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Algerie News

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Zoom<br />

Analyses &<br />

Décryptages<br />

Albert Camus<br />

Les auteurs algériens s’inspirent<br />

Par : Slemnia Bendaoud<br />

De son lointain exil, des fins fonds<br />

de sa dernière demeure, de son<br />

royaume privé de l'au-delà, de<br />

l'intérieur même de sa tombe<br />

éternelle, Albert Camus est à présent<br />

exhumé et déterré, monté et démonté,<br />

remonté ou redescendu, fouillé et minutieusement<br />

refouillé par ces nouveaux charognards<br />

d'auteurs algériens, en quête et à<br />

la recherche de son très précieux héritage<br />

culturel, lucide, très solide et intrépide.<br />

Et l'on ne sait s'ils cherchent encore<br />

après l'exilé ou son royaume ? Mus et affolés<br />

par le gain cupide à réaliser, ils se lancent<br />

dans cette folle course, effrénée et<br />

opportuniste, décidés à complètement<br />

dépouiller le prix Nobel algérien de ses<br />

seules lettres qui lui valurent la noblesse de<br />

son art. Oubliant cependant que l'unique<br />

trésor de l'auteur est pour de bon resté en<br />

Algérie !<br />

En homme de lettres, Camus aura mené<br />

une vie pleine. Intense. Inspiré de ses seules<br />

convictions et considérations relatives à<br />

son quotidien dont il a su admirablement<br />

nous retracer des portraits singuliers et<br />

quelques tableaux naturels très fascinants,<br />

de très grande valeur culturelle, véhiculant,<br />

étrennant cette beauté sublime qui plante<br />

ce décor qui nous est si familier.<br />

Ces tableaux-là sont très nombreux à<br />

pouvoir tous les énumérer. Nous nous en<br />

limitons donc à trois d'entre eux seulement,<br />

tout juste par souci d'illustrer au<br />

mieux l'art cursif déployé par l'auteur de<br />

mérite.<br />

- Dans «L’Exil et le royaume», Albert<br />

Camus décrit à sa façon ces trois fleuves de<br />

différents débits et couleur de leur eau,<br />

coulant durant trois jours pleins sur un<br />

tableau noir, tout juste à cause d'un oubli<br />

ou par la faute à cet instituteur qui a omis<br />

d'effacer le cours illustré de sa leçon de<br />

géographie<br />

- Dans «Misère de la Kabylie», cet<br />

auteur évoque ces trainées de sang rouge et<br />

noirâtre, faisant allusion de manière intelligente<br />

à ces «lignées» ou «rangées» de<br />

coquelicots lesquelles pavoisaient admirablement<br />

ces prairies accrochées à ce flanc<br />

du Djurdjura durant la saison de printemps,<br />

à la fin des années trente du siècle<br />

dernier.<br />

- Dans «Noces», il décrit Tipasa en fête<br />

où sont invités à sa belle nuit de noces<br />

soleil, dieux de la ville et ses propres ruines<br />

romaines, dormant dans leur sommeil<br />

éternel, les pieds dans l'eau.<br />

Ces trois images, parlant d'elles-mêmes,<br />

sans la moindre illustration, renseignent<br />

sur le degré d'observation très aigu de<br />

l'écrivain, agissant en véritable artiste de<br />

l'art que distille sa plume.<br />

Les plus intéressés à son art cursif, de<br />

leur état illuminés, font tous dans ce geste<br />

de trop ou bien osé, qui consiste à dangereusement<br />

lui substituer leur plume de la<br />

dèche, rêche et très sèche !<br />

Les autres, à différents niveaux ou<br />

degrés, tentent désespérément de le déposséder<br />

de son précieux texte, croyant bien<br />

avoir affaire à ce colon d'autrefois ou de<br />

toujours, de retour enfin à son pays d'origine.<br />

A l'exemple de ce qui se passe dans le<br />

quotidien de notre vie sociétale, le monde<br />

de la littérature ne manque pas lui, non<br />

plus, de sous-traitants, de «tradeurs» et<br />

prédateurs de tout bord ou acabit, au profil<br />

vil, inconscients que leur plume,<br />

humant l'odeur du mort, leur fait du tort.<br />

L'Algérie de ce troisième millénaire en<br />

compte tout un panel de choix variétal,<br />

très large dans son éventail et très complexe<br />

dans sa composition et fonctionnement,<br />

mus ou inspirés par les mêmes vices<br />

ou visées expansionnistes ou existentielles<br />

des gens courant après le lucre de la fortune,<br />

trop souvent mal acquise. A défaut de<br />

plagiat -parce que dans ce cas pratiquer<br />

cela devient trop flagrant -on fait alors<br />

dans cette inspiration osée, souvent bien<br />

dosée, usant et abusant dans cette attitude<br />

négative à désabuser de leur pourtant bien<br />

disparu client. Ils se rendent sur ce pourtant<br />

très difficile terrain à conquérir avec<br />

armes et bagages, décidés avec ces fallacieux<br />

arguments ou pirouettes à peine<br />

déguisées à spolier l'auteur considéré, bien<br />

vénéré, de son titre primé sinon l'œuvre<br />

mondialement plébiscitée. Ils sont là,<br />

cadrant et encadrant l'image ou la<br />

