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Asie du Sud-Est

RDM le magazine de Rivages du monde vous propose de partir à la découverte de l'Asie du Sud-Est et de la Patagonie pour ce premier numéro.

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Le Magazine de RIVAGES DU MONDE n°1/ 2015<br />

<strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong><br />

Vers de nouveaux<br />

horizons ?


Puerto Toro est le village habité toute l’année le plus au sud de la Terre.<br />

Ce sont principalement des militaires chiliens avec leur famille qui vivent ici.<br />

Une vingtaine de maisons aux façades colorées, une école et son gymnase<br />

ainsi qu’une petite église font ainsi face au pole <strong>Sud</strong>.


Édito ¬<br />

Luxe, calme et volupté. Ce premier numéro de RDM le magazine de Rivages <strong>du</strong> monde est une invitation au voyage. Comme un bateau mis à flot<br />

pour la première fois, toute l’équipe <strong>du</strong> magazine – des rédacteurs venus d’horizons divers, historiens, artistes et journalistes de tous pays,<br />

ainsi que des photographes – s’est jetée à l’eau pour hisser haut les exigences de découvertes, de rencontres, d’inatten<strong>du</strong>s… D’escale en escale,<br />

vous qui êtes toujours plus nombreux à partir en croisière selon les récents chiffres <strong>du</strong> secteur, nous vous accompagnerons dans votre quête de<br />

nouvelles destinations et de sérénité. En donnant <strong>du</strong> temps au temps. Celui de lire et désirer l’ailleurs.<br />

« En voyage, il faut être ouvert d’esprit », me confiait assez justement une guide birmane. Cette ouverture au monde, aux autres, au tourisme, à la<br />

modernité, c’est celle de l’<strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong>, fil con<strong>du</strong>cteur de ce numéro. Du Mékong aux temples de Bagan, de la chorégraphe Ea Sola à<br />

Margueritte Duras, d’une pagode au Cambodge à l’indolence <strong>du</strong> lac Inle… Rendez-vous est pris tous les quatre mois à la rencontre <strong>du</strong> bout <strong>du</strong><br />

monde. RdM Sébastien Righi<br />

003 N° 1 / 2015


Dans la vague ¬<br />

Billets d’humeur ¦ 008<br />

Questionnaire bateau… Stéphane Bern ¦ 009<br />

L’invité… Duras Song par Frank Smith ¦ 010<br />

Économie : Le textile-roi en <strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong> ¦ 012<br />

Politique : Présidentielles Argentine/Birmanie ¦ 015<br />

Seniors en vacances ¦ 016<br />

L'actualité des expositions ¦ 017<br />

La chronique théâtre de Charlotte Lipinska ¦ 021<br />

La chronique danse de Florian Gaité ¦ 023<br />

Ea Sola, danser la mémoire <strong>du</strong> monde ¦ 024<br />

Une sacrée Nana ¦ 026<br />

L'actualité littéraire ¦ 027<br />

SOMMAIRE<br />

Numéro 1/2015 juin-septembre<br />

© Pcruciatti<br />

Dossier ¬<br />

<strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong>, vers de nouveaux horizons ? ¦ 028<br />

Croissance économique et ouverture politique ? ¦ 030<br />

Grand Mékong, colonne vertébrale de l’<strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong> ¦ 034<br />

L’Irrawaddy, « fleuve-mère » de Birmanie ¦ 039<br />

Bangan et Angkor, deux sites de pèlerinage rivaux ? ¦ 042<br />

Portfolio ¬<br />

Les quatre saisons, la Patagonie chilienne ¦ 046<br />

Le Cap Horn, au cœur <strong>du</strong> mythe ¦ 057<br />

N° 1 / 2015<br />

004


L’OURS<br />

© Nattanana726<br />

RIVAGES DU MONDE<br />

19 rue <strong>du</strong> 4-Septembre, 75002 Paris -<br />

Tél. : +33 (0)1-49-49-15-50<br />

Internet : www.rivages<strong>du</strong>monde.fr<br />

Escales ¬<br />

Le Québec : Les chutes <strong>du</strong> Niagara ;<br />

Les indispensables de la ville de Québec ¦ 066<br />

Cambodge : Le Wat Kampong Tralach Leu ;<br />

La place de la Poste de Phnom Penh ¦ 070<br />

Vietnam : Sadec ¦ 071<br />

Birmanie : Le lac Inle ; La laque birmane ¦ 073<br />

Chili : Valparaiso, mythe poétique ¦ 076<br />

Patagonie : Les Yagans ¦ 077<br />

En vrac ¬<br />

Icône : <strong>Est</strong>ela de Carlotto ¦ 078<br />

Portrait chinois de la Birmanie ¦ 079<br />

Michel Rolland, le Napoléon <strong>du</strong> vin ¦ 080<br />

Rafael Arenas Fuentes, cuisiner l’ailleurs ¦ 081<br />

Recette traditionnelle : la pho vietnamienne ¦ 082<br />

Le thanaka, nouvelle mode cosmétique ¦ 084<br />

Le chinlon : sport des rois ¦ 085<br />

EMBARQUEZ<br />

Toute l’actualité Rivages <strong>du</strong> monde et plus ¦ 086<br />

Les croisières Rivages <strong>du</strong> monde<br />

automne-hiver-printemps 2015/2016 ¦ 096<br />

Président-directeur général - ALAIN SOULEILLE<br />

Corporate - SÉVERINE MOREAU- BERTRAND DELAUNAY<br />

Directeur de publication - DAVID DIBILIO<br />

Coordination générale - FLORIAN CHAVANON<br />

Rédaction<br />

F+S ÉDITIONS<br />

72 bis avenue de Flandre, 75019 Paris<br />

Tél. : +33 (0)1-46-07-22-67<br />

Mail : info@fseditions.fr<br />

Rédacteur en chef SÉBASTIEN RIGHI<br />

(sebastien@fseditions.fr)<br />

Direction artistique et studio XIMENA RIVEROS ET RIÉ HIRAI<br />

Infographie RIÉ HIRAI<br />

Rédacteur en chef adjoint FLORIAN CHAVANON<br />

(florian@fseditions.fr)<br />

Secrétariat de rédaction STUDIO LES CORRECTEURS<br />

Collaborent également à ce numéro<br />

TINA BESSE, FLORIAN DELISLE, DAVID DIBILIO,<br />

IVAN FACANO, FLORIAN GAITÉ, CAMILLE LAVOIX,<br />

WHITNEY LIGHT, CHARLOTTE LIPINSKA,<br />

AGUSTÍN PABLO MENCHÓN, ARMELLE PRIVAT,<br />

MYRTILLE RAMBION, BETTIE SANS,<br />

FRANCINE THOMAS, VINCY THOMAS.<br />

REMERCIEMENTS CHALEUREUX À YVES BOCCUNI,<br />

KEVIN IZORCE, LUCY MAGDO,<br />

VÉRONIQUE ET RENÉ MUNARO,<br />

ANNE-SOPHIE SCHAUPP, SYLVIE VAY<br />

Fabrication IMPRIMERIE CENTRALE –<br />

15 rue <strong>du</strong> Commerce L-1351 Luxembourg Tél. : +352 48 00 22-1<br />

Imprimé au Luxembourg.<br />

ISSN en cours<br />

© F+S ÉDITIONS – La repro<strong>du</strong>ction même partielle, des articles et<br />

illustrations publiés dans RDM le magazine Rivages <strong>du</strong> monde est interdite.<br />

F+S ÉDITIONS est une société à responsabilité limitée.<br />

R.C.S. Paris 808 354 344<br />

L’ensemble de la pro<strong>du</strong>ction de ce magazine est certifié PEFC.<br />

L’ensemble <strong>du</strong> processus est garanti par les systèmes internationaux<br />

les plus stricts de certification de gestion <strong>du</strong>rable des forêts.<br />

Les photographies de première<br />

de couverture et d'intérieurs de couverture ont<br />

été réalisées par Florian Chavanon<br />

pour RDM le magazine Rivages <strong>du</strong> monde.<br />

005 N° 1 / 2015


Ils ont participé à ce numéro<br />

Samuel Bartholin<br />

Samuel Bartholin, journaliste, diplômé<br />

<strong>du</strong> CFJ, vit en <strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<br />

