />
même adjugé au passage un pèlerinage<br />
à Alwar, le village natal de<br />
Elhadj Omar Tall situé dans le Fouta<br />
Toro au Sénégal sur lequel il écrit un<br />
livre historique. Il mettra une dizaine<br />
d’années à boucler son’’ errance’’<br />
joyeuse et innocente entre le<br />
Burkina, le Mali, le Sénégal et la<br />
Guinée, sans mettre pied au Niger.<br />
Sacrilège ! Et aux mauvaises langues<br />
de le charger durement. Toutefois,<br />
rentré au pays où il a repris du service<br />
il y a quelque temps, les rumeurs<br />
le concernant tombent une à une et,<br />
on apprend qu’il avait bel et bien une<br />
disponibilité dans la main et qu’il a<br />
même renouvelée. Exit.<br />
<strong>Le</strong> succès remporté par son film tient<br />
plus au thème abordé qu’à la qualité<br />
de la réalisation. Celle-ci n’était pas<br />
non plus mauvaise. Mais parlons du<br />
thème. La lutte contre la corruption<br />
dans les années 90 (année des conférences<br />
nationales) qui est un thème<br />
aussi porteur qu’il est actuel en 2010<br />
et le sera probablement dans les<br />
années à venir. <strong>Le</strong> film tente de<br />
démontrer qu’au-delà de la corruption<br />
des agents de l’état, des<br />
détournements des deniers publics,<br />
de l’incivisme fiscal, il existe d’autres<br />
facteurs aggravants tels que l’inadaptation<br />
des textes au contexte<br />
et à la réalité africaine. Pour plusieurs<br />
observateurs, ces textes sont tout<br />
simplement périmés .A ces avatars se<br />
greffent le manque de volonté des<br />
dirigeants et surtout leur interventionnisme<br />
politique dans la gestion des<br />
dossiers fiscaux .Qui plus est, les<br />
5<br />
grosses fortunes ne se soumettent<br />
que difficilement au fisc. On comprend<br />
dès lors pourquoi l’écrivain<br />
n’a pas eu de difficulté pour trouver<br />
un producteur. Né en 1962 à Magaria,<br />
Harouna Coulibaly, fiscaliste de formation,<br />
s’est très vite aperçu de ce<br />
qu’il avait plus de prédispositions en<br />
lettres qu’en finances. <strong>Le</strong> destin ne le<br />
démentira pas, car il sera l’auteur de<br />
deux pièces de théâtre. (<strong>Le</strong> Devoir 1 et<br />
2) et deux films longs métrages<br />
Wadjibi et Awa. Ce dernier est aussi<br />
une adaptation d’une pièce de théâtre<br />
intitulée ‘’Barira’’ ayant reçu en 1992<br />
le premier prix national de la littérature<br />
nigérienne C’est donc un homme<br />
de culture ‘’mûr’’ qui a bien voulu<br />
nous accorder cet entretien.<br />
«L’artiste africain doit (…) poser les problèmes de sa société, méditer, analyser et proposer des solutions originales»<br />
Saint de Halwar qui a combattu<br />
le paganisme et les païens<br />
dans l'Afrique de l'Ouest pour<br />
installer l'islam et la Tidjania.<br />
J'ai quitté donc Halwar dans le<br />
Podor au Sénégal en suivant<br />
ses traces jusqu'à Djingareye<br />
en Guinée (Conakry) où il a<br />
commencé la guerre sainte. Je<br />
m'acheminai littéralement vers<br />
le village de Déguembéré situé<br />
dans les falaises de<br />
Bandiagara où Elhadj Omar a<br />
disparu dans des circonstances<br />
qui demeurent encore<br />
aujourd'hui mystérieuses.<br />
Arrivé à Bamako, j'ai été informé<br />
que l'ORTM, la télévision<br />
nationale, a lancé un concours<br />
de scénario et elle produira le<br />
meilleur qui sera retenu. J'ai<br />
laissé un de mes scénarii "Awa".<br />
Au retour, j'ai constaté qu'il est retenu.<br />
Finalement, en plus de l'ORTM, le<br />
Ministère de l'Education, de la Culture, de<br />
la Justice, de l'Intérieur, des institutions<br />
