KADHAFI, LA FIN D'UN TYRAN PAGES 4 ET 5 - Pierrefitte Socialiste
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04<br />
POSTEFRONTIÈREDEDEHIBA(LIBYE)<br />
DENOTREENVOYÉSPÉCIAL<br />
L'ACTU<br />
politique monde social économie société faitsdivers justice<br />
Il arbore fièrement sur sa poitrine<br />
unbadgeauxcouleursdelarébellion<br />
— rouge, vert et noir —, le<br />
drapeau de la Libye avant le coup<br />
d’Etat de 1969. Et sur son visage<br />
rasédefrais,ungrandsourires’allume.<br />
« On vit un rêve, une délivrance. Je ne<br />
pouvaispasresterunesecondedeplus<br />
enFrance.Ilfallaitquejerejoignemon<br />
peuple de toute urgence pour participeràlachutedecefousanguinaire.»<br />
Mustapha Shibani, 43 ans, a quitté<br />
Paris, hier par le premier avion disponible.JuristeàCourbevoieilavécuces<br />
onze dernières années en exil, loin de<br />
siens. « Une éternité », dit-il. Il était en<br />
route la nuit dernière pour franchir les<br />
quelque 170 km de bitume qui séparent<br />
la frontière tunisienne de Tripoli.<br />
Tant pis si la route est encore risquée<br />
par endroits, si des tireurs embusqués<br />
continuent de semer la panique aux<br />
abordsdeZaouia,surlabandecôtière,<br />
dernier verrou avant de pénétrer dans<br />
les faubourgs de la capitale. « J’ai un<br />
cousinquiestmortd’uneballedansla<br />
tête dimanche en manifestant sur la<br />
place du souk El-Jama, un des marchés<br />
de la ville. Deux de mes neveux<br />
n’ont plus donné de nouvelles depuis<br />
quarante-cinq jours. Mais, je n’ai pas<br />
peur. C’est un moment historique. Ma<br />
place est là-bas », explique-t-il, ému,<br />
avant de monter dans sa voiture. Dimanche,lesabonnésdelacompagnie<br />
de téléphonie Libyana avaient reçu<br />
un SMS d’encouragement et de félicitations<br />
collectif : « Au peuple libyen<br />
pour la chute de Muammar al-Kadhafi<br />
», de la part des rebelles du CNT.<br />
Un message un peu hâtif, cependant,<br />
car,hier,des combats sporadiques ont<br />
encore eu lieu dans tout le pays. Selon<br />
des témoins, la ville de Zuwara, au<br />
nord était encore partiellement sous<br />
contrôle des troupes loyalistes, ainsi<br />
quedesquartiersentiersdeTripoli.<br />
Les habitants fatigués<br />
ont toujours peur<br />
Dans la capitale libyenne, l’électricité,<br />
l’eau, Internet, et l’un des réseaux téléphoniques<br />
ont été coupés. Les murs se<br />
sont couverts de graffitis anti-Kadhafi,<br />
lesrebellesontinvestilaplaceVerte,où<br />
les partisans du régime se rassemblaient<br />
en manifestations de propagande.<br />
Elle a été rebaptisée place des<br />
Martyrs. Hier, elle était vide et les insurgés<br />
jouaient au chat et à la souris<br />
avec les derniers soldats fidèles au<br />
Guide. AutourdupalaisdeBabAl-Aziziya,oùlecolonelKadhafipourraitêtre<br />
embusqué, les poches de résistances<br />
subsistent. Les tirs sont fréquents. Les<br />
habitants, fatigués par une nuit de<br />
liesse,ontretrouvélejeûneduramadan<br />
et renoué avec la peur. Si la quasi-totalité<br />
de la ville est sous le contrôle de<br />
l’insurrection, la fin se fait attendre,<br />
alors que l’Otan se charge de couper la<br />
route à d’éventuels renforts de l’armée<br />
libyenne.<br />
Pour les officiels français, il ne fait<br />
aucun doute que le régime vit bien ses<br />
derniers moments. Quant à Kadhafi,<br />