<strong>Est</strong> depuis 2003 où il a notamment<br />

travaillé pour Cambodge Soir et a été<br />

responsable des publications au<br />

sein des Éditions <strong>du</strong> Mékong. Il est<br />

aussi l’auteur de plusieurs ouvrages<br />

sur l’histoire et les minorités ethniques<br />

de la région. En France, il<br />

collabore avec le magazine web<br />

Slate.<br />

Éric Domergue<br />

Journaliste et écrivain français résidant<br />

en Argentine depuis plus de<br />

50 ans, ancien correspondant de<br />

l’Agence France-Presse à Buenos<br />

Aires, il collabore régulièrement<br />

avec des médias en langue française.<br />

Il est actuellement pro<strong>du</strong>cteur<br />

et rédacteur à la radio nationale<br />

argentine.<br />

Marie Domper<br />

« Certains parlent comme des<br />

livres, moi on me dit souvent que<br />

j’écris comme je parle. » Ça tombe<br />

bien puisque parler, c’est son métier<br />

: journaliste radio depuis plus<br />

de 10 ans. Accro à l’actualité, elle<br />

est aussi une grande fan d’<strong>Asie</strong> et<br />

de gastronomie.<br />

Émilie Gentils<br />

Formée à l’école hôtelière et<br />

après 10 ans dans la restauration<br />

à Londres, Émilie Gentils s’est reconvertie<br />

depuis 4 ans à la photographie<br />

culinaire dont elle a fait sa<br />

spécialité.<br />

Sa photographie reflète ses aspirations<br />

gastronomiques : simplicité,<br />

naturel et mise en valeur <strong>du</strong> pro<strong>du</strong>it<br />

sans artifices.<br />

www.thefoodeye.com<br />

© Radio France / Christophe Abramowitz<br />

Amaury Lorin<br />

Amaury Lorin, docteur en histoire<br />

de l’Institut d’études politiques de<br />

Paris, ancien boursier de l’École<br />

française d’Extrême-Orient, vit à<br />

Rangoun depuis 2013. Il enseigne<br />

l’histoire contemporaine à l’Université<br />

de Rangoun et contribue<br />

notamment aux pages culture <strong>du</strong><br />

Myanmar Times. Il a reçu le prix des<br />

écrivains combattants 2006, le prix<br />

Auguste Pavie de l’Académie des<br />

sciences d’outre-mer 2006 et le prix<br />

de thèse <strong>du</strong> Sénat 2012.<br />

Nicolas Martin<br />

Nicolas Martin est journaliste<br />

chroniqueur pour la matinale de<br />

France Culture. Passionné aussi<br />

bien d’astrophysique et de biologie<br />

que de littérature et de cinéma, il<br />

mène par ailleurs une carrière de<br />

scénariste réalisateur de courts<br />

métrages de fiction et de clips musicaux.<br />

Annie Mathieu<br />

Après avoir flirté avec l’idée de<br />

faire carrière dans la diplomatie<br />

à la suite d’expériences professionnelles<br />

à l’UNESCO et à l’ambassade<br />

<strong>du</strong> Canada à Paris, Annie<br />

Mathieu est rapidement revenue<br />

à ses premières amours journalistiques.<br />

Originaire de Montréal où<br />

elle a aiguisé ses armes dans une<br />

agence de presse nationale, Annie<br />

fait carrière depuis près de cinq<br />

ans dans un quotidien de la ville de<br />

Québec.<br />

Frank Smith<br />

Frank Smith est écrivain et vidéaste.<br />

Il a publié une douzaine<br />

de livres, dont Guantanamo (Seuil,<br />

2010, et Les Figues Press, USA,<br />

2014), sacré meilleur livre de l’année<br />

par The Huffington Post. Il réalise<br />

également des « ciné-poésies »,<br />

dont Le Film des questions, présenté<br />

au Centre Pompidou (Hors Pistes<br />

2015). Il est aussi directeur de la<br />

collection de livres-CD « ZagZig »<br />

qu’il a fondée aux éditions Dis Voir.<br />

www.franksmith.fr<br />

N° 1 / 2015<br />

006


☛ Croisiéristes photographes, vous aussi, envoyez-nous vos photos à info@fseditions.fr.<br />

1<br />

2<br />

3<br />

4<br />

1 Birmanie - Bagan (croisière sur l'Irrawaddy)<br />

René Munaro, 58 ans, chirurgien-dentiste, Chenières.<br />

3 Chili (croisière en Patagonie)<br />

Kevin Izorce, 31 ans, accompagnateur, Nice.<br />

2 Vietnam - Sadec (croisière dans le delta <strong>du</strong> Mékong)<br />

Rihanna Volfcan, 48 ans, programmatrice culturelle, Bordeaux.<br />

4 Cambodge - Oudong (croisière dans le delta <strong>du</strong> Mékong)<br />

Jacques M., 69 ans, retraité, Strasbourg.<br />

007 N° 1 / 2015


Mon voisin,<br />

sa parcelle et moi<br />

Texte Nicolas Martin ¬<br />

Les rizières inondées des berges <strong>du</strong> Mékong. Des travailleurs<br />

affairés, le dos courbé sous leur chapeau de<br />

jonc tressé. La belle image de catalogue que voilà. Au<br />

moins autant que le petit Français la baguette sous le<br />

bras et le béret vissé sur la tête.<br />

Ce qui frappe certainement le plus le visiteur occidental<br />

en goguette dans les contrées asiatiques, ce<br />

n’est pas tant la jolie carte postale que l’étrangeté<br />

<strong>du</strong> rapport à l’autre. On dépeint souvent la culture<br />

occidentale comme indivi<strong>du</strong>aliste, là où, à l’inverse,<br />

les civilisations asiatiques nous surprennent par leur<br />

dimension collectiviste. Et s’il y avait un lien entre<br />

cette photo de carte postale et la nature si différente<br />

de nos deux types de sociétés ? Si ces différences remontaient<br />

à notre lien ancestral à l’agriculture ?<br />

Ce sont les conclusions d’une étude menée par un<br />

chercheur de l’université de Virginie, aux États-Unis,<br />

dont le postulat est le suivant : c’est la culture des<br />

céréales qui a déterminé, il y a fort longtemps, notre<br />

mode de rapport à l’autre.<br />

En effet, en Occident, la principale céréale cultivée<br />

est le blé. En <strong>Asie</strong>, c’est le riz. Et ce, depuis le Néolithique,<br />

c’est-à-dire il y a un peu plus de 10 000 ans,<br />

quand les humains ont commencé à se sédentariser.<br />

Dans son étude, ce chercheur compare les deux<br />

types de culture : la riziculture inondée demande<br />

une grande coopération entre les agriculteurs. L’eau<br />

doit circuler entre les parcelles, d’amont en aval, et<br />

il faut collaborer si l’on veut éviter que la parcelle <strong>du</strong><br />

voisin soit drainée ou noyée. Pour le blé, en revanche,<br />

la traction par des bêtes a ren<strong>du</strong> la culture aisée, sans<br />

véritable nécessité de coopération.<br />

Pour éprouver cette hypothèse, ce chercheur a fait<br />

passer un certain nombre de tests à des populations<br />

chinoises vivant dans des régions qui cultivent soit le<br />

blé, soit le riz.<br />

Par exemple, au test des cercles, où il s’agit pour les<br />

sujets de se représenter eux et leurs réseaux d’amis<br />

par des cercles reliés les uns aux autres, dans les régions<br />

à culture de blé, le cercle par lequel les sujets se<br />

représentent eux-mêmes est plus grand de plusieurs<br />

millimètres par rapport aux autres cercles, tandis<br />

que dans les régions rizicoles, le cercle est de même<br />

taille, voire légèrement plus petit.<br />

Même constat sur les statistiques <strong>du</strong> divorce, un des<br />

marqueurs associés à l’indivi<strong>du</strong>alisme. Le nombre<br />

de divorces est inférieur de moitié dans les régions<br />

rizicoles que dans celles où le blé est la culture dominante.<br />

Reste bien sûr à interroger les autres sociétés, africaines<br />

et sud-américaines, qui se caractérisaient<br />

respectivement par les cultures <strong>du</strong> millet et <strong>du</strong> maïs.<br />

Le millet, avec un rendement faible, rendait la coopération<br />

plus nécessaire que le maïs. On peut donc<br />

avancer l’hypothèse que les sociétés africaines se<br />

sont structurées de manière plus collaborative, au<br />

sein des villages, que les sud-américaines.<br />

Quant au petit Français avec sa baguette et son béret,<br />

il est tout seul sur la carte postale. Contrairement<br />

aux ouvriers des rizières... Les vieilles habitudes<br />

ont la vie <strong>du</strong>re. RdM<br />

Flippant Flipper<br />

Texte Marie Domper ¬<br />

Je l’avoue, je n’ai jamais aimé les dauphins. Ils m’ont toujours renvoyé l’image un peu<br />

gnangnan <strong>du</strong> gentil animal qu’on trouve sur les posters des chambres d’adolescents à<br />

côté des poneys, ou pire encore, sur les carrelages de salles de bains des années 80. Oui<br />

mais ça, c’était avant ! Avant de connaître le dauphin de l’Irrawaddy. Ce dauphin-là, il<br />

est spécial. Il ne ressemble… à rien ! Pour le corps, passe encore : une nageoire sur le dos,<br />

une sur chaque côté, il est certes un peu moins svelte et gracieux que son cousin, mais<br />

si vous l’apercevez dans l’eau, vous n’y verrez que <strong>du</strong> feu. En revanche, s’il daigne vous<br />

montrer autre chose que son postérieur, aucune chance de le confondre avec Flipper.<br />

Sa tête ressemble à celle d’un beluga, ronde, énorme, sans bec, une bouche irrégulière<br />

telle une cicatrice, des yeux minuscules, bref, vous l’aurez compris, ce dauphin-là n’est<br />

pas très beau. Et pourtant… Peut-être parce qu’il n’est pas donné à tout le monde de le<br />

rencontrer un jour, peut-être parce que je sais qu’il est amené à disparaître, victime des<br />

filets de pêche, de la pollution et j’en passe, toujours est-il que ce dauphin moche, moi je<br />

le trouve touchant. Et qui sait, peut-être qu’un jour, il se retrouvera sur le carrelage de ma<br />

salle de bains. RdM<br />

N° 1 / 2015<br />

008


QUESTIONNAIRE<br />

AVEC<br />

STÉPHANE<br />

BERN<br />

BATEAU…<br />

Il est partout ! Télévision, radio, livres,<br />

théâtre… Stéphane Bern est un homme<br />

très demandé, même en croisière !<br />

Il donne en effet des conférences sur des<br />

bateaux. L’occasion de s’échapper un peu,<br />

lui qui apprécie particulièrement la Méditerranée,<br />

une mer mais aussi une mère,<br />

nourricière de notre civilisation, la « mare<br />

nostrum ». Questions bateau...<br />

Votre première fois<br />

sur un bateau ?<br />

J’étais enfant. Entre l’Allemagne et le<br />

Danemark. Mais là où j’ai le plus profité,<br />

ma plus grande aventure en mer, ça<br />

a été le Mermoz, un bateau mythique.<br />

J’ai découvert la Turquie, la Grèce,<br />

c’était absolument fabuleux !<br />

Mal de mer<br />

ou pied marin ?<br />

J’adore les bateaux dans l’idée, mais<br />

j’ai le mal de mer. Il n’y a que sur les<br />

très gros bateaux, type transatlantique,<br />

que ça va. En fait, j’aime bien les<br />

immeubles flottants comme le Queen<br />

Elisabeth. Forcément !<br />

Bateau ivre<br />

ou bateau livre ?<br />

Je suis bateau livre, moi ! Je vais en<br />

croisière surtout pour faire des conférences,<br />

ce qui me laisse un peu de répit<br />

pour lire et vérifier deux, trois éléments<br />

dans mes ouvrages d’histoire pour ne<br />

pas raconter des bêtises aux gens qui<br />

ont la gentillesse de venir m’écouter.<br />

Le cocktail parfait<br />

pour une croisière ?<br />

C’est d’avoir des croisiéristes extrêmement<br />

sympathiques ! Ça se déguste<br />

sans modération. Si vous êtes avec des<br />

gens merveilleux, vous pouvez vous<br />

faire des amis pour la vie. Ça m’est<br />

arrivé !<br />

Un pêché mignon<br />

en croisière ?<br />

La gourmandise ! On mange beaucoup,<br />

surtout lors des croisières avec<br />

de grands chefs à bord.<br />

Un navigateur célèbre ?<br />

Tabarly ! Il m’a fait rêver. Moi, les héros<br />

de mon enfance, ce sont les grands explorateurs.<br />

Magellan, Vasco de Gama,<br />

Christophe Colomb… Je me suis plongé<br />

dans leur vie. La mer m’a toujours<br />

fasciné ! Je repensais à tous ceux partis<br />

de Lisbonne. Comme le disait Luís de<br />

Camões, ils y allaient « pour donner des<br />

mondes au monde ». Pour moi, la mer<br />

c’est ça, c’est l’invitation au voyage !<br />

Interview Florian Delisle ¬<br />

Conseils pour bien<br />

réussir une croisière ?<br />

Il faut pas mal de vêtements tout terrain<br />

pour pouvoir se changer ! Et puis<br />

avoir de bons livres. Il faut aussi bien<br />

préparer son séjour, se documenter.<br />

Moi, je trouve que c’est formidable de<br />

voyager comme ça : un jour vous êtes<br />

là et le lendemain vous vous réveillez<br />

ailleurs… Au fond les pays se visitent<br />

mieux de la mer ou d’un fleuve.<br />

009 N° 1 / 2015


L’INVITÉ<br />

« Comme toi, je suis douée de mémoire. Je connais l’oubli. » La parole d’Hiroshima mon amour entête. Dès<br />

qu’elle agit, impossible de s’en extraire. Marguerite Duras n’est jamais revenue sur les terres asiatiques<br />

de son enfance mais elle les aura hantées dans son œuvre jusqu’à l’épuisement de l’oubli.<br />

