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LA PLACE DES PERSONNES ÂGÉES - Cédis Formation

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Cédis<br />

centre d’écodéveloppement<br />

d’initiative sociale<br />

&<br />

Université d’été du Cédis<br />

Journées de formation pour élu-e-s<br />

locaux et collaborateurs-trices<br />

Quimper, 21 et 24 août 2007<br />

<strong>LA</strong> P<strong>LA</strong>CE <strong>DES</strong> <strong>PERSONNES</strong><br />

ÂGÉES<br />

Dossier pédagogique<br />

CENTRE AGRÉÉ POUR <strong>LA</strong> FORMATION <strong>DES</strong> ÉLUS LOCAUX<br />

116, rue de Belleville, 75020 Paris - Tél. : 01 47 97 81 21 - Fax : 01 47 97 81 62<br />

E-mail: cedis@cedis-formation.org — http: //www.cedis-formation.org<br />

N °siret : 420 686 628 00025 / Code APE : 913E


Sommaire<br />

• <strong>PERSONNES</strong> ÂGÉES DÉPENDANTES, <strong>PERSONNES</strong> HANDICAPÉES, QUELLES POLITI-<br />

QUES POUR LES <strong>PERSONNES</strong> « EN SITUATION DE HANDICAP »<br />

par Bernard Ennuyer, 2005<br />

• VIEILLISSEMENT ET SOCIÉTÉ : ENJEUX, REGARDS ET RÉPONSES<br />

par Bernard Ennuyer, 2006<br />

• UNE SOCIÉTÉ POUR TOUS LES ÂGES : <strong>LA</strong> QUESTION DU VIEILLISSEMENT<br />

par le groupe des élus Verts au Grand Lyon


Personnes âgées dépendantes, Personnes handicapées,<br />

quelles politiques pour les personnes « en situation de handicap »<br />

Depuis le début des années 1990, la notion de dépendance est au coeur de la politique médico-sociale<br />

menée en direction des personnes dites « âgées dépendantes ».<br />

Cette politique s’est concrétisée en 1997 par la mise en place de la prestation spécifique dépendance<br />

(PSD) à laquelle a succédé au premier janvier 2002, l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).<br />

En ce qui concerne le champ dit des « handicapés adultes », celui-ci a été structuré en 1975 par la loi<br />

d’orientation en faveur des personnes handicapées, qui avait créé, entre autres, l’allocation<br />

compensatrice de tierce personne (ACTP), prestation en espèces, destinée à permettre aux personnes<br />

qui en avaient besoin, de payer en partie, les personnes les aidant dans leur vie quotidienne.<br />

Alors qu’initialement les personnes de 60 ans et plus, dites « âgées » par pure convention et… par<br />

habitude, relevaient de cette ACTP, à partir de 1990, à l’instigation des sénateurs, les politiques<br />

publiques ont cru utile de créer, en 1997, une nouvelle prestation, baptisée « prestation spécifique<br />

dépendance » (PSD) pour les personnes de 60 ans et plus, réservant le bénéfice de l’ACTP aux seuls<br />

« handicapés adultes » de moins de 60 ans.<br />

On a donc artificiellement séparé depuis cette date deux populations : les personnes âgées dépendantes<br />

et les adultes handicapés, alors que la caractéristique commune des personnes qui composent ces deux<br />

populations est d’avoir besoin d’aide dans la vie quotidienne, à cause souvent de déficiences ou<br />

d’altérations de santé entraînant des incapacités importantes dans les actes de la vie quotidienne.<br />

Cette situation paraissait bloquée après le vote de la loi instituant l’allocation personnalisée<br />

d’autonomie (APA) qui maintenait cette ségrégation des âges, 60 ans et plus pour l’APA, malgré les<br />

demandes insistantes de la majorité des associations qui oeuvrent dans le champ de la vieillesse (Livre<br />

blanc pour une prestation d’autonomie , 12 octobre 1999, publié sous l’égide du Comité National des<br />

Retraités et Personnes Agées) et en contradiction avec l’article 53 de la loi de modernisation sociale du<br />

17 janvier 2002 « la personne handicapée a droit à la compensation des conséquences de son handicap<br />

quels que soient l’origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie, et à la garantie<br />

d’un minimum de ressources lui permettant de couvrir la totalité des besoins essentiels de la vie<br />

courante »(Journal Officiel du 18 janvier 2002).<br />

Paradoxalement, c’est la canicule de l’été 2003 qui va permettre de rouvrir le débat sur la pertinence de<br />

la ségrégation par l’âge.<br />

En effet, si la loi de 1975 concernant les personnes handicapées est remise en chantier à partir de 2002,<br />

le premier rapport du Sénat qui fait le point sur cette révision de la loi de 1975 envisage de créer une<br />

prestation de compensation (Allocation Compensatrice Individualisée) ouverte encore une fois<br />

uniquement aux moins de 60 ans (B<strong>LA</strong>NC P., 2002, Compensation du handicap, le temps de la<br />

solidarité, Rapports du Sénat, n°369, p.55)<br />

La canicule de l’été 2003 oblige le Gouvernement, en septembre 2003, à organiser une concertation<br />

nationale entre l’administration, les professionnels de la vieillesse et les représentants des personnes<br />

âgées.<br />

1


Lors de cette concertation, et particulièrement dans le groupe de travail n°6 « modalités et sources de<br />

financement », apparaît très fortement la demande d’un financement spécifique dédié à la prise en<br />

charge des pertes d’autonomie : « le consensus se décline sur la notion de prise en charge par la<br />

collectivité, et sur la base d’un financement public spécifique, des handicaps et de la perte d’autonomie<br />

quelque soit l’âge. On a parlé aussi de remplacer la notion de dépendance par celle de handicap »<br />

(PA<strong>LA</strong>CH J.-M., 2003, Vieillissement et solidarités, annexe 8, p.123. Il est intéressant de noter que ce<br />

rapport fondamental pour la mise en place du plan proposé par le gouvernement en novembre 2003 n’a<br />

pas été édité et qu’il est aujourd’hui introuvable…..).<br />

De fait, dans sa communication du 6 novembre 2003, le Premier Ministre, au nom du Gouvernement<br />

propose « une réforme de solidarité pour les personnes dépendantes », englobant sous ce terme les<br />

personnes âgées et les personnes handicapées.<br />

Il propose la création d’une nouvelle branche de protection sociale à travers une Caisse Nationale de<br />

Solidarité pour l’Autonomie (CNSA).<br />

Le financement de ce plan gouvernemental sera effectué au moyen de la suppression d’un jour férié (le<br />

lundi de Pentecôte) remplacé par une journée de travail, journée nationale de solidarité.<br />

Mais de fait, ce plan maintient deux politiques distinctes pour les personnes âgées et les personnes<br />

handicapées, donc une ségrégation par l’âge.<br />

Dans le même temps, le travail de remise en chantier de la loi de 1975 sur le handicap est l’occasion de<br />

nouvelles réflexions sur la notion de handicap ou plutôt sur la notion de « situation de handicap », mais<br />

aussi sur la notion de droit à compensation.<br />

Il faut aussi faire une mention spéciale au rapport présenté en mars 2004 par Maurice Bonnet au nom<br />

du Conseil Economique et Social : « pour une prise en charge collective, quelque soit leur âge, des<br />

personnes en situation de handicap », ce rapport reprenant entre autres les idées développées depuis<br />

2001 par le Groupe de Réflexion sur la prise en compte de l’incapacité à tout âge (GRITA), groupe de<br />

réflexion rassemblant des associations du champ de la vieillesse et du champ du handicap. Le GRITA a<br />

notamment publié en 2003 un manifeste prônant la suppression de la barrière d’âge.<br />

Après la proposition de loi du 28 janvier 2004, puis l’examen de ce projet de loi en première lecture au<br />

Sénat en mars 2004, l’Assemblée Nationale, en juin 2004, décide d’ajouter un article 2bis «Dans les<br />

trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, l’harmonisation des dispositions<br />

applicables aux enfants et aux adultes handicapés sera réalisée. Dans un délai maximum de 5 ans,<br />

toutes les dispositions de la présente loi opérant une distinction entre les personnes handicapées en<br />

fonction des critères d’âge seront supprimées ».<br />

Après examen en deuxième lecture au Sénat en Octobre 2004 et à l’Assemblée Nationale en décembre<br />

2004 et janvier 2005, puis passage en commission mixte paritaire le 25 janvier 2005, cette loi devenue<br />

« loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes<br />

handicapées » sera définitivement adoptée le 3 février 2005 (Loi n° 2005-102 du 11 février 2005,<br />

Journal officiel du 12 février 2005).<br />

Par ailleurs la loi du 30 juin 2004 « relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et<br />

des personnes handicapées », prévoit la mise en place d’un dispositif de veille et d’alerte, les<br />

dispositions relatives à la journée de solidarité, et la création de la Caisse Nationale de Solidarité pour<br />

l’Autonomie (CNSA). Cette dernière va voir ses contours précisés le 8 juillet par le rapport Briet-Jamet<br />

« Mission de préfiguration de la CNSA pour une prise en charge solidaire et responsable de la perte<br />

d’autonomie ».<br />

Ce rapport préconise que la responsabilité de la gestion des dispositifs de prise en charge de la perte<br />

d’autonomie soit confiée au département, ensuite il propose que la CNSA devienne une Agence<br />

Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (ANSA) exerçant deux grandes fonctions, une fonction de<br />

régulation pour l’égalité de traitement sur l’ensemble du territoire et une fonction financière de transfert<br />

des crédits aux Départements.<br />

La loi du 13 août 2004 « relative aux libertés et aux responsabilités locales » (Journal Officiel du 17<br />

août 2004) confie l’entière responsabilité des politiques sociales au Département, notamment en<br />

matière de personnes âgées et de personnes handicapées.<br />

2


Entre autres, le Département se verra confier, dans le cadre de la loi de 2005 sur « l’égalité des droits et<br />

des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées », la mise en place et la<br />

gestion des Maisons Départementales du Handicap qui géreront, à terme, les deux populations.<br />

Devant un tel « déferlement » de textes règlementaires, de rapports d’études et de mesures législatives,<br />

il semble plus que jamais nécessaire d’essayer de poser quelques jalons pour s’y retrouver afin de<br />

dégager les grands axes des politiques publiques de demain en direction des populations « en situation<br />

de handicap » suivant la terminologie du rapport Briet –Jamet.<br />

Dépendance et Handicap : deux notions à repenser et à redéfinir<br />

La notion de dépendance<br />

Le mot de « dépendance », mot du langage courant : « dépendre de, c’est ne pas pouvoir se réaliser<br />

sans l’action ou l’intervention d’une personne ou d’une chose », exprime l’idée d’une solidarité de<br />

faits, d’une relation entre choses qui les rend nécessaires les unes aux autres.<br />

Annexé par les gériatres dans les années 1975, ce mot est devenu le stigmate des « personnes âgées qui<br />

vont mal », rebaptisées « personnes âgées dépendantes ».<br />

En 1973, le gériatre Yves Delomier en donne le premier cette définition « le vieillard dépendant a donc<br />

besoin de quelqu’un pour survivre car il ne peut, du fait de l’altération des fonctions vitales, accomplir<br />

de façon définitive ou prolongée, les gestes nécessaires à la vie ».<br />

Cette définition qui fait de la dépendance une notion négative, déficitaire et incapacitaire, sera<br />

confortée par la loi de 1997 qui met en place la « prestation spécifique dépendance ».<br />

La dépendance mentionnée au premier alinéa est définie comme « l’état de la personne qui, nonobstant<br />

les soins qu’elle est susceptible de recevoir, a besoin d’être aidée pour l’accomplissement des actes<br />

essentiels de la vie ou requiert une surveillance régulière » (article 2 de la loi du 24 janvier 1997,<br />

Journal Officiel du 25 janvier 1997).<br />

La loi du 20 juillet 2001, relative à la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées et à<br />

l’allocation personnalisée d’autonomie, n’a pas modifié cette définition de la dépendance.<br />

Elle a simplement rajouté de la confusion en mélangeant la « dépendance » et la « perte d’autonomie ».<br />

Or, ces deux notions n’ont rien à voir.<br />

La « dépendance » est définie par les gériatres comme le besoin d’aide d’une personne, résultant de son<br />

incapacité à faire toute seule les principaux actes de la vie quotidienne. Cette définition est pratique et<br />

fonctionnelle.<br />

L’ « autonomie », quant à elle vient de la racine grecque autos nomos, la loi que je me donne à moimême.<br />

C’est donc la capacité ou le droit d’un individu à choisir lui-même la façon dont il veut se<br />

gouverner. La perte d’autonomie c’est donc la perte de capacité physique ou/et psychique ou la perte<br />

du droit de se gouverner par soi-même. Cette notion renvoie au registre éthique et philosophique.<br />

La confusion volontairement entretenue entre « dépendance » et « perte d’autonomie » signifierait-elle<br />

que les personnes, qui n’ont plus la capacité d’accomplir seules les activités de la vie quotidienne, n’ont<br />

plus le droit de décider de leur façon de vivre <br />

Rappelons enfin, qu’au-delà de cette définition bio-médicale incapacitaire imposée par les gériatres<br />

depuis 1975, le sociologue Albert Memmi a proposé en 1979, cette définition de la dépendance :<br />

« La dépendance est une relation contraignante, plus ou moins acceptée, avec un être, un objet, un<br />

groupe ou une institution, réels ou idéels et qui relève de la satisfaction d’un besoin » (MEMMI A.,<br />

1979, La dépendance, Paris Gallimard, p.211-212.)<br />

3


Dans cette vision sociale et sociologique, la dépendance est une relation réciproque et nécessaire entre<br />

tous les acteurs qui composent une société : la dépendance est la base du lien social et de la<br />

solidarité.<br />

Après ce bref aperçu du manque de consensus sur cette définition actuelle de la dépendance, réduite par<br />

le paradigme médical à n’être qu’un état d’incapacité, on verra un peu plus loin que l’outil imposé par<br />

la loi APA pour évaluer cette dépendance, l’outil AGGIR (Autonomie Gérontologique Groupe Iso<br />

Ressources) a contribué malheureusement à imposer cette vision de la dépendance comme cumul<br />

d’incapacités et a complètement laissé de côté tout l’environnement de la personne et la façon dont elle<br />

ressent ses capacités et ses incapacités, en fonction de son projet de vie et de ses habitudes de vie.<br />

