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20 L’Écho du Pas-de-Calais n o 87 – septembre 2007<br />

Vécu<br />

Photo L’Écho du Pas-de-Calais<br />

ILENCE absolu dans la salle d’Heuringhem. Pourtant<br />

rompus aux décibels des fêtes, réunions et mariages<br />

Srythmant la vie de la commune, les murs, les escaliers de<br />

ladite salle se taisent tous les jeudis soir quand se retrouvent<br />

les membres de la plus récente des sections du foyer rural.<br />

Des adultes et des jeunes qui n’émettent aucun son mais se<br />

parlent ! Dany Floret a créé l’association « Signons<br />

ensemble » pour mettre en place une initiation à la langue<br />

des signes. « Et essayer de réunir les entendants et les<br />

sourds dont le monde et la culture sont très différents ».<br />

Dany Floret propose une initiation à la langue des signes et espère « ouvrir » un café-signes dans l’Audomarois.<br />

Sourds et entendants<br />

sous le signe de la rencontre<br />

« On n’a jamais fait de<br />

cadeaux aux sourds », renchérit<br />

Dany, une Heuringhémoise<br />

énergique et décidée de 48 ans<br />

qui a repris ses études il y a<br />

deux ans afin d’obtenir l’équivalent<br />

du baccalauréat. Une<br />

émission sur la langue des<br />

signes vue à la télé l’a convaincue<br />

de prendre des cours<br />

auprès de l’association Trèfle à<br />

Arras. « La langue des signes,<br />

c’est difficile et il faut de la<br />

volonté… » Dany n’en manque<br />

vraiment pas et entreprend de<br />

réunir sous une même bannière<br />

toutes les personnes - sourdes<br />

et entendantes - prêtes à<br />

« signer ensemble ». Signer :<br />

s’exprimer en langage des<br />

signes. Quelques fructueuses<br />

réunions permettent de sceller<br />

les bases d’une association :<br />

« rien à voir avec des cours »,<br />

précise bien Dany Floret.<br />

Bénévolat, convivialité, curiosité<br />

résument parfaitement<br />

l’ambiance des réunions du<br />

jeudi soir. Le visiteur a l’impression<br />

de tomber au beau<br />

milieu d’un grand jeu; deux<br />

animateurs - Dany et Manu -<br />

lançant les participants sur la<br />

piste d’une langue où mains,<br />

doigts et gestes remplacent<br />

mots, lettres et phrases.<br />

L’aspect ludique permet d’atténuer<br />

les complications, de<br />

traquer les subtilités… « Pour<br />

signer “chaussettes”, pensez à<br />

la façon dont on les plie après<br />

les avoir lavées » lance Dany,<br />

reprenant soudain la parole.<br />

Manu de son côté prône un<br />

mutisme total, incitant ses<br />

« complices de jeu » à mimer les<br />

expressions, les situations<br />

qu’ils n’arrivent pas encore à<br />

signer. Les rires trouent alors le<br />

silence. Avec ses vingt-cinq<br />

inscrits, Dany avoue d’ores et<br />

déjà être allée au-delà de ses<br />

espérances.<br />

Une tournée de signes<br />

Mais « Signons ensemble » a<br />

d’autres ambitions, l’association<br />

espère ainsi développer les<br />

cafés-signes. Sur le principe du<br />

café littéraire ou du café philo,<br />

le café-signes met en relation<br />

des sourds et des entendants,<br />

leur permettant de communiquer<br />

grâce à la langue des<br />

signes évidemment, « pour<br />

qu’on soit tous pareils ». Les<br />

cafés-signes existent dans les<br />

grandes villes, Dany rêve de les<br />

voir gagner les secteurs plus<br />

rurbains « où c’est moins<br />

évident de faire sortir les<br />

sourds », de les impliquer<br />

davantage dans la société.<br />

Premières tentatives de l’association<br />

les jeudis 13 septembre<br />

et 11 octobre, à partir de 18h :<br />

le café-signes s’installera au<br />

Queen Victoria, place Foch à<br />

Saint-Omer. Ouvrir les portes<br />

d’un « monde fermé » est une<br />

noble et généreuse initiative que<br />

l’association pourrait ensuite<br />

développer, à Hazebrouck par<br />

exemple. Dany Floret, qui a<br />

plus d’une idée dans son sac,<br />

songe aussi à des jumelages<br />

entre pratiquants de la langue<br />

des signes de différentes<br />

régions, de différents pays. Les<br />

mots pourront enfin toucher les<br />

gestes, et vice versa. Pour se<br />

connaître, se reconnaître sur le<br />

bout des doigts.<br />

Chr. Defrance<br />

Rens. 06 84 11 61 34<br />

dany.floret@wanadoo.fr<br />

Association Trèfle à Arras :<br />

03 21 48 86 20<br />

LSF, Langue des signes française<br />

« Je vois comme je pourrais entendre, mes<br />

yeux sont mes oreilles, j’écris comme je peux<br />

signer, mes mains sont bilingues, mon cœur<br />

n’est sourd de rien. Voilà ma différence » :<br />

l’actrice Emmanuelle Laborit est devenue -<br />

sans mauvais jeu de mots - la porte-parole des<br />

sourds. Elle est une fervente propagatrice de<br />

la langue des signes qu’elle a pratiquée au<br />

sein de l’IVT, International visual theater.<br />

Une association créée en 1976 et travaillant à<br />

la « requalification de la langue des signes ».<br />

Car, aussi étonnant que cela puisse paraître,<br />

elle fut interdite et « marginalisée aux seules<br />

associations de sourds » durant un siècle - en<br />

gros de 1880 à 1980! La langue des signes<br />

française est reconnue comme langue à part<br />

entière depuis 2005 seulement.<br />

Deux personnages ont marqué l’histoire de<br />

cette langue. L’abbé Charles Michel de l’Épée<br />

(1712-1789) mit en évidence « l’importance<br />

du gestuel pour l’éducation des sourds »,<br />

effectuant des démonstrations devant le roi.<br />

Ferdinand Berthier, né en 1803, fréquenta<br />

l’Institut national des jeunes sourds où l’un<br />

des professeurs, Auguste Bébian (un entendant)<br />

fut le premier à utiliser la langue des<br />

signes pour enseigner aux élèves. Devenu à<br />

son tour professeur - sourd - et brillant intellectuel,<br />

F. Berthier milita toute sa vie pour la<br />

reconnaissance de la langue des signes française<br />

et des droits des sourds. Aujourd’hui,<br />

80 000 sourds (sur 120 000) et plus de 100 000<br />

malentendants emploieraient cette langue<br />

visuelle qui fascine bon nombre d’entendants.<br />

L’alphabet dactylogique permet,<br />

d’une seule main, de signer l’alphabet latin.<br />

En LSF, il n’y a pas de conjugaison, les<br />

expressions du visage indiquent le sens de la<br />

phrase, l’ordre des mots est : lieu, temps,<br />

sujet, action. Le dico de la LSF s’enrichit en<br />

permanence; beaucoup de signes viennent du<br />

mime et sont faciles à retenir par les entendants,<br />

telles les chaussettes de Dany. Et l’animatrice<br />

de « Signons ensemble » sait qu’elle<br />

devra doper son vocabulaire si les jumelages<br />

espérés se mettent en place… En effet, la<br />

langue des signes n’est pas universelle et<br />

diffère d’un pays à l’autre. Emmanuelle<br />

Laborit a encore raison de dire : « Le monde<br />

des entendants a d’énormes efforts à faire<br />

pour que nous arrivions à égalité. »<br />

Chr. D.

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