Les traces vivantes de l’écrivain, on les poursuit aujourd’hui en route ou sur voies d’eau, le long<br />

des rivières qui se jettent dans le Mékong, côté vietnamien, jusqu’aux rivages cambodgiens <strong>du</strong><br />

golfe de Siam. On y sent les paysages vaciller, les peuples encore frémir de l’insurrection, et il y aurait<br />

quelque chose comme une manière de planter. Non pas enfoncer les souvenirs, les buissons<br />

de mots ou d’images, mais les dissimuler dans la terre, à faible épaisseur de sol, de bitume ou de<br />

boue, pour les transporter ailleurs et les replanter encore. Une pratique <strong>du</strong> riz, en somme : aucun<br />

enracinement mais des piqûres.<br />

Texte Frank Smith ¬<br />

Sur les hauts plateaux himalayens, lorsqu’il ne forme encore qu’un torrent, les Tibétains l’appellent<br />

Dza Chu, « l’eau des rochers ». Au Yunnan et au Sichuan, les Chinois le baptisent<br />

Lan-Ts’ang Chiang. Au Laos, il devient Mae Nam Khong, puis Mékong au Cambodge. À<br />

plus de 4 300 km de sa source, la masse ocre et puissante <strong>du</strong> fleuve court vers l’océan<br />

pour nourrir les 18 millions d’habitants <strong>du</strong> delta. Ce sont les terres nourricières qui irriguent<br />

L’Amant et Un Barrage contre le Pacifique, les deux romans mythiques de Duras,<br />

et c’est la réalité suspen<strong>du</strong>e, une substance éthérée circulant entre les parois <strong>du</strong> réel,<br />

qui, à l’instar de la « chaîne de l’Éléphant », n’opère pas par transformations mais<br />

par sauts et zigzags. Un fragment de village flottant en désordre puis des bribes<br />

brouillées de savane luxuriante, des morceaux de lacs, tous très mobiles, les uns<br />

relancés dans les autres et tous s’enveloppant ensemble. Des chants khmers, le<br />

cri aigu d’un engoulevent enfoui dans la mangrove… Duras Song.<br />

Marguerite Duras est née le 4 avril 1914 à Gia Dinh, une ville de la banlieue nord<br />

de Saïgon, aujourd’hui Ho-Chi-Minh-ville, au Vietnam. On y trouve encore l’ancien<br />

lycée Chasseloup-Laubat où Duras étudia, il est toujours l’établissement le<br />

plus réputé de la ville. Cholon, le quartier chinois dans lequel se nichait la garçonnière<br />

aux persiennes fermées de l’amant, demeure un grouillant carrefour<br />

commercial, avec des marchandises en provenance des quatre coins <strong>du</strong> monde.<br />

Le bâtiment des Messageries maritimes, maison coloniale à façade rose, abrite<br />

désormais le musée Ho-Chi-Minh.<br />

C’est la saison des moussons. On quitte la métropole pour se fondre dans<br />

l’infini d’un ciel laiteux qui flotte jusqu’à Chau Doc, à la frontière cambodgienne,<br />

aux premières ramifications <strong>du</strong> delta <strong>du</strong> Mékong. À travers un tissu de<br />

rizières et de fougères pâles sillonné par des silhouettes au chapeau conique, le<br />

chemin file ses méandres au rythme intemporel des attelages de buffles. Au bord<br />

<strong>du</strong> grand cours d’eau, c’est un vertige exact : « (…) jamais de ma vie entière je ne reverrai<br />

des fleuves aussi beaux que ceux-là, aussi grands, aussi sauvages, le Mékong et ses bras qui descendent<br />

vers les océans », écrit Duras dès les premières pages de L’Amant. On est en 1984 :<br />

à soixante-dix ans, l’écrivain révèle sa rencontre avec un riche Chinois, alors qu’elle avait quinze<br />

ans à peine, sur un bac entre Vinh Long et Sadec.<br />

L’Amant, c’est le récit de cette relation scandaleuse mais c’est aussi la chronique d’une Indochine<br />

où la mère de Duras, Marie Donnadieu, institutrice dans une école pour « indigènes », vit en<br />

marge de la bourgeoisie locale.<br />

Le fleuve, ample, charrie maintenant des îlots verdoyants de jacinthes d’eau. « Vinh Long, c’était un<br />

poste de brousse de la Cochinchine, c’est déjà la Plaine des oiseaux, le plus grand pays d’eau <strong>du</strong> monde j’imagine.<br />

» Les débarcadères décatis pointent vers l’immense pont My Thuan, à haubans. Progressivement,<br />

on rejoint Sadec, bourgade aux accents vénitiens, où vit Marguerite dans les années 1930.<br />

Sur le quai, là où tous les matins pullule un odorant marché, la villa coloniale de l’amant prend des<br />

allures de temple bouddhiste. Mosaïques, hauts plafonds sculptés, mobilier antique, et au mur<br />

des photographies de l’amant Huynh Thuy Le.<br />

N° 1 / 2015<br />

010


L’INVITÉ<br />

La nuit tombe, les villages se succèdent, on passe la porte des pagodes au bois noir et on passe les<br />

jours, aussi, le cours vivant de l’eau scintille immensément. Sur la route en direction <strong>du</strong> sud, la<br />

terre rouge se fait aride, des phnoms (petites collines) percent au loin, découpant l’uniformité des<br />

champs brûlés par le soleil. Des cabanes dressées sur pilotis, des huttes en pagaille, souvent, on<br />

les voit. Puis la pluie vient : la terre recouvre les arbres aux troncs noueux, le toit des habitations,<br />

les passants, on ne voit plus que ce qu’on doit voir, on n’oublie rien.<br />

En 1924, la mère de Duras rompt avec son rythme de nomade urbaine en achetant des parcelles<br />

que l’administration coloniale incite à posséder. C’est ici, à Kampot au Cambodge, que se bâtit<br />

la nouvelle vie de Marie Donnadieu et celle de ses trois enfants. « Le fleuve coule sourdement, il<br />

ne faut aucun bruit, le sang dans le corps », note Marguerite. Partout l’espace est compté et dans<br />

l’enchevêtrement des canaux, la population grossit. La plaine entière est vouée au riz : fascinante<br />

orchestration de bras, de rames, d’efforts chaque jour renouvelés, le fouillis inextricable<br />

des plantes aquatiques, des rumeurs, des nerfs à vif, des patiences, tout un monde<br />

de vibrations. Un sampan glisse comme dans un songe, les membrures de la coque<br />

craquent à chaque vague. La lumière fuit pour différencier les visages.<br />

À Kampot, on est dans l’obsession nostalgique. Les cris recouvrent tout, la mer<br />

de Siam, la végétation délirante et les racs. Plus rien n’a de sens et personne ne le<br />

sait plus. La mère rit dans la nuit, elle suffoque ou gémit. « On habite le bungalow à<br />

gauche de la piste en allant vers Kampot, au kilomètre 184. » À une dizaine de mètres de<br />

la route qui longe la plaine de Prey Nup, une inscription tracée sur des blocs de<br />

pierre indique que Marguerite Duras a résidé là de 1925 à 1933.<br />

Ce sont les lieux de cristallisation <strong>du</strong> Barrage contre le Pacifique, publié en 1950, et<br />

c’est la source des sentiments, des déterminations et de la langue de l’écrivain.<br />

Elle y raconte sa mère qui construit des « barrages » avec des moyens de fortune<br />

pour protéger ses terres de l’eau salée. Un jour, la mer finit par gagner la bataille et<br />

la famille est per<strong>du</strong>e. Trompée dans son acquisition, elle en sort totalement ruinée.<br />

Cette expérience marque profondément Marguerite et lui inspire nombre<br />

d’images fortes. La mésaventure de la concession, les jeux intrépides dans l’eau et<br />

la forêt, l’appartenance à la race annamite : les épisodes tumultueux de l’enfance<br />

indochinoise forment désormais un faisceau de lignes immuables. « Des centaines<br />

d’hectares de rizières seraient soustraites aux marées. Tous seraient riches ou presque. Les enfants<br />

ne mourraient plus. On aurait des médecins. On construirait une longue route qui longerait<br />

les barrages et desservirait les terres libérées », écrit-elle alors, imaginant la revanche<br />

impossible d’une mère tenace sur une administration coloniale corrompue.<br />

90 ans plus tard, pourtant, le barrage contre le Pacifique a bien été édifié. Grâce aux initiatives<br />

conjuguées des pouvoirs publics cambodgiens et de l’Agence française de développement,<br />

95 km de digues et 50 km de canaux protègent désormais plus de 11 000 hectares de<br />

polders convertis en rizières, et sont gérés directement par les villageois. Ils nourrissent 8 000<br />

familles tout en leur assurant un revenu complémentaire : un modèle innovant pour une irrigation<br />

<strong>du</strong>rable. Le cinéaste cambodgien Rithy Panh, qui a adapté le Barrage en 2008 et tourné à Prey<br />

Nup même, est particulièrement sensible à ce droit d’accès à la terre par les paysans : « Le grand<br />

pari, c’est que ça <strong>du</strong>re. La réussite des polders de Prey Nup, c’est que les usagers peuvent se gérer eux-mêmes,<br />

en coopération. » Lesquels polders sont appelés aujourd’hui « les rizières de la femme blanche », en<br />

hommage aux stratégies insensées de madame Donnadieu pour repousser les eaux.<br />

Chaleur pâle. On reflue vers Koh Kong, province reculée, dont les habitants ont appris à n’être<br />

qu’eux-mêmes. Des vieilles femmes récoltent des mangoustans pour le déjeuner, des enfants<br />

jouent au bay khom après l’école, des cueilleurs amoncellent des pyramides de ramboutans…<br />

