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les trans renforcent les normes de genre #2<br />
2. Quand bien même ce serait le cas, on<br />
vous emmerde<br />
Cela dit, je ne vais pas développer le<br />
premier argument plus que ça, parce qu'en<br />
fait, finalement, je trouve qu'on (c'estàdire,<br />
on va dire, les militant∙e∙s trans et<br />
transfriendly) le fait assez, et qu'au final<br />
on en arrive parfois un peu à reprendre la<br />
logique comme quoi ce serait extrêmement<br />
mal d'être féminine ou masculin, et que<br />
bien sûr il y a des trans «binaires» qui sont<br />
un peu bêtes et rentrent dans ce jeu, mais<br />
nous, quand même, on vaut mieux que ça.<br />
Et franchement, ça me gonfle aussi.<br />
Parce que je me rends compte qu'à<br />
cause de cette espèce de «contrenorme»,<br />
je me suis vachement censurée, à me dire<br />
qu'il fallait pas que je sois trop féminine<br />
pour pas faire «cliché» [2], à me dire que<br />
c'était très mal de porter des jupes pendant<br />
un mois de suite sans alterner avec des<br />
pantalons, et tout ça.<br />
Bref.<br />
Ce qui me gonfle avec tout ça, c'est<br />
d'une part que finalement ça revient à<br />
ériger des contrenormes qui ne sont pas<br />
moins absurdes que les normes<br />
dominantes, et d'autre part l'impression que<br />
son «féminisme» est jugé en fonction de sa<br />
tenue vestimentaire.<br />
Ce qui est idiot : je ne suis pas moins<br />
féministe si je mets une minijupe et du<br />
maquillage «de fille» que si je mets un<br />
treillis et que je me dessine des faux poils<br />
pour me kinguer (surtout que pour les deux<br />
j'utilise le même maquillage...). Pourtant,<br />
et j'admets que j'ai vachement intériorisé<br />
ça, je trouve qu'on reproduit dans certains<br />
milieux le truc de considérer que c'est<br />
super plus subversif d'oser affirmer une<br />
forme de masculinité qu'une forme de<br />
féminité (en tout cas quand on est une fille,<br />
j'imagine que pour les mecs ça se pose pas<br />
de la même manière).<br />
Je pense qu'il y a de ma part aussi<br />
une intériorisation de la transphobie, une<br />
nécessité de vouloir montrer que je suis pas<br />
comme la trans typique, que je suis<br />
«acceptable» dans les milieux féministes et<br />
queer où on ne brille pas toujours par notre<br />
visibilité. Et de fait j'ai l'impression d'être<br />
parfois mieux accueillie quand je suis<br />
catégorisée «gouine qui n'a pas peur de<br />
mettre des fringues masculines» que<br />
comme «transgirl» (même si les gens<br />
savent que je suis trans, là n'est pas la<br />
question).<br />
Et par ailleurs là où c'est compliqué<br />
c'est que je ne fais pas ça que pour être<br />
bien perçue, et qu'il y a une sincérité dans<br />
le fait que j'aime porter des fringues<br />
catégorisées comme masculines ; mais d'un<br />
autre côté ça m'emmerde d'avoir dans<br />
certains cadres l'impression d'être mieux<br />
acceptée parce que je peux être vue comme<br />
«pas comme ces autres transgirls hyperféminines»<br />
et de me dire que j'ai<br />
vachement eu tendance à reprendre ça.<br />
Pour moi ça rejoint vachement les<br />
reproches qui sont faits (à l'intérieur de nos<br />
«communautés» toujours, je m'attaque pas<br />
aux milieux ouvertements misos qui sont<br />
de toute façon, ben, misos) aux lesbiennes<br />
Fems, qui sont soit accusées d'être trop<br />
soumises à l'ordre hétéropatriacal (alors