manager de transition - Association des Sciences-Po

Expérience
MÉTIERS
Carrières
65
MANAGER DE TRANSITION :
UN MÉTIER D’AVENIR ?
Propos recueillis
Le management de transition est apparu il y a vingt ans en France.
par Anne-Sophie Duc Dodon
Se développant plus lentement que chez nos voisins anglo-saxons, le marché
français rattrape aujourd’hui son retard et affiche une croissance sans précédent. Le contexte de crise,
l’internationalisation des entreprises et des activités poussent les dirigeants au changement, à l’évolution, et donc à faire
appel de plus en plus à des managers de transition. Zoom sur ce “métier” d’avenir avec Stéphane Rostand.
Qu’est, concrètement, la fonction
de manager de transition ?
Être manager de transition, c’est assurer au sein
de l’entreprise une mission de changement, pour
une durée déterminée, afin de remplir des objectifs
précis à un poste de direction opérationnelle.
Mais, ce n’est pas à proprement dit un métier.
C’est plutôt une manière d’exercer son métier de
référence, de mettre en œuvre ses compétences
professionnelles accumulées en première partie
de carrière. Cette activité s’adresse donc à des
cadres supérieurs ou à des dirigeants : directeur
général, DAF ou DRH. Choisir le management de
transition, c’est s’investir dans des entreprises différentes
pour une durée déterminée (entre six
mois et un an généralement) plutôt que de mettre
ses compétences à profit au sein d’une seule
entreprise pour une longue durée.
Le management de transition est différent du
conseil. En effet, un manager de transition analyse,
observe, mais surtout il agit ! Il met tout en
œuvre pour préparer l’avenir de l’entreprise qui
l’a missionné. En général, on fait appel au manager
de transition lors d’une situation de carence
de compétences à un moment où l’entreprise a
un besoin crucial. Cela arrive dans un contexte
exceptionnel de crise, de forte croissance, de
restructuration, pour ne prendre que quelques
exemples.
Quel profil faut-il avoir pour exercer
cette activité ?
Les entreprises recherchent des cadres dirigeants
qui ont au moins vingt ans d’expérience. Il faut
avoir vécu et connaître le type d’entreprise dans
lequel on intervient, ainsi que les problématiques
que l’on sera amené à traiter en mission. Le management
de transition, c’est le recours à une compétence
qui manque à un moment donné dans
l’entreprise. La qualité de la compétence apportée
est directement liée à l’expérience, le savoirfaire
et le savoir-être acquis tout au long de sa
carrière. L’important est de maîtriser parfaitement
son sujet afin d’apporter immédiatement la
valeur ajoutée dont a besoin l’entreprise.
Et les Sciences-Po ?
Les compétences et les expériences les plus
demandées (direction générale, direction de Business
Unit, DAF, DRH) correspondent à celles de
beaucoup de Sciences-Po.
Comment devenir manager de transition ?
Avec l’expérience nécessaire, la meilleure
manière de devenir manager de transition est de
réussir une première mission. Ensuite, il faut voir
si ce mode de fonctionnement est adapté à ses
envies, si l’on accepte la précarité – alterner
période de travail intense et recherche de mission
– qu’implique ce genre de travail. C’est la
première mission qui confirme vraiment le choix
de devenir manager de transition.
Mais comment la décrocher ?
Comme pour toute recherche d’emploi, il faut
faire jouer son réseau. Cependant, celui-ci se
développera autour de votre nouvelle activité,
Stéphane Rostand (SP 79)
Après des études de droit
et de sciences politiques,
Stéphane Rostand est devenu
DRH des filiales industrielles du
groupe Thomson avant de
diversifier son expérience au sein
d’une filiale d’Air France puis
dans le groupe Malakoff.
Il est désormais manager de
transition, et met au service des
entreprises son expérience de
trente ans dans les RH.
Stéphane Rostand est membre
d’Amadeus-Dirigeants,
association regroupant quarante
dirigeants de transition.