« L’histoire est déjà là, déjà inévitable, celle d’un amour aveuglant, toujours à venir, jamais oublié. » Le désir<br />

de réel, c’est par ce fleuve métallique et ses reflets blancs qu’on saurait maintenant pouvoir le<br />

réaliser. Une naissance au monde ? RdM<br />

011 N° 1 / 2015


DANS LA VAGUE<br />

ÉCONOMIE<br />

2015, L’ANNÉE DU<br />

GRAND MARCHÉ COMMUN<br />

EN ASIE DU SUD-EST ?<br />

Avec 630 millions de<br />

consommateurs et potentiellement<br />

la septième économie mondiale,<br />

la future Communauté économique<br />

de l’ASEAN (AEC) doit entrer en<br />

vigueur à la fin de l’année 2015.<br />

Cependant certains pays,<br />

Cambodge et Birmanie en tête,<br />

semblent très en retard pour<br />

cette intégration.<br />

Sur le papier tout est prêt. Les dix pays que regroupe<br />

l’ASEAN s’apprêtent à former un marché commun d’ici<br />

décembre 2015 : accord de libre échange, baisse des tarifs<br />

douaniers, libre circulation des biens et des personnes<br />

et, à terme, création d’une monnaie commune.<br />

Cependant, la très forte disparité de développement et<br />

des niveaux de vie entre ces différents pays met à mal ce<br />

bel élan unitaire. Songeons que le Cambodge ou la Birmanie<br />

comptent parmi les pays les plus pauvres de la<br />

planète alors que Singapour caracole en tête <strong>du</strong> peloton.<br />

Aussi la libre circulation des indivi<strong>du</strong>s sera-t-elle<br />

surement restreinte aux seuls travailleurs qualifiés<br />

d’après Surin Pitsuwan, l’ancien secrétaire général de<br />

l’ASEAN, afin d’éviter une fuite des cerveaux et des<br />

compétences. De même pour la monnaie unique : une<br />

monnaie virtuelle calculée par la Banque asiatique de<br />

développement, l’Asian Monetary Unit (AMU), composée<br />

d’un panier de 13 monnaies asiatiques, préfigure une<br />

union monétaire, mais l’échéance semble davantage à<br />

long terme.<br />

Autre point d’interrogation en cette année 2015, l’instabilité<br />

politique de la Birmanie. Exclu en 2006, le pays<br />

n’est revenu sur le devant de la scène qu’en 2014 lorsqu’il<br />

a assuré la présidence tournante de l’ASEAN. Les élections<br />

de novembre diront si la normalisation <strong>du</strong> régime<br />

se poursuit.<br />

Enfin les réformes structurelles nécessaires pour un pays<br />

tel que le Cambodge sont colossales à si courte échéance.<br />

Selon l’AMU, « le pays doit avant tout éradiquer la corruption<br />

et accélérer la réforme <strong>du</strong> domaine douanier pour promouvoir<br />

la transparence ».<br />

Que penser alors ? De toute évidence, l’échéance d’un<br />

marché commun sur le modèle de l’Union européenne<br />

devra être repoussée ou ne s’appliquera que de façon<br />

partielle, secteur par secteur. Par Tina Besse.<br />

MÉKONG :<br />

LES BARRAGES ENRAGENT<br />

Rebondissement dans la construction <strong>du</strong> barrage de<br />

Cheay Areng au Cambodge construit avec l’aide de la<br />

Chine : le premier ministre cambodgien, Hun Sen, a annoncé<br />

récemment qu’aucune approbation ne serait accordée<br />

avant 2018 et que les études d’impact se poursuivraient.<br />

Cependant, les villageois de la vallée d’Areng,<br />

comme ailleurs en aval <strong>du</strong> Mékong, craignent que la destruction<br />

de leur écosystème et de leur mode de vie ne<br />

soit que reportée. En effet, onze projets hydroélectriques<br />

sont en attente au Laos et au Cambodge. Les opposants<br />

soulignent que les barrages bloqueront le flux de sédiments<br />

nécessaires aux rizières <strong>du</strong> delta au Vietnam et<br />

perturberont la faune et en conséquence toute l’économie<br />

de la pèche au Cambodge. Ultime paradoxe : seulement<br />

un dixième de l’énergie pro<strong>du</strong>ite par ces barrages<br />

bénéficiera à ces deux pays. Par Withney Light<br />

REVIVAL LADA<br />

Lada est un mythe au Chili. Importées en 1987 à des prix<br />

défiant toute concurrence, les voitures soviétiques font<br />

fureur. Dans les années 90, tous les taxis roulent en<br />

Lada. Les publicités, aujourd’hui cultes, relaient cet engouement<br />

à travers toute la population et façonnent la<br />

mémoire collective. Disparue en 1998, le retour de la<br />

marque a été mille fois annoncé. En vain. Après 17 ans<br />

d’absence, Lada semble bel et bien prête à reprendre sa<br />

place. Reste à savoir si le nouveau design sé<strong>du</strong>ira encore<br />

les Chiliens ! Par T. B.<br />

N° 1 / 2015<br />

012


ÉCONOMIE<br />

DANS LA VAGUE<br />

© Tadas Jucys / Shutterstock.com<br />

LE FOOT, L’ARGENT<br />

ET L’ARGENTINE<br />

Conclusions de l’étude commandée par la fédération<br />

argentine de football, l’AFA, à l’université des sciences<br />

économiques de Buenos Aires, mesurant les implications<br />

économiques <strong>du</strong> football sur l’économie <strong>du</strong> pays :<br />

si le ballon rond a généré directement 952 millions d’euros<br />

en 2013, les revenus indirects (presse, activité commerciale<br />

autour des matchs, tourisme…) ont atteint<br />

3,5 milliards d’euros. Une bonne santé paradoxale quand<br />

on connaît la situation financière des clubs argentins. Il<br />

faut dire que la majorité de leurs recettes provient des<br />

ventes de billets, alors que les droits audiovisuels ne représentent<br />

que 20 % de leur budget (contre près de 50 %<br />

en Europe). Par T. B.<br />

LA FIBRE DE GUANACO<br />

La nouvelle tendance fashion solidaire en Argentine se<br />

tisse à base de fibre de guanaco, le lama sauvage, star de<br />

la Patagonie. Un châle fait de ces fibres coûte près de<br />

1 000 euros dans les grandes maisons de couture européennes<br />

alors que les petits pro<strong>du</strong>cteurs argentins reçoivent<br />

80 dollars par kilo de tissu. Traité comme un<br />

animal indésirable ou juste bon à attirer les touristes,<br />

diverses coopératives voient le jour pour réhabiliter<br />

l’intérêt pour le guanaco et le savoir-faire indigène en<br />

créant de beaux vêtements et en aidant les familles modestes<br />

de la région. Par C. L.<br />

LEÇON DE<br />

VOCABULAIRE MAFIEUX :<br />

TOUT COMPRENDRE<br />

DU CHANGE PARALLÈLE<br />

Les arbolitos, ces vendeurs de devises à la sauvette, sont<br />

plantés rue Florida tels des arbustes, qu’il pleuve ou<br />

qu’il vente. Premier maillon de la chaîne, ces rabatteurs<br />

con<strong>du</strong>isent vendeurs et acheteurs dans des cuevas. Littéralement<br />

