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Téléchargez ici l'édition n° 15 (1952 Ko) - Orchestre national d'Ile-de ...

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12 ÉMOTIONS<br />

CHRONIQUE DE GOLLIWOGG<br />

Suite pour une Princesse muette<br />

Les contes viennent du fond <strong>de</strong>s âges.<br />

Personne n’écrit <strong>de</strong> conte, il se transmet<br />

oralement, puis un jour on l’écrit. Les<br />

uns l’attribuent à un génie réputé populaire,<br />

anonyme même lorsqu’on lui prête<br />

un nom, comme à Homère, les autres au<br />

peuple supposé génial. Tradition persane,<br />

arabe, chinoise <strong>de</strong>s contes à l’origine<br />

<strong>de</strong>s Mille et une nuits, que d’autres appellent<br />

les Nuits arabes. Puis viennent les<br />

génies qui ont un nom: Perrault, les frères<br />

Grimm, Ramuz. Ils recueillent les variantes<br />

du conte et établissent la leur, sans y rien<br />

mettre <strong>de</strong> leur cru, sauf leur compétence<br />

philologique, comme les Grimm, ou leur<br />

génie… <strong>de</strong> la langue, comme Perrault ou<br />

Ramuz. Car l’Histoire du soldat qu’il rédige<br />

pour Stravinski, et dont le début « A marché,<br />

a beaucoup marché » est dans toutes<br />

les mémoires, est tirée d’un conte russe.<br />

Aussi est-il à marquer d’une pierre blanche,<br />

le jour où un poète sait tirer <strong>de</strong> son propre<br />

fonds un conte qui a l’air immémorial,<br />

comme cette Princesse <strong>Ko</strong>foni composée<br />

par Ivan Grinberg, pour récitante, mise<br />

en musique par Marc-Olivier Dupin, « voyage<br />

musical au cœur <strong>de</strong> l’orchestre ».<br />

Bien entendu, ce qui ne vient pas du fond<br />

<strong>de</strong>s âges, c’est la référence pédagogique,<br />

bien qu’on n’aperçoive pas tout <strong>de</strong><br />

suite l’intention didactique dans le cas<br />

<strong>Ko</strong>foni (oui, je voulais vous faire entendre<br />

le jeu <strong>de</strong> mots, c’est fait) : elle a pour objectif<br />

<strong>de</strong> nommer au fur et à mesure les<br />

instruments <strong>de</strong> l’orchestre au moment<br />

même où on les entend. C’est d’ailleurs<br />

la différence avec Pierre et le Loup, <strong>de</strong><br />

Prokofiev, dont le didactisme amusant<br />

fait entendre séparément les sons <strong>de</strong>s<br />

instruments, auxquels s’i<strong>de</strong>ntifient les animaux<br />

du conte avant qu’ils n’entrent dans<br />

l’ensemble du morceau. Ensuite, il faut<br />

reconnaître les animaux dans les instruments,<br />

et on a parfois oublié leur timbre.<br />

Dans une cour princière, il y a le roi, la<br />

reine, un chancelier tyrannique, « qui fait<br />

tout pour que le Roi et la Reine puissent<br />

régner paisiblement », la Princesse<br />

<strong>Ko</strong>foni, et <strong>de</strong>ux ânesses, Élise et Liza, qui<br />

logent au-<strong>de</strong>ssous <strong>de</strong> la salle <strong>de</strong> l’orchestre,<br />

qui se jalousent farouchement<br />

au point <strong>de</strong> se coller l’une à l’autre afin<br />

que nul ne puisse en favoriser une en la<br />

montant toute seule. Le drame est que la<br />

Princesse a jeté à sa naissance un tel cri<br />

que le Chancelier tyrannique lui a crié<br />

« Silence ! », et que, <strong>de</strong>puis lors, elle est<br />

muette. Et le Prince charmant? Non. Pas<br />

<strong>de</strong> Prince charmant, mais un mus<strong>ici</strong>en, le<br />

joueur <strong>de</strong> tuba Wuturi « qui aime la Princesse<br />

et veut <strong>de</strong>venir roi. » Le conte racontera<br />

comment, se penchant à sa fenêtre,<br />

la Princesse tombe dans le tuba et<br />

disparaît dans ses circonvolutions, comment<br />

le Chancelier se précipite, chevauchant<br />

les <strong>de</strong>ux ânesses à la fois jusqu’aux<br />

confins du Royaume, dont les frontières<br />

sont poreuses (<strong>ici</strong> dites: « peureuses »!),<br />

à la différence <strong>de</strong>s nôtres qui sont si bien<br />

fixées que nul ne peut plus y entrer et que<br />

bientôt personne n’osera plus en sortir ;<br />

mais le Chancelier ne trouve pas la Princesse<br />

qui, par une opération <strong>de</strong> topologie<br />

magique, après avoir été supposée<br />

le plus loin possible du cœur du Royaume,<br />

se retrouve au cœur <strong>de</strong> l’orchestre;<br />

habitant, hantant chacun <strong>de</strong>s instruments,<br />

elle se révèle l’âme <strong>de</strong> l’orchestre en chantant<br />

à elle seule par la voix <strong>de</strong> tous les instruments<br />

et recouvre, ou plutôt découvre,<br />

sa voix multiple et un rire éclatant.<br />

Ce récit est raconté par une récitante<br />

dans un style qui, au travers <strong>de</strong>s références<br />

savantes aux instruments, gar<strong>de</strong><br />

donc le charme et la simpl<strong>ici</strong>té <strong>de</strong>s grands<br />

contes d’autrefois, ce qui est la chose la<br />

plus diff<strong>ici</strong>le du mon<strong>de</strong>, car on peut composer<br />

<strong>de</strong>s sonnets savants et <strong>de</strong>s vers<br />

ésotériques mais on ne trouva pas forcément<br />

ce qu’il convient <strong>de</strong> dire entre « Il<br />

était une fois » et « Ils se marièrent et eurent<br />

beaucoup d’enfants » !<br />

Si la suite orchestrale est composée <strong>de</strong><br />

pastiches époustouflants (non <strong>de</strong>s citations,<br />

encore qu’il y en ait quelques-unes<br />

<strong>de</strong> très reconnaissables tirées <strong>de</strong> Berlioz,<br />

Wagner, Prokofiev, etc.) mais <strong>de</strong>s morceaux<br />

comme la fugue, la habanera, la<br />

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Le drame est que la Princesse a jeté à sa naissance<br />

un tel cri que le Chancelier tyrannique lui a crié<br />

« Silence ! », et que, <strong>de</strong>puis lors, elle est muette.<br />

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