Après avoir envisagé la définition de la notion de handicap, nous reviendrons sur cette dimension<br />

fondamentale de l’évaluation des besoins, une des clefs des politiques publiques.<br />

Les notions de handicap et de situation de handicap<br />

Dans la loi du 30 juin 1975, dite loi d’orientation en faveur des personnes handicapées, il n’y avait pas,<br />

volontairement, de définition du « handicap », ni du mot « handicapé ».<br />

Pourtant, l’article 1 de cette loi définit implicitement ceux qui sont l’objet de cette présente loi :<br />

« la prévention et le dépistage des handicaps, les soins, l’éducation, la formation et l’orientation<br />

professionnelle, l’emploi, la garantie d’un minimum de ressources, l’intégration sociale et l’accès aux<br />

sports et aux loisirs du mineur et de l’adulte handicapé physiques, sensoriels ou mentaux, constituent<br />

une obligation nationale » (J.O. du 1 er juillet 1975).<br />

Le handicap est alors défini comme un attribut de la personne sous forme d’un déficit physique,<br />

sensoriel ou mental.<br />

On peut dire que la notion de handicap est définie, à cette époque, au plus près de l’infirmité et de<br />

l’invalidité plutôt que de s’ouvrir sur la situation handicapante. Ceci va apporter une tendance forte à la<br />

médicalisation des problèmes sociaux (CHAPIREAU F., 1988, Le handicap impossible. Analyse de la<br />

notion de handicap dans la loi d’orientation du 30 juin 1975, Annales médico-psychologiques, vol.146,<br />

n°7et 8).<br />

Cette approche du handicap va être modifiée à partir des années 1975, par le médecin britannique<br />

Philip Wood qui va proposer un nouveau modèle de définition du handicap, modèle repris en 1980 par<br />

l’Organisation Mondiale de la Santé sous le nom de Classification Internationale Déficience,<br />

Incapacité, Handicap (CIDIH), ou encore de Classification Internationale du Handicap (CIH).<br />

Ce modèle s’appuie sur la séquence de WOOD :<br />

Maladie _ Déficience _ Incapacité _ Handicap<br />

(niveau des (niveau (retentissement dans<br />

lésions) fonctionnel) le domaine social)<br />

Les définitions proposées de ces trois termes sont les suivantes (CTNERHI-INSERM, 1988,<br />

Classification Internationale des Handicaps- Un manuel de classification des conséquences des<br />

maladies, diffusion PUF).<br />

Déficience : dans le domaine de la santé, la déficience correspond à toute perte de substance ou<br />

altération d’une fonction ou d’une structure psychologique, physiologique ou anatomique.<br />

Incapacité : dans le domaine de la santé, une incapacité correspond à toute réduction, résultant d’une<br />

déficience, partielle ou totale, de la capacité d’accomplir une activité d’une façon ou dans des limites<br />

considérées comme normales pour l’être humain.<br />

4


Handicap : dans le domaine de la santé, le handicap ou désavantage social d’un individu est le<br />

préjudice qui résulte de sa déficience ou de son incapacité ce qui limite ou interdit l’accomplissement<br />

d’un rôle considéré comme normal, compte tenu de l’âge, du sexe et des facteurs socioculturels.<br />

Dans cette approche conceptuelle, si la déficience et l’incapacité sont définies comme les attributs de la<br />

personne, le handicap ou « désavantage social » est, lui, nettement défini comme une résultante en<br />

relation avec l’environnement de la personne.<br />

Néanmoins, cette séquence de Wood fut critiquée, notamment par les Québécois, pour sa vision trop<br />

médicale induite par le modèle de causalité linéaire :<br />

maladie _ déficience _ incapacité _ handicap.<br />

A la suite de nombreuses discussions, cette classification a été modifiée en mai 2001 et s’appelle<br />

désormais « Classification Internationale du Fonctionnement, du Handicap et de la Santé (CIF) ». La<br />

CIF, disent ses auteurs, s’est éloignée d’une classification des « conséquences de la maladie » pour<br />

devenir une classification des « composantes de la santé ».<br />

Ces composantes de la santé sont regroupées en deux parties :<br />

• Les composantes du fonctionnement et du handicap<br />

• Les composantes des facteurs contextuels.<br />

En ce qui concerne les composantes du fonctionnement et du handicap, elles s’adressent à tous les<br />

individus et peuvent donc être exprimées de deux manières : soit pour faire référence à des aspects de<br />

la santé qui ne posent pas problème, elles sont alors regroupées sous le terme générique de<br />

fonctionnement, soit ces composantes expriment des aspects de la santé posant problème, on les<br />

regroupe alors sous le terme générique de handicap.<br />

De façon plus précise les composantes du fonctionnement et du handicap regroupent les composantes<br />

« organisme » et « activités et participation », chaque composante étant exprimée en termes positifs<br />

ou négatifs :<br />

Dans la composante organisme les définitions sont les suivantes :<br />

• Les fonctions organiques désignent les fonctions physiologiques des systèmes organiques(y<br />

compris les fonctions psychologiques).<br />

• Les structures anatomiques désignent les parties anatomiques du corps, telles que les organes,<br />

les membres et leurs composantes.<br />

• Les déficiences désignent des problèmes dans la fonction organique ou la structure<br />

anatomique tels qu’un écart ou une perte importante.<br />

Dans la composante « activités et participation », les définitions sont les suivantes :<br />

• Une activité désigne l’exécution d’une tâche ou d’une action par une personne.<br />

• Les limitations d’activité désignent les difficultés que rencontre une personne dans l’exécution<br />

d’activités.<br />

• La participation désigne l’implication de la personne dans une situation de vie réelle.<br />

• Les restrictions de participation désignent les problèmes qu’une personne peut rencontrer<br />

dans son implication dans une situation de vie réelle.<br />

Dans les composantes des facteurs contextuels, on trouve les facteurs environnementaux (niveau<br />

individuel et niveau sociétal) et les facteurs personnels. Les facteurs environnementaux désignent<br />

l’environnement physique, social et attitudinal dans lequel les gens vivent et mènent leur vie.<br />

Les facteurs personnels représentent la cadre de vie particulier d’une personne, composé de<br />

caractéristiques de la personne (sexe, âge, mode de vie, éducation reçue, profession, origine sociale,<br />

modes de vie, habitudes, etc).<br />

5


Selon le nouveau paradigme de cette CIF, le fonctionnement d’une personne dans un domaine<br />

particulier est déterminé par l’interaction ou une relation complexe entre le problème de santé de la<br />

personne et les facteurs contextuels, environnementaux et personnels, qui vont déterminer les activités<br />

et la participation de la personne.<br />

C’est aussi cette introduction de la CIF qui a permis de faire évoluer en France la terminologie en<br />

passant des « personnes handicapées » aux « personnes en situation de handicap », comme le<br />

propose à la fois le rapport du Conseil Economique et Social et la définition du Comité d’Entente des<br />

Associations représentatives des personnes handicapées et des parents d’enfants handicapés.<br />

Les définitions du « handicap » et de la « situation de handicap ».<br />

La définition du handicap proposée d’abord par l’Assemblée Nationale en juin 2004, puis adoptée par<br />

le texte de loi définitif du 11 février 2005 est la suivante :<br />

Article 2, Art. L. 114. du Code de l’action sociale et des familles « constitue un handicap, au sens de la<br />

présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son<br />

environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une<br />

ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap<br />

ou d’un trouble de santé invalidant ».<br />

Il est intéressant de savoir que cette définition finale a beaucoup évolué, puisque au départ, la définition<br />

adoptée par le Sénat était la suivante : « constitue un handicap le fait pour une personne de se trouver<br />

durablement limitée dans ses activités ou restreinte dans sa participation à la vie en société, en raison<br />

de l’altération d’une ou plusieurs fonctions physiques sensorielles, mentales ou psychiques » (projet de<br />

loi adopté par le Sénat le 2 mars 2004, article 1 er , Art L.114.).<br />

Mais, malgré cette évolution, la définition définitive a suscité de nombreux débats à l’Assemblée<br />

Nationale aussi bien en juin 2004 qu’en octobre 2004, pour savoir s’il fallait continuer à parler des<br />

« personnes handicapées » faisant ainsi du handicap de la personne un attribut de la personne<br />

(ENNUYER B., Dépendance et handicap, attribut de la personne ou processus d’interaction,<br />

gérontologie et société, n°65, juin 1993, 37-49).<br />

De nombreux acteurs ont plaidé pour parler de « situation de handicap » plutôt que de handicap,<br />

reprenant en cela la définition de l’OMS en 2001. « L’état de fonctionnement et de handicap d’une<br />

personne est le résultat de l’interaction dynamique entre son problème de santé et les facteurs<br />

contextuels qui comprennent à la fois des facteurs personnels et des facteurs environnementaux ».<br />

Lors de la discussion du 19 octobre 2004 au Sénat, la Députée Michelle Demessine a proposé la<br />

définition élaborée par le Comité d’Entente des associations de personnes handicapées le 22 septembre<br />

2004 « constitue une situation de handicap, l’interaction entre une altération substantielle, durable ou<br />

définitive, voire multiple et complexe, d’un organe ou d’une fonction motrice, sensorielle, mentale,<br />

cognitive, psychique ou un trouble de santé d’une personne, et un environnement qu’il soit facilitateur<br />

ou générateur d’obstacle, lorsque cette interaction limite ses activités ou réduit sa participation à la<br />

vie sociale, au regard du projet formulé par la personne ou à défaut avec ou pour la personne<br />

lorsqu’elle ne peut exprimer son avis ».<br />

Malgré la pression du groupe socialiste demandant lui aussi que soit définie une situation de handicap,<br />

résultant de l’interaction entre, des facteurs individuels, l’altération de plusieurs fonctions physiques,<br />

sensorielles, mentales ou psychiques interagissant avec des facteurs environnementaux et contextuels,<br />

c’est la définition du handicap adoptée par l’Assemblée Nationale en juin 2004 qui a été choisie.<br />

Si nous avons choisi de débattre longuement de cette définition, c’est d’abord que c’est la première fois<br />

que la loi, en France, donne une définition explicite du handicap, ensuite que, à l’évidence, l’évaluation<br />

du « handicap » va être déterminante dans la détermination du droit à compensation prévue à l’article<br />

11 de la loi, et, enfin, que cette évaluation du handicap sera, bien sûr, fonction du concept de handicap<br />

mis en œuvre et de ses composantes qui seront l’objet de l’évaluation par les équipes techniques des<br />

maisons départementales des personnes handicapées.<br />

6


L’évaluation de la dépendance et du handicap<br />

En matière de politique publique, on sait qu’une des questions centrales est de déterminer de manière<br />

équitable qui a droit aux prestations ouvertes justement par ces politiques publiques.<br />

En matière de dépendance et de handicap, cette question de l’évaluation n’est absolument pas résolue<br />

actuellement.<br />

Dans le champ de la dépendance, on a vu que la définition biomédicale imposée jusqu’à maintenant<br />

avait donné lieu à d’innombrables outils de mesure (ENNUYER B., Les malentendus de la<br />

dépendance, chapitre Mesure et évaluation de la dépendance, Paris, Dunod, 111-144.)<br />

L’outil AGGIR a été imposé en 1997, lors de la loi PSD, malgré de très nombreuses critiques tenant<br />

essentiellement au fait que cet outil mesure uniquement un niveau d’incapacité et en aucun cas un<br />

besoin d’aide, car celui-ci ne peut se résumer à l’incapacité d’une personne.<br />

Pour évaluer un besoin d’aide, il faut en effet intégrer de multiples facteurs complémentaires : le niveau<br />

de déficience, l’environnement géographique, affectif, économique de la personne, sa demande, la<br />

façon dont elle vit ses difficultés, la façon dont elle veut mener sa vie, etc.<br />

L’outil AGGIR a clairement démontré son « incapacité » à déterminer, à lui tout seul, un besoin<br />

d’aide, comme l’a confirmé la commission scientifique chargée de faire évoluer cet outil. Le rapport de<br />

cette commission présidée par Alain Colvez, médecin de santé publique, est sans appel :<br />

« AGGIR a été trop souvent confondu avec un outil d’évaluation multidimensionnelle, ce qu’il n’est<br />

pas. AGGIR ne permet pas de décrire la complexité de la situation de la personne dans son<br />

environnement » (Rapport du comité scientifique pour l’adaptation des outils d’évaluation de<br />

l’autonomie, janvier 2003, p.35).<br />

En effet, ajoute ce rapport « en attribuant à chaque personne une position sur une échelle de six<br />

niveaux (GIR), AGGIR n’est qu’un indicateur commode pour résumer simplement une situation<br />

complexe. La mise en groupe GIR ne peut donc être assimilée à une évaluation multidimensionnelle,<br />

même si elle impose de recueillir des informations qui couvrent une partie de ce qui doit être considéré<br />

dans une évaluation complète. D’autres dimensions doivent être ajoutées comme les activités<br />

élaborées, la mobilité, le réseau relationnel, les conditions d’habitat, etc… qui seules permettront<br />

d’élaborer ce qui est la finalité de l’évaluation : un plan d’aide » (op.cit., p.22).<br />

Il est donc clair que l’outil AGGIR n’est pas validé pour ce qu’il fait actuellement dans la mise en<br />

place de l’APA, c’est-à-dire déterminer le niveau d’allocations de ressources qui va permettre aux gens<br />

en incapacité de se faire aider.<br />

Ce qui veut dire en clair, que l’APA est attribuée aujourd’hui à partir d’un outil qui n’est pas légitimé<br />

pour le faire, ce qui ouvre effectivement une question fondamentale sur l’équité dans l’attribution de<br />

l’APA !<br />

En ce qui concerne le handicap, les décisions d’attribution de l’actuelle ACTP sont prises par les<br />

Commissions Techniques d’Orientation et de Reclassement Professionnel (COTOREP) à partir d’une<br />

évaluation faite grâce au guide barème mis en place en 1993, à partir de la classification internationale<br />

du handicap (Décret n° 93-1216 du 4 novembre 1993 relatif au guide barème)<br />

Mais, là aussi, on doit dire que l’évaluation du handicap à partir du guide barème est très différente<br />

d’une COTOREP à l’autre, et que là également se pose la question de l’équité de l’attribution de la<br />

prestation ACTP sur le territoire national.<br />

On voit donc que la loi de février 2005 qui propose de créer des Maisons Départementales des<br />

personnes handicapées, pour attribuer un droit à compensation pour les personnes « dites handicapées »<br />

de moins de 60 ans, va devoir se poser la question de l’évaluation, tant au niveau de l’équipe<br />

pluridisciplinaire d’évaluation que des méthodes d’évaluation à mettre en œuvre.<br />