cave ou grotte, une cueva est le lieu où vos<br />

euros seront achetés au-dessus <strong>du</strong> taux officiel. Il peut<br />

s’agir de l’arrière-boutique d’une pharmacie, d’une<br />

banque, d’un lieu de culte… L’imagination des changeurs<br />

est sans limite. Par Camille Lavoix<br />

UN JEU VIDÉO CONTRE<br />

LE CHANGEMENT CLIMATIQUE<br />

Ciclania ! Le dernier né des jeux vidéo chiliens pour<br />

enfants se met au vert. Migue, son jeune héros,<br />

amoureux de la nature, assiste à la ponte des tortues,<br />

saute au-dessus des précipices, puis finit par rencontrer<br />

le « consubot », son pire ennemi, littéralement robot<br />

<strong>du</strong> consumérisme, qui lui enfile un casque et lui fait<br />

détruire les ressources naturelles. Game over ! « Sans<br />

la participation des citoyens, et la transformation de nos<br />

habitudes, le changement sera impossible », affirme Mariela<br />

Szwarcberg Bracchitta, biologiste et rédactrice <strong>du</strong> livret<br />

de ce jeu é<strong>du</strong>catif. Une manière ludique de sensibiliser<br />

les enfants aux enjeux écologiques. Par T. B.<br />

013 N° 1 / 2015


DANS LA VAGUE<br />

ÉCONOMIE EN IMAGES<br />

Le textile-roi<br />

en <strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong><br />

Par Tina Besse ¬<br />

• I •<br />

Le nouvel atelier <strong>du</strong> monde<br />

CAMBODGE<br />

Avec plus de 700 000 ouvriers employés<br />

dans 1 200 entreprises, dont<br />

90 % de femmes (chiffres <strong>du</strong> ministère<br />

de l’In<strong>du</strong>strie et de l’Artisanat),<br />

la confection est devenue le premier<br />

secteur manufacturier <strong>du</strong> pays. Les<br />

grandes marques occidentales mais<br />

aussi les sous-traitants chinois profitent<br />

d’une main d’œuvre à bas coût.<br />

• II •<br />

« Travaille plus vite ou dégage »<br />

CAMBODGE<br />

C’est l’intitulé <strong>du</strong> dernier rapport<br />

d’Human Rights Watch qui dénonce<br />

les bas salaires et les conditions de<br />

travail des ouvriers <strong>du</strong> textile. Payés<br />

58 euros par mois, certains se sont mis<br />

en grève. Des grèves réprimées dans<br />

la violence. Responsabiliser les donneurs<br />

d’ordre européens devient une<br />

priorité selon l’ONG.<br />

• III •<br />

In vivo<br />

NORVÈGE-CAMBODGE<br />

Sweatshop, tra<strong>du</strong>isez « atelier de misère<br />

», est un documentaire diffusé au<br />

printemps 2015 sur le site Internet <strong>du</strong><br />

quotidien norvégien Aftenposten. Un Vis<br />

ma vie à la sauce scandinave qui plonge<br />

trois blogueurs de mode dans la réalité<br />

parfois difficile des usines textiles<br />

<strong>du</strong> Cambodge. Prise de conscience<br />

garantie.<br />

© DR<br />

© Perfect Lazybones<br />

© Gail Palethorpe / Shutterstock.com<br />

© Florian Chavanon<br />

© Tang Chhin Sothy - AFP<br />

© DR<br />

• IV •<br />

Mark & Spencer à<br />

Ho-Chi-Minh-ville<br />

VIETNAM<br />

Mark & Spencer a ouvert son premier<br />

magasin à Ho-Chi-Minh-ville en septembre<br />

2014. La célèbre marque britannique<br />

table sur la hausse <strong>du</strong> niveau<br />

de vie, dopée par une croissance exceptionnelle,<br />

et l’intérêt pour la mode<br />

occidentale des Vietnamiens. En effet,<br />

elle prévoit l’ouverture d’au moins<br />

20 points de vente d’ici à 2020.<br />

• V •<br />

Le nouvel eldorado <strong>du</strong> luxe<br />

VIETNAM<br />

Toutes les grandes marques veulent investir<br />

au Vietnam où les échanges dans<br />

le secteur <strong>du</strong> textile de luxe sont évalués<br />

à plus de 10 milliards de dollars par an.<br />

83 % des Vietnamiens de 30-55 ans déclarent<br />

« acheter des marques de bonne<br />

qualité même si le prix est plus élevé », selon<br />

une étude menée par Ubifrance. Hermès,<br />

Louis Vuitton, Chanel, Dior y sont<br />

déjà implantés.<br />

• VI •<br />

Rangoun revient dans la course<br />

BIRMANIE<br />

Dans les années 2000, la confection<br />

représentait 40 % des exportations birmanes<br />

avec près de 300 000 ouvriers,<br />

jusqu’à l’embargo américain de 2003<br />

qui a étouffé l’économie dans son<br />

ensemble, et plus particulièrement<br />

ce secteur. Nouvelle donne avec la levée<br />

de l’embargo : GAP investit dans<br />

une usine textile, avec à la clé plus de<br />

700 emplois créés.<br />

N° 1 / 2015<br />

014


POLITIQUE<br />

DANS LA VAGUE<br />

INCERTITUDES<br />

ARGENTINES<br />

Par Éric Domergue ¬<br />

L’ élection présidentielle<br />

en Argentine aura lieu<br />

en octobre prochain.<br />

La présidente actuelle<br />

ne peut se représenter<br />

pour un troisième mandat.<br />

La succession est ouverte.<br />

L’Argentine, qui fêtera le bicentenaire<br />

de son indépendance le 9 juillet 2016,<br />

reste aujourd’hui encore en quête<br />

d’une stabilité politique après des décennies<br />

de guerres civiles et cinq coups<br />

d’État militaires entre 1930 et mars<br />

1976. Le retour à la démocratie en 1983,<br />

avec l’élection <strong>du</strong> radical Raul Alfonsin,<br />

semblait bien fragile. Et pourtant…<br />

Pour la première fois de son histoire,<br />

l’Argentine connaît plus de 30 ans de<br />

démocratie ininterrompue malgré<br />

quelques soubresauts – le plus critique<br />

étant la grande crise de la fin 2001, qui<br />

a vu défiler cinq présidents en une semaine<br />

et qui s’est soldée par 39 morts<br />

lors de la répression des révoltes populaires.<br />

Le redressement qui s’ensuivit a<br />

été difficile.<br />

Bien que malmené par des accrochages<br />

avec le monde de la finance, l’apaisement<br />

retrouvé est évident. Depuis 2003,<br />

ce sont les péronistes Nestor Kirchner<br />

(décédé en 2010) et son épouse Cristina<br />

Fernandez, actuelle présidente, qui<br />

gouvernent un pays polarisé à la veille<br />

de la présidentielle qui se tiendra en octobre<br />

prochain. Après huit ans de gestion,<br />

madame Fernandez reste tout de<br />

même la personnalité politique la plus<br />

populaire mais elle ne peut briguer un<br />

nouveau mandat. Qui sera capable de<br />

lui succéder, dans un contexte où l’opposition<br />

de centre droit, l’unique force<br />

en mesure de lui disputer le pouvoir, se<br />

présente divisée ? Le deuxième centenaire<br />

de la République argentine<br />

connaîtra un nouveau président… difficile<br />

aujourd'hui de savoir lequel. RdM<br />

© 1000 Words / Shutterstock.com<br />

Des élections générales, souhaitées libres et transparentes, auront<br />

lieu en novembre 2015 en Birmanie pour la première fois depuis vingtcinq<br />

ans. Elles feront suite aux élections partielles de 2011, qui avaient<br />

enregistré un véritable raz-de-marée électoral pour la National League<br />

for Democracy, le parti d’Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix en 1991.<br />

Cette dernière, icône bien connue des médias en Europe, mais aussi<br />

grâce au film The Lady de Luc Besson (2011), ne pourra toutefois pas être<br />

candidate, toujours empêchée dans cette démarche par la Constitution<br />

birmane qui interdit à un Birman de se présenter s’il est ou a été marié<br />

à un étranger. Or l’époux d’Aung San Suu Kyi, Michael Aris, décédé en<br />

1999, était de nationalité britannique.<br />

Après quatre ans d’une transition multiforme et très complexe, sans<br />

précédent et sans égal dans le monde, l’évènement, dont la préparation<br />

est d’ores et déjà suivie de près par de nombreuses capitales, sera<br />

historique en raison même de sa<br />

symbolique, au-delà finalement<br />

<strong>du</strong> résultat <strong>du</strong> scrutin.<br />

À la veille de cette échéance<br />

capitale, les évolutions suivies et<br />

les réformes, tant démocratiques<br />

qu’économiques, engagées par<br />

ce pays de 51 millions d’habitants<br />

sont-elles suffisantes ? Située<br />

à la rencontre stratégique<br />

de l’Inde et de la Chine, et<br />

plus vaste que la France, la<br />

Birmanie doit encore relever de<br />

nombreux défis. Alors que les<br />

tensions intercommunautaires<br />

secouent notamment le pays en<br />

Arakan et dans l'État Shan à la<br />

frontière chinoise, l’annonce,<br />

fin mars 2015, d’un projet<br />

d’accord de paix historique<br />

entre le Gouvernement et seize<br />

groupes armés représentant des<br />

minorités ethniques, en conflit<br />

depuis des décennies, ouvre la<br />

porte à un dialogue politique de<br />

bon augure. Toutes les tentatives<br />

précédentes de cessez-le-feu à<br />

l’échelle nationale avaient en<br />

effet échoué.<br />

Interviewée le 10 avril dernier,<br />

Aung San Suu Kyi a déclaré que<br />

son parti était prêt à gouverner,<br />

tout en menaçant de boycotter<br />

les élections – « une option<br />

ouverte », selon ses propres termes<br />

Depuis 2011 la junte<br />

au pouvoir en Birmanie<br />

revendique une volonté<br />

de démocratisation.<br />

Les prochaines élections<br />

confirmeront ou non<br />

ces louables intentions.<br />

Par Amaury Lorin ¬<br />

BIRMANIE :<br />

L’ÉLECTION<br />

TEST<br />

– si la Constitution n’était pas modifiée à temps. Avant d’ajouter : « Ces<br />

élections seront un vrai test pour savoir si la Birmanie est réellement engagée<br />

sur la voie de la démocratie ou non. » L’enjeu des élections de 2015 dépasse<br />

largement le seul cadre birman : il est, en effet, d’importance pour la<br />

stabilité de toute l’ASEAN, un marché de 650 millions de personnes<br />

parmi les plus prometteurs de la planète.<br />

RdM<br />

015 N° 1 / 2015


DANS LA VAGUE<br />

Seniors en vacances<br />

Par Ivan Facano ¬<br />

Les seniors sont de plus en plus nombreux, on le sait. Ce que l’on sait aussi, c’est qu’ils sont en forme<br />

et dynamiques beaucoup plus longtemps, qu’ils participent plus que jamais à la vie de la société et<br />

ressentent de moins en moins le phénomène de déconnexion d’avec la vie active, grâce notamment<br />

aux nouvelles technologies. Leur dynamisme et leur optimisme sont de nouveaux moteurs de comportements<br />

de consommation. Boostés par un fort pouvoir d’achat, ils sont ainsi plus nombreux à partir régulièrement<br />

en voyage, et pour des destinations éloignées <strong>du</strong> domicile. Leur crédo : l’exigence de découverte, d’originalité<br />

et de confort. Les croisières en profitent grandement.<br />

MARCHÉ<br />

DE LA CROISIÈRE<br />

SENIORS EN FRANCE<br />

EUROPE<br />

6,39<br />

MILLIONS<br />

DE PASSAGERS<br />

EN 2014<br />

FRANCE<br />

+14 %<br />

DEPUIS 2013<br />

=<br />

70 000 NOUVEAUX<br />

PASSAGERS<br />

590 000<br />

CROISIÉRISTES EN 2014<br />

CROISIÉRISTES<br />

FRANÇAIS<br />

63%<br />

MÉDITERRANÉE<br />

10 % EUROPE DU NORD<br />

ALLEMAGNE<br />

1 er<br />

PAYS AVEC<br />

1,77 MILLION DE<br />

CROISIÉRISTES<br />

4 e<br />

MARCHÉ<br />

EUROPÉEN<br />

DESTINATIONS<br />

QUI AUGMENTENT<br />

+88 %<br />

AMÉRIQUE<br />

DU SUD<br />

+82 %<br />

ASIE<br />

SENIORS<br />

ET CROISIÈRES,<br />

DES BESOINS ET<br />

UNE OFFRE QUI<br />

SE CONFONDENT<br />

Le senior pour ses vacances :<br />

le goût de la découverte et de l’aventure /<br />

l’évasion /les activités /<br />

le confort et le bien-être sans avoir<br />

à défaire sa valise de nombreuses fois<br />

La croisière aujourd’hui :<br />

un lieu différent chaque jour /<br />

des prestations haut de gamme<br />

de plus en plus variées et originales /<br />

un niveau de confort<br />

exigeant et moderne /<br />

une sécurité<br />

irréprochable<br />

50-64 ANS 12,7<br />

MILLIONS DE « PAPYBOOMERS »<br />

DONT LA MOITIÉ SONT SALARIÉS<br />

Clients de tous types<br />

de voyages dont les croisières<br />

(en augmentation). Valeurs :<br />

rester dynamiques, dans le coup /<br />

découverte / aventure.<br />

65-74 ANS<br />

6,2<br />

MILLIONS DE JEUNES RETRAITÉS<br />

Voyages où le confort et le bien-être sont privilégiés.<br />

Importance accrue des croisières. Tourisme classique<br />

avec apprentissage, quête de sens et de générosité.<br />

Voyage de leur rêve (<strong>Asie</strong>, Amérique <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>).<br />

+ 75 ANS 6,1<br />

MILLIONS DE RETRAITÉS<br />

Privilégient le calme, la possibilité de se reposer et de prendre<br />

leur temps, tout en souhaitant conserver le contact avec autrui<br />

(voyages organisés).


