Baromaitre 4
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#4FOCUS<br />
#4FOCUS<br />
9 CNIL, délib. n° 2014-307, 17<br />
juil. 2014<br />
10 Art. 22 III de la loi du 6<br />
janvier 1978 modifiée<br />
11 Cass., Soc., 21 novembre<br />
1991, n° 88-43120<br />
12 CA Grenoble, 20 février<br />
2013, n° 12/00085 : le fait pour<br />
un salarié d’enregistrer les propos<br />
de son employeur constitue un<br />
mode de preuve illicite.<br />
13 Cass., Soc., 31 janvier 2001,<br />
n°98-44.290<br />
14 Etude annuelle 2014 du<br />
Conseil d'Etat, Le numérique et les<br />
droits fondamentaux<br />
La vidéosurveillance est l’un des moyens<br />
pouvant porter atteinte à la vie privée du<br />
salarié puisque l’image du salarié constitue<br />
une donnée personnelle. C’est la raison pour<br />
laquelle, si un employeur décide de mettre<br />
en place un dispositif de vidéosurveillance,<br />
celui-ci doit avoir une finalité bien précise<br />
et son utilisation doit être proportionnée au<br />
but recherché. La vidéosurveillance doit ainsi<br />
être destinée à assurer la sécurité des biens<br />
et des personnes. Elle ne doit pas avoir pour<br />
objet de contrôler l’activité professionnelle<br />
des salariés. À ce titre, les caméras doivent<br />
être placées à des endroits stratégiques : entrées<br />
et sorties, voies de circulation, issues de<br />
secours... Il n’est pas possible d’opérer une<br />
surveillance permanente et constante des<br />
salariés : aucune caméra ne peut filmer le<br />
bureau d’un salarié, sauf poste particulier, le<br />
local syndical, les toilettes, la salle de repos...<br />
Ainsi, la CNIL a eu l’occasion de condamner<br />
une entreprise à une amende de 5000 euros<br />
9 dans le cas d’une surveillance continue<br />
de certaines zones réservées aux salariés.<br />
En raison des enjeux qu’il peut y avoir<br />
à mettre en place un dispositif de vidéosurveillance,<br />
un grand nombre d’acteurs<br />
doivent être informés et consultés. La Loi «<br />
Informatique et libertés » pose un principe<br />
général en son article 6-1°, selon lequel l’employeur<br />
doit collecter les données de manière<br />
loyale et licite.<br />
Le Code du travail désigne les acteurs<br />
concernés : le salarié, d’abord. Suivant l’article<br />
L. 1222-4 du Code du travail, « aucune<br />
information concernant personnellement un<br />
salarié ne peut être collectée par un dispositif<br />
qui n'a pas été porté préalablement à sa<br />
connaissance. »<br />
Le Comité d’entreprise ensuite. L’article<br />
L. 2323-32 du Code du travail prévoit qu’il<br />
doit être informé sur les traitements automatisés<br />
de gestion du personnel et sur toute<br />
modification de ceux-ci. Il doit par ailleurs<br />
être informé et consulté sur les moyens ou<br />
les techniques permettant un contrôle de<br />
l’activité des salariés. La vidéosurveillance<br />
pouvant créer un stress dans l’entreprise, le<br />
Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions<br />
de travail (CSHCT) doit également<br />
obligatoirement être consulté puisqu’il doit<br />
l’être avant toute décision d'aménagement<br />
important modifiant les conditions de santé<br />
et de sécurité ou les conditions de travail (L.<br />
4312-8 C. trav.).<br />
La CNIL enfin. Une déclaration doit être<br />
faite lorsqu’un traitement mis en place dans<br />
l’entreprise peut porter atteinte à la vie<br />
privée des salariés ou à leurs libertés. Il est<br />
possible d’alléger cette formalité lorsqu’un<br />
correspondant informatique et libertés a été<br />
désigné dans l’entreprise, celui-ci n’ayant pas<br />
à réaliser les formalités pour les traitements<br />
soumis au régime de la déclaration 10 .<br />
Le respect de ces règles est essentiel<br />
puisque le dispositif de surveillance clandestin<br />
constitue une preuve illicite 11 car déloyale<br />
(cette solution s’applique également au salarié<br />
12 ). Elle sera alors irrecevable. Néanmoins,<br />
le dispositif dont l’existence n’est pas révélée<br />
peut dans certains cas servir à sanctionner<br />
un salarié. Il en va ainsi du salarié surpris par<br />
vidéosurveillance à voler dans un entrepôt de<br />
marchandises où les salariés ne travaillaient<br />
pas 13 . En effet, le salarié n’a pas à être informé<br />
de l’existence d’une caméra dans un<br />
lieu où il ne travaille pas et auquel il n’a pas<br />