7


L’évaluation du besoin d’aide/outil de mesure ou démarche d’évaluation.<br />

Rappelons d’abord qu’évaluer, selon le dictionnaire, « c’est porter un jugement sur la valeur, le prix de<br />

quelqu’un ou de quelque chose ».Il faut donc dire que dans le champ des sciences humaines et des<br />

rapports humains, l’évaluation, approximation ou mesure, est un jugement porté par des hommes sur<br />

d’autres hommes. Dans un processus d’évaluation il y a donc essentiellement deux dimensions qui<br />

sont mises en jeu : la subjectivité et le rapport de force.<br />

Evaluer le besoin d’aide d’une personne qui formule une demande – qui n’est d’ailleurs pas forcément<br />

une demande d’aide, car c’est souvent d’abord une demande de reconnaissance et d’existence- c’est<br />

confronter la demande de cette personne avec un « évaluateur » personne légitimée pour cette approche<br />

et ayant en partie le pouvoir de répondre à cette demande ou de faire en sorte qu’elle aboutisse, pour<br />

autant que cet évaluateur ait évalué ou mesuré, donc jugé du bien fondé de cette demande. Si le bien<br />

fondé de cette demande est reconnu par l’évaluateur, cette demande devient un besoin.<br />

Procéder à l’évaluation de la demande de monsieur X ou madame Y c’est bien introduire que ce dont a<br />

besoin cette personne ne correspond pas à sa demande et que seule l’intervention d’une personne<br />

« compétente » peut juger de ce qui est bon pour cette personne. C’est bien cette invalidation initiale de<br />

la demande de monsieur ou madame X, qualifiée de subjective, qui fonde un jugement dit « objectif »<br />

par une personne prétendument neutre et compétente, grâce au concours d’outils de mesure divers dits<br />

« scientifiques ».<br />

Depuis quelques années, l’évaluateur lui-même a souvent été mis en question, disqualifié pour son<br />

manque supposé d’objectivité. On lui reproche d’être juge et parti, son manque de neutralité… !<br />

D’où l’émergence d’outils de mesure dits « scientifiques et objectifs » se substituant à la personne<br />

humaine telle la grille AGGIR.<br />

Faisons justice de cette idée simpliste suivant laquelle l’utilisation d’un outil adéquat serait capable<br />

plus qu’un évaluateur d’un jugement équitable au regard de la demande de l’usager. En effet l’outil est<br />

mis en œuvre par des êtres humains et tant dans sa conception que dans son utilisation, il reflète les<br />

idéologies et partis pris des ces personnes. L’outil AGGIR a bien montré qu’il pouvait conduire à des<br />

scores très différents pour une même personne évaluée suivant la formation et le milieu d’appartenance<br />

des évaluateurs (Voir le numéro de la Revue Gérontologie et société, 2001, n°99, évaluer pour quoi<br />

faire, Fondation Nationale de Gérontologie.).<br />

La question fondamentale qui va donc continuer à se poser demain dans les nouvelles maisons<br />

départementales des personnes handicapées reste celle-ci :Comment arriver à ce que des équipes<br />

labellisées d’évaluateurs puissent, dans une démarche d’évaluation, prendre en compte les demandes<br />

des gens, puissent rentrer en négociation avec ces demandeurs avec une véritable possibilité pour ceuxci<br />

de se faire entendre, élaborer ensuite un plan d’aide en accord avec le demandeur tout en évitant que<br />

ces évaluations individuelles par les différentes équipes d’évaluation ne conduisent sur le territoire<br />

national à une inéquité fondamentale des ressources <br />

Dans cette optique il nous paraît qu’aucun outil pseudo scientifique et objectif ne saurait être le garant<br />

d’une certaine équité. Seule une formation commune des différentes équipes d’évaluation à partir de<br />

normes communes étayées sur des concepts partagés comme ceux de la CIF, décrite ci-dessus, peut<br />

amener une certaine convergence des équipes d’évaluation et donc une certaine justice dans les plans<br />

d’aide, encore faudra t-il vérifier en permanence que cette équité d’attribution est vraiment respectée<br />

sur le territoire national, ce qui n’est absolument pas le cas pour l’actuelle APA, vu l’extrême diversité<br />

des formations et des compétences des équipes médico-sociales évaluant les besoins.<br />

8


Les politiques publiques de demain en direction des personnes « en situation de handicap »<br />

Les choix politiques de l’après canicule.<br />

Comme on l’a vu plus haut, la canicule de l’été 2003 a ramené au premier plan l’idée d’une prise en<br />

compte de l’incapacité à tout âge, comme l’avait proposé le manifeste du GRITA dès la fin de l’année<br />

2002.<br />

Ce rapprochement qui se dessine du champ de la dépendance, c’est-à-dire du champ des « personnes<br />

âgées qui vont mal » avec le champ du handicap n’est pas sans poser de nombreuses questions alors<br />

que, dans le même temps, ce rapprochement est tout à fait souhaitable pour éviter notamment la<br />

ségrégation des personnes âgées dépendantes, officialisée par la création en 1997 de la prestation<br />

spécifique dépendance.<br />

Nous allons essayer d’analyser rapidement comment pourrait se dessiner ce rapprochement des champs<br />

de la dépendance et du handicap.<br />

Dans son rapport « vieillissement et solidarités », Jean Marie Palach constate d’entrée de jeu qu’une<br />

tendance forte s’est dégagée des conclusions des groupes de travail réunis en septembre 2003, et parmi<br />

celles-ci, il note « la notion de dépendance, ségrégative et discriminante, doit être abandonnée au<br />

bénéfice d’une notion de handicap et de droit à la compensation, sans référence à un critère d’âge »<br />

(PA<strong>LA</strong>CH J.-M., Op. cit., p.10).<br />

Nous reviendrons plus loin sur la position exprimée lors de ces remontées par le groupe n° 6<br />

« Modalités et sources de financement ».<br />

Toujours est-il que, le 6 novembre 2003, le Premier Ministre communique le plan du Gouvernement<br />

suite à la canicule sous le titre « une réforme de solidarité pour les personnes dépendantes », et<br />

annonce une réforme historique : « la création d’une nouvelle branche de notre protection sociale qui<br />

va désormais couvrir le risque de la dépendance ».<br />

A ce risque vont correspondre des institutions, une organisation et un financement nouveaux et<br />

modernes, à travers la création de la « Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie ».<br />

Il détaille ensuite cette réforme « le plan du Gouvernement ouvre de nouveaux droits personnalisés<br />

pour les personnes âgées et les personnes handicapées, aisément accessibles et garantis par cette<br />

nouvelle caisse (…) le financement de ce plan nécessite des ressources nouvelles : le remplacement<br />

d’un jour férié par une journée nationale de solidarité doit le rendre possible » (communiqué de presse<br />

du Premier Ministre, p.1).<br />

Cette réforme développe ensuite deux programmes d’action, un pour les personnes âgées, l’autre pour<br />

les personnes handicapées. On peut donc dire que, si d’un côté, il semble y avoir prise en compte de la<br />

volonté de supprimer la barrière d’âge au niveau d’un financement commun par la CNSA, ce n’est<br />

qu’une illusion vite dissipée par le texte qui maintient deux secteurs étanches personnes âgées et<br />

personnes handicapées.<br />

Pire encore, alors que les groupes de travail, reprenant en cela aussi les conclusions du rapport Palach<br />

sur l’Année Internationale des Personnes Agées, en 1999, ne voulaient plus entendre le mot<br />

dépendance « véritable vecteur d’exclusion de la société » (Rapport J.-M. PA<strong>LA</strong>CH, Une société pour<br />

tous les âges, Ministère de l’Emploi et de la Solidarité , 1999 , p.19) et que tout le monde souhaitait<br />

l’adoption de la locution « personnes en situation de handicap », la communication du Premier<br />

Ministre met en avant cette notion de dépendance pour rassembler « personnes âgées » et « personnes<br />

handicapées », faisant du même coup du groupe « personnes âgées »dans son ensemble , un groupe<br />

déficitaire et à problème, ce qui est faux comme l’a montré amplement l’enquête HID (Revue Française<br />

des Affaires Sociales, Handicap, incapacités, dépendance, n° 1-2, janvier-juin 2003), puisque<br />

seulement 10 à 12% des 60 ans et plus peuvent être considérés comme ayant des incapacités sévères<br />

(confinés au lit ou au fauteuil, incapacité à la toilette et à l’habillage) et modérées (incapacité à sortir<br />

seul de chez soi), soit environ 1,4 millions de personnes sur 12,5 millions de 60 ans et plus.<br />

9


De ce point de vue, le plan du Gouvernement ne fait en aucun cas avancer le débat, puisque au-delà de<br />

la barrière d’âge qui est maintenue, la nouvelle caisse créée n’est nullement l’amorce du cinquième<br />

risque demandé avec insistance depuis 1999 (livre blanc pour une prestation d’autonomie , rapport de<br />

l’année internationale, rapport du Conseil économique et social, manifeste du GRITA, etc.) et rappelé<br />

avec force par le groupe n° 6 de septembre 2003, comme en témoigne le rapporteur de ce groupe : « la<br />

mise en place d’un financement spécifique dédié à la prise en charge des pertes d’autonomie : Une<br />

importante majorité des intervenants s’est montrée favorable à ce cinquième risque, mais qui en luimême<br />

peut se décliner selon des modalités très différentes. Le consensus se dessine sur la notion de<br />

prise en charge par la collectivité et sur la base d’un financement publique spécifique, des handicaps et<br />

de la perte d’autonomie, quelque soit l’âge ».<br />

Quant à la gestion du risque, le rapport se partage entre :<br />

1. l’hypothèse d’une nouvelle branche de sécurité sociale<br />

2. l’hypothèse du rattachement à une branche existante,<br />

3. la solution privilégiant une gestion au plan local.<br />

Enfin ce rapport aborde le type de financement et souligne l’attachement à un financement contributif<br />

solidaire. Ce financement, pérenne, se dégage comme recevant une large adhésion, la CSG constituant<br />

le financement le plus souvent évoqué (Rapport J.-M. PA<strong>LA</strong>CH, p.123-124-125).<br />

En fait, il y a eu de la part du Gouvernement, une communication volontairement ambiguë, laissant<br />

penser à certains que l’on mettait en place un cinquième risque de Sécurité Sociale, car dans l’esprit de<br />

ceux qui parlaient de cinquième risque, ce ne pouvait être qu’un risque géré par la Sécurité Sociale (sur<br />

la notion de cinquième risque, voir B. ENNUYER , La notion de cinquième risque dans le financement<br />

de la prise en charge des personnes dites âgées « dépendantes » , circulaire d’information UNASSAD,<br />

avril 2004, p.17).<br />

Mais, comme le dira le GRITA en octobre 2004, « la CNSA, présentée par les pouvoirs publics comme<br />

un nouveau risque de protection sociale, risque de ne constituer qu’un fonds de collecte de financement<br />

épars, destinés à être transféré aux Conseils Généraux désormais seuls pour assurer la prise en charge<br />

des personnes, en situation de handicap quelque soit leur âge ».<br />

Le récent décret de présentation de la CNSA (décret du 22 décembre 2004) semble confirmer ce rôle de<br />

la CNSA d’agent collecteur et redistributeur, mais en aucun cas ce n’est un nouveau risque de<br />

sécurité sociale, avec possibilité de récolter des fonds à mesure de ses besoins.<br />

Après cette communication du Gouvernement, il y a eu beaucoup de confusion, car d’une part la loi du<br />

30 juin 2004 a officialisé le principe de la journée de solidarité, d’autre part, le rapport Briet-Jamet du 8<br />

juillet 2004 a commencé à préciser les contours de cette fameuse CNSA, mais surtout les affaires se<br />

sont accélérées sur le versant « handicap ».<br />

Le projet de loi déposé le 28 janvier 2004 passait en effet en première lecture au Sénat en mars 2004,<br />

puis à l’Assemblée Nationale en juin 2004, puis à nouveau en deuxième lecture, au Sénat (19 – 20 – 21<br />

octobre 2004) et à l’Assemblée Nationale en décembre 2004 (20 -21 – 22 décembre 2004, 18 janvier<br />

2005, la loi ayant été définitivement votée le 3 février 2005.<br />

D’un autre côté, la loi de décentralisation a confirmé en partie les options prises par le rapport Briet-<br />

Jamet dans le rôle majeur confié au département pour être le seul pilote de l’action en direction des<br />

personnes âgées et des personnes handicapées (loi du 13 août 2004).<br />

Ce sont donc les conséquences de tous ces choix politiques qui vont dessiner l’avenir des politiques<br />

publiques en direction des « personnes âgées dépendantes » et des « personnes handicapées ».<br />

10


L’avenir immédiat des politiques publiques en direction des personnes « handicapées »et des<br />

personnes « âgées dépendantes »<br />

Dans l’immédiat la coupure va demeurer entre d’une part les personnes dites « âgées dépendantes » de<br />

soixante ans et plus et les personnes dites »handicapées « de moins de soixante ans.<br />

Les personnes « âgées dépendantes ».<br />

En ce qui les concerne, on peut dire au jour d’aujourd’hui que la canicule de l’été 2003 n’a quasiment<br />

rien amené de nouveau….sauf des promesses ! (création de place de services de soins à domicile,<br />

d’accueil de jour, d’hébergement temporaire, plan Alzheimer, mise en place de climatiseurs dans les<br />

établissements d’hébergement, accélération des signatures de conventions tripartites, promesses de<br />

personnel supplémentaire, création de nouvelles places en établissement…). C’est en tout cas le constat<br />

quasi unanime des professionnels de ce champ qui demandent plus de moyens, notamment en densité<br />

de personnel, mais aussi pour la formation et la reconnaissance sociale de ces métiers difficiles.<br />

En tout état de cause, on ne peut qu’être déçu de voir qu’il n’y a pas eu de véritable mise en place<br />

d’une réflexion sur la façon dont la société française regarde la vieillesse.<br />