L’actualité culturelle nous emmène<br />

cet été à Buenos Aires, avec l’exposition<br />

organisée à la Maison rouge, le focus<br />

Argentine <strong>du</strong> festival d’Avignon<br />

et la chanteuse Myriam. Mais aussi<br />

au Vietnam avec la chorégraphe Ea Sola<br />

et l’exceptionnelle exposition <strong>du</strong> musée<br />

Guimet sur le théâtre asiatique.<br />

Des suggestions à voir ou à visiter<br />

partout en France de juin à octobre.<br />

CULTURE


DANS LA VAGUE<br />

EXPOSITIONS<br />

ARGENTINE<br />

EN BALADE<br />

L’Argentine prend ses quartiers d’été à Paris. L’exposition<br />

My Buenos Aires à la Maison rouge opère un focus sur la capitale<br />

sud-américaine et en restitue le goût, le style et l’énergie. Avec plus<br />

de soixante artistes, la sélection organise le dialogue entre espace<br />

public et sphère de l’intime, entre appréhension politique de la ville<br />

et investigation de son inconscient. Conçu comme une balade urbaine,<br />

le parcours de l’exposition fait voyager le visiteur entre des<br />

morceaux de façades et d’échafaudages, un vieux canapé, des capots<br />

de voiture et des statues décapitées. Des artistes confirmés<br />

(Guillermo Kuitca, Jorge Macchi) à ceux des jeunes générations,<br />

les plasticiens argentins exaltent ici la sensualité, la folie et le mystère<br />

de leur capitale.<br />

My Buenos Aires, La Maison rouge, Paris<br />

Du 20 juin au 20 septembre 2015<br />

© DR, Maison Rouge<br />

© DR<br />

L’ASIE DU SUD-EST<br />

S’EXPOSE<br />

Dans le cadre de la célébration des cinquante ans de relations diplomatiques<br />

entre Singapour et la France, l’art de l’<strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong> est mis à l’honneur dans<br />

les plus grandes institutions hexagonales. Le MAC de Lyon accueille ainsi<br />

Open Sea, une exposition panorama sur la création sud-asiatique depuis trois<br />

décennies. Tous médias confon<strong>du</strong>s, les œuvres d’une trentaine d’artistes venus<br />

de cette région carrefour, nourrie d’influences internationales, rendent compte<br />

de son extraordinaire dynamisme. Le Vietnamien Jun Nguyen-Hatsushiba<br />

y présente Memorial Project Nha Trang, une vidéo dans laquelle des rickshaws<br />

(cyclo-taxis) évoluent sous l’eau avec difficulté, en hommage aux boat-people<br />

morts en mer. On peut également y découvrir le travail d’Anida Yoeu Ali<br />

et d’Uudam Tran Nguyen, deux figures montantes de l’art cambodgien et<br />

vietnamien.<br />

Open Sea, Musée d’art contemporain de Lyon<br />

Du 17 avril au 12 juillet 2015<br />

MÉMOIRE YAMANA<br />

© Jun NGUYEN-HATSUSHIBA, Memorial Project Nha Trang, Vietnam,<br />

2001, Collection SingapourMuseum<br />

LES OCÉANS<br />

UTOPIQUES<br />

Révélé par le prix Découverte des amis <strong>du</strong> Palais de Tokyo, Enrique<br />

Ramirez expose plusieurs œuvres à Marseille <strong>du</strong>rant l’été.<br />

Son dernier film, Une Histoire sans destin, une fable sur Magellan, le<br />

fantasme de la Patagonie et l’utopie des explorateurs, est montré<br />

en avant-première à l’occasion <strong>du</strong> Festival international <strong>du</strong> film<br />

documentaire. Poétisation d’un épisode tragique de la dictature<br />

chilienne, le triptyque Los Durmientes, présenté cet automne au<br />

Palais de Tokyo, est quant à lui projeté à l’espace HLM, tandis<br />

que la galerie HO accueille d’autres pièces. Notons également<br />

qu’Enrique Ramirez participe à l’exposition Tu dois changer ta<br />

vie avec son film contemplatif Océan dans le cadre de Lille 3000,<br />

fin septembre.<br />

Festival international <strong>du</strong> film documentaire de Marseille,<br />

Espace HLM/Hors-les-murs, galerie HO<br />

Du 30 juin au 06 juillet 2015<br />

© Enrique Ramirez DR<br />

À ne pas manquer cet été aux Rencontres d’Arles, le festival international de photographie, une exposition consacrée au photographe-missionnaire<br />

Martin Gusinde, qui a vécu avec les peuples indigènes de la Terre de feu au début <strong>du</strong> siècle dernier.<br />

Durant six années, il a accumulé ainsi quelque 1 200 magnifiques clichés, qui restent à ce jour l’un des rares et précieux témoignages<br />

sur les Yamana et Selk’nam. Terre de feu, Martin Gusinde, Rencontres d’Arles, <strong>du</strong> 6 juillet au 20 septembre 2015<br />

N° 1 / 2015<br />

018


EXPOSITIONS<br />

DANS LA VAGUE<br />

LE RENDEZ-VOUS<br />

SÉRÉNISSIME<br />

Textes Florian Gaité ¬<br />

2015 signe la tenue de la Biennale de Venise, l’un des plus grands<br />

rendez-vous mondial de l’art. Le pavillon chilien présente les<br />

œuvres de deux femmes, le <strong>du</strong>o Paz Errázuriz et Lotty Rosenfeld,<br />

autour de la notion de dissidence, illustrant la difficile transition<br />

de la dictature à la démocratie. De son côté, l’Argentine s’en remet<br />

à l’un de ses plus célèbres sculpteurs, Juan Carlos Distéfano,<br />

qui revient aux fondamentaux <strong>du</strong> travail de la forme. À noter également<br />

: avec la sélection <strong>du</strong> pavillon italo-latin, mais surtout celle de<br />

l’exposition centrale All the World’s Futures qui présente pas moins<br />

de quatre artistes venus d’Argentine, le pays est le mieux représenté<br />

de cette édition. Enfin le Vietnam peut compter sur la participation<br />

de Danh Vo, représentant <strong>du</strong> Danemark, qui travaille sur les<br />

implications sociales et culturelles de la colonisation.<br />

56 e Biennale de Venise, Italie<br />

Du 09 mai au 22 novembre 2015<br />

© KHVAY Samnang, Sans titre, 2011. Courtesy de l’artiste<br />

LE CAMBODGE<br />

EN ORBITE<br />

À Paris, la Galerie nationale <strong>du</strong> Jeu de Paume accueille un nouveau<br />

volet <strong>du</strong> cycle Satellite 8, consacré à des artistes de l’<strong>Asie</strong> <strong>du</strong><br />

<strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong>, avec l’exposition des travaux de Khvay Samnang. Entre<br />

photographie, vidéo et performance, le plasticien cambodgien<br />

intervient au cœur <strong>du</strong> quotidien, confrontant histoire actuelle et<br />

cultures <strong>du</strong> passé.<br />

Khvay Samnang, Satellite 8, Jeu de Paume, Paris Du<br />

02 juin au 27 septembre 2015<br />

JODOROWSKY<br />

DANS TOUS SES ÉTATS<br />

© DR<br />

Le CAPC de Bordeaux organise la première rétrospective majeure<br />

consacrée à l’œuvre <strong>du</strong> chilien Alejandro Jodorowsky. Réalisateur,<br />

performeur, auteur et dessinateur de bande dessinée, tireur de tarot<br />

à ses heures, Jodorowsky s’est illustré autant aux côtés des Surréalistes<br />

et de Panique que dans les milieux underground. La grande<br />

nef <strong>du</strong> CAPC regroupe des pièces historiques comme des archives<br />

inédites, donnant la mesure de cette œuvre totale, philosophique<br />

et ésotérique.<br />

Alejandro Jodorowsky (rétrospective),<br />

CAPC, Musée d’art contemporain de Bordeaux<br />

Du 28 mai au 31 octobre 2015<br />

019 N° 1 / 2015


DANS LA VAGUE<br />

ÉVÉNEMENT EXPOSITION<br />

1<br />

Ombres,<br />

masques<br />

et splendeurs<br />

<strong>du</strong> théâtre<br />

asiatique<br />

Théâtre de marionnettes, d’ombres<br />

et de masques, l’extraordinaire richesse<br />

et diversité <strong>du</strong> théâtre asiatique s’expose<br />

à Paris au Musée national des arts<br />

asiatiques-Guimet jusqu’au 31 août.<br />

Costumes et parures mettent en<br />

perspective historique un art millénaire.<br />

1. Jeune femme : Manbi<br />

Japon, époque d’Edo (1603-1868)<br />

2. Opéra de Pékin, scène réunissant les<br />

personnages de l’opéra Troubles dans<br />

le royaume <strong>du</strong> ciel, 1983<br />

Ci-dessus : © RMN-Grand Palais (musée Guimet, Paris) / Thierry Ollivier<br />

Ci-contre : © Suzanne Held<br />

2<br />

Par Florian Gaité ¬<br />

L’exposition événement au Musée national<br />

des arts asiatiques-Guimet, Du nô à Mata<br />

Hari, 2000 ans de théâtre en <strong>Asie</strong>, impressionne<br />

par son ambition. Retraçant l’évolution d’un<br />

art aux multiples formes sur pas moins de<br />

deux millénaires à travers le plus vaste des<br />

continents, ce projet est d’une ampleur inédite.<br />

Concentré sur la Chine, le Japon, l’Inde<br />

et l’<strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong>, son parcours retrace les<br />

évolutions historiques <strong>du</strong> théâtre asiatique<br />

depuis ses origines, liées au rituel et à la mort,<br />

jusqu’à ses formes, épiques, historiques ou<br />

plus proprement littéraires dans la modernité.<br />

Visuelle et prolifique, la sélection démontre<br />

toute la finesse esthétique de cet art,<br />

en faisant la part belle aux costumes, aux accessoires<br />

et à leur codification.<br />

Caractéristiques de l’<strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong> et de<br />

la Chine, le théâtre d’ombres et celui de marionnettes<br />

occupent un espace à part entière<br />

dans l’histoire de la création théâtrale. La<br />

scénographie évocatrice immerge le public<br />

au cœur d’une foule de silhouettes, parmi<br />

des jeux d’ombres empruntés aux collections<br />

<strong>du</strong> Musée Guimet et <strong>du</strong> Musée <strong>du</strong> quai<br />

Branly. Les grands cuirs découpés <strong>du</strong> Cambodge<br />

laissent apparaître des figures complexes<br />

et des scènes très expressives, qui évoluent<br />

dans des formes proches de celles <strong>du</strong><br />

ballet royal et des sculptures d’Angkor.<br />

L’<strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong> est également représentée<br />

par le khon, théâtre dansé de Thaïlande et son<br />

pendant cambodgien, le khol, ainsi que les<br />

différentes traditions de wayang en Indonésie.<br />

Principalement inspiré <strong>du</strong> Mahabharata, <strong>du</strong><br />

