n°24 - L'Envolée
n°24 - L'Envolée
n°24 - L'Envolée
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
VENGEANCE<br />
A PERPETUITE<br />
L’ACHARNEMENT DE L’ETAT<br />
CONTRE LES RÉCALCITRANTS<br />
Certes, tout le monde a pu mesurer la ténacité de la vindicte<br />
de l’Etat à l’occasion de la suppression de la mesure de semiliberté<br />
concernant Jean-Marc Rouillan : l’aménagement de<br />
peine que le ministère de la justice lui avait octroyé il y a<br />
quelques mois – après plus de dix-huit ans passés derrière les<br />
barreaux – lui permettait de demander une libération conditionnelle<br />
d’ici peu. Une interview accordée à la presse<br />
(publiée dans « l’Express ») a suffi au parquet pour affirmer<br />
qu’il avait outrepassé l’obligation qui lui était faite de ne pas<br />
parler publiquement de son affaire. Le juge d’application des<br />
peines en charge de ce dossier a suivi les réquisitions du procureur<br />
et a renvoyé Rouillan à la case départ. Bien sûr, ce dernier<br />
a fait appel de cette décision, mais pour le moment, il est<br />
à nouveau écroué pour une condamnation à perpétuité, et s’il<br />
n’obtient pas gain de cause, il devra retourner en centrale<br />
avant de pouvoir (dans combien de temps ?) déposer une nouvelle<br />
demande de semi-liberté, puis, plus tard, de libération<br />
conditionnelle.<br />
Bien entendu, cette décision est choquante, elle se fonde sur<br />
l’interprétation de propos relativement banals, qui en tout cas<br />
ne constituent absolument pas une infraction aux obligations<br />
fixées par le juge d’application des peines. Mais ni la médiatisation<br />
de cette regrettable histoire, ni même le geste de bonté<br />
tout aussi médiatisé du prince et de la princesse graciant<br />
Marina Petrella, malade, ne doivent masquer l’étendue de la<br />
vengeance étatique, que l’on nomme communément justice.<br />
Ils sont des centaines à subir cet acharnement qui les condamne<br />
à mourir lentement dans les geôles : ceux qui contreviennent<br />
aux lois et ne veulent pas faire allégeance au pouvoir,<br />
ceux qui ne veulent pas se renier, et ceux qui refusent, même<br />
enfermés, de se soumettre. Pour tous ceux-là, l’Etat a d’ores<br />
et déjà concocté des nouvelles lois pour prolonger la peine audelà<br />
de la peine, ad vitam aeternam si nécessaire, et a élaboré<br />
de nouvelles mesures pour obliger les prisonniers en fin de<br />
peine à faire acte de contrition devant des experts s’ils veulent<br />
obtenir de maigres aménagements de peine. Il a ouvert le premier<br />
centre de rétention de sûreté pour appliquer les perpétuités<br />
réelles et va ouvrir la première prison ultra-sécuritaire<br />
pour y enfermer ceux que les cours d’assises ont condamnés<br />
à des peines éliminatrices et qui refusent de s’y résoudre.<br />
Nous avons choisi quelques histoires, peu ou pas médiatisées,<br />
qui révèlent que la revanche du pouvoir est bien une logique<br />
systématique.<br />
ON PEUT PARLER DE CYRIL KHIDER<br />
Cyril a été arrêté en août 2001, accusé d’avoir organisé la tentative<br />
d’évasion de son frère Christophe et de Mounir Benbouabdellah<br />
en mai 2001 et d’y avoir participé. Jugé en<br />
mars 2007, il a été condamné pour ces faits à dix ans de réclusion<br />
(cf. l’Envolée n° 19). Après plus de sept années de<br />
détention passées principalement dans des quartiers d’isolement<br />
ou dans des mitards, il a fait une demande de libération<br />
conditionnelle qui a d’abord été acceptée dans un premier<br />
temps par le juge d’application des peines en juillet 2008.<br />
C’était compter sans l’implacable volonté du parquet de garder<br />
en prison jusqu’au bout celui qui avait osé défier l’administration<br />
pénitentiaire, d’autant que sa condamnation à une<br />
peine de dix ans lui avait semblé beaucoup trop clémente. Le<br />
jour même, le parquet de Beauvais interjetait un appel empêchant<br />
Cyril de sortir le 21 juillet 2008 comme prévu. Avant de<br />
passer devant les juges de la cour d’appel d’Amiens, le parquet<br />
a envoyé un expert psychiatre de sinistre réputation, le<br />
chargeant de mesurer la contrition de Cyril et d’évaluer ses<br />
« risques de récidive et la dangerosité ». Archambault l’expert<br />
a exécuté sa basse besogne avec tout le zèle requis : il a<br />
exigé de Cyril qu’il lui dise qu’il détestait son frère, et qu’il<br />
trouvait que c’était bien fait pour lui s’il restait en prison,<br />
même à vie. Refusant ce chantage, Cyril a réaffirmé son<br />
amour pour son frère tout en précisant que ses priorités<br />
avaient changé, qu’il avait une fille de 5 ans à élever, une<br />
famille qui l’attendait et un travail intéressant. L’expert a tout<br />
de même décidé de son sort en quarante-cinq minutes, attestant<br />
« du risque de récidive par référence aux antécédents<br />
judiciaires de l’intéressé » et de « la dangerosité, de la nature<br />
des faits ayant motivé sa condamnation par une juridiction<br />
criminelle, enfin d’une personnalité restant immature et<br />
instable » empêchant de donner « une suite favorable à la<br />
demande de libération conditionnelle sollicitée, contrairement<br />
à ce qui avait été décidé par le juge d’application des<br />
peines au tribunal de Beauvais ».<br />
Les juges d’Amiens ont ainsi rejeté la demande de Cyril<br />
« comme non fondée et non justifiée », et ils l’ont renvoyé<br />
derrière les barreaux.<br />
ON PEUT PARLER DE SÉQUEDIN<br />
Nous en avons déjà souvent parlé dans des numéros précédents,<br />
mais cette fois-ci, les choses semblent se préciser.<br />
Depuis 2002, le ministère de la justice avait prévu, dans le<br />
cadre du plan de 13 000 nouvelles places de prison, la<br />
construction de deux centrales de haute sécurité destinées à<br />
enfermer les prisonniers les plus récalcitrants, c’est-à-dire<br />
ceux qui chercheraient à s’évader ou ceux qui refusent de se<br />
plier aux règles pénitentiaires et judiciaires et pourraient provoquer<br />
des mouvements dans la détention. Les sites de ces<br />
centrales sont déjà connus : l’une est prévue à Vendin-le-Vieil,<br />
dans le Nord de la France, et une autre à côté d’Alençon.<br />
26