De façon très concrète c’est donc l’APA sous sa forme actuelle qui restera la principale allocation<br />

d’aide à domicile et en hébergement pour les personnes de 60 ans et plus. La seule modification<br />

importante à court terme est que la plupart des financements actuels du secteur « personnes âgées<br />

dépendantes » vont transiter par la CNSA et que le département va devenir le seul pilote de l’action<br />

globale en direction des personnes âgées (CODERPA, CLIC, APA, etc..) ce qui est source d’inquiétude<br />

comme on le verra en conclusion de ce texte.<br />

Les personnes « handicapées ».<br />

C’est dans ce secteur qu’il va y avoir rapidement du changement. En effet la loi du 11 février 2005<br />

sur « l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes<br />

handicapées »va s’appliquer au 1 er Janvier 2006.Elle va se traduire, entre autres, par la mise en place<br />

du droit à compensation défini à l’article 11 de la loi, Art. L. 114-1-1. : « La personne handicapée a<br />

droit à la compensation des conséquences de son handicap quels que soient l’ origine et la nature de sa<br />

déficience, son âge ou son mode de vie (…) les besoins de compensation sont inscrits dans un plan<br />

élaboré en considération des besoins et des aspirations de la personne handicapée, tels qu’ils sont<br />

exprimés dans son projet de vie, formulé par la personne elle-même,ou à défaut,avec ou pour elle, par<br />

son représentant légal lorsqu’elle ne peut exprimer son avis ».<br />

Cette compensation consiste à répondre à des besoins dans les domaines de l’accueil de la petite<br />

enfance, de la scolarité, des aménagements du domicile ou du cadre de travail, de l’offre de services,<br />

des aides de toute nature,….. Ce droit à compensation se traduit par une prestation de compensation qui<br />

a le caractère d’une prestation en nature qui peut être versée selon le choix du bénéficiaire, en nature ou<br />

en espèces (article 12), mais avec une ouverture de droits liée à l’âge c’est à dire dans un premier<br />

temps, en 2006, pour les plus de 20 ans et les moins de 60ans…<br />

C’est là que l’on retrouve les fameuses barrières d’âge qui devraient disparaître dans le délai de 3ans<br />

pour les moins de 20ans et dans le délai maximum de 5 ans pour les plus de 60 ans.<br />

Pour ouvrir cet accès aux droits et prestations sont créées des maisons départementales des personnes<br />

handicapées (article 64, Art. L. 146-3.). Celles-ci exerceront une mission d’accueil, d’information,<br />

d’accompagnement et de conseil. Elles sont chargées de mettre en place et d’organiser le<br />

fonctionnement de l’équipe pluridisciplinaire chargée d’évaluer le besoin de compensation et de<br />

proposer un plan personnalisé de compensation du handicap (article 64, Art. L. 146-8.). Cette maison<br />

départementale met en place le fonctionnement de la commission des droits et de l’autonomie qui dans<br />

un premier temps va se substituer aux COTOREP.<br />

11


Cette commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (chapitre IV de la loi, article<br />

66, Art. L. 241-5. ) prend, sur la base de l’évaluation réalisée par l’équipe pluridisciplinaire, des<br />

souhaits exprimés par la personne handicapée, du plan de compensation proposé, les décisions relatives<br />

à l’ensemble des droits de cette personne, notamment en matière de prestations et d’orientations.<br />

Voici donc sur ce point précis de la prestation de compensation ce qui devra être mis en place au 1 er<br />

janvier 2006 pour les personnes « handicapées » âgées ….de 20 à 59 ans. Il est bien évident que cette<br />

loi concerne bien d’autres domaines (scolarité, travail, accessibilité, etc..) que nous n’aborderons pas<br />

dans le cadre de cet article (cf. la loi précitée dans son intégralité).<br />

L’avenir plus lointain de ces politiques publiques en direction des personnes en « situation de<br />

handicap »<br />

Comme le stipule la nouvelle version de l’article 2bis du projet de loi, amendé par le Sénat en<br />

deuxième lecture en octobre 2004, devenu l’article 13 dans la loi du 11 février 2005 « Dans les trois<br />

ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi la prestation de compensation sera étendue aux<br />

enfants handicapés. Dans un délai maximum de cinq ans, les dispositions de la présente loi opérant<br />

une distinction entre les personnes handicapées en fonction de critères d’âge en matière de<br />

compensation du handicap et de prise en charge des frais d’hébergement en établissements sociaux et<br />

médico-sociaux seront supprimées », on peut faire l’hypothèse qu’au 1 er janvier 2011 il n’y aura plus<br />

de dispositions spécifiques pour les personnes âgées de plus de 60 ans, aujourd’hui appelées<br />

« dépendantes », qui seront en 2011 appelées « handicapées ».<br />

Dans ces conditions il n’y aurait plus d’APA, ni d’équipe médico-sociale, ni d’outil AGGIR, il y aurait<br />

pour tout le monde : droit à compensation, prestation de compensation, maisons départementales des<br />

personnes handicapées, équipe pluridisciplinaire d’évaluation, plan d’aide notifié par la commission<br />

des droits et de l’autonomie.<br />

Dans cette optique, les départements vont devoir très rapidement prendre la mesure de ce changement<br />

et mettre en place des structures de travail communes entre les deux secteurs « dépendance » et<br />

« handicap ». Cela implique par exemple la fusion des structures CLIC (centre local d’information et de<br />

coordination) et SVA (site pour la vie autonome) au sein des maisons départementales des personnes<br />

handicapées. Même chose pour les équipes d’évaluation des COTOREP et les équipes médico-sociales<br />

d’évaluation de l’APA qui devraient fusionner dans les équipes pluridisciplinaires des maisons<br />

départementales.<br />

A partir de ces éléments, il reste deux interrogations fondamentales à propos de cette évolution des<br />

politiques publiques, pour que les populations en situation de handicap soient des acteurs sociaux à part<br />

entière et non plus des « assistés » :<br />

La première concerne le montant global du budget alloué à cette politique. En clair le financement<br />

limité qui est, dans son essence même, celui de la CNSA ne garantit en aucune façon que chaque<br />

personne en situation de handicap ait une prestation de compensation d’un montant lui permettant<br />

vraiment de mettre en œuvre son projet de vie tel qu’elle le souhaite. Il est donc nécessaire que très<br />

rapidement la CNSA devienne un véritable risque de sécurité Sociale, faute de quoi on peut craindre<br />

que les limitations budgétaires ne réduisent la CNSA à un rôle de gestionnaire du rationnement des<br />

montants de prestation de compensation alloués.<br />

La deuxième interrogation concerne l’égalité des citoyens français devant la loi. Instruit par<br />

l’exemple de l’APA, (voir le numéro 372 de janvier 2005 de la revue de la DREES, Etudes et résultats,<br />

L’allocation personnalisée d’autonomie : une analyse des disparités départementales par François<br />

JEGER ) on peut légitimement craindre que le pouvoir « régalien » donné aux départements dans la<br />

gestion de ce secteur ne conduise à un renforcement de l’inéquité de traitement des citoyens sur le<br />

12


territoire national, tant à cause de l’inégalité de richesses des départements qu’à cause de l’inégalité de<br />

volonté politique… dans ce domaine des politiques publiques.<br />

On voit mal aujourd’hui comment la CNSA pourrait, vu son manque de moyens, jouer pour de vrai ce<br />

rôle de régulateur qui lui est dévolu par les textes réglementaires !<br />

En conclusion, on peut dire que aussi bien la canicule de 2003 que cette loi de février 2005 sont,<br />

comme vient de le rappeler, le 8 février dernier, le Président de la République, une opportunité<br />

extraordinaire de réflexion sur la place des personnes fragiles dans notre société actuelle et plus<br />

globalement sur la place de tout un chacun dans un collectif d’individus qu’on appelle société. Il y va<br />

de notre responsabilité individuelle et collective de ne pas la laisser passer et de revendiquer le<br />

nécessaire débat démocratique sur la façon dont nous voulons vivre en société ensemble, égaux et<br />

différents.<br />

Bernard Ennuyer / Février 2005<br />

Directeur d’un service d’aide à domicile (Paris 17éme)<br />

Docteur en sociologie, Habilité à diriger des Recherches<br />

13


BIBLIOGRAPHIE<br />

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1 er juillet 1975<br />

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âgées, par l’institution d’une prestation spécifique dépendance, Journal officiel du 25 janvier 1997<br />

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âgées et à l’allocation personnalisée d’autonomie, Journal officiel du 21 juillet 2001<br />

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Loi n°2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, Journal Officiel du 18 janvier 2002<br />

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Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la<br />

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Décret n°2004-1384 du 22 décembre 2004 portant application du titre III de la loi 2004-626 du 30 juin<br />

2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées,<br />

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Tous ces textes sont disponibles sur le site : www.legifrance.gouv.fr<br />

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14


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politiques et sociaux, n°892, Paris, la Documentation française.<br />

15


Vieillissement et Société : enjeux, regards et réponses.<br />

Devant cette question essentielle de changement des structures d’âge dans la société française<br />

comme dans beaucoup d’autres sociétés à travers le monde, nous avons choisi de nous<br />

interroger sur les raisons pour lesquelles ce vieillissement était presque toujours présenté<br />

comme une catastrophe, ce que pour nous il n’est absolument pas comme le montrent nombre<br />

d’indicateurs à notre disposition.<br />

Nous avons donc choisi de traiter un certain nombre de sujets, qui réinterrogent ces questions<br />

du vieillissement et de la vieillesse dans la société française. Peu importe qu’il y ait quelque<br />

fois des redites ou des reprises de la même question vue sous un angle différent, l’objectif est<br />

clair : sortir des idées préconçues et toutes faites que nous imposent souvent les<br />

« experts » et les media. Rappelons, comme le disait Paul Ricoeur, que sur ces choses de la<br />

vie les experts n’en savent pas plus que nous. Autorisons nous donc à reposer ces questions<br />

sous une forme que d’aucuns pourront trouver iconoclastes, mais je crois que c’est à ce prix<br />

que nous pourrons faire bouger la société dont nous faisons partie plutôt que de la subir en<br />

maugréant.<br />

Le « vieillissement de la population » est devenue depuis les années 1960 une des questions<br />

fondamentales de l’avenir de la société et même, pour certains auteurs, un des problèmes majeurs de<br />

cette société. Commençons par jeter un regard rapide, à la fois historique et critique, sur ces notions<br />

de vieillesse et de vieillissement.<br />

Regard historique et critique sur les notions de vieillesse et de vieillissement.<br />

En 1962, le rapport du haut comité de la population et de la famille communément appelé rapport<br />

Laroque écrit : « le vieillissement de la population entraîne des conséquences dans tous les<br />

domaines de la vie nationale. Progressivement, mais d’une manière inéluctable, il grève les<br />

conditions d’existence de la collectivité française. Tout d’abord, l’entretien des personnes âgées<br />

inactives fait peser une charge de plus en plus lourde sur la population en activité. Quelles que<br />

soient, en effet, l’origine et la nature juridique des revenus des personnes inactives : pensions de<br />

retraite, financées par des cotisations, aide sociale à la charge des collectivités publiques, revenus<br />

d’un capital ou pensions alimentaires, il est établi que toute personne inactive vit de prélèvements<br />

sur la production de biens ou la création de services des actifs (…) Sur le plan économique, d’autre<br />

part, le vieillissement démographique exerce une influence certaine sur les structures<br />

professionnelles, l’équipement et les méthodes de travail, du moins dans les secteurs où les<br />

travailleurs vieillissants ou âgés sont employés en proportion relativement importante. Enfin,<br />

politiquement et psychologiquement, le vieillissement se traduit par le conservatisme, l’attachement<br />

aux habitudes, le défaut de mobilité, et l’inadaptation à l’évolution du monde actuel » 1 .<br />

On peut dire que ce rapport qui avait pour but de permettre de réfléchir « sur la place faite aux<br />

personnes âgées dans la société française d’aujourd’hui et plus encore dans celle de demain »<br />

commençait par « assassiner » ces personnes âgées, chargées de tous les maux de la société.<br />

Le malheur est que cette vision « âgiste » des personnes âgées est loin d’avoir disparu plus de<br />

quarante ans après cette publication du rapport Laroque ! Comme le dit l’historienne Elise Feller<br />

dans un livre remarquable : « le concept de vieillissement de la population a brouillé et dévalué<br />

durablement les réalités et images de la vieillesse » 2 .<br />

1 Haut comité consultatif de la population et de la famille (1962). Politique de la vieillesse. Rapport de la<br />

commission d’études des problèmes de la vieillesse, présidée par Monsieur Pierre Laroque, Paris, La<br />

Documentation Française.<br />

2 FELLER E. (2005). Histoire de la vieillesse en France, du vieillard au retraité : 1900-1960, Paris, Editions<br />

Seli Arslan.<br />

1


On voit donc que le vieillissement de la société française a souvent , par le passé, été présenté<br />

comme une catastrophe sanitaire et sociale et ce notamment depuis 1928, date à laquelle le<br />

démographe Alfred Sauvy a créé ce terme de vieillissement de la population, par lequel il voulait<br />

signifier à la fois l’importance de la baisse de la natalité dans la population française et<br />

l’augmentation relative des personnes de 60 ans et plus appelées par pure convention<br />

démographique, « les personnes âgées ». On a, depuis cette époque jusqu’à aujourd’hui, parlé de ce<br />

vieillissement populationnel et en corollaire du problème posé à la société par ces personnes âgées<br />

amenant ce raccourci saisissant très souvent utilisé par les médias en général, le « problème des<br />

personnes âgées ».<br />

Vieillissement de la population et âge de la vieillesse <br />

Ce qui marque l’époque actuelle, ce n’est pas tant le vieillissement de la population française terme<br />

utilisé par Alfred Sauvy et extrêmement discutable, mais bien plutôt la modification de la structure<br />

par âge de la population. On assiste en effet depuis le début des années 1900, à la montée<br />

progressive du groupe d’âge des personnes de 60 ans et plus, essentiellement d’abord à cause de la<br />

baisse de la mortalité infantile : 1,9 million en 1780, 5 millions en 1900, 7,7 millions en 1962 lors de<br />

la publication du rapport Laroque, 11,3 millions en 1990 et environ 12,9 millions en 2005 pour la<br />

France entière (métropole et outre mer). Dans le même temps la proportion des 60 ans et plus, dans<br />

la population totale, augmente : 7,1% en 1780, 16,8% en 1962, 20,6% en 2005. En 2020, les<br />

projections actuelles prévoient 17 millions de personnes de 60 ans et plus, soit 28% de la population<br />

totale. Pour autant peut-on parler de vieillissement de la population, certainement pas, cela voudrait<br />

dire qu’on accorde la même importance au fait d’avoir 60 ans en 2005 qu’en 1780 !<br />

