Baromaitre 4
Baromaitre 4
Baromaitre 4
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
#4LE BAROPÔLE<br />
#4LE BAROPÔLE<br />
RÉFORME DES PROFESSIONS<br />
RÉGLEMENTÉES<br />
PROPOSITIONS CONCERNANT LA PROFESSION D'AVOCAT<br />
Le projet de loi sur la croissance et le pouvoir d’achat, initié par Arnaud Montebourg et repris<br />
par son successeur Emmanuel Macron, vise notamment à réformer les professions réglementées.<br />
En particulier, trois propositions phares visaient la profession d'avocat : la suppression de la territorialité<br />
de la postulation, la création d’un statut spécifique pour les juristes en entreprise, et<br />
l’ouverture du capital des sociétés d’exercice libéral (SEL) aux tiers à hauteur de 49%.<br />
Au terme de 111 heures de débats en séance plénière, l'examen du projet de loi a été suspendu<br />
mardi 17 février, après que le Premier Ministre a décidé d'engager, en vertu de l'article 49 al.3 de la<br />
Constitution, la responsabilité du Gouvernement sur ce texte.<br />
Le 19 février, suite au rejet de la motion de censure déposée par l'opposition, le projet de loi est<br />
de fait adopté en première lecture et transmis au Sénat.<br />
SUPPRESSION DE LA TERRITORIALITÉ<br />
DE LA POSTULATION ET DU TARIF<br />
CORRESPONDANT<br />
La postulation a un caractère territorial.<br />
En effet, les avocats ne peuvent exercer<br />
leur activité de représentation que devant<br />
les tribunaux de grande instance (TGI) près<br />
desquels leur barreau est constitué. La territorialité<br />
de la postulation constitue ainsi un<br />
monopole géographique. Par exception, la<br />
multipostulation autorise les avocats inscrits<br />
au barreau de l’un des TGI d’une même zone<br />
wikimedia<br />
géographique à postuler devant d’autres TGI<br />
(Bordeaux et Libourne ; Nîmes et Alès; Paris,<br />
Créteil, Bobigny et Nanterre).<br />
Historiquement, ce principe de territorialité<br />
s’explique notamment par les difficultés de<br />
liaisons entre les juridictions (nécessité d’assurer<br />
l’inscription physique des documents<br />
au greffe, vérification du titre d’avocat, etc.).<br />
Toutefois, la mise en place du réseau privé<br />
virtuel des avocats (RPVA) et du réseau privé<br />
virtuel justice (RPVJ) en 2004 semble lever<br />
ces obstacles<br />
L’Inspection générale des finances estimait<br />
dans ses rapports rendus en 2012 et octobre<br />
2014 que ce monopole géographique renchérit<br />
et complique les procédures, puisqu’il<br />
conduit généralement le client à avoir recours<br />
à deux avocats : l’un plaidant, et l’autre postulant.<br />
Elle préconisait donc la suppression<br />
pure et simple de la postulation, ce à quoi le<br />
Conseil National des Barreaux (CNB) s’est déclaré<br />
opposé. En effet, d’après lui, cette suppression<br />
entrainerait un risque de captation<br />
d’une part excessive des dossiers d’origine<br />
institutionnelle par des cabinets parisiens, en<br />
raison du fait que ces institutions ont le plus<br />
souvent leur siège dans la capitale.<br />
D’autre part, cette concentration des dossiers<br />
à Paris entraînerait corrélativement<br />
pour les avocats de province une diminution<br />
du volume d’affaires en matière civile, ce<br />
qui pourrait à terme conduire à une réduction<br />
du nombre d’avocats présents au civil.<br />
De ce fait, les obligations en matière d’aide<br />
juridictionnelle, de permanences pénales,<br />
de commissions d’office et de gardes à vue<br />
seraient concentrées sur les avocats restants,<br />
au risque de voir les prestations offertes en<br />
