Le voyage en train a été long et fatiguant. Les yeux perdus dans le ...
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<strong>Le</strong> <strong>voyage</strong> <strong>en</strong> <strong>train</strong> a été <strong>long</strong> <strong>et</strong> <strong>fatiguant</strong>. <strong>Le</strong>s <strong>yeux</strong> <strong>perdus</strong> <strong>dans</strong> <strong>le</strong> paysage, je rep<strong>en</strong>sais<br />
à mes par<strong>en</strong>ts … Chrisanty <strong>et</strong> Angel, à mes amis aussi <strong>et</strong> à mon <strong>en</strong>fance à Philipappoli<br />
.<br />
<strong>Le</strong> temps où j’allais à l’éco<strong>le</strong> du village est loin maint<strong>en</strong>ant. Après mes courtes études,<br />
vers l’âge de 15 ans, j’ai travaillé <strong>dans</strong> un p<strong>et</strong>it commerce. J’aimais ce travail de conseil <strong>et</strong><br />
d’échange avec <strong>le</strong> cli<strong>en</strong>t, je trouvais cela vivant <strong>et</strong> intéressant. Peu à peu, je pr<strong>en</strong>ais de l’assurance<br />
<strong>et</strong> mon patron était très satisfait de moi mais une fois terminée ma période d’appr<strong>en</strong>tissage,<br />
il n’a pas pu me garder. Ce métier me plaisait beaucoup <strong>et</strong> j’avais <strong>en</strong>vie de<br />
continuer à travail<strong>le</strong>r <strong>dans</strong> <strong>le</strong> commerce pour dev<strong>en</strong>ir représ<strong>en</strong>tant de commerce. Or, nous<br />
habitions <strong>dans</strong> une région rura<strong>le</strong> <strong>et</strong> agrico<strong>le</strong> <strong>et</strong> il était diffici<strong>le</strong> de trouver du travail.<br />
Après quelques remplacem<strong>en</strong>ts effectués <strong>dans</strong> des p<strong>et</strong>its commerces, je n’arrivais pas à obt<strong>en</strong>ir<br />
un emploi stab<strong>le</strong>.<br />
Mes par<strong>en</strong>ts, quant à eux, avai<strong>en</strong>t une p<strong>et</strong>ite ferme. Mais la vie des agriculteurs était<br />
très dure : ils n’avai<strong>en</strong>t que peu de terres à exploiter, travaillai<strong>en</strong>t beaucoup pour des rev<strong>en</strong>us<br />
médiocres. Mon père avait essayé de développer la production de fruits <strong>et</strong> légumes <strong>en</strong>couragée<br />
par l’Etat. Cela n’a pas permis de d’améliorer <strong>le</strong>ur situation. J’avais moi même<br />
eu l’occasion de <strong>le</strong>s aider <strong>et</strong> je me suis r<strong>en</strong>du compte des difficultés qu’ils r<strong>en</strong>contrai<strong>en</strong>t..<br />
J’aurais aimé pouvoir repr<strong>en</strong>dre c<strong>et</strong>te exploitation <strong>et</strong> l’agrandir, commercialiser <strong>le</strong>s produits,<br />
mais c’était un proj<strong>et</strong> diffici<strong>le</strong> à réussir, <strong>et</strong> <strong>en</strong> dehors du développem<strong>en</strong>t de la production<br />
de fruits <strong>et</strong> légumes, il n’y avait pas d’autre possibilité à explorer.<br />
Nous avions <strong>en</strong>visagé <strong>le</strong> fait que je parte <strong>dans</strong> la capita<strong>le</strong> où il serait peut être plus aisé<br />
de trouver un emploi <strong>dans</strong> <strong>le</strong> commerce.<br />
Mais, l’économie col<strong>le</strong>ctiviste maint<strong>en</strong>ait la Bulgarie <strong>dans</strong> un état figé où <strong>le</strong>s perspectives<br />
professionnel<strong>le</strong>s étai<strong>en</strong>t condamnées, <strong>et</strong> cela inquiétait mes par<strong>en</strong>ts quant à mon av<strong>en</strong>ir<br />
car <strong>dans</strong> <strong>le</strong>s grandes vil<strong>le</strong>s aussi la situation était compliquée.<br />
Ma mère correspondait avec Olga, une amie partie <strong>en</strong> France <strong>et</strong> qui, à chaque Noël<br />
nous <strong>en</strong>voyait de très beaux rubans, fabriqués <strong>dans</strong> l’<strong>en</strong>treprise où travaillait son mari, à<br />
Saint-Eti<strong>en</strong>ne.