accès.<br />
Confronté à ces nouveaux enjeux, le<br />
Conseil d’Etat a décidé d’y consacrer son<br />
étude annuelle de 2014 « Le numérique et les<br />
droits fondamentaux » 14 , dont la proposition<br />
n°7 élabore un droit d’alerte en matière de<br />
protection des données personnelles. Le<br />
Conseil d’Etat note que les traitements de<br />
données personnelles étant parfois difficiles<br />
à appréhender, il serait utile d’offrir une<br />
protection aux salariés qui signalent des<br />
pratiques contraires à la législation en la<br />
matière.<br />
Contrairement à la vidéosurveillance<br />
utilisée dans l’espace public qui a toujours<br />
soulevé des débats houleux, la surveillance<br />
de l’espace privé et notamment du lieu de<br />
travail est une préoccupation relativement<br />
récente. Cela s’explique par la prise de<br />
conscience que le salarié ne met que sa force<br />
de travail à la disposition de l’employeur, et<br />
non sa personne. La CNIL et les juridictions<br />
sociales ne cessent désormais de le répéter :<br />
subordination ne signifie pas surveillance<br />
permanente et constante. <br />
Cyrielle Cazelles<br />
RÉSEAUX SOCIAUX<br />
POSTÉ, TWEETÉ, LICENCIÉ<br />
« Cette grande maison qu’est l’entreprise serait-elle aussi une grande famille avec son pater /<br />
patronus / patron pouvant sanctionner un salarié pour des faits intervenus dans sa vie privée ?<br />
L’opposition vie privée / vie professionnelle est-elle vraiment tranchée ? Rien n’est moins sûr en<br />
raison du brouillage de plus en plus important entre ces deux temps et ces deux lieux auparavant<br />
bien différenciés » nous dit Jean-Emmanuel Ray 1 .<br />
Les propos tenus sur Facebook ou<br />
Twitter ne relèvent pas forcément<br />
de la vie privée, même lorsque cela<br />
est fait en dehors du temps de travail. C’est<br />
ce qu’a jugé le Conseil de prud’hommes de<br />
Boulogne Billancourt dans un arrêt très commenté<br />
du 19 novembre 2010 où il valide le licenciement,<br />
pour faute grave, de salariés à la<br />
suite de propos tenus sur Facebook, qui mettaient<br />
en cause leur supérieur hiérarchique.<br />
Les propos litigieux étaient accessibles aux<br />
« amis des amis », et ne relevaient donc pas<br />
de la sphère privée 2 . En l’espèce, un des salariés<br />
licenciés craignait de devoir rejoindre<br />
« le club des néfastes ». Une autre salariée<br />
répondait à cela « bienvenue au club ». Une<br />
ancienne salariée de l’entreprise ajoutait « il<br />
y a tout un rite, tout d’abord vous devez vous<br />
foutre de la gueule de votre supérieure hiérarchique,<br />
lui rendre la vie impossible » 3 . Sur<br />
Twitter, des salariés critiquant leur entreprise<br />
ont également été suspendus et licenciés. En<br />
effet, un employé de la société Quick a été<br />
suspendu après avoir dénoncé de mauvaises<br />
conditions de travail et des manquements<br />
à l’hygiène sur Twitter. Un second salarié<br />
d’une société de plateforme téléphonique a<br />
été licencié pour faute grave pour des propos<br />
postés sur Twitter, alors même que son profil<br />
ne compte que 30 followers 4 .<br />
Par ailleurs, des consultations quotidiennes<br />
et fréquentes, durant les heures de travail, du<br />
site Facebook, à titre personnel, constituent<br />
une cause réelle et sérieuse de licenciement,<br />
comme l’a décidé la Cour d’appel de Pau dans<br />
son arrêt du 13 juin 2013 5 .<br />
LE PRINCIPE<br />
UN FAIT DE VIE PRIVÉE NE PEUT ÊTRE SANCTIONNÉ<br />
D'UN POINT DE VUE DISCIPLINAIRE<br />
Trois critères permettent de définir un<br />
contrat de travail : la fourniture d’un travail,<br />
© France info<br />
1 Jean-Emmanuel Ray, Droit du<br />
travail, droit vivant, Liaisons, 22e<br />
éditions, 2013-2014<br />
2 Aymeric François, L’utilisation<br />
des réseaux sociaux par les<br />
salariés, Village de la justice, 7<br />
mars 2014<br />
3 Grégory Singer, Facebook<br />
m'a licencié !, La lettre juridique<br />
n°418, 25 novembre 2010, p.7<br />
4 Grégory Singer, L'abus de<br />
Twitter est dangereux pour votre<br />
emploi, Hebdo édition sociale<br />
n°513, 23 janvier 2013, p.13<br />
5 Jean Martinez, obs. sous CA<br />
Pau ch. Soc., 13 juin 2013, Preuve<br />
d'une consommation abusive<br />
d'Internet, Gazette du Palais n°256,<br />
1er octobre 2013, p.397<br />
22 | LE BAROMAÎTRE #4 - AEA PARIS<br />
AEA PARIS - LE BAROMAÎTRE #4 | 23