En effet , l’utilisation du même seuil d’âge 60 ou 65 ans pour parler de personnes âgées alors que<br />

l’espérance de vie est passée, hommes et femmes confondues, de 45ans en 1900 à 80 ans aujourd’hui,<br />

n’a aucun sens. Comme le fait remarquer Patrice Bourdelais, s’interrogeant sur « l’âge de la<br />

vieillesse » 3 , serait-on vieux de plus en plus jeune alors que l’espérance de vie à la naissance a<br />

quasiment doublé depuis le début du XXème <br />

Cet auteur constate que « l’utilisation de catégories d’âge obsolètes contribue à rendre anachronique<br />

notre perception des personnes âgées de la fin du XXème siècle ».<br />

Il est donc extrêmement difficile de définir un âge d’entrée dans la vieillesse. La notion de<br />

« personne âgée » est en effet très relative. Nous sommes tous et toutes des personnes âgées de 5, 10,<br />

30, 45, 60, 80, 100 ans voire plus. Il y a, à l’évidence des gens plus âgés ou plus vieux que d’autres<br />

chronologiquement. La racine indo européenne « vet » du mot vieux veut dire étymologiquement<br />

« celui qui a un an de plus ».<br />

A partir de quel moment devient-on personne âgée « tout court » On peut proposer que la notion de<br />

personne âgée, à une époque donnée, soit relative à l’espérance de vie de cette époque. Les<br />

personnes âgées du rapport Laroque sont les personnes de plus de 65ans ce qui peut paraître cohérent<br />

avec une espérance de vie à la naissance d’environ 70 ans (67 ans pour les hommes et 73,6 ans pour<br />

les femmes). Michel Philibert, philosophe grenoblois et grand précurseur du champ de la<br />

gérontologie, proposait cette définition relative : les personnes âgées sont celles qui ont vécu plus<br />

que la moyenne de leurs contemporains et Patrice Bourdelais, précédemment cité, proposait de<br />

définir comme seuil d’entrée dans la catégorie personne âgée ou comme seuil d’entrée dans la<br />

vieillesse, cinq ans avant l’espérance de vie du moment, soit aujourd’hui environ 72 ans pour les<br />

hommes et 79 ans pour les femmes.<br />

On peut aussi proposer que l’âge de la vieillesse soit grosso modo celui auquel commencent à<br />

apparaître certaines incapacités importantes soit autour de 83-85ans.<br />

Peut-on définir la catégorie « personnes âgées » <br />

3 BOURDE<strong>LA</strong>IS P. (1993). Le nouvel âge de la vieillesse, Paris, Editions Odile Jacob.<br />

2


Pour autant qu’on se soit mis d’accord sur un seuil moyen d’âge d’entrée dans la vieillesse ou sur la<br />

définition conventionnelle d’une personne âgée, puisque la biologie ne permet pas de déterminer de<br />

façon précise un seuil biologique d’entrée dans la vieillesse, peut-on pour autant parler d’un groupe<br />

« personnes âgées » Nous ne le pensons pas. En effet, quelque soit l’âge de référence pour définir<br />

une personne âgée, la notion d’une catégorie « les personnes âgées », définie comme les plus de 60,<br />

70, 80, 85 ans n’a aucun sens. En effet, on sous entend alors que ce groupe ainsi défini aurait une<br />

certaine homogénéité sociale, or il n’y a rien de plus inexact : déjà en 1962, le rapport Laroque<br />

convenait que cette expression « les personnes âgées » recouvrait une réalité très disparate qui ne<br />

correspondait à aucune notion moyenne. De fait parmi ces personnes, il y a des hommes et des femmes<br />

ce que l’expression « asexuée » personnes âgées semble nier !, il y a des gens mariés, des gens pacsés,<br />

des concubins, des veufs, des séparés, des divorcés, donc toute la variété possible des statuts<br />

matrimoniaux. Il y a toute la diversité des catégories socio professionnelles et le fait d’être qualifié de<br />

retraité(e) ne fait pas disparaître ce qui a constitué l’essentiel d’une vie professionnelle pendant<br />

quarante ans et plus…Ce n’est pas la même chose d’être personne âgée femme, veuve, ancienne<br />

femme de ménage ou personne âgée homme, marié, ancien cadre supérieur. A ces différences de<br />

genre, de statut matrimonial, de catégorie socio professionnelles, s’ajoutent les différences de zone<br />

géographiques d’habitat, le Midi, la Bretagne ou la région parisienne, le fait d’habiter la grande ville<br />

ou un hameau isolé, le fait de loger dans un grand ensemble ou en maison individuelle. Toutes ces<br />

différences et bien d’autres font que la catégorie « personnes âgées » n’a aucune réalité ni sociale, ni<br />

sociologique.<br />

Alors comment se fait il que contre toute évidence cette catégorie « personnes âgées » soit si souvent<br />

utilisée pour stigmatiser un groupe qui poserait problème, le « problème des personnes âgées ». La<br />

réponse est relativement simple, nous l’avons évoquée au début de cet article avec le rapport Laroque.<br />

En 1962, le gouvernement qui réfléchit à une politique vieillesse en direction des personnes âgées<br />

décrète à travers ce rapport que ce groupe pose problème, tout en maniant l’ambigüité, puisque la<br />

conclusion de ce rapport Laroque sera qu’il n’y a pas de problèmes spécifiques de la vieillesse… mais<br />

qu’il s’agit plutôt d’une organisation de la société qui met de coté les personnes âgées et que cette<br />

politique vieillesse doit à la fois mettre des moyens à disposition des personnes qui vieillissent pour<br />

leur permettre de rester à domicile, mais aussi s’interroger sur le regard négatif qu’elle porte sur<br />

l’avance en âge…ce qui reste, quarante après ce rapport, toujours à faire !<br />

La vieillesse paradigme biomédical ou résultat social.<br />

La deuxième raison qui fait du groupe personnes âgées un problème est la vision médicale de la<br />

vieillesse qui s’est installée en France à partir des années soixante, notamment à travers les pionniers<br />

qui se sont intéressés à la question de la vieillesse, qui étaient essentiellement des médecins (Cuny à<br />

Nancy, Huet à Paris, Destrem à Bordeaux, Hugonot à Grenoble pour citer quelques uns de ces<br />

pionniers). Ils ont eu le mérite de prendre à bras le corps (sic) la vieillesse qui va mal, notamment la<br />

vieillesse de l’hospice, mais du coup ils ont vu le phénomène de la vieillesse uniquement à travers ce<br />

prisme de la maladie et de la relégation qui étaient, à l’époque, le triste lot de l’hospice. Cette vision<br />

médicale et déficitaire de la vieillesse va s’amplifier à partir des années 1980, avec la montée de<br />

nouvelles générations de gériatres qui vont revendiquer d’être les experts de la vieillesse réduisant<br />

celle-ci à n’être qu’un déficit biologique. C’est ce que nous avons appelé le paradigme médical de la<br />

vieillesse 4 : le mot paradigme vient du grec paradeigma qui veut dire modèle, exemple, en parlant de<br />

choses abstraites. Un paradigme est une conception théorique dominante qui a cours à une certaine<br />

époque dans une communauté scientifique. Aujourd’hui en France dire que c’est le paradigme<br />

biomédical qui s’est imposé à propos de la vieillesse signifie que les facteurs explicatifs de la<br />

vieillesse sont toujours quasi uniquement biomédicaux au détriment d’une analyse sociale de la<br />

construction de la vieillesse. Ce paradigme médical assimile la vieillesse à un état pathologique ou<br />

4 ENNUYER B. (2006). Les paradigmes de la vieillesse, Documents-CLEIRPPA, n° 22.<br />

3


pour le moins déficitaire, voire à une maladie, d’où le corollaire immédiat d’une vieillesse problème et<br />

donc d’un groupe personnes âgées qui pose problème à la société.<br />

On peut opposer légitimement à ce paradigme biomédical de l’individu vieillissant un paradigme<br />

social, c'est-à-dire un modèle d’une vieillesse résultant d’une construction essentiellement sociale et<br />

d’un parcours de vie dans une organisation sociale déterminée. Pour appuyer notre paradigme, entre<br />

autres indicateurs, l’espérance de vie profondément inégale suivant les classes sociales montre<br />

combien la vieillesse est une construction sociale avant d’être une fatalité biologique : « tout se passe<br />

comme si on devenait vieux plus tôt lorsqu’on est au bas de la hiérarchie sociale, lorsqu’on a eu un<br />

travail pénible et chichement payé » 5 . On verra lors du paragraphe sur les politiques vieillesses<br />

actuelles comment ce changement de paradigme est essentiel car si la vieillesse est avant tout un<br />

résultat social, le choix de politiques publiques corrigeant les inégalités des parcours sociaux<br />

permettent de rétablir une certaine égalité des chances pour une vieillesse qui soit un accomplissement<br />

de sa vie et non pas une relégation au ban de la société.<br />

La confusion entre retraités et personnes âgées.<br />

Une des difficultés actuelles du champ de la vieillesse, mais qui ne lui est pas spécifique, c’est<br />

d’analyser la réalité d’aujourd’hui avec les outils et le regard du passé, c’est ce que disait Patrice<br />

Bourdelais, cité plus haut. Ainsi du temps du rapport Laroque, l’âge légal de départ en retraite était de<br />

65 ans, alors qu’on a vu plus haut que l’espérance de vie moyenne à cette époque était d’environ<br />

70ans. Au nom de ce que nous disions plus haut, on pouvait à l’époque confondre les retraités et les<br />

personnes âgées, d’autant plus que la modicité des retraites de l’époque incitait certaines catégories de<br />

salariés à partir en retraite encore plus tardivement, notamment dans le monde agricole et chez les<br />

commerçants et artisans.<br />

Or aujourd’hui on continue à considérer les retraités comme des personnes âgées, alors que l’âge de<br />

départ en retraite est d’environ 58 ans en moyenne, avec une espérance de vie moyenne à la retraite de<br />

plus de vingt ans ! On voit bien là la stupidité de critères d’analyse sociale qui n’ont pas été<br />

actualisés ! La notion de retraite sur laquelle nous allons revenir, du point de vue du contrat<br />

social entre les générations, n’a plus rien à voir avec la notion de vieillesse qui d’après nous<br />

commence vingt ans plus tard.<br />

La vieillesse en France, une représentation sociale négative.<br />

Si nous résumons ce que nous venons de dire, les représentations de la vieillesse en France sont<br />

globalement négatives alors que beaucoup d’enquêtes prouvent le contraire et notamment l’enquête<br />

handicaps-incapacités-dépendance 6 (HID) des années 1998-1999.<br />

Prenons quelques exemples de ce discours négatif sur la vieillesse tenu aussi bien par les journaux<br />

grand public que par les revues spécialisées : « Les français sont nombreux mais vieux et seuls :<br />

l’Insee a présenté hier un tableau peu réjouissant du Pays » 7 , La France face au défi des personnes<br />

âgées ; La France vieillit : les personnes âgées de plus de 50 ans seront bientôt deux fois plus<br />

nombreuses que les moins de 20 ans. Si de nombreux seniors refusent de voir dans la vieillesse une<br />

forme de déchéance, l’allongement de la vie multiplie les cas de dépendance et pose un redoutable<br />

défi à la société tout entière » 8 . Dans un livre récent au titre éloquent « 2030 : le papy-crash 9 », c’est<br />

aussi le même discours négatif à grands renforts de chiffres très souvent inexacts.<br />

5 GRAND A., CLEMENT S., BOCQUET H. (2000). Personnes âgées, Inégalités sociales de santé, Paris,<br />

Editions La Découverte INSERM.<br />

6 COLIN C. (2000). Le nombre de personnes âgées dépendantes d’après l’enquête handicaps-incapacités_<br />

dépendance, Etudes et Résultats, DREES, n° 94.<br />

7 Quotidien 20 minutes du 19 janvier 2005<br />

8 Le Monde Dossiers & Documents, n°326, décembre 2003<br />

9 RUAUX J.-Y. (2005). 2030 : le papy-crash , Paris, Alvik Editions.<br />

4


Au-delà de ces considérations alarmantes que n’aurait pas désavoué Alfred Sauvy, il y a aussi les<br />

jugements portée sur la vieillesse de façon allusive, ainsi le Journal Le Monde parlant de l’Europe<br />

spatiale a ce commentaire « l’agence spatiale européenne a 30 ans, un bel âge qui a des allures de<br />

vieillesse, tant les moyens et la volonté manquent » 10 (sic !). Par contre quand on veut positiver le<br />

grand âge, il faut en permanence le dénier : « A rencontrer ce très vieux monsieur qu’est aujourd’hui<br />

Maurice Nadeau - 95 ans cette année – frappe dés l’abord sa présence sans âge (…) durant deux<br />

heures, la parole claire, la mémoire vive, il répond aux questions » 11 . Il ne fait aucun doute à la<br />

lecture de ce commentaire que la vieillesse « ordinaire » qui ne saurait être celle d’un être d’exception,<br />

donc forcément « sans âge » !, ne peut être, elle, que synonyme de parole confuse et de perte de<br />

mémoire, donc immanquablement déficitaire. Certains ont commencé à se battre contre ces<br />

représentations déficitaires et âgistes, contre le « racisme antivieux » et le « délit de sale gueule » dont<br />

ils s’estiment victimes 12 . (Voir aussi le livre de Roger Dadoun pour lequel la vieillesse est un<br />

combat 13 ).<br />

Or les chiffres donnés par les enquêtes ne renvoient pas du tout cette image négative et problématique<br />

de la population dite âgée. Ainsi l’enquête HID nous apprend que parmi les 60 ans et plus, seuls 5% de<br />

cette population est vraiment concernée par des incapacités sévères, confinement au lit ou au fauteuil,<br />

incapacité pour s’habiller et faire sa toilette et que donc par conséquent 95% des personnes de plus de<br />

60 ans n’ont pas d’incapacités majeures. Même après 80 ans la proportion des gens ayant des<br />

incapacités sévères ne dépasse pas le quart de cette population, ce qui veut dire que 75% de ces gens<br />

n’ont pas de difficultés telles qu’ils ne puissent pas mener leur vie à leur allure, qui n’est pas celle,<br />

bien sur, des quadragénaires citadins des grandes villes toujours « speedés ». Nous reviendrons sur<br />

cette évolution des styles et manières de vivre qui s’individualisent de plus en plus et qui aussi<br />

s’opposent de plus en plus, en fonction plus de l’appartenance de génération qu’à l’âge proprement dit<br />

et surtout en fonction des modes de vie antérieurs et encore une fois en fonction de l’appartenance de<br />

classe sociale et de genre.<br />

Constatons donc aujourd’hui que la vieillesse dont nous avons situé le seuil à plus de 80 ans n’est<br />

pas le naufrage tant craint par certains et tant décrit par d’autres, qui quelquefois sont les mêmes !<br />