Ramayana et <strong>du</strong> Reamker, sa variante khmer,<br />

ce théâtre semi-masqué, extrêmement codifié,<br />

met en scène hommes, femmes, démons<br />

et singes. L’exposition est l’occasion d’apprécier<br />

la richesse stylistique de ses parures<br />

pailletées (tuniques brodées, pantalons drapés<br />

ou chasubles en soie brochée) comme<br />

celle de ses masques (ornés de couronnes,<br />

de morceaux de verre ou de miroir), découvrant<br />

toute la sophistication de l’art théâtral<br />

RdM<br />

asiatique.<br />

Du nô à Mata Hari,<br />

2000 ans de théâtre en <strong>Asie</strong><br />

Musée national des arts asiatiques-Guimet,<br />

Paris<br />

Du 15 avril au 31 août 2015<br />

N° 1 / 2015<br />

020


LA CHRONIQUE THÉÂTRE<br />

DANS LA VAGUE<br />

LE THÉÂTRE ARGENTIN<br />

À L’HONNEUR<br />

Si Copi fut longtemps considéré comme l’auteur argentin le plus corrosif et farfelu, il est<br />

aujourd’hui une génération d’artistes qui a fait de la scène indépendante de Buenos Aires<br />

l’une des plus bouillonnantes qui soit. Le festival d’Avignon leur ouvre les bras avec pas<br />

moins de trois spectacles programmés cet été. Un élan qui se poursuivra sur les scènes<br />

parisiennes dès la rentrée.<br />

Par Charlotte Lipinska ¬<br />

1<br />

© Bea Borgers<br />

2<br />

Dynamo de Claudio Tolcachir © DR<br />

Chaque année au mois de juillet, Avignon palpite et bouillonne.<br />

Des affiches colorées squattent chaque cm 2 , la foule sourit devant<br />

les parades (plus ou moins élégantes, avouons-le…), les restaurants<br />

doublent leurs prix (c’est de bonne guerre) et la Cour d’honneur<br />

<strong>du</strong> Palais des papes entend les trompettes de Maurice Jarre chaque<br />

soir à 22 heures pétantes. Oui, Avignon est l’un des plus grands festivals<br />

de théâtre <strong>du</strong> monde, et il compte bien le rester.<br />

Pour cela, deux programmes cohabitent. D’un côté, le « off », soit<br />

plus de 1 000 spectacles, tous genres confon<strong>du</strong>s. Hormis pour<br />

quelques salles, il n’y a pas de « programmation » proprement dite.<br />

Qui veut, vient, pour le meilleur comme le pire. De l’autre : le « in »,<br />

soit une quarantaine de créations venues <strong>du</strong> monde entier et copro<strong>du</strong>ites<br />

par le festival que dirige Olivier Py.<br />

Mais quelle est donc la recette pour qu’un tel évènement per<strong>du</strong>re<br />

depuis 69 ans ? Citons pêle-mêle quelques ingrédients qui ont fait<br />

leurs preuves : des metteurs en scène de renom, des acteurs investis,<br />

des lieux majestueux, des spectateurs à l’appétit insatiable et à<br />

la curiosité aiguisée. Le tout sous un soleil de plomb.<br />

Avignon, c’est un bouche à oreille toute ouïe, c’est la pensée qui<br />

circule, c’est une ferveur qu’on partage. Pour rester à la proue de la<br />

création mondiale, outre la présence de metteurs en scène confirmés,<br />

il ne faut pas oublier une chose : la jeune pousse d’aujourd’hui<br />

sera la fine fleur de demain. Ce que le festival a parfaitement compris<br />

et honore plus que jamais. Ainsi, aux côtés des jeunes talents<br />

repérés dans l’Hexagone, on trouve quelques pépites glanées aux<br />

quatre coins <strong>du</strong> globe. Et s’il ne fallait cette année retenir qu’une<br />

destination pour ce grand voyage : cap sur l’Argentine !<br />

Avec pas moins de trois spectacles programmés dans le « in »<br />

cette année, le festival met en lumière l’incroyable effervescence<br />

de la scène indépendante de Buenos Aires. Depuis quelques années,<br />

faute de véritable politique culturelle, des dizaines de petites<br />

salles de spectacles ont fleuri un peu partout. Les hangars, les garages,<br />

tout se transforme sous l’impulsion de jeunes artistes qui<br />

021 N° 1 / 2015


DANS LA VAGUE<br />

LA CHRONIQUE THÉÂTRE<br />

en veulent. La plupart sont nés dans les années 70. Ils ont grandi<br />

sous la dictature militaire, ce qui n’est pas rien. Ils ont connu les<br />

crises économiques et sociales qui ont suivi le rétablissement de la<br />

démocratie, ce qui n’est pas rien non plus. Des temps difficiles où<br />

les Argentins n’ont jamais déserté les théâtres, bien au contraire.<br />

Art de la résistance, puis de la reconstruction, on assiste aujourd’hui<br />

au théâtre de la résilience. Chef de file de ce renouveau,<br />

Claudio Tolcachir a fondé en 1998 Timbre 4, un espace culturel<br />

protéiforme, lieu de travail, de représentations et d’apprentissage.<br />

C’est là qu’est né Dynamo (1), sa dernière création. Il y raconte la<br />

cohabitation explosive de trois femmes au parcours sinueux : une<br />

ancienne tenniswoman décidée à reprendre de la raquette après<br />

30 ans d’hôpital psychiatrique, sa tante ballotée entre sévères<br />

gueules de bois et fulgurantes inspirations créatives et une immigrée<br />

venue d’un pays lointain qui se cache dans les armoires...<br />

Quand on connait la propension de Tolcachir à dynamiter les rapports<br />

sociaux et familiaux, ça promet !<br />

C’est à Timbre 4 également qu’ont été invités 14 élèves de l’École<br />

supérieure de théâtre de Bordeaux en février dernier afin d’expérimenter<br />

de nouvelles méthodes de travail et de s’immerger totalement<br />

dans la scène indépendante de Buenos Aires. Avec eux,<br />

le metteur en scène argentin Sergio Boris. Ensemble, ils créent<br />

Le Syndrome ou l’histoire d’un groupe d’étudiants français venus<br />

étudier le théâtre à Buenos Aires. Saisis d’un mal inexplicable, ils<br />

restent sur place et décident de vivre sur les rives <strong>du</strong> delta...<br />

Enfin, le troisième spectacle argentin est signé Mariano Pensotti<br />

(2) et son groupe Marea. Dans Quand je rentrerai à la maison je serai<br />

un autre, il croise le destin de quatre protagonistes dont le passé<br />

ressurgit avec la découverte d’une cassette de chansons enterrée<br />

depuis des années, au temps de la dictature. Sur quoi reposent les<br />

mythes familiaux ? Comment voyagent-ils de génération en génération<br />

? En quoi ces mythes façonnent nos personnalités ? Autant<br />

de questions qui traversent la pièce de Pensotti, très atten<strong>du</strong>e.<br />

Si les remparts d’Avignon font cette année écho à la scène argentine,<br />

l’élan ne s’arrête pas là. À la rentrée, trois autres spectacles<br />

sont annoncés à Paris. Dans Les idées (3), Federico Leon interroge<br />

le processus de création et la frontière ténue qui sépare la réalité de<br />

la fiction. On y voit un metteur en scène et son collaborateur qui<br />

échangent leurs idées en vue d’un prochain spectacle. Sachant que<br />

Leon joue en scène, il s’agira donc de jouer à être soi-même. Une<br />

mise en abîme que n’aurait pas renié Pirandello !<br />

Alfredo Arias lui, le plus parisien des Argentins (et vice versa) prépare<br />

Une comédie pâtissière au théâtre de la Tempête. Enfin, après plus de<br />

six ans à l’affiche à Buenos Aires, Un Poyo Royo (4) arrive précédé<br />

d’une rumeur enthousiaste. Sans un mot, deux hommes expérimentent<br />

toutes les façons d’établir une relation dans un vestiaire<br />

de sport. Ils se toisent, se provoquent, se désirent ou se rejettent...<br />

Du théâtre gestuel qui emprunte aussi à la danse, à l’acrobatie, au<br />

clown et au burlesque. À l’image de la scène argentine, nerveuse<br />

et inventive, que le public français est invité à goûter de toute<br />

RdM<br />

urgence.<br />

4<br />

3<br />

©Ignacio Iasparra<br />

© Paola Evelina 2014<br />

Dynamo, de Claudio Tolcachir<br />

Gymnase <strong>du</strong> Lycée Mistral,<br />

festival d’Avignon<br />

<strong>du</strong> 16 au 23 juillet 2015<br />

Le Syndrome, de Sergio Boris<br />

Gymnase <strong>du</strong> lycée St Joseph,<br />

festival d’Avignon<br />

<strong>du</strong> 8 au 11 juillet 2015<br />

Quand je rentrerai à la maison je serai un autre,<br />

de Mariano Pensotti<br />

La Fabrica, festival d’Avignon<br />

<strong>du</strong> 18 au 25 juillet 2015<br />

Les Idées, de Federico Leon<br />

Théâtre de la Bastille, Paris<br />

co-pro<strong>du</strong>ction festival d’Automne de Paris<br />

<strong>du</strong> 7 au 16 octobre 2015<br />

Un Poyo royo, mis en scène par Hermes Gaido<br />

Théâtre <strong>du</strong> Roi René, festival d’Avignon (off)<br />

<strong>du</strong> 04 au 26 juillet 2015<br />

Théâtre <strong>du</strong> Rond-Point, Paris<br />

<strong>du</strong> 18 septembre au 18 octobre 2015<br />

Une Comédie pâtissière d’Alfredo Arias<br />

Théâtre de la Tempête, Paris<br />

à partir de fin septembre 2015<br />

N° 1 / 2015<br />

022


LA CHRONIQUE DANSE<br />

DANS LA VAGUE<br />

Par Florian Gaité ¬<br />

Tango ou danse traditionnelle vietnamienne, cirque ou création<br />

contemporaine, l’interculturalité se danse sur toutes les scènes<br />

de France cet été. Tour d’horizon des festivals et des institutions.<br />

Danses<br />

métisses<br />

Dans le cadre <strong>du</strong> festival des Nuits de Fourvière, Tuan Le, Nguyen Nhat Ly,<br />