ces matières se dégrader.<br />
Le projet de loi adopte sur ce point une position<br />
intermédiaire, puisqu’il ne retient pas<br />
le démantèlement total du régime de la postulation,<br />
mais préconise l’élargissement de la<br />
territorialité de la postulation au niveau du<br />
ressort de la Cour d’appel, rendant ainsi caducs<br />
les régimes actuels de multipostulation.<br />
Cette proposition risque d’avoir un impact<br />
particulier à Paris puisque, jusqu’à présent,<br />
les avocats parisiens pouvaient postuler<br />
librement à Nanterre (qui est située dans le<br />
ressort de la Cour d’Appel de Versailles), ce<br />
qui ne sera plus le cas si cette proposition<br />
est adoptée<br />
Par ailleurs, la suppression du tarif de postulation<br />
est envisagée par le projet de loi au<br />
profit de l’instauration d’honoraires libres. Il<br />
est reproché au tarif, qui date de 1960, d’être<br />
disproportionné : trop faible pour les dossiers<br />
portant sur un faible montant, et inversement,<br />
trop élevé pour les dossiers portant sur<br />
un montant élevé. La profession bénéficie par<br />
ailleurs d’une totale liberté tarifaire. Le CNB<br />
et l’IGF sont favorables à la libéralisation du<br />
tarif de postulation.<br />
Les députés ont validé la réforme de la<br />
postulation : les dispositions de l’article 13<br />
du projet de loi sur la croissance et l’activité<br />
ont été adoptées en séance le 3 février<br />
2015, sans modification majeure par rapport<br />
au texte de la commission. "Cela permet<br />
à l’avocat qui aujourd’hui ne peut plaider<br />
qu’à Saint-Malo d’aller plaider à Rennes et<br />
réciproquement", a expliqué le ministre de<br />
l'Economie Emmanuel Macron. « La compétence<br />
exclusive des avocats est entièrement<br />
maintenue (…) C’est un élargissement (de<br />
leur) monopole », conclut-il.<br />
CRÉATION D’UN STATUT D’AVOCAT EN<br />
ENTREPRISE<br />
Plusieurs rapports s’étaient déjà penchés<br />
sur l’opportunité d’instaurer un statut<br />
d’avocat en entreprise (Rapport Nallet en<br />
1999, Rapport Guillaume en 2006, Rapport<br />
Darrois en 2009 et Rapport Prada en 2011).<br />
Cependant, la création d’un tel statut fait<br />
l’objet de débats houleux, qui ont notamment<br />
contribué à cristalliser les tensions<br />
entre avocats et juristes en entreprise.<br />
Le rapport de subordination hiérarchique<br />
induit par le statut de salarié est incompatible<br />
avec celui d’avocat, dont l’indépendance<br />
constitue l’une des plus importantes<br />
qualités. Il en résulte que l’avocat travaillant<br />
en entreprise ne peut être à la fois salarié et<br />
avocat.<br />
Ceci conduit à une situation ambiguë<br />
pour les juristes d’entreprise qui ne sont<br />
actuellement soumis à aucun texte déontologique<br />
ou disciplinaire autre que ceux qui<br />
émanent de leur employeur. Les obligations<br />
déontologiques trouvent en effet leur justification<br />
historique dans l'exercice de l'activité<br />
contentieuse et de défense pénale de l'avocat<br />
à laquelle le juriste d'entreprise n'a pas<br />
vocation.<br />
Dans nombres de systèmes étrangers (par<br />
exemple les Etats-Unis, le Royaume-Uni,<br />
l’Allemagne, l’Espagne, les Pays-Bas), les<br />
juristes d’entreprise bénéficient du principe<br />
de confidentialité. Ainsi, les in house lawyers<br />
anglo-américains en bénéficient dans<br />
le cadre des investigations des autorités de<br />
régulation et des procédures de discovery¸ ce<br />
44 | LE BAROMAÎTRE #4 - AEA PARIS<br />
AEA PARIS - LE BAROMAÎTRE #4 | 45