Même la catastrophe Alzheimer prédite par certains experts n’est pas aussi évidente que semblent le<br />

dire certains chiffres qui font état de 800 000 personnes atteintes de cette maladie, alors que d’autres<br />

pensent que la moitié de ce chiffre correspond mieux à la réalité de terrain, c'est-à-dire aux gens qui<br />

ont réellement des difficultés quotidiennes importantes.<br />

Où vivent les gens quand ils vieillissent avec des difficultés de vie quotidiennes <br />

Rappelons d’abord que depuis 1997, la grille AGGIR (Autonomie Gérontologique. Groupe Iso-<br />

Ressources) est l’outil officiel de mesure de la « dépendance ». En fait cette grille mesure le niveau<br />

d’incapacité ou de capacité d’un individu sur dix items : Orientation, cohérence, toilette, habillage,<br />

alimentation, hygiène de l’élimination, transferts, déplacement à l’intérieur, déplacement à<br />

l’extérieur, communication à distance. Pour chaque item, il y a trois possibilités : Fait seul : A, fait<br />

partiellement ou non correctement : B, ne fait pas : C. A partir de ces réponses aux dix items, l’outil<br />

AGGIR calcule un score et en fonction de celui-ci lui attribue un groupe iso-ressources, c'est-à-dire<br />

censé regrouper des personnes aux profils d’incapacités différents, mais ayant besoin d’une même<br />

quantité d’heures de soins. Cet outil imposé par le pouvoir politique a fortement été contesté<br />

notamment par les experts en santé publique, car validé uniquement en établissement d’hébergement<br />

qui plus est pour une population d’ensemble, alors qu’il sert aussi, à domicile, pour l’attribution<br />

individuelle de l’allocation personnalisée d’autonomie alors qu’il n’a aucune légitimité pour le faire,<br />

10<br />

Journal Le Monde du 6 décembre 2005.<br />

11 Le Monde des livres du 24 février 2006<br />

12 L’Express du 28 février 2005.<br />

13 DADOUN R. (2005). Manifeste pour une vieillesse ardente, Paris, Zulma.<br />

5


puisque non validé, comme l’a reconnu un rapport scientifique de 2003, ce qui n’empêche pas<br />

l’APA d’être toujours attribuée, inéquitablement, avec cet outil !!<br />

Avant d’envisager ce qui pourrait se passer demain, voyons où vivent les gens qui ont de véritables<br />

difficultés de vie quotidienne puisque on peut les évaluer à environ 900 000 personnes, grosso modo<br />

tout ceux qui touchent l’APA aujourd’hui, c'est-à-dire ceux qui sont classés en Groupe isoresssources<br />

1 à 4.<br />

On peut dire que les 2/3 de ces personnes vivent à domicile, soit environ 550 000 et que 350 000 de<br />

ces personnes sont en maison de retraite ou en long séjour. La moitié environ des personnes qui sont<br />

à domicile ne sont aidées que par leur entourage familial, sans aucune aide professionnelle ; Il est à<br />

noter que sur les 500 000 personnes qui sont en hébergement, 420 000 sont en maison de retraite et<br />

80 000 vivent en long séjour , 150 000 n’ont pas d’incapacité importante, puisque classés en GIR 5<br />

et 6, ce qui montre bien que l’entrée en hébergement, contrairement aux idées reçues n’est pas liée<br />

uniquement au niveau d’incapacité des personnes. D’ailleurs actuellement les deux tiers des<br />

personnes de plus de 80 ans qui ont des incapacités importantes résident à domicile.<br />

Quelques considérations sur la politique vieillesse actuelle<br />

On peut reprendre rapidement à notre compte le constat du rapport de novembre 2005 de la cour des<br />

comptes : « l’offre de services, de prestations, de places en établissement demeure insuffisante, mal<br />

répartie sur le territoire national, et ne répond qu’imparfaitement au besoin de globalité et de<br />

continuité des prises en charge.<br />

Le système de financement d’ensemble est particulièrement hétérogène et la création de la caisse<br />

nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) ne fait qu’ajouter au système un élément de<br />

complexité.<br />

Le paysage institutionnel est lui aussi complexe et incertain. D’une part, en dépit de l’affirmation<br />

d’une décentralisation accrue, l’Etat entend garder le contrôle des financements de l’assurance<br />

maladie pour les soins tant en institution qu’à domicile. D’autre part pour ce qui le concerne, il<br />

maintient deux autorités de tutelle distinctes sur le secteur sanitaire (ARH) et médico-social (Préfet).<br />

En fait il n’y a pas eu de choix explicite entre différentes logiques : une logique sanitaire regroupant<br />

sous un pilotage analogue à celui des ARH les moyens des services de l’Etat et des caisses, une<br />

logique fondée sur la proximité avec pleine compétence des collectivités décentralisées pour la<br />

détermination des politiques, des ressources et des modalités de gestion.<br />

L’organisation administrative et financière du système n’est pas ainsi en mesure de répondre aux<br />

aspirations premières des personne, qui sont la rapidité de la décision et l’efficacité des aides » 14<br />

Ce constat peut paraître sévère mais il nous parait justifié d’après ce que, en tant qu’acteur de terrain,<br />

nous voyons se passer quotidiennement sur le terrain, c'est-à-dire globalement un manque de moyens<br />

d’aide pour les personnes en difficulté et aussi une certaine condescendance des politiques publiques<br />

qui ne sortent pas de l’ « assistance aux indigents », alors que les personnes demandent qu’on leur<br />

reconnaisse le droit au choix de leur mode de vie, thème récurrent du discours politique toujours<br />

aussi peu réel pour les gens qui n’ont pas assez de moyens personnels.<br />

Prenons comme simple illustration de ce que nous venons de dire la mise en place en 2002 de<br />

l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Présentée comme le moyen du libre choix de leur<br />

mode de vie pour les personnes en incapacité, le montant de cette allocation attribuée aussi bien à<br />

domicile qu’en hébergement est nettement insuffisant pour permettre ce choix : 880 euros maximum<br />

par mois, dans les faits, pour une personne classée en GIR 1, soit suivant le mode d’aide choisi :<br />

service prestataire ou mandataire, 1h 45 minutes ou 2h 30 minutes au maximum, pour une personne<br />

qui ne peut accomplir seule aucun des actes de la vie quotidienne.<br />

14 Cour des comptes (2005). Les personnes âgées dépendantes, Paris, Editions des journaux officiels.<br />

6


Le résultat est clairement le suivant : alors que depuis 1960, tous les gouvernements ont prôné le<br />

maintien à domicile comme priorité de leurs politiques vieillesses, dans les faits, seules aujourd’hui<br />

peuvent rester à domicile quand elles ont des incapacités relativement importantes, soit les personnes<br />

qui ont de l’argent et qui sont capables de mobiliser en moyenne 1500 euros par mois, soit les<br />

personnes dont le réseau familial, au sens large, conjoint et enfant, peut pallier à l’absence d’aide<br />

professionnelle que les personnes âgées ne peuvent se payer faute d’aides financières publiques ou<br />

de ressources personnelles. De fait un nombre important des gens qui recourent à l’hébergement, on<br />

peut dire sans doute les _ aujourd’hui, y recourent contre leur gré, faute de pouvoir rester chez eux<br />

dans des conditions de sécurité et d’aide acceptables. La canicule et la création de la CNSA (Caisse<br />

Nationale de Solidarité pour l’Autonomie) n’ont pas changé fondamentalement cette politique qui<br />

continue à être principalement du discours plutôt que de réels moyens de financement permettant<br />

aux gens d’exercer vraiment ce droit à choisir leurs modes de vie 15 .<br />

Ainsi l’annonce par le ministre des personnes âgées en Juillet 2006 ne déroge pas à cette règle : Dans<br />

un « plan solidarité-grand âge » 16 , on y réaffirme que la France doit avoir une politique ambitieuse<br />

de la longévité (sic) et on reprend l’antienne « donner le libre choix du domicile, inventer la maison<br />

de retraite de demain, adapter l’hôpital aux personnes âgées, assurer pour l’avenir le financement<br />

solidaire de la dépendance, insuffler une nouvelle dynamique à la recherche et à la prévention ». On<br />

peut dire qu’on a là le discours classique que tous les gouvernements de droite et de gauche ont tenu<br />

depuis 30 ans et qui ont amené le constat, rappelé ci-dessus, de la cour des comptes…<br />

Quels sont les enjeux pour les années à venir <br />

On nous rebat les oreilles avec le vieillissement démographique et l’augmentation de la population<br />

âgée de même qu’avec le conflit probable des générations. Cela me paraît le type même de faux<br />

problème de dire que les baby boomers s’accrochent à leur boulot et à leurs privilèges comme si de<br />

tout temps il n’y avait pas eu des gens qui s’accrochaient à leur pouvoir aussi longtemps qu’ils le<br />

pouvaient quand ils étaient chefs de grosses entreprises(s’ils n’étaient plus directeur, ils étaient au<br />

conseil d’administration…où ils continuaient à infléchir les choix de l’entreprise), quant au monde<br />

politique c’est un euphémisme de dire qu’il a toujours été aux mains des gérontes et cela depuis la<br />

Grèce et l’antiquité romaine (lire les grecs et la vieillesse 17 ). Il me semble que cette montée en<br />

épingle d’un possible affrontement des générations est une manipulation pour détourner l’attention<br />

des véritables enjeux de demain. Il faut dire, en premier lieu, comme pour le fameux groupe<br />

personnes âgées qu’il n’y a pas d’homogénéité sociale dans les générations et qu’il est faux de<br />

présenter les seniors comme des nantis et les générations plus jeunes comme spoliées par ces<br />

seniors 18 . Si certaines personnes plus jeunes sont effectivement en difficulté, tout comme certaines<br />

personnes plus âgées, elles le doivent, si on peut dire, aux modifications des modes de vie et à la<br />

mondialisation ou en tout cas aux interactions de plus en plus fortes qui s’exercent sur les habitants<br />

de cette planète devenus hyper dépendants les uns des autres, notamment sous l’effet de la logique<br />

du marché et de la communication 19 . Le véritable enjeu est plutôt de savoir comment nous allons et<br />

surtout comment nous voulons vivre dans vingt ans, il est globalement écologique : quels modes de<br />

15 ENNUYER B. (2006). Repenser le maintien à domicile, Paris, Dunod.<br />

16 Plan solidarité-Grand âge présenté par Philippe BAS, Ministre à la Sécurité Sociale, aux personnes âgées, aux<br />

personnes handicapées et à la famille le 27 juin 2006.<br />

17 CATRYSSE A. (2002). Les grecs et la vieillesse, Paris, L’Harmattan.<br />

18 ARTUS P., VIRARD M.P. (2006). Comment nous avons ruiné nos enfants, Paris, La Découverte.<br />

19 COHEN D. (2006). Trois leçons sur la société post industrielle, « la République des idées », Paris, Editions du<br />

Seuil.<br />

7


vie sur quelle planète Cela touche particulièrement la question de la retraite et celle des dépenses<br />

de santé.<br />

Les enjeux par rapport aux dépenses de santé et de retraite.<br />

Retraite et retraités : la renégociation du contrat social<br />

Nous l’avons déjà dit et nous le répétons, la question de la vieillesse et du vieillissement doit être<br />

complètement dissociée de celle de la retraite dans un premier temps. La retraite pose<br />

essentiellement la question du contrat social entre les générations dans le système de retraite français<br />

actuel qui fonctionne majoritairement suivant le mécanisme de répartition. Cela veut dire que ce<br />

sont les actifs du moment, qui par leurs cotisations sociales alimentent les retraites qui sont versées<br />

aux retraités du moment. Ce système suppose plusieurs conditions dont la première essentielle est<br />

l’acceptation tacite ou formalisée de ce contrat entre les générations qui est à la base du système de<br />

répartition depuis 1945 et la naissance de la Sécurité sociale. Dans les années 1950, ce système était<br />

relativement simple du fait des nombreux actifs et du faible nombre de retraités (l’âge légal de la<br />

retraite était alors de 65 ans !). Le ratio de dépendance retraités/ cotisants était de 1 retraité pour 3 à<br />

4 actifs. Depuis ces années au moins trois facteurs ont joué dans le même sens pour compliquer la<br />

situation. D’abord une augmentation des retraités (13,4 millions au 1 er juillet 2000 20 ), qui s’explique<br />

à la fois par l’augmentation de l’espérance de vie et … surtout par l’abaissement de l’âge de la<br />

retraite, puisque depuis 1983 l’âge de la retraite a été ramené à 60 ans. Ensuite une augmentation<br />

importante de la durée de vie en retraite de ces mêmes retraités, toujours à cause de l’augmentation<br />

de l’espérance de vie. Donc du coté des retraités beaucoup plus de gens qui vivent plus longtemps<br />

donc une augmentation massive de la part des retraites dans le PIB, estimée aujourd’hui à environ<br />

12% du PIB, soit environ 200 milliards d’euros. De l’autre coté, celui des cotisants, le chômage qui a<br />

commencé dans les années 1975, a diminué le nombre de cotisants d’environ 2 à 3 millions de<br />

personnes, sachant qu’il y a environ 24,7 21 millions de cotisants aujourd’hui. A l’évidence le rapport<br />

de charge des retraités par rapport aux actifs s’est dégradé donnant aujourd’hui environ un retraité<br />

pour deux cotisants , sachant que ce rapport de charge est très différent suivant les régimes de<br />

retraite, le régime général ne va pas trop mal là où les régimes artisans et commerçants sont<br />

déficitaires, avec plus de retraités que de cotisants.<br />

Le résultat est que les gouvernements successifs ont du prendre des mesures pour que ce système de<br />

répartition puisse rester viable en fonction des évolutions démographiques et surtout sociales :<br />

augmentation des durées de cotisation pour toucher une retraite à taux plein, prise en compte des 25<br />

meilleurs années de salaire au lieu de dix ans précédemment, ces mesures ont eu pour effet de limiter<br />

les montants de retraite, et dernièrement alignement des durées de cotisation nécessaires pour les<br />

fonctionnaires sur celles du régime général à partir de 2008.<br />

Il n’en reste pas moins que la pérennité du système de répartition se pose toujours à moyen terme et<br />

que pour nous il se pose en termes de contrat social entre les générations 22 . En effet la survie de la<br />

répartition suppose un équilibre entre les retraités et les cotisants de demain. Les paramètres sur<br />

lesquels on peut négocier entre les générations sont les durées d’assurance, 40 ans aujourd’hui dans<br />

le régime général, mais pourquoi pas 45 ans dans 15 ans dans la mesure où l’espérance de vie<br />

continue à croître (un an tous les quatre ans), donc aussi la durée de vie en retraite. La condition est<br />

que l’espérance de vie continue à croître, phénomène sur lequel les experts sont divisés. Deuxième<br />

paramètre, le montant des retraites : si on veut qu’il reste inchangé sans toucher au nombre de<br />

retraités en augmentation il faut augmenter les cotisations donc les prélèvements sur les actifs…là<br />

aussi les actifs l’accepteront ils, dans l’incertitude où eux-mêmes seront par rapport à leur propre<br />

retraite C’est encore une question de contrat social et d’équité en direction des générations les plus<br />