comme la Représentation de la Banque<br />
Mondiale, le Conseil Supérieur de la<br />
Communication, le FNUAP, l'APDF, le CC<br />
Sidibé, la Fondation Partage de Mme Adam<br />
Bâ Konaré, la Fondation pour l'enfance de<br />
la Première Dame du Mali, etc. se sont<br />
mobilisés et ont soutenu activement la<br />
réalisation du film. Et le film est arrivé au<br />
Niger.<br />
Quels sont les thèmes que vous<br />
développez ? On dit que vous avez particulièrement<br />
insisté sur la scolarisation<br />
de la jeune fille, un sujet pas ordinaire<br />
au Niger ?<br />
Pas seulement. Il y a aussi l'accès des<br />
femmes rurales à l'éducation, la lutte contre<br />
le sida et les grossesses non désirées, le<br />
détournement des mineurs, la violence en<br />
milieu scolaire. Entre les lignes, j'ai évoqué<br />
des maux qui, à mon sens, paralysent le<br />
système scolaire.<br />
Quels sont ces maux du système éducatif<br />
?<br />
II y a plusieurs maux qui se conjuguent<br />
pour expliquer le comment et le pourquoi<br />
de la paralysie du système éducatif. Ici, je<br />
retiens trois choses : l'enseignement<br />
général donné jusqu'en terminale, le programme<br />
scolaire et la formation en ellemême.<br />
Concernant l'enseignement général<br />
donné jusqu'en terminale, il se résume,<br />
c'est notre humble avis, à des mimétismes,<br />
des répétitions des théories inertes et<br />
l'élève désapprend plus qu'il n'apprend en<br />
réalité. Car il s'agit ici de répéter tel quel le<br />
message reçu comme un robot ou un<br />
perroquet. La conséquence, c’est que cela<br />
étouffe toute éclosion de sens de la<br />
créativité, de l'initiative, de l'innovation chez<br />
l'enfant.<br />
De la rhétorique quoi…<br />
Concernant le programme scolaire, à notre<br />
M. Harouna Coulibaly<br />
Ibro Youka/ONEP<br />
humble avis, on nous enseigne à l'école<br />
tout sauf l'essentiel. Je pense à notre culture,<br />
notre histoire. L'histoire de nos héros<br />
chantée par la mémoire populaire et étiquetée<br />
de "hors la loi" à l'école du blanc.<br />
Résultat? C'est une jeunesse qui grandit<br />
aujourd'hui sans repères, sans mémoire,<br />
sans référence de son passé, de son histoire.<br />
Une jeunesse acculturée, plongée<br />
dans le désarroi mental d'une culture<br />
importée. Or, un peuple sans passé comme<br />
le dit un proverbe, c'est un peuple sans<br />
présent et qui ne saurait avoir de l'avenir. Et<br />
aussi loin que je pousse ma mémoire, je<br />
revois en kaléidoscope de ma pensée le<br />
souvenir du Professeur Cheikh Anta Diop.<br />
C'est en 1984 ici à Niamey, au Centre<br />
Culturel Oumarou Ganda, face aux<br />
étudiants de l'université. Il disait, au sujet<br />
de la culture, je cite « Méfiez-vous ! Moi, je<br />
vous le dis, si vous perdez votre culture,<br />
vous perdez tout le reste... ». Il l'a répété<br />
dans son livre phare : "Nations Nègres et<br />
Culture". Il disait je cite : « Abandonner sa<br />
culture puis embrasser celle d'autrui et considérer<br />
cela comme une simplification des<br />
relations internationales, c'est se condamner<br />
au suicide... » Fin de citation. Donc notre<br />
culture, c'est notre pétrole, notre culture<br />
c'est notre mine d'or, notre mine de diamant.<br />
Et le programme scolaire nous fait<br />
assez oublier cela. Pour arriver enfin à la<br />
formation en elle-même, je pense qu'on ne<br />
forme pas les enfants pour les enraciner au<br />
milieu africain.<br />
Vous ne trouvez pas que vous exagérez<br />
un peu ?<br />
L'école, je suis formel, est une fabrique de<br />
nègres blancs, des nègres "européanisés"<br />
qui, après leur formation, méprisent le<br />
