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n°24 - L'Envolée

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PROCES B.RIPERT à l’adresse des magistrats ou des<br />

policiers de l’escorte. « C’est en<br />

vous appuyant sur les témoignages<br />

de ces menteurs que<br />

vous pourriez me condamner ?<br />

Je ne le conçois pas ! »<br />

Après ces remarques, il s’attaque aux propos mêmes relevés par<br />

l’accusation pour reprendre une à une les expressions constituant<br />

l’outrage : « Monsieur le procureur a repris différents extraits de<br />

propos pour les regrouper en une seule et même phrase, pour<br />

constituer une phrase plus outrageante, plus injurieuse, plus diffamatoire.<br />

On jongle avec le mensonge des témoignages pour<br />

faire un mensonge plus gros encore; c’est ahurissant, mais c’est<br />

habituel ; c’est habituel, mais c’est inacceptable ! »<br />

« Cette fois, ils n’ont pas été trop sévères ; ils n’ont pas prononcé<br />

de peines supérieures aux réquisitions », avant de<br />

conclure : « Si les peines sont systématiquement supérieures<br />

aux réquisitions, on peut arrêter le procès après les réquisitions<br />

: l’avocat n’a plus sa place, il n’a pas besoin d’être là,<br />

puisqu’il ne sert à rien ! »<br />

«Vous êtes des malades » : là encore, il y a cinq versions différentes.<br />

Ripert rappelle sa véritable déclaration qui dénonçait<br />

des peines systématiquement supérieures ou égales aux réquisitions<br />

: «Aujourd’hui, à Chambéry, vous m’avez donné une belle<br />

leçon d’injustice ; je saurai m’en souvenir. A Chambéry, vous<br />

n’avez aucune humanité, aucune rigueur, vous êtes des malades<br />

de la répression ! »<br />

« C’est un assassinat » : pour cette expression, il y a autant de «Vous êtes des fascistes » : le seul témoignage correspondant<br />

versions différentes que de témoignages : « Sur qui vous aux termes de l’accusation est celui du « bon capitaine » ; sept<br />

appuyez-vous pour affirmer que j’ai dit : « c’est un assassinat<br />

autres donnent des versions différentes, ou n’ont pas entendu.<br />

» ?… Les trois policiers ont dit la même chose, « c’est un «Pourquoi considérer toujours ceux qui accusent ? Un pays où<br />

assassinat », « c’est un assassinat », « c’est un assassinat »… les il n’y a plus de justice est un pays fasciste. Si le président a pris<br />

policiers, ils disent toujours tous la même chose au mot près ! » cela pour lui, s’il a considéré que je traitais la cour de fasciste,<br />

Le président veut alors entendre sa version : « Mais ça vient, c’est qu’il avait bien conscience que sa décision n’était pas<br />

Monsieur le Président, ne soyez pas impatient ! »<br />

empreinte de justice mais d’injustice. »<br />

Au retour de la cour de Chambéry, après la lecture du verdict, les<br />

condamnés, choqués, étaient restés debout. Le président leur Pour le mot « commençant par un S et finissant par un D » :<br />

avait demandé plusieurs fois de s’asseoir. Ripert était venu les sur les onze témoins cités, huit n’en parlent pas ; les trois restants<br />

épauler : «Ils restent debout car ils n’acceptent pas le verdict de présentent des versions divergentes quant au nombre de lettres :<br />

la cour ! » Un échange s’en était suivi avec le président, qui avait six ou huit. Ripert reconnaît que c’était une provocation, assez<br />

voulu voir des menaces dans les paroles de l’avocat : «…Et dixhuit<br />

efficace puisqu’elle a amené le procureur à le poursuivre :<br />

et vingt ans, ce ne sont pas des menaces : un assassinat ! » «Avait-il le droit de s’arroger la faculté de penser ce à quoi je<br />

Ripert va alors exposer les conséquences de telles peines sur les pensais moi-même ? Au nom de quoi ? – A quoi pensiez-vous,<br />

condamnés, sur les familles, sur les proches, parler du taux de alors? – Moi, je pensais au mot sagard : c’est un ouvrier des<br />

mortalité quatre fois plus élevé en prison que dans l’ensemble scieries, qui débite les troncs en planches… La cour d’assises de<br />

de la société. « On condamne au-delà de ce qui est acceptable. Chambéry débite les accusés en morceaux. »<br />

Je sais bien, vous allez me dire que l’on a le droit ; non, les juridictions<br />

Croyant voir une ouverture, le président l’interpelle : « Il vaut<br />

n’ont pas tous les droits, et elles n’ont pas le droit de mieux pour vous qu’il y ait six, et non huit lettres ; ainsi vous<br />

faire n’importe quoi ! Elles n’ont pas le droit d’être systématiquement<br />

pouvez vous référer au mot sagard ! » Un défenseur : « Ç’aurait<br />

excessives, comme c’est le cas à Chambéry. La défen-<br />

été : savoyard, Monsieur le président. » Fin du round!<br />

se n’a plus sa place dans le procès pénal, c’est ce qui se passe<br />

à Chambéry ! – On ne va pas faire le procès de la cour d’appel, Pour ce qui est d’avoir dit d’une magistrate qu’elle avait été à<br />

il me semble que c’est votre procès ! – Mais non, mais non, ce Grenoble la plus mauvaise avocate qu’il ait connue, l’accusé<br />

n’est pas mon procès, c’est le procès de la défense ! Mais vous assume, et reconnaît qu’il a eu tort de tenir ces propos : « Est-ce<br />

ne l’avez pas compris, Monsieur le Président ? C’est le procès que dire d’une magistrate qu’elle avait été une mauvaise avocate<br />

de la défense ! – Je le confirme, nous ne jugerons pas la cour<br />

est injurieux ? Il est vrai que beaucoup de mauvais avocats<br />

d’appel. – Eh bien si : je la juge, et je la condamne ! ». sont devenus de bons magistrats. Si je dis que ce magistrat est un<br />

Intervention du président, réplique immédiate : « Monsieur le bon magistrat, est-ce que je commets un outrage? Je ne pense<br />

président, si vous ne voulez pas que je m’explique, vous me le pas que l’on me poursuivra pour avoir dit que ce magistrat est un<br />

dites : moi, je prends mes affaires, on s’en va avec mes avocats, bon magistrat. Si je dis de ce magistrat qu’il est un mauvais<br />

c’est clair… si vous ne voulez pas connaître cette réalité, vous magistrat, on me poursuit – cela veut dire a contrario qu’un<br />

ne pouvez pas me juger. »<br />

magistrat ne peut être que bon, puisqu’il ne peut être mauvais…<br />

Non sans ironie, il cite un journaliste du Dauphiné libéré : Et donc les magistrats, parce qu’ils sont magistrats, sont forcé-<br />

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