20 DELOFFRE A. (2005).Les retraites en 2004, Etudes et résultats, DREES, n° 454.<br />

21 INSEE (2006). Données sociales. La société française, Paris, INSEE.<br />

22 PALIER B. (2003). La réforme des retraites, travailler plus Que sais-je n° 3667, Paris, PUF.<br />

8


jeunes. Autre paramètre très sensible, mais sans aucun doute à mettre en œuvre, reculer l’âge de<br />

départ en retraite ce qui est le corollaire de l’augmentation des durées de cotisations. Dans les années<br />

60, quand la répartition a pris son essor la durée moyenne de vie en retraite était de moins de dix ans,<br />

elle est aujourd’hui, en moyenne, de 21 ans pour les hommes et de 26 ans pour les femmes….Peut<br />

on envisager pour dans 15 à 20 ans un recul de prise de retraite à 67 ou 68 ans comme l’ont décidé<br />

déjà la plupart des pays européens (pays scandinaves, Allemagne, Angleterre, Pays bas, etc.)<br />

Mais là aussi c’est une affaire de contrat social et de marché du travail, y aura-t-il du travail pour<br />

tous ces gens qui devront continuer à travailler 23 On a vu que le chômage pesait lourdement<br />

aujourd’hui sur le déficit des régimes de retraite par perte de cotisations sociales de ceux qui ne<br />

cotisent pas parce qu’ils n’ont pas de travail.<br />

Dernière éventualité et non la moindre, compléter le système de répartition par de la capitalisation,<br />

voire pour certains, substituer carrément la capitalisation à la répartition. On sait que c’est la position<br />

des adeptes des fonds de pension qui sont investis dans les entreprises en espérant que l’activité de<br />

celles-ci rapporte des dividendes suffisants comme revenus de retraite. Quelques scandales<br />

retentissants ont montré la fragilité d’un tel système et son influence sur l’économie qui amène les<br />

entreprises à rechercher à tout prix la rentabilité immédiate maximum au prix de délocalisations et<br />

d’exploitation accrue des salariés. Toujours en termes de contrat social certains ont pu dire que les<br />

licenciements dans certaines entreprises et certaines délocalisations sauvages étaient dues aux<br />

retraités, notamment américains, et à leur volonté de toucher des rentes maxima par rapport aux<br />

fonds qu’ils ont investis dans ces entreprises !<br />

On voit bien que les questions autour de la retraite ne sont pas simples et qu’elles dépassent de loin<br />

le débat technique confisqué par les experts, pour concerner toute les générations autour de la<br />

renégociation sociale. N’oublions pas là aussi dans ces questions de retraite, toute l’inégalité entre<br />

les genres (retraite des femmes moitié moindre que celles des hommes actuellement) et les classes<br />

sociales. Ce sont les salariés du bas de l’échelle sociale qui vont toucher les pensions les plus faibles<br />

et ce pendant le moins de temps, vu l’espérance de vie différentielle en fonction des métiers<br />

exercés ! De fait dans le système actuel ce sont les ouvriers et employés et les salariés agricoles qui,<br />

en quelque sorte, payent les retraites de leurs « patrons », cadres moyens et supérieurs !<br />

Il faut rappeler aussi que si le financement des retraites ne va pas de soi, on ne peut pour autant<br />

parler uniquement du « poids » des retraites dans l’économie française sans voir que ce flux<br />

monétaire est remis en circulation sous forme d’achats de biens ou de services, d’épargne donc<br />

d’investissement ou bien encore de dons en direction des enfants et petits enfants qui permettent de<br />

soutenir le pouvoir d’achat de ces générations et ont dans de nombreuses situations amorti les effets<br />

du chômage, dans la mesure ou les pensions de retraite sont des rentrées sûres qui tombent à<br />

échéances régulières.<br />

Vieillissement et santé : le vieillissement de la population va-t-il submerger le système de<br />

santé Les vieux, boucs émissaires des dépenses de santé <br />

« La question de l’impact du vieillissement de la population sur le coût des soins fait l’objet<br />

d’opinions contrastées. Selon certains, les évolutions démographiques des prochaines années seront<br />

insupportables pour les finances publiques et mettront inévitablement à mal le système d’assurance<br />

maladie. Pour d’autres au contraire, le vieillissement n’aura qu’un impact limité et très supportable<br />

sur les dépenses de santé. Ce second point de vue est défendu par une bonne part de la communauté<br />

scientifique, tandis que les acteurs du système de santé et les media ont des anticipations plus<br />

sombres » 24 .<br />

23 GUILLEMARD A.-M. (2003). L’âge de l’emploi. Les sociétés à l’épreuve du temps, Paris, Armand Colin.<br />

24 POLTON D., SERMET C. (2006). Le vieillissement de la population va-t-il submerger le système de santé,<br />

B.E.H. « la santé des personnes âgées », n°5-6.<br />

9


Pour un des meilleurs experts de santé publique sur la question du vieillissement, Alain Colvez, nous<br />

sommes dans ce qu’il appelle la transition épidémiologique, c'est-à-dire un changement des<br />

maladies. On passe de plus en plus des maladies aigues aux maladies chroniques et aux états<br />

invalidants. La difficulté à laquelle le système de santé se trouve confronté est beaucoup plus cette<br />

transition épidémiologique que le vieillissement démographique de la population. La France, selon<br />

Alain Colvez, n’a pas encore pris véritablement en compte ces états chroniques invalidants ou<br />

handicapants. Selon lui, notre système de soins aborde les maladies chroniques avec des outils, tant<br />

sur le plan intellectuel que sur le plan financier, prévus pour les maladies aigues. Ni le paiement à<br />

l’acte, ni la haute technologie de l’hôpital ne sont adéquats à la prise en charge et à la prise en<br />

compte des états chroniques invalidants. Ceux-ci supposent une nouvelle articulation du social et du<br />

sanitaire, pour faire émerger une logique médico-sociale qui soit non pas une juxtaposition plus ou<br />

moins heureuse du sanitaire et du social, mais une véritable logique d’intégration du sanitaire et du<br />

social, ce qui est tout à fait différent. Cela suppose entre autres une véritable évaluation globale des<br />

situations invalidantes et handicapantes multi dimensionnelle, prenant en compte aussi bien les<br />

incapacités fonctionnelles que l’environnement physique, l’habitat et l’urbanisme et que<br />

l’environnement social, réseau familial, politiques publiques d’aide, etc.<br />

La question de la prise en compte de la santé dans le phénomène de vieillissement oblige donc à<br />

dépasser la simple notion de maladie et la réponse classique en termes de médicaments au profit<br />

d’une véritable approche médico-sociale.<br />

En ce qui concerne la question des dépenses de santé, pour le BEH, que nous citons longuement,<br />

l’augmentation des personnes de plus de 65 ans dans la population n’a qu’un effet modéré sur<br />

l’évolution des dépenses de santé contrairement à une opinion couramment répandue. Cette<br />

croissance serait de l’ordre de 1,5 point de PIB en 20 ans sur des dépenses qui représentent environ<br />

10,6 points de PIB en 2005. Pour mémoire la consommation de soins et de biens médicaux a<br />

augmenté de 2 points de PIB sur la période 1980-2000.<br />

A priori, l’accroissement de la consommation médicale au fil des générations n’est pas lié à une<br />

dégradation de l’état de santé des personnes âgées, au contraire celui-ci s’est amélioré au cours du<br />

temps. L’évolution de la morbidité aurait, toutes choses égales par ailleurs, un effet favorable sur les<br />

dépenses. La déformation du profil des dépenses par âge est donc entièrement attribuable à<br />

l’évolution des pratiques de soins à état de santé donné : « La revue des recherches sur les<br />

conséquences du vieillissement sur les dépenses de santé permet de dégager les conclusions<br />

suivantes : l’accroissement très rapide des consommations médicales des personnes âgées ne relève<br />

donc pas d’une fatalité démographique ou épidémiologique, mais bien d’une intensification du<br />

recours aux soins sous l’effet conjoint d’une offre et d’une demande croissantes (…) si la croissance<br />

provient de l’évolution des pratiques de soins et de l’intensification des traitements, alors on peut se<br />

poser la question des choix : quels progrès techniques accepter de financer collectivement pour<br />

quels résultats Quelle est l’utilité des soins fournis »<br />

Comme le dit Alain Colvez, le plus grand risque de dépenses ne réside pas dans les tendances<br />

démographiques ou d’état de santé, mais bien dans les technologies médicales, surtout lorsqu’elles<br />

sont inappropriées aux questions posées. Comme conclut l’article du BEH, « il faut éviter de mettre<br />

sur le dos du vieillissement des questions de choix publics qui traversent l’ensemble du système de<br />

santé, si l’on veut contribuer à clarifier le débat sur ces questions ».<br />

Les perspectives démographiques.<br />

Ce sont les seules à peu prés connues, à moyen terme en fonction de l’espérance de vie (statistiques<br />

du Plan, de la DREES et de l’Insee), et elles ne sont pas alarmantes.<br />

En matière de démographie les générations qui vont vieillir sont déjà nées, donc de ce coté là il n’y a<br />

pas d’inconnue. Par contre, ce qui peut bouger dans les vingt années à venir, c’est d’une part<br />

10


l’espérance de vie 25 et surtout l’espérance de vie sans incapacités. Aujourd’hui les experts<br />

projettent que l’espérance de vie va continuer sur sa lancée, c’est à dire un gain d’un trimestre tous<br />

les ans. Mais personne ne peut savoir si des épisodes imprévus, épidémies, canicules, terrorisme,<br />

résistance de nouveaux virus aux antibiotiques, ne vont pas arrêter cette progression mathématique<br />

de l’espérance de vie. Quant à l’espérance de vie sans incapacités qui correspond à l’âge auquel, en<br />

moyenne, les individus vont arriver sans incapacités majeures, depuis qu’elle existe c'est-à-dire le<br />

début des années 80, elle a augmenté parallèlement à l’espérance de vie 26 , ce qui veut dire que<br />

malgré l’augmentation importante de l’espérance de vie, environ cinq ans depuis 1980, la durée de<br />

vie en incapacité n’a pas augmenté en valeur absolue.<br />

C’est ce scénario qui est retenu actuellement comme le plus probable, ce qui donne pour 2040,<br />

environ 1,2 million de personnes en incapacité, dites « dépendantes » contre 800 000 aujourd’hui,<br />

soit en valeur absolue une augmentation de 50% , mais une diminution relative très importante<br />

puisque la population de référence, les 80 ans et plus sera multipliée par 3. Contrairement aux idées<br />

reçues, il n’y a donc pas de pandémie de l’incapacité, à l’horizon 2040, pour autant que cela ait un<br />

sens de vouloir se projeter aussi loin, sur le plan démographique dans l’incertitude absolue qui<br />

gouverne les conditions sociales, économiques, climatiques, etc. , dans lesquelles nous vivrons à<br />

cette époque là !<br />

Ces estimations sont importantes car elles permettent éventuellement d’anticiper les politiques<br />

vieillesses nécessaires pour permettre aux personnes vieillissant avec des incapacités de pouvoir être<br />

aidées chez elles ou en hébergement.<br />

La vieillesse de demain est à construire, par nous tous jeunes et vieux<br />

En effet, les perspectives économiques et financières autour du vieillissement sont largement<br />

dépendantes de l’évolution des modes de vie : toujours plus d’individualité pour chacun c'est-à-dire<br />

la loi du plus fort ou bien retour à une certaine vision collective de la société notamment par rapport<br />

à l’écologie au sens très large dont le vieillissement et la vieillesse font indéniablement partie. En<br />

clair, ce qui est à peu prés acquis actuellement c’est que les gens vont continuer à prendre de l’âge,<br />

on peut appeler cela vieillir mais globalement bien. La question est donc : comment la société dans<br />

ses formes d’organisation va-t-elle s’adapter à ce changement largement prévu et donc anticipable,<br />

pour peu qu’on veuille bien le prendre en compte <br />

Car le fait est là et c’est actuellement le plus important et le plus dangereux. La vieillesse<br />

d’aujourd’hui, la société française comme d’autres ne veut rien en savoir en profondeur.<br />

Elle préfère garder ses stéréotypes d’une vision calamiteuse de la vieillesse qui semble finalement la<br />

rassurer plutôt que d’aller voir de plus prés ce que c’est que de vieillir (acquisitions et pertes).<br />

Le vieillissement et la vieillesse de demain sont des constructions sociales d’aujourd’hui, sur<br />

lesquelles nous avons prise beaucoup plus que nous le croyons, si nous voulons nous en donner la<br />

peine collectivement, c’est donc une question fondamentale d’éthique de la vie en société que pose<br />

la question de la vieillesse. Plutôt que de se lamenter comme le font certains économistes,<br />

s’autorisant de leur légitimité d’économiste pour prédire l’avenir (voir Patrick Artus, déjà cité) le<br />

plus sombre possible, réfléchissons sur la façon dont nous pouvons collectivement rendre ce<br />

vieillissement favorable aux évolutions sociales plutôt que d’en faire le bouc émissaire des<br />

difficultés dans lesquels il n’a ni plus ni moins de responsabilité que plein d’autres facteurs.<br />

25 VERON J. (2005). L’espérance de vivre, âges, générations et sociétés, Paris, Editions du Seuil.<br />

26 CAMBOIS E., C<strong>LA</strong>VEL A., ROBINE J.-M. (2006). L’espérance de vie sans incapacité continue de croître,<br />