RUE SAINT-GUILLAUME N° 166 > AVRIL 2012

66
Carrières
MÉTIERS
Expérience
‘
Manager de
transition, ce n’est pas
à proprement dit un
métier. C’est plutôt une
manière d’exercer son
métier de référence,
de mettre en œuvre
ses compétences
professionnelles
accumulées en
première partie de
carrière.
‘
manager de transition, une fois seulement que
vous aurez effectué et réussi des missions. Pour
une première recherche, contactez plutôt des
cabinets spécialisés dans le placement de managers
de transition : EIM, dont l’un des dirigeants
est un Sciences-Po, XPM, Valtus… Ces cabinets se
sont beaucoup développés dans les quinze dernières
années et sont intéressés par des profils
Sciences Po, des généralistes. Ils ne cherchent pas
des techniciens mais plutôt des gens qui, étant
experts dans leur métier, sont ouverts à de nombreuses
problématiques et ont une capacité
d’analyse et de synthèse rapide et naturelle. Bien
sûr, il faut pouvoir justifier d’une expérience adéquate
et se recentrer sur son savoir-faire premier.
Il faut pouvoir mettre en avant ses qualités et
compétences premières : « Voilà ce que je sais
faire de mieux ; vous pouvez m’envoyer en mission.
»
Par la suite, le réseau se développe et les
missions appellent les missions.
Quels sont les avantages et les inconvénients
de cette fonction ?
Ces missions s’apparentent à de l’intérim, elles
n’ont qu’un temps : on travaille quelques mois, on
s’investit pleinement dans un projet, mais ensuite
il faut trouver une autre mission. Cette précarité
n’est pas toujours bien vécue. Il faut aussi être
disponible très rapidement pour accepter des
missions qui sont parfois éloignées de son domicile.
Lorsqu’une mission nous est proposée, il n’y
a pas de place pour le recul ou la réflexion : il faut
accepter ou décliner extrêmement rapidement.
Enfin, il ne faut plus raisonner en termes de carrière
lorsque l’on est manager de transition, le
concept même de mission ne permettant pas
d’évoluer au sein de la même entreprise.
Mais, tous ces inconvénients peuvent être vécus
par certains comme des avantages : la précarité
signifie le changement et la nouveauté. Changer
d’entreprise et connaître de nouveaux contextes
est à la fois motivant et passionnant. Faire une
croix sur des ambitions de carrière peut être l’occasion
d’atteindre une forme de sérénité et écarter
toute forme de pression : on ne joue pas sa
carrière et son avenir sur une mission. La précarité,
c’est aussi avoir une diversité de rythmes
de vie : il est possible d’alterner des périodes professionnelles
intenses avec d’autres épisodes
plus calmes au cours desquels il est possible de
se consacrer à d’autres choses, à la vie associative
ou à l’entretien de son réseau. C’est très enrichissant
et donne un sentiment de liberté, ce qui
est précieux pour un cadre qui a de l’expérience.
Et puis, il y a une satisfaction qui se dégage de
chaque mission : en très peu de temps, il est possible
de changer les choses et d’améliorer une
situation. On n’est pas un simple gestionnaire : les
compétences acquises en première partie de carrière
sont vraiment mises à contribution.
Sous quel statut exerce-t-on le métier ?
C’est très ouvert : on peut être en CDD ou en intérim,
en portage salarial ou en disposant de sa propre
structure juridique : SARL, travailleur indépendant,
auto-entrepreneur (avec les limites de
CA qui s’y attachent).
Peut-on vivre correctement de ce métier ?
En termes de rémunération, il n’y a pas de difficultés
pour en avoir une qui soit au moins celle
d’un CDI, parfois un peu meilleure, compte tenu
de l’enjeu de la mission pour laquelle vous êtes
appelé. La rémunération n’est pas bradée, mais
comme on peut intervenir dans des structures un
peu plus petites que celles qu’on a pu connaitre
avant, il ne faut pas s’attendre à des ponts d’or. La
condition pour vivre correctement de cette activité
sera la capacité à retrouver des missions
régulièrement.
RUE SAINT-GUILLAUME N° 166 > AVRIL 2012