Nguyen Lan Maurice et Nguyen Tan Loc présentent pour la première fois en<br />

France À O Lang Pho, une série de tableaux spectaculaires retraçant les mutations<br />

d’un hameau rural <strong>du</strong> Vietnam face à la société moderne. Avec pas moins de dixsept<br />

acrobates et cinq musiciens sur scène, la création, qui lie danse et cirque,<br />

organise la balance entre chants traditionnels et battle de hip hop. Mettant le panier<br />

et le bambou à l’honneur, la pièce est l’occasion de découvrir les traditions<br />

vietnamiennes et leurs adaptations dans la culture contemporaine.<br />

Le métissage est également au cœur <strong>du</strong> travail d’Abdou N’Gom qui s’inspire de<br />

ses voyages en <strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong> (Laos, Cambodge) pour confronter, par la danse,<br />

l’ici à l’ailleurs. Intitulée Same Same, une expression régionale équivalente au<br />

kif kif d’Afrique <strong>du</strong> Nord, sa pièce questionne l’altérité culturelle, le sens de la rencontre<br />

et le rapport à soi qui s’y construit. Après des passages remarqués au festival<br />

« off » d’Avignon et aux Hivernales, la pièce est réécrite en 2014 et acquiert encore<br />

plus de force. On suivra également avec intérêt la nouvelle pro<strong>du</strong>ction d’un<br />

éminent chorégraphe français d’origine vietnamienne, Thierry Thieu Niang,<br />

collaborateur de Mathilde Monnier ayant également travaillé avec Patrice Chéreau.<br />

Il présente sa nouvelle création, Le Grand vivant, aux 41 e Rencontres d’été de<br />

la Chartreuse, une réflexion dansée sur la puissance de la nature et la vulnérabilité<br />

de l’homme, au son de la poésie de Patrick Autréaux.<br />

Côté Amérique <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>, l’année a été marquée par plusieurs échanges entre la<br />

scène contemporaine française et les danses d’Amérique <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>. Aussi faut-il<br />

suivre avec attention les prochains spectacles <strong>du</strong> chorégraphe chilien José Vidal,<br />

récemment accueilli au Centre national de la danse de Pantin, et ceux de<br />

Cécilia Bengoléa qui, associée à François Chaignaud, travaille au croisement des<br />

cultures populaires et savantes. Les prochains mois verront sans aucun doute<br />

se poursuivre la tournée de Motus Anima <strong>du</strong> <strong>du</strong>o Claudia Miazzo et Jean-Paul<br />

Padovani et, espérons-le, la reprise de Milonga de Sidi Larbi Cherkaoui, deux pièces<br />

contemporaines revisitant l’écriture <strong>du</strong> tango argentin. Cette dernière danse est<br />

comme chaque année à l’honneur de plusieurs festivals dont le Printemps <strong>du</strong><br />

tango à Mulhouse et le Tangopostale de Toulouse. Enfin, la danse folklorique des<br />

campagnes argentines est également présente avec la venue exceptionnelle en<br />

France <strong>du</strong> Ballet Martin Fierro qui tourne dans tous les événements <strong>du</strong> réseau des<br />

Festivals <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>, consacrés aux arts traditionnels et populaires. RdM<br />

© Compagnie Tango Ostentino<br />

L. Tuan Le, N.L. Nguyen,<br />

L.M. Nguyen et T.L.<br />

Nguyen, À O Lang Pho<br />

Les Nuits de Fourvière<br />

Les 17 et 18 juin 2015,<br />

Le Printemps des<br />

comédiens, Montpellier<br />

Les 25 et 26 juin 2015<br />

Abdou N’gom,<br />

Same Same<br />

Tarare, le 27 juin<br />

Festival <strong>du</strong> Montpeloux<br />

Le 2 juillet 2015<br />

La Manekine,<br />

Pont-Saint-Maxence<br />

Le 9 octobre 2015<br />

Thierry Thieû Niang,<br />

Le Grand vivant<br />

Rencontres d’été<br />

de la Chartreuse,<br />

Villeneuve-lez-Avignon<br />

Du 20 au 23 juillet 2015<br />

Tangopostale<br />

Festival international <strong>du</strong><br />

tango de Toulouse<br />

Du 26 juin au 05 juillet 2015<br />

tangopostale.com<br />

Festivals <strong>du</strong> sud 2015<br />

25 événements en France<br />

<strong>du</strong>rant tout l’été<br />

festivals<strong>du</strong>sud.com/2015<br />

Le Printemps <strong>du</strong> tango<br />

de Mulhouse<br />

<strong>du</strong> 11 au 14 juin 2015,<br />

leprintemps<strong>du</strong>tangomulhouse.fr<br />

023 N° 1 / 2015


DOSSIER DANS LA VAGUE<br />

PORTRAIT<br />

(c) Ea Sola<br />

© Cie Ea Sola<br />

N° 1 / 2015<br />

24


PORTRAIT<br />

DANS LA VAGUE<br />

Ea Sola,<br />

danser la mémoire<br />

<strong>du</strong> monde<br />

Par Florian Gaité ¬<br />

De son enfance passée<br />

au Vietnam, Ea Sola reste<br />

profondément marquée<br />

par le souvenir amer de<br />

la guerre, de la violence<br />

et des formes de domination<br />

qui n’ont cessé de l’interroger<br />

et de nourrir sa danse.<br />

De ce rapport à l’histoire,<br />

la chorégraphe a tiré la<br />

possibilité d’un dialogue<br />

entre mémoires indivi<strong>du</strong>elle<br />

et collective, et celle d’éveiller<br />

la conscience au sens d’une<br />

humanité partagée.<br />

Fille d’un père vietnamien et d’une mère française, Ea Sola débarque seule à Paris en<br />

1978. Jusque-là habituée aux paysages de campagne, elle vit comme un choc la découverte<br />

de la métropole. Dans ce monde mécanisé et anonyme, elle exprime sa différence<br />

en se tenant immobile dans la rue, des heures <strong>du</strong>rant, réalisant sans le savoir ses<br />

premières performances.<br />

Autodictate, inlassable curieuse, Ea Sola se réfugie dans la littérature, s’adonne au<br />

théâtre et à la musique, affirmant un goût pour l’expérimentation et la plasticité,<br />

palpable dans le travail scénique de chacune de ses œuvres. Au<br />

terme d’un long parcours, elle trouve dans la danse le moyen<br />

d’une synthèse, devient interprète, puis chorégraphe et met en<br />

scène ses propres pièces.<br />

En 1990, elle retourne au Vietnam, désireuse de retrouver cette<br />

terre désormais en paix. À son arrivée, elle est frappée par la<br />

misère d’un pays qui porte les séquelles de son histoire tourmentée.<br />

Sa pièce maîtresse, Sécheresse et pluie, dont elle offrira<br />

trois versions, rend hommage aux anonymes de la guerre et aux<br />

fondamentaux de la culture vietnamienne. Ea Sola réfléchit ici<br />

aux moyens de se réapproprier le récit d’une évolution vers la<br />

modernité, de susciter un questionnement originel qui repense<br />

l’indivi<strong>du</strong> et son rapport à l’histoire. Avec le compositeur SonX<br />

(Nguyen Xuan Son), elle mène une réflexion sur les chants, la<br />

musique et les instruments traditionnels (percussions, vièle,<br />

luth) à partir desquels elle élabore des formes contemporaines<br />

en lien avec l’environnement culturel traditionnel et l’histoire<br />

<strong>du</strong> Vietnam.<br />

S’en suivront Il était une fois, La Rizière dans la musique, Voilà, voilà<br />

– un cycle sur les mémoires de la guerre, de l’indivi<strong>du</strong>el au collectif,<br />

dont elle atteint avec Requiem, en 2001, un point d’aboutissement.<br />

À travers ses travaux, Ea Sola y livre un message profond<br />

et poétique, y transcende la blessure, cherchant in fine à<br />

donner « la mort à la mort même ». Il s’agit pour elle d’aller au-delà<br />

de la cicatrice pour composer les moyens d’une résilience.<br />

Depuis 2005, la chorégraphe se penche sur le monde contemporain.<br />

Airlines travaille les questions de nation, de frontière<br />

et de migration. Dans ce solo, la chorégraphe installe une mer<br />

sur scène, place l’Europe en horizon symbolique, évoque le vivre-ensemble et ses paradoxes.<br />

Avec Le Corps Blanc, elle mobilise La Boétie pour traiter des formes nouvelles<br />

de tyrannie et de servitude, celles d’un monde dérégulé qui, entre technologie et finance,<br />

échappe au contrôle des hommes. Sans nul doute l’une des artistes francovietnamiennes<br />

les plus reconnues à l’international, Ea Sola danse l’humanité, pour résister<br />

à l’oubli de l’histoire et à l’étiolement <strong>du</strong> rapport à<br />

RdM<br />

l’autre.<br />

025 N° 1 / 2015


DANS LA VAGUE<br />

MUSIQUE<br />

UNE<br />

SACRÉE<br />

NANA<br />

Par Camille Lavoix ¬<br />

Photo Florian Chavanon ¬<br />

Découvrir la culture argentine à travers<br />

« Nana » et son groupe de musique francoargentin,<br />

c’est plonger dans un univers<br />

à la croisée <strong>du</strong> tango, de la cumbia, des<br />

classiques de Piaf et de Brassens et d’une<br />

sacrée dose de folie. La chanteuse, Myriam<br />

dans la vraie vie, achève une tournée<br />

en France et écume les scènes de Buenos Aire<br />

où elle est installée depuis 10 ans. Chimichurri,<br />

la fameuse sauce argentine, se transforme ainsi<br />

en une délirante chanson assortie d’une mise en<br />

scène très théâtrale. Nana se fait tour à tour danseuse<br />

de cabaret, chanteuse d’opérette ou ambassadrice<br />

de la pop d’outre-mer. La gastronomie, les<br />

habitudes des Argentins ou encore les quartiers de<br />

Buenos Aires : tout y passe dans un style sensuel et<br />

fragile. Sur scène, à ses côtés, le guitariste argentin<br />

Germán Tschudy est aussi le mari de Nana, avec qui<br />

elle a concocté l’album Volée, dans les deux langues.<br />

Myriam ne sait plus très bien quelle est la sienne,<br />

mais aucun doute, elle transporte avec elle l’énergie<br />

incomparable de son pays d’adoption. On ressort de<br />

RdM<br />

ses concerts avec la pêche.<br />

www.nanaenada.com<br />

Album Volée, disponible sur iTunes<br />

En écoute sur Deezer<br />

N° 1 / 2015<br />

026


LIVRES<br />

DANS LA VAGUE<br />

LIVRES<br />

Good Morning<br />

Steinbeck<br />

L’auteur des Raisins de la colère a passé<br />

six mois – entre décembre 1966 et mai<br />

1967 – avec les forces américaines engagées<br />

au Vietnam. Les articles qu’il<br />

publia dans le quotidien Newsday sont<br />

maintenant rassemblés.<br />

On dirait aujourd’hui qu’il fut<br />

imbedded. Comprendre que l’armée<br />

américaine a entièrement pris en<br />

charge l’écrivain, a assuré sa sécurité<br />

et organisé des rencontres avec ses<br />