séquence à lui piller, les yeux presque fermés<br />

sur le crime abominable qu'ils<br />

venaient de commettre à l'endroit de la<br />

morale de la littérature et de l'attitude des<br />

humains sobres et très probes dont leur<br />

plume les découvre parfois tout nus à leurs<br />

nombreux lecteurs.<br />

Chacun à sa façon, et tous inspirés des<br />

mêmes objectifs et profits à gagner, ils ne<br />

font qu'affuter leurs armes afin de définitivement<br />

désarmer l'auteur primé, avec ces<br />

méthodes réprimées que réprouvent la<br />

morale et le bon sens.<br />

Ils sont donc déterminés à le déposséder<br />

de ses étoiles pour les porter euxmêmes<br />

plus tard tels des galons de mérite,<br />

enlevés à quelqu'un qui a pourtant depuis<br />

un demi-siècle quitté notre bas-monde.<br />

Ils s'accaparent de son mérite à appartenir<br />

à cette haute-cour de la belle littérature<br />

dont ils seront exclus de facto durant toute<br />

leur existence. Ils veulent donc s'identifier<br />

à ce noble art, en quelque sorte ou de quelque<br />

manière qu'ils puissent le faire,<br />

oubliant par ailleurs qu'ils n'ont pour cela<br />

ni le talent, ni l'uniforme et les galons pour<br />

y accéder en toute tranquillité et surtout<br />

grand mérite.<br />

L'œuvre de l'artiste-né, succulente et<br />

abondante à souhait en hauts faits d'armes<br />

et belle littérature, fine et très habile invite<br />

certes -il ne faut pas l'oublier- à l'imitation<br />

subtile et très utile, sinon à la dévorer en<br />

plusieurs mets bien cuits et très variés :<br />

bouillie en crudités, sinon en friture et au<br />

pain sec.<br />

A l'évidence, tout y est, et il en existe<br />

même pour tous les goûts et les difficiles<br />

appétits ! Fins gourmets et trop gourmands<br />

ne seront pas de trop ! Ni pour<br />

satisfaire au plaisir de ces derniers, ni<br />

même à la façon de préparer les premierscités.<br />

Albert Camus détient cet héritage culturel<br />

comme un paysage fascinant où toutes<br />

les plumes pourront se retrouver, inspirant<br />

tous les goûts de la lecture fine et très<br />

raffinée.<br />

Ses nombreuses œuvres sont ce monde<br />

de merveilles soigneusement évoqué,<br />

habillement provoqué et très subtilement<br />

convoqué à faire la fête et bien plaire à l'invité,<br />

afin de nous extraire à notre défaite à<br />

toujours succomber à la fatalité. A nous<br />

résigner à quitter pour de bon ce monde<br />

propre à la léthargie.<br />

Mais de là à s'évertuer à lui spolier l'art<br />

ou à en faire dans cette imitation de novice<br />

tel que certaines plumes algériennes ont<br />

agi tout dernièrement, cela ne peut, de<br />

toute évidence, que relever que cette autre<br />

bêtise littéraire en mal de sensation et<br />

manquant d'inspiration.<br />

Et sans avoir à les nommer, ils se reconnaîtront<br />

d'eux-mêmes, ils ont tout squatté<br />

de l'œuvre d'art dont le disparu a mis trop<br />

longtemps à la réaliser pierre par pierre,<br />

ligne après ligne et récit suivant un autre<br />

récit, quarante-sept ans durant !<br />

En bons carnassiers et véritables, ils ont<br />

cherché après la viande fraîche ou crue<br />

mais n'ont trouvé que des os et trop loin<br />

enterrés. En drôles d'imitateurs, ils n'ont<br />

pu que singer de menus détails que le<br />

monde initié à la littérature aura vite<br />

reconnu dans leurs ouvrages, rendant -en<br />

bon citoyen et fidèle lecteur de l'artiste-néjuste<br />

après le bien à son propriétaire.<br />

Il n'aura servi donc à rien de vouloir -<br />

dans l'illusoire ou le réel- faire comme lui,<br />

de lui chiper le prénom de ses personnages,<br />

les séquences de sa vie personnelle, ses jeux<br />

préférés, son style singulier, ses paysages<br />

vénérés, ses tournures usitées ou ses aptitudes<br />

exceptionnelles à manier sa plume<br />

afin qu'elle épouse tous les climats et<br />

autres reliefs propres au pays qui l'a vu naître<br />

et plus tard disparaître pour le plus<br />

vieux continent, y mourir et nourrissant<br />

depuis son tombeau toutes ces convoitises<br />

de ces plumes intéressées à déplumer l'auteur<br />

de son trésor éternel et universel.<br />

Copier l'autre, le camarade de classe ou<br />

l'artiste bien-né n'a jamais mené aussi loin<br />

que la porte d'exclusion. Et lorsque c'est le<br />

lecteur qui le découvre lui-même, l'auteur<br />

tricheur l'aura bien compris à ses dépens !<br />

De grâce, arrêtons donc ce massacre et<br />

consacrons-nous sur nos pensées et style,<br />

peut-être que nous sommes nous aussi<br />

bien sensés pour atteindre, sans singer l'autre,<br />

ces hauts sommets de la gloire dont<br />

seule la littérature détient ce très précieux<br />

secret !<br />

ALGERIE NEWS Jeudi 16 août 2012

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