Mes par<strong>en</strong>ts ont alors eu l’idée de lui expliquer ma situation. A ce mom<strong>en</strong>t là, l’industrie<br />
Française était <strong>en</strong> p<strong>le</strong>in essor, c’était la période de reconstruction d’après guerre, <strong>et</strong> Olga<br />
nous indiqua que de nombreuses <strong>en</strong>treprises recherchai<strong>en</strong>t<br />
de la main d’oeuvre <strong>et</strong> el<strong>le</strong> me conseillait de v<strong>en</strong>ir t<strong>en</strong>ter ma chance.<br />
C’était une décision qui <strong>en</strong>gageait toute ma vie, mais j’ai tout de suite été séduit par l’idée<br />
de pouvoir vivre <strong>dans</strong> un pays démocratique <strong>et</strong> moderne alors que la Bulgarie était <strong>en</strong>core<br />
très pauvre <strong>et</strong> soumise à un régime politique autoritaire très dur.<br />
C’est ainsi qu’a été décidé mon départ.<br />
Pour moi, c’était un peu un rêve effrayant : rêve, parce que j’avais l’image d’un pays <strong>en</strong><br />
p<strong>le</strong>in développem<strong>en</strong>t économique, où l’on est libre <strong>et</strong> où l’on peut s’exprimer sans crainte.<br />
Et effrayant … parce que je ne savais que peu de choses de ce pays <strong>et</strong> surtout parce que je<br />
ne connaissais pas la langue. Je me s<strong>en</strong>tais un peu comme un nouveau-né qu’on abandonne<br />
<strong>et</strong> qu’on a poussé trop vite <strong>dans</strong> la vie, sans repères.<br />
Pourtant, au fond de moi, j’avais une motivation imm<strong>en</strong>se <strong>et</strong> l’<strong>en</strong>vie de me battre <strong>et</strong> de<br />
concrétiser tous mes espoirs.<br />
Grâce à mes par<strong>en</strong>ts mon arrivée avait été bi<strong>en</strong> organisée. Olga avait été chargée de me<br />
louer une p<strong>et</strong>ite chambre afin que je puisse m’instal<strong>le</strong>r plus faci<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t <strong>et</strong> c’était rassurant.<br />
Lorsque <strong>le</strong> <strong>train</strong> s’est arrêté à la gare, je suis resté quelques minutes sur <strong>le</strong> quai, avec<br />
mes valises. J’étais fatigué par ce <strong>long</strong> <strong>voyage</strong>, je tremblais un peu.<br />
Je sortis de la gare un peu perdu : je voyais des bus, des affiches, des commerces, une<br />
agitation qui m’était étrangère <strong>et</strong> j’allais devoir m’intégrer <strong>dans</strong> ce manège. J’ai tout de<br />
suite pris consci<strong>en</strong>ce de la barrière de la langue.<br />
Je cherchais ma direction, <strong>et</strong> quelqu’un s’approcha de moi : c’était Olga qui avait eu la<br />
g<strong>en</strong>til<strong>le</strong>sse de v<strong>en</strong>ir m’accueillir : quel soulagem<strong>en</strong>t ! El<strong>le</strong> m’expliqua qu’el<strong>le</strong> allait me<br />
conduire à mon logem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> qu’el<strong>le</strong> pourrait <strong>le</strong>s premiers temps m’aider <strong>dans</strong> mes démarches<br />
<strong>et</strong> aussi pour m’habituer à ma nouvel<strong>le</strong> vie.