Dossiers Solidarité et Santé, n°2, avril-juin.<br />

11


Nous allons reprendre ici la thèse de l’historien américain Troyanski 27 qui dit que vers 1750 -1800<br />

quand la population française a commencé à vieillir du fait de la baisse de la mortalité infantile, c’est<br />

la société dans son organisation qui n’a pas su s’adapter à ce changement. D’ailleurs c’est la<br />

question fondamentale que reposait le rapport Laroque en 1962, question à la quelle il n’a toujours<br />

pas été répondu « quelle place peuvent et doivent avoir les personnes âgées dans une société ». C’est<br />

la même question que nous reposons aujourd’hui avec comme corollaire la question de savoir quand<br />

est on une « personne âgée » dans une société donnée Dans la société du tennis professionnel<br />

Agassi (36 ans) est une « personne âgée », parce que, comme nous l’avons vu plus haut, plus âgé que<br />

la moyenne des hommes tennismen professionnels. La vieillesse et le vieillissement sont donc des<br />

faits relatifs qui ne peuvent être érigés en règle absolue, par contre ce qui pourrait nous guider dans<br />

notre réflexion éthique est cette phrase de Simone de Beauvoir : « que devrait être une société pour<br />

que dans sa vieillesse un homme demeure un homme La réponse est simple : il faudrait qu’il ait<br />

toujours été traité en homme » 28<br />

Il nous faut donc essentiellement changer de regard sur le vieillissement et la vieillesse et<br />

essayer de modifier nos représentations sociales, comme, par exemple, cela a été fait dans le cadre<br />

d’un groupe de travail mis en place par la mairie de paris 29 depuis la canicule de l’été 2003.<br />

A Paris, le 13 septembre 2006.<br />

Bernard Ennuyer.<br />

Directeur d’un service d’aide à domicile, docteur en sociologie.<br />

27 TROYANSKI D.G. (1992). Miroirs de la vieillesse… en France au siècle des lumières, Paris, Editions Eshel.<br />

28 BEAUVOIR (de) S. (1970). La vieillesse, Paris, Gallimard.<br />

29 Changer le regard sur le vieillissement, une approche parisienne, Mairie de paris, juin 2006.<br />

12


Groupe des élus Verts<br />

au conseil communautaire du Grand Lyon<br />

Une société pour tous les âges : la question du vieillissement<br />

Comment peut-on faire pour que les personnes qui prennent de l’âge vieillissent bien Les<br />

personnes de culture orientale et africaine sont souvent choquées de voir comment les<br />

personnes âgées sont isolées du reste de la collectivité au sein de notre société. L’épisode de la<br />

canicule de 2003 a fait apparaître un délitement dans le lien intergénérationnel que les<br />

solidarités familiales seules ne sauraient retisser.<br />

Notre société a intérêt à puiser dans le réservoir de bonne volonté, de disponibilité, et<br />

d’expérience que représentent ses aînés. Car sortir de la vie active ne signifie pas perdre toute<br />

capacité à aider les autres et être dépassé dans tous les domaines de l’expérience humaine.<br />

Les nouveaux retraités expérimentent une situation d’activité librement consentie dans des<br />

occupations de loisir mais aussi d’utilité sociale, apportant tout leur capital d’expérience à des<br />

tranches de population moins favorisées.<br />

Même s’il a lieu dans de meilleures conditions qu’autrefois, le vieillissement doit pouvoir se<br />

produire dans le respect de la dignité des personnes. Sa prise en charge doit prendre en<br />

compte la responsabilité de l’individu mais aussi celle de la société, car tous ne sont pas égaux<br />

devant le vieillissement qui pose la question de la solidarité.<br />

En préalable, il s’agit de poser la question des financements des politiques du vieillissement. La<br />

Cour des Comptes, dans son rapport de novembre 2005, pointe l’absence de lisibilité des<br />

circuits de financements. En choisissant de ne pas créer un cinquième risque sécurité sociale, le<br />

financement de la dépendance repose sur un ensemble diversifié de dispositifs faisant appel à<br />

de multiples financeurs (départements, assurance maladie, assurance vieillesse). La Cour des<br />

Comptes évalue à 15 milliards d’euros par an en 2003 la dépense en faveur des personnes<br />

âgées dépendantes, soit un peu plus de 1% du PIB. Seule une partie de cette somme (4Md€)<br />

est consacrée à la dépendance. Elle est insuffisante. En outre, les aides ne sont pas versées en<br />

priorité aux personnes les plus démunies. Ainsi, la réduction d’impôt au titre de l’emploi d’un<br />

salarié à domicile bénéficie aux personnes imposables et son montant croît avec les revenus. La<br />

création d’un cinquième risque, c’est-à-dire de créer une nouvelle branche de la sécurité sociale<br />

avec un nouveau financement afin de dégager les moyens nécessaires à la prise en compte de<br />

la dépendance et du soin de longue durée.<br />

Une politique verte des personnes âgées doit comprendre trois volets.<br />

I) Rendre aux personnes âgées leur place dans la société contemporaine : renforcer la<br />

citoyenneté.<br />

• Organiser un grand débat national sur les représentations du vieillissement et le contrat<br />

social entre les générations, pour débusquer les préjugés et les stéréotypes qui empêchent<br />

d’appréhender le vieillissement sous tous ses aspects ainsi qu’une meilleure prise en<br />

compte.<br />

Hôtel de Communauté – 20 rue du Lac – BP 3103 - 69399 Lyon cedex 03<br />

Tel. : 04-26-99-38-89 – Fax : 04-26-99-39-56<br />

groupeverts@grandlyon.org – http://www.lesvertslyon.org


• Favoriser les initiatives locales intergénérationnelles pour répondre aux besoins des<br />

personnes âgées comme des jeunes. Exemple : cafés intergénérationnels, conférences,<br />

débats,<br />

• Créer dans un maximum de communes des conseils des aînés (conseils des sages) et des<br />

conseils tous âges pour développer l’implication des aînés dans la vie de la cité, pour<br />

valoriser leur temps libre, leur recul sur l’histoire locale, et leur expérience.<br />

• Valoriser l’activité d’utilité collective ou sociale des personnes âgées, par exemple des<br />

tutorats dont pourraient bénéficier des jeunes en formation initiales ou des chômeurs en<br />

formation continue, par exemple des ateliers de petite réparation et de techniques<br />

conviviales par des dispositifs de bonification ou d’exonérations fiscales. De même,<br />

développer les outils associatifs existants de type carrefours du bénévolat pour répertorier<br />

les compétences disponibles et permettre aux personnes âgées de continuer à les exercer.<br />

• Développer le logement des étudiants chez des personnes âgées en impliquant le CROUS,<br />

les bailleurs sociaux, et les services personnes âgées municipaux dans un dispositif de<br />

pilotage.<br />

II) Permettre aux personnes qui prennent de l’âge de vieillir dans de bonnes conditions :<br />

Développer en quantité comme en qualité une offre de logement adaptée aux besoins.<br />

• Faire le bilan des initiatives françaises et étrangères dans le domaine de l’habitat innovant<br />

(domiciles partagés, cantous, babayagas, domiciles collectifs comme à Toulouse ou à Dijon)<br />

de façon à connaître les bonnes pratiques et à permettre leur diffusion.<br />

• En mobilisant les financements disponibles et en impliquant les bailleurs, adapter l’habitat au<br />

vieillissement par des aménagements intérieurs et extérieurs, (cf. à Toulouse les<br />

appartements domotisés), afin de prolonger le maintien au domicile et le « faire tenir».<br />

• Améliorer le confort estival des logements par des dispositifs adaptés, passifs (stores, volets,<br />

auvents, murs végétaux) ou actifs (salles fraîches dans les bâtiments collectifs).<br />

• Développer une offre d’hébergement mixte de transition entre le domicile et la maison de<br />

retraite pour casser la ghettoïsation des personnes âgées : immeubles intergénérationnels,<br />

domiciles collectifs à taille humaine bien insérés dans le tissu urbain, opérations mélangées<br />

accession/HLM/appartements pour aînés, appartements à services partagés ou protégés.<br />

Veiller à ce que les normes en vigueur dans le secteur médicosocial ne compliquent pas trop<br />

ces opérations mixtes qui représentent au niveau local un vrai besoin.<br />

• Favoriser l’implication des bailleurs sociaux et des opérateurs de la construction dans la<br />

réalisation de cette offre.<br />

Développer un secteur de services à la personne performant et humain en travaillant à la<br />

souplesse et à la lisibilité du système.<br />

Dans une optique de maintien à domicile souhaité par 95% d’entre elles, les personnes<br />

vieillissantes et leurs proches ont besoin d’une aide de la société. Le secteur de l’aide à domicile<br />

doit pouvoir se développer fortement et pouvoir s’adapter à la diversité des besoins, car<br />

l’augmentation de l’espérance de vie et le meilleur état de santé des aînés ont pour corollaire<br />

l’augmentation de la demande, en volume comme en flexibilité des services.<br />

• Décloisonner les financements et permettre leur mutualisation, afin par exemple que l’APA<br />

puisse aussi constituer une aide à la structure et bénéficier au financement des projets<br />

collectifs et contribuer à la viabilité économique des petites unités de vie.<br />

2


• Donner les moyens aux acteurs de s’organiser en réseau et en pôles pour permettre<br />

d’assurer de façon globale et continue le suivi des aspects médicaux, sociaux, et pratiques<br />

de la vie des personnes aidées. Clarifier et développer les missions des CLIC.<br />

• Conforter le rôle de chef de file du département en matière d’aide aux personnes âgées<br />

dépendantes en lui donnant la maîtrise de l’ensemble des financements, y compris en<br />

matière sanitaire. Limiter la hausse de la fiscalité par un système de dotations de<br />

compensation pour les départements concentrant le plus de personnes dépendantes.<br />

• Créer pour les personnes âgées fragiles, dont la prise en charge hospitalière est susceptible<br />

d’aggraver l’état, un circuit spécifique des urgences gériatriques, avec des personnels formé<br />

à l’accueil de ce public, des zones d’attente sécurisées, et des urgentistes gériatriques.<br />

• Généraliser les dispositifs d’aide aux aidants familiaux par la création de lieux ressources et<br />

de modules de formation à destination des proches des personnes dépendantes (conférence<br />

de la famille).<br />

• Grâce à la mise en réseau, assurer la couverture des plages horaires difficiles (vacances et<br />

week-ends) et la prise en charge des temps de transition (retour d’hospitalisation). Renforcer<br />

à des fins préventives le suivi des personnes sorties d’hospitalisation de retour à domicile.<br />

• Offrir des places d’accueil de jour en établissement pour les personnes atteintes de maladies<br />

neurodégénératives, ainsi que des places d’hébergement temporaire pour les personnes en<br />

retour d’hospitalisation ou pour assurer des temps de répit pour les aidants.<br />

• Mettre en place des parcours professionnels et des rémunérations plus attractives pour les<br />

professionnels de l’aide à domicile. Favoriser l’emploi à temps plein, et permettre en cas de<br />

temps partiel subi le cumul des salaires avec les allocations chômage et le RMI. Donner les<br />

moyens aux opérateurs associatifs de professionnaliser et de fidéliser leurs salariés en leur<br />

proposant un plan de carrière.<br />

• Organiser des campagnes d’information sur les métiers de l’aide et de l’accueil à domicile<br />

(accueil familial) de personnes âgées par l’organisation de forums de recrutement et de<br />

campagnes d’information.<br />

• Développer l’accueil par des familles agréées par le Conseil Général, très peu pratiqué dans<br />

le Rhône comme en France. Faire connaître cette possibilité, notamment pour des<br />

prestations d’accueil temporaire (par exemple au sortir de l’hôpital).<br />

• Adapter les foyers logements et humaniser les foyers de travailleurs émigrés en généralisant<br />

les conventions tripartites entre l’Etat et les départements pour permettre une démarche<br />

qualité et la médicalisation progressive des lits (transformation en EPHAD).<br />

• Réfléchir sur le problème des immigrants dans les foyers de travailleurs, problème non suivi<br />

par les politiques actuelles.<br />

• Développer des passerelles entre les différents services d’accueil et d’aide à domicile, pour<br />

le fonctionnement comme pour la formation.<br />

• Dans la gestion des dispositifs de service, favoriser, dans une logique mutualiste, la<br />

participation des usagers à la définition et à l’évaluation des offres de service.<br />

III)<br />

Préserver la dignité des personnes : prévenir l’esseulement, casser l’isolement<br />

• Généraliser les dispositifs de suivi préventifs pour éviter que la conjugaison d’une<br />

dépendance légère et d’une situation d’isolement créent une vulnérabilité équivalente à celle<br />

d’une dépendance lourde.<br />

• Prévenir fermement les cas de maltraitance.<br />

• Développer à l’échelle nationale et locale des systèmes de connaissance fine de la<br />

population vieillissante (observatoires, études scientifiques, publications), et les utiliser à la<br />

fois pour anticiper les besoins et pour faire connaître la réalité de cette tranche d’âge au<br />

reste de la société.<br />

3


• Améliorer l’information des personnes âgées et de leurs proches sur leurs droits, les<br />

services et aides existants, en créant des Maisons des aînés, comme celle qui sera<br />

inaugurée à Villeurbanne en 2007. Permettre le suivi des dossiers d’aide au moyen d’un<br />

numéro unique comme pour les demandes de logement social et la mobilisation simultanée<br />

par ce biais des différentes aides auxquelles la personne est éligible.<br />

• Mobiliser musées et lieux culturels autour de leur accessibilité et de programmes d’activités<br />

et de visites pour le public âgé, avec des budgets d’action culturelle comme pour les<br />

scolaires, en prenant exemple sur les universités du troisième âge, en évitant de tomber<br />

dans l’occupationnel.<br />

• Proposer aux personnes âgées des activités d’exercice de la mémoire, autant pour collecter<br />

leurs souvenirs (recueil de témoignage) que pour permettre un diagnostic précoce de la<br />

maladie d’Alzheimer. Utiliser notamment les possibilités des nouvelles technologies et<br />

d’internet.<br />

• Ouvrir les maisons de retraite sur leur voisinage : en permettant l’accueil aux repas et pour<br />

des activités de personnes âgées du quartier, en favorisant l’installation de crèches dans<br />

leurs locaux, ou encore en utilisant les salles communes pour des expositions ou de<br />

l’événementiel municipal (exemple des soupes de quartier à Chambéry).<br />

4

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