paysan. Ils se servent du peuple pour se<br />
sucrer, et se beurrer au lieu de le servir. Ils<br />
doivent pourtant leur formation et leur<br />
salaire à l'impôt payé par ce même peuple.<br />
Quel paradoxe ! Amadou Mothar MBow,<br />
l'ancien DG de l'UNESCO l'a si bien dit au<br />
sujet de la faillite du système éducatif: ‘’<br />
l'école se détourne très fréquemment du<br />
<br />
O Ali<br />
monde rural et humain. Elle néglige<br />
certaines valeurs fondamentales qui ont fait<br />
la force de nos sociétés traditionnelles : le<br />
sentiment d'honneur, la fidélité à soi-même<br />
et à sa communauté, le sens de l'honneur.<br />
Cette inadaptation a aussi des incidences<br />
sur les cadres nationaux. Aliénés au système<br />
qui les a formés, ils se réfèrent le plus<br />
souvent, dans l'analyse des situations<br />
comme dans la recherche des solutions,<br />
aux sociétés industrielles qu'à celles qu'ils<br />
ont mission de servir‘’.<br />
A vous entendre, c’est comme si les<br />
intellectuels ont trahi l’Afrique ?<br />
C’est cela. Nous sommes à l'image de<br />
Samba Diallo, le héros de Cheikh Hamidou<br />
Kane dans son livre "L'aventure ambiguë".<br />
Lors du 1 er congrès mondial des poètes et<br />
écrivains tenu à Dakar en 2002, j'ai profité<br />
pour tourner un film documentaire sur les<br />
écrivains : "<strong>Le</strong>s architectes du verbe". Sur<br />
le plateau, il y avait feu Ahmadou<br />
Kourouma, Seydou Badian Kouyaté, Djibrill<br />
Tamsir Niane, Aminata Sow Fall, Titinga<br />
Pacéré, feu Ibrahim Loutou, etc. Cheikh<br />
Hamidou Kane est le fil conducteur du film.<br />
Je disais que pour moi, ‘’L'aventure<br />
ambiguë’’ restera, même dans un siècle, un<br />
livre incontournable, car c'est le noeud<br />
même, le cœur du problème de l'Afrique: la<br />
trahison de l'intellectuel africain face à son<br />
peuple, symbolisé par Samba Diallo le<br />
héros de ‘’L'aventure ambiguë’’. Voilà un<br />
africain qu'on envoie en Europe pour connaître<br />
la science du Blanc et venir sauver<br />
son peuple. Mais qu'est-ce qui arrive?<br />
Samba Diallo a été phagocyté par la culture<br />
de l'homme blanc. Il a perdu tous ses<br />
repères, ses références. Ironie du sort,<br />
c'est le fou qui le tue à son retour, précisément<br />
parce qu'il ne sait plus prier, il a<br />
oublié. Nous sommes tous à l'image du fils<br />
des Diallobbé Samba Diallo. Nous avons<br />
trahi l'Afrique. Et c'est la faute de la formation<br />
que nous avons reçue à l'école qui a<br />
créé un mur invisible mais présent entre<br />
nous et le paysan. Que faire ? <strong>Le</strong>s paroles<br />
prophétiques de Frantz Fanon dans "<strong>Le</strong>s<br />
damnés de la terre" résonnent souvent<br />
dans mon esprit. Il disait que : « Lorsque<br />
cette classe sera anéantie, dévorée par ses<br />
propres contradictions, on se rendra<br />
compte que rien n'a été fait depuis les<br />
indépendances, qu'il faut tout reprendre, il<br />
faut repartir à zéro... ». Eh Allah ! Parole<br />
d'un prophète !<br />
On constate que le personnage Kitary<br />
revient encore dans votre second film<br />
AWA. Au juste, qui est Kitary ?<br />
Kitary est le fondateur de Magaria, mon<br />
beau berceau. En perpétuant la mémoire<br />
de Kitary à travers mes écrits et films, c'est<br />
pour qu'il ne soit pas oublié. Pour<br />
contribuer à la sauvegarde du patrimoine<br />
culturel de notre pays, laisser ainsi à ma<br />
manière des repères, des références à une<br />
jeunesse qui grandit sans mémoire de son<br />
histoire, de son passé.<br />
Réalisé par Omar Ali<br />
Jeudi 15 avril 2010