Je la remerciais vivem<strong>en</strong>t <strong>et</strong> lui expliquais que je comptais rapidem<strong>en</strong>t me m<strong>et</strong>tre à la<br />
recherche d’un emploi si possib<strong>le</strong> <strong>dans</strong> l’industrie du texti<strong>le</strong> qui m‘attirait particulièrem<strong>en</strong>t.<br />
Dès <strong>le</strong> l<strong>en</strong>demain matin, je la mis à contribution (avec l’annuaire des postes <strong>et</strong> des téléphones)<br />
pour dresser la liste des <strong>en</strong>treprises du secteur.<br />
<strong>Le</strong>s jours qui suivir<strong>en</strong>t, je me prés<strong>en</strong>tais à plusieurs employeurs, mais sans qualification<br />
<strong>et</strong> étranger de surcroît, c’était diffici<strong>le</strong>.<br />
Je ne parlais pas <strong>le</strong> Français, <strong>et</strong> ne pouvais expliquer mon parcours <strong>et</strong> mes motivations.<br />
Heureusem<strong>en</strong>t, Olga <strong>et</strong> ses <strong>en</strong>fants m’aidèr<strong>en</strong>t <strong>dans</strong> mon appr<strong>en</strong>tissage du français. Pour<br />
<strong>le</strong>s <strong>en</strong>fants c’était un jeu <strong>et</strong> pour el<strong>le</strong> c’était naturel puisqu’el<strong>le</strong> était passée aussi par là à<br />
son arrivée de Bulgarie. En quelques jours, j’avais appris des p<strong>et</strong>ites phrases simp<strong>le</strong>s <strong>et</strong><br />
je comm<strong>en</strong>çais à connaître un peu de vocabulaire.<br />
Son mari me prés<strong>en</strong>ta <strong>dans</strong> un atelier de passem<strong>en</strong>terie qu’il connaissait un peu, ce qui<br />
me permit de décrocher mon premier travail. C’était un poste de manut<strong>en</strong>tionnaire qui<br />
consistait à transporter des cartons de marchandises pour approvisionner <strong>le</strong>s postes de travail<br />
<strong>et</strong> cela me conv<strong>en</strong>ait car c’était un moy<strong>en</strong> de gagner ma vie <strong>et</strong> de me s<strong>en</strong>tir reconnu <strong>et</strong><br />
uti<strong>le</strong>. C’était la première étape de mon insertion professionnel<strong>le</strong> <strong>et</strong> socia<strong>le</strong>.<br />
A partir de là, je fis des progrès <strong>en</strong> Français <strong>et</strong> je liais connaissance avec d’autres jeunes<br />
de l’<strong>en</strong>treprise. P<strong>et</strong>it à p<strong>et</strong>it, mon réseau de connaissances s’agrandit. Il y avait <strong>dans</strong><br />
la vil<strong>le</strong> de nombreux jeunes immigrés comme moi avec qui on pouvait s’<strong>en</strong>traider. Mais, je<br />
faisais <strong>en</strong> sorte de côtoyer aussi des Français car j’avais <strong>en</strong>vie d’être accepté par eux, de<br />
m’intégrer <strong>le</strong> plus vite possib<strong>le</strong>.<br />
Je me r<strong>en</strong>dis compte rapidem<strong>en</strong>t que mon travail était <strong>fatiguant</strong> <strong>et</strong> pas intéressant.<br />
Mais je <strong>le</strong> faisais du mieux possib<strong>le</strong> <strong>et</strong> j’essayais de découvrir la profession <strong>et</strong> d’appr<strong>en</strong>dre<br />
auprès de mes collègues tout ce que je pouvais. Je travaillais beaucoup <strong>et</strong> j’étais apprécié.<br />
Bi<strong>en</strong> sûr j’écrivais à mes par<strong>en</strong>ts de <strong>long</strong>ues l<strong>et</strong>tres <strong>dans</strong> <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s je <strong>le</strong>ur expliquais ce<br />
que je vivais. J’avais <strong>en</strong>vie qu’ils vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t pour <strong>le</strong>ur montrer mon nouvel univers. La vie<br />
ici était tel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t différ<strong>en</strong>te de cel<strong>le</strong> que nous avions <strong>en</strong> Bulgarie, mais j’avais <strong>en</strong>core<br />
p<strong>le</strong>in de choses à réaliser <strong>et</strong> je s<strong>en</strong>tais que j’étais sur la bonne voie.