n°24 - L'Envolée
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FEMMES EN PRISON<br />
QUELQUES PISTES DE RÉFLEXION<br />
Dans un contexte de luttes carcérales qui pouvait passer pour relativement calme, c'est de manière presque inaperçue<br />
que les prisonnières des maisons d'arrêt pour femmes (MAF) de Fresnes (le 21 janvier – cf. L’Envolée n° 22),<br />
de Dijon (le 29 avril – cf. L’Envolée n° 23) et de Rouen ont exprimé leur révolte. Ces mouvements amènent bien<br />
évidemment à réfléchir aux conditions de détention des femmes et à leurs spécificités. Les prisons sont le miroir de<br />
la société ; c'est flagrant en ce qui concerne l’emprisonnement des femmes. Il est difficile de décrire les délits et<br />
les conditions d'incarcération de cette minorité dans la minorité : l'information et les chiffres sont rares car le<br />
peu d'intérêt des journalistes, sociologues et autres charognards est à la mesure du statut des femmes au sein<br />
de cette société ; et les prisonnières communiquent peu avec ceux qui seraient susceptibles de diffuser leur parole<br />
à l'extérieur. Pour toutes ces raisons, ce texte pose les prémices d’une réflexion sur la question.<br />
Les délits pour lesquels femmes et<br />
hommes sont interpellés peuvent<br />
refléter la persistance de schémas<br />
traditionnels de construction des<br />
genres, mais aussi une évolution sur<br />
certains aspects socio-économiques.<br />
Les luttes des femmes ont amené une<br />
évolution des mentalités et des lois.<br />
Depuis la mise en place de la loi encadrant<br />
l’avortement médicalisé, un certain<br />
nombre de femmes ne vont plus<br />
derrière les barreaux – comme les avorteuses,<br />
et les femmes qui avortaient ; et<br />
puis le nombre des incarcérations pour<br />
infanticide a fortement baissé.<br />
L'adultère des femmes n'est plus un<br />
délit depuis 1975.<br />
En parallèle, des lois ont permis aux<br />
femmes d’être de plus en plus indépendantes<br />
financièrement : elles sont sorties<br />
de la tutelle des hommes, et peuvent<br />
donc faire des manipulations<br />
financières sans l'aval d'un père ou d'un<br />
époux, ce qui explique l’augmentation<br />
du nombre des infractions économiques<br />
et financières telles que les « escroqueries,<br />
faux et contrefaçons ». La principale<br />
catégorie d'infractions commises<br />
par les femmes est le « vol », et tout<br />
particulièrement le « vol simple » ;<br />
chez les hommes aussi, d’ailleurs. La<br />
misère ne fait pas de distinction, tout<br />
comme la société n'est pas ségrégationniste<br />
quand il s'agit d’inciter à la<br />
consommation ; nécessité oblige, le<br />
vol reste une pratique courante pour<br />
tous.<br />
D'autre part, les femmes sont peu<br />
impliquées dans les catégories d'infractions<br />
relatives à des actes définis<br />
comme violents par le droit ; elles<br />
représentent 8,33 % des personnes<br />
mises en examen pour « destructions et<br />
dégradations de biens », 10,68 % de<br />
celles qui le sont pour « coups et blessures<br />
volontaires », 4,32 % de celles qui le sont<br />
pour « vol à main armée » et 6,52 % de<br />
celles qui le sont pour « autres vols avec<br />
violence ».<br />
Au-delà de la notion de violence –<br />
catégorie de l'État qui est largement discutable<br />
– et de la problématique inter-<br />
30<br />
prétation des chiffres qu’il donne, on ne<br />
peut pas nier que dans la société patriarcale,<br />
il appartient davantage aux<br />
hommes d'extérioriser leur agressivité,<br />
valorisée comme un gage de virilité par<br />
l’éducation. C’est encore l’éducation qui<br />
fait que dans l’ensemble, les femmes<br />
n'envisagent pas les prises de risques de<br />
la même manière que les hommes. Les<br />
crimes commis par les femmes, souvent<br />
confinées au foyer, le sont essentiellement<br />
dans la sphère familiale :<br />
« meurtres sur mineurs de moins de<br />
quinze ans », « meurtres sur la personne<br />
du conjoint », « crimes passionnels »,<br />
« mauvais traitements »…<br />
Bien que l’on essaie de nous faire<br />
croire qu’il y a eu quelques avancées en<br />
matière de droit des femmes, la reproduction<br />
des schémas sociaux perdure :<br />
il est clair que ce n’est pas par les lois<br />
que cela changera. De toutes façons, les<br />
conditions socio-économiques déterminent<br />
les parcours des femmes qui ont<br />
affaire à la justice, et de celles qui<br />
connaissent la prison…