personne ne savait hier soir où il se<br />
trouvait précisément. A Tripoli, dans<br />
son bunker ? Caché dans le sud, le fief<br />
desatribu,oùilseratrèsdifficiled’aller<br />
lechercher ?Surlepointd’accepterun<br />
exil ?«Kadhafiarefusélesperchesqui<br />
lui étaient tendues. C’est aux Libyens<br />
dedéterminersonsort»,explique-t-on,<br />
fataliste, côté français. La victoire de<br />
l’insurrection ne sera complète que<br />
quandlesortdutyranserascellé.<br />
FRÉDÉRICGERSCHEL<br />
<br />
* MARDI 23 AOÛT 2011<br />
Retrouvezl'actualité<br />
surwww.leparisien.fretwww.aujourdhui.fr<br />
LaLibyecommenceà<br />
CONFLIT. Hier, la confusion régnait encore dans la capitale libyenne<br />
où les accrochages restent nombreux. Le régime est en train de<br />
tomber, le despote a disparu, mais il n’est pas encore vaincu.<br />
Lalonguemarchedesrebelles<br />
Il y a Mohamed, 21 ans, étudiant en<br />
médecine, Salah, 36 ans, chimiste<br />
au chômage, mais aussi un ado en<br />
tongs et un sexagénaire en sandales.<br />
En ce jour de mars, ils sont 250, rassemblésdansunecourd’écoleàBenghazi.<br />
La plupart n’ont jamais utilisé<br />
une arme. Ils sont là justement pour<br />
apprendre—entroisjours—àmanier<br />
unkalachnikovouunebatterieantiaérienne.<br />
Au nom de « la liberté » et mus<br />
parunehaineviscéraledeKadhafi,les<br />
shebabs (« jeunes ») forment depuis le<br />
début du conflit, le cœur de la rébellion.C’estàBenghazi,enCyrénaïqueà<br />
l’est du pays, que la révolte est née le<br />
17 février. Après la prise de la ville, des<br />
avocats, chefs d’entreprise, médecins<br />
se sont investis dans la gestion administrativedelaville,quin’ajamaissouffertdelamoindrepénurie.<br />
Pour faire la guerre, en revanche, c’est<br />
une autre affaire : novices, sous-armés<br />
et surtout désorganisés, les rebelles se<br />
sont vite retrouvés en perdition face<br />
aux roquettes Gradqui s’abattaient au<br />
hasard dans le sable. A bord de leurs<br />
pickups, ils font la guerre comme ils<br />
l’entendent. Sans l’intervention de<br />
l’Otan, dont les premières frappes, le<br />
19 mars, ont détruit les chars aux<br />
portesdeBenghazi,larévolteauraitété<br />
écrasée dans le sang. Malgré l’appui<br />
aérien constant et une meilleure organisation,<br />
le front de l’est s’enlise. Mais<br />
dans le reste du pays, la contagion<br />
opère. A Misrata, la ville portuaire pilonnée<br />
par l’artillerie loyaliste et soumise<br />
à la terreur des snipers, les rebelles<br />
se libèrent fin avril. Autre front<br />
décisif, les montagnes du djebel Nefoussa,<br />
à l’Ouest. Tribus berbères et<br />
arabes poursuivent le même but. Les<br />
riches Libyens de la diaspora installés<br />
enTunisieoffrentunsoutienprécieux.<br />
Les forces de l’Otan, et notamment la<br />
France, leur envoient des armes et de<br />
discrets « instructeurs ». Après des semaines<br />
d’enlisement, l’opération Sirène,<br />
samedi, ouvre les portes de Tripoli.<br />
A Benghazi on fait la fête et on se<br />
rassure:l’insurrectiondeshabitantsde<br />
la capitale tant vantée n’était pas une<br />
chimère. TIMOTHÉEBOUTRY<br />
LesdéfisduConseilnationaldetransition<br />
LeConseilnationaldetransition<br />
(CNT),l’organepolitiquedela<br />
rébellionaujourd’huilargement<br />
reconnuparlacommunauté<br />
internationale,estnéàBenghazidans<br />
lafouléedelaprisedelaville.A<br />
l’origine,c’estunattelagehétéroclite<br />
denotablesetdemilitairesdontles<br />
membressesontrépartilespostesàla<br />
manièred’ungouvernement.Son<br />
président,MoustaphaAbdeljalil,est<br />
l’ancienministredelajusticeduGuide.<br />
Ils’étaitnotammentillustréparsa<br />
sévéritéenverslesinfirmièresbulgares,<br />
accuséesàtortd’avoirinoculélevirus<br />
dusidaàdesenfants.LeCNTaconnu<br />
unesérieusecrisele28juilletavec<br />
l’assassinatdansdescirconstances<br />
troublesdesonchefmilitaire,Abdel<br />
FattahYounès,quiaravivélestensions<br />
tribalesetpolitiquesinternes.LeCNTa<br />
désormaislalourdetâched’éviterle<br />
chaospost-Kadhafietdevrasansdoute<br />
s’ouvrirauxdifférentescomposantes<br />
delasociétélibyenne.Lemaintiende<br />
l’unitédupaysestenjeu. T.B.<br />
TRIPOLI(LIBYE),HIER.Lesrebellescélèbrentleurvictoireaprèsavoirprislecontrôle<br />
NicolasSarkozysoulagé<br />
Après plus de cinq mois de<br />
conflit où l’enlisement guettait,<br />
Nicolas Sarkozy respire. « Il est<br />
assez soulagé de voir que sa détermination<br />
a abouti », avoue son entourage.<br />
Mais pas question de cocorico<br />
tant que Kadhafi reste introuvable.<br />
« Ça n’est pas fini, il faut rester prudent<br />
», assénait hier l’Elysée, qui sait<br />
que rien n’est joué face au risque de<br />
règlements de comptes à Tripoli et de<br />
partition du pays. A l’unisson de Barack<br />
Obama ou David Cameron, le<br />
président a exhorté, par un sobre<br />
communiqué, le CNT à assurer une<br />
transition « démocratique ».<br />
Il souhaite se rendre<br />
bientôt en Libye<br />
Sarkozy devrait s’exprimer sur la<br />
Libye demain en Conseil des ministres,<br />
à l’issue duquel il réunira Alain<br />
Juppé (Affaires étrangères) et Gérard<br />
Longuet (Défense). Dans la foulée, il<br />
pourrait tenir une conférence de<br />
presse avec le Premier ministre du<br />
CNT, Mahmoud Jibril, qu’il a eu au<br />
téléphone et invité à Paris. La France<br />
propose aussi d’organiser la semaine<br />
prochaine un sommet des pays du<br />
groupe de contact sur la Libye.<br />
S’il se garde de crier victoire, Sarkozy<br />
espère bien capitaliser pour 2012. Il<br />
souhaite se rendre bientôt en Libye.<br />
« Mais il ne fera pas dans l’ostentatoire<br />
et il ira avec Cameron », assure<br />
un proche. « Il a pris des initiatives<br />
très courageuses pour mobiliser la<br />
communauté internationale », salue<br />
le patron de l’UMP, Jean-François<br />
Copé.<br />
Aux avant-postes dans ce conflit, Sarkozy<br />
a de fait reconnu le premier le<br />
CNTle10mars,mettantdevantlefait<br />
accompli ses partenaires européens.<br />
C’est lui aussi qui a poussé au vote<br />
d’une résolution de l’ONU autorisant<br />
une action militaire aérienne, malgré<br />
les réticences initiales de Washington<br />
et l’abstention de Berlin, Moscou et<br />
Pékin. Objectif affiché : éviter un bain<br />
de sang à Benghazi. Plus prosaïquement,<br />
il s’agissait aussi de faire oublier<br />
son retard face aux révolutions<br />
tunisienne et égyptienne et d’effacer<br />
l’image désastreuse de la tente de<br />
Kadhafi plantée près de l’Elysée fin<br />
2007. Hier, le président aura sans<br />
doute savouré les images des Libyens<br />
scandant devant la Maison-Blanche :<br />
« Merci Sarkozy, thank you Obama. »<br />
N.SC.