jean-yves rémond - Association des Sciences-Po

Ressources humaines
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JEAN-YVES RÉMOND,
UN PRÉSIDENT DU GROUPE RH ENGAGÉ
Diplômé de Sciences Po (SP 81) et titulaire d’une maîtrise en droit social, Jean-Yves Rémond revient sur son parcours
d’homme des ressources humaines et sur son engagement en tant que président du groupe Ressources humaines de
l’Association. Il accueille Vesna Katic, Florence Maignan et Didier Jeanperrin au siège social des Galeries Lafayette, où il
pilote la direction des ressources humaines de la branche Grands Magasins du groupe Galeries Lafayette. Entretien.
Propos recueillis par Didier Jeanperrin (SP 72), Vesna Katic (EF 88) et Florence Maignan (PES 81)
À votre sortie de Sciences Po il y a trente
ans, pourquoi avez-vous choisi les
ressources humaines dans lesquelles
vous allez faire tout votre parcours ?
En fait, après ma formation, j’hésitais sur
mon futur métier. C’est le service Carrières
de Sciences Po de l’époque qui m’a orienté,
avec beaucoup de discernement, vers la
« fonction personnel » en plein développement
à ce moment-là. C’est donc un peu
par hasard que je suis entré dans les RH,
mais j’y suis resté par goût car j’ai eu la
chance de vivre des expériences très formatrices,
qui m’ont donné la passion de ce
métier.
En quoi votre formation à Sciences Po
vous a-t-elle préparé à ces fonctions ?
J’ai un excellent souvenir de la rue Saint-
Guillaume, qui m’a appris à développer une
capacité d’analyse et un esprit de synthèse
qui m’ont été utiles dès mes premiers
postes. Il est important de pouvoir intégrer
des facteurs très variés – économiques,
politiques, sociaux, environnementaux… –
pour en faire la synthèse en vue de prendre
une décision. C’est un vrai critère différenciant
de Sciences Po par rapport aux
écoles de commerce.
En quoi le début de votre parcours
a-t-il été très formateur ?
J’ai choisi de débuter dans le secteur
industriel, qui m’était, du fait de ma culture
intellectuelle et familiale, tout à fait étranger.
Chez Cebal Péchiney, j’ai appris mon
métier sur le terrain, notamment en formant
des agents de maîtrise dans les
18 usines du groupe et en travaillant au
contact des opérateurs de production.
C’était pour moi, qui sortais du 7 e arrondissement
de Paris, une révolution ! J’ai
appris la vraie vie.
Je suis devenu DRH pour la première fois,
à seulement 30 ans, chez Chaffoteaux
& Maury, un fabricant de chaudières
renommé à l’époque. Entre Montrouge et
Saint-Brieuc, j’ai conduit un plan drastique
de réduction des effectifs, mais j’ai aussi
participé au redéploiement de l’entreprise
grâce au développement d’un nouveau
produit. L’entreprise a su rebondir et intégrer
de nouveaux talents. J’ai recruté des
commerciaux, ouvert des filiales en Italie
et en Angleterre. Je n’ai pu vivre cette
expérience marquante que parce que j’ai
eu la chance d’être coaché par un directeur
général qui a osé compter sur moi et a pris
le risque de me confier un rôle clé en
m’intégrant au comité de direction. Opérationnel
mais aussi stratège, j’ai pu, dès
cette période, apprécier les multiples
facettes du métier de DRH.
En 1996, nouveau tournant, vous ajoutez
‘
Mon conseil à de futurs
RH : choisissez des entreprises
où l’humain est un facteur clé
du succès, c’est-à-dire qu’il
contribue directement à la
croissance du chiffre d’affaires
et du résultat.
‘
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des nouvelles cordes à votre arc : l’international
et les ressources humaines à l’américaine…
Après un bref passage chez Thomson Électro-Ménager
devenu le groupe Brandt, j’ai,
en effet, à 37 ans, rejoint Kraft Jacobs
Suchard en tant que DRH de Kraft France.
Le périmètre de l’entreprise était, certes,
plus petit, mais je voulais découvrir les
méthodes américaines de gestion des ressources
humaines. Avec des outils et des
process très élaborés sur des sujets tels
que la rétention des talents, le développement
des potentiels, la marque
employeur ou les politiques actives de
compensation & benefits, ces méthodes
étaient, en effet, en avance sur les nôtres.
Avec une place au Board of Management,
la fonction RH était très impliquée, placée
au cœur du business. Je me suis immergé
dans le management à l’américaine et j’ai
commencé à voyager régulièrement aux
États-Unis.
J’ai prolongé cette expérience en cédant, à
40 ans, aux sirènes d’Eurodisney. Je suis
devenu directeur général adjoint en charge
des ressources humaines au moment de
l’ouverture du deuxième parc. Avec 12 000
personnes présentes à Marne-la-Vallée,
c’était le plus gros site de France. J’étais à
la tête d’une direction forte de 300 collaborateurs
RH, qui recrutait 10 000 personnes
par an, de 80 nationalités différentes,
pour 750 métiers. Comme vous le
voyez, une vraie diversité de métiers, de
parcours, de nationalités, dans une entreprise
mal connue en matière de ressources
humaines mais très exposée et injustement
mal aimée de l’intelligentsia et des
médias ! J’ai pu en faire l’expérience directement
en étant confronté pour la première
fois à des journalistes inflexibles sur leur
vision négative de l’entreprise alors que
je leur avais exposé la réalité, chiffres à
l’appui ! Eurodisney était, en effet, la seule
entreprise en France qui embauchait
10 000 personnes en CDI par an sans leur
demander de diplôme. Cette expérience a
été la plus intense de ma vie professionnelle.
Vous êtes depuis six ans DRH
des Galeries Lafayette et du BHV
Après un poste international chez Danone,
en tant que DRH de la branche Eau Monde,
j’ai été chassé par les Galeries Lafayette
que j’ai rejoint en 2005. J’ai accepté, au
grand étonnement de mon entourage qui
connaissait mon aversion pour le shopping
! Je ne le regrette absolument pas car
Jean-Yves Rémond, quel est le sens de votre engagement
en tant que président du groupe RH* de l’Association ?
Cela a été une évidence pour moi lorsque Didier Jeanperrin, auquel j’ai succédé, et le bureau du
groupe RH me l’ont proposé en 2007. J’ai voulu marquer ma reconnaissance vis-à-vis de
Sciences Po qui m’a formé puis aidé dans mon orientation. Je voudrais, d’ailleurs, saluer la
responsable du service Carrières de Sciences Po de l’époque, qui a été à l’origine de mon
parcours. Je rendais ainsi à notre école ce qui m’avait été donné. Et puis, déjà membre du
bureau du groupe depuis près de dix ans, je pensais, grâce à cette longue expérience des
ressources humaines, pouvoir animer un groupe particulièrement important pour l’Association.
*Le groupe RH rassemble près d’un millier de participants qui exercent des fonctions ressources
humaines en entreprise ou en cabinet-conseil. Les réunions mensuelles qu’il organise sont
l’occasion de rencontres avec des personnalités du monde économique ou social, d’échanges sur
des sujets d’actualité relatifs à l’univers des ressources humaines ou d’informations sur les
meilleures pratiques. Il est animé par un bureau d’une douzaine de membres et entretient des
relations privilégiées et fortes avec le master GRH de Sciences Po.
la qualité et l’implication des hommes et
des femmes qui composent le groupe sont
déterminantes pour la réussite d’une entreprise
comme la nôtre dont les marges sont
faibles. La fonction RH est donc au cœur de
sa réussite économique. Après avoir opéré,
il y a deux ans, le rapprochement des fonctions
supports des Galeries Lafayette et du
BHV, je suis aujourd’hui le DRH de la
branche Grands Magasins du groupe qui
comprend 70 magasins, qui réalise un chiffre
d’affaires de 3,5 milliards d’euros et qui
a de forts enjeux.
Ainsi, nous avons deux axes de développement
stratégiques. Le premier, c’est le
lancement d’un site marchand internet
(gl.com), ce qui suppose en matière de RH
le recrutement, l’intégration et le pilotage
d’une équipe ayant un mode de fonctionnement
et des codes différents de ceux de
la distribution. Le deuxième axe est celui
du développement à l’international à travers
un système de franchises – Dubaï en
2008, Casablanca en 2011, Jakarta en
2013 – et en propre avec l’ouverture en
2013 d’un magasin à Pékin avec une perspective
de quatre à cinq magasins supplémentaires
à travers le pays. Avec de toute
évidence, là aussi, des problématiques RH
fortes.
Opérationnel et stratège. Comment
assumez-vous ce rôle aujourd’hui ?
C’est effectivement mon quotidien ; concilier
une multitude d’actions chaque jour, et
avec 15 000 salariés, vous imaginez bien
« qu’il se passe toujours quelque chose aux
Galeries Lafayette » tout en donnant du
sens à notre action RH. C’est pourquoi, j’ai
voulu définir et communiquer notre stratégie
dans une brochure destinée à l’ensemble
des managers. Celle-ci repose sur
trois axes :
> pour accompagner nos clients et soutenir
notre future croissance dans le e-commerce
et à l’international, nous devons
développer la montée en compétence de
nos collaborateurs avec un recrutement
plus exigeant, des actions de formation
lourdes, des politiques de rémunération et
d’avantages sociaux plus attractives, la promotion
des talents. Il faut donc profes-
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sionnaliser tous les métiers de back-office :
la supplychain, les systèmes d’information,
le contrôle de gestion, la gestion des ressources
humaines ;
> le deuxième enjeu porte sur l’accroissement
de l’efficacité de nos organisations,
que nous faisons évoluer en permanence
afin de servir la stratégie et la croissance
rentable. En effet, nous sommes sur des
segments de marché très différents (l’habillement
femmes-hommes, l’équipement
de la maison, la parfumerie…), et pour rester
professionnel et différenciant sur chacun
d’eux, nous devons faire évoluer nos
organisations. Le rôle du DRH est d’anticiper
et d’accompagner l’évolution de ces
organisations ;
> enfin, notre capacité à tisser un dialogue
social constructif et vivant représente
notre troisième enjeu. C’est essentiel pour
faciliter ces évolutions, préparer les chantiers
de demain. Nous y travaillons en permanence
avec les organisations syndicales.
Le flagship des Galeries Lafayette,
boulevard Haussmann à Paris.
Votre fonction est large puisque
c’est vous qui êtes à l’origine du nouveau
siège des Galeries Lafayette dont vous
avez également piloté la réalisation.
Sans le sponsoring du directeur général,
Paul Delaoutre, ce nouveau siège n’aurait
jamais vu le jour. Mais, effectivement, c’est
un projet qui m’a particulièrement tenu à
cœur car il a constitué un changement
structurant, visible par nos fournisseurs,
nos salariés et nos candidats. Nous avions
un siège réparti sur neuf sites. Je souhaitais
le rationaliser pour qu’il soit à l’image
de ce que veulent être les Galeries
Lafayette : moderne et facilitant la communication.
Nous sommes maintenant tous
regroupés dans un bâtiment à moins de
10 minutes de notre flagship, boulevard
Haussmann. Fait quasi unique en France,
les 1 000 salariés du siège sont tous en
open space, y compris les directeurs. Et
tous les matins, la cloche retentit à 9 h 30,
heure d’ouverture des magasins, et nous
rappelle symboliquement que le siège est
à leur service.
Un parcours dans et au service
des ressources humaines.
Quels enseignements en tirez-vous
et quels conseils donneriez-vous
aux nombreux jeunes Sciences-Po
qui s’orientent vers les RH ?
Être DRH, est-ce une vocation ou
un métier ?
Je ne saurais trop recommander aux jeunes
de démarrer leur carrière en tant que RRH
opérationnels. C’est très formateur d’être
au milieu des salariés, sur le terrain, dans
une usine, un call center ou un magasin…
Ils n’auront plus l’occasion de le faire après
et cette expérience est indispensable pour
bien faire par la suite son métier de DRH.
Deuxième conseil, je leur dirais « choisissez
des entreprises où l’humain est un
facteur clé du succès, c’est-à-dire qu’il
contribue directement à la croissance du
chiffre d’affaires et du résultat ».
J’aimerais aussi leur dire que le métier de
DRH est un métier à part entière avec des
contraintes fortes, on recrute, on forme,
mais on licencie aussi parfois… On ne fait
donc pas des ressources humaines pour
s’occuper des gens, par vocation, mais on
est d’abord un DRH au service d’une entreprise,
dont l’objectif premier est de se
développer. Si un DRH doit avoir un fort
leadership, il n’en reste pas moins qu’il doit
également avoir de grandes qualités
humaines, un grand sens de l’écoute et de
l’empathie, de manière à donner confiance
à ses interlocuteurs pour qu’ils libèrent leur
parole.
‘
Je ne saurais trop
recommander aux jeunes de
démarrer leur carrière en tant
que RRH opérationnels.
C’est très formateur d’être
au milieu des salariés,
sur le terrain, dans une usine,
un call center ou un magasin…
Ils n’auront plus l’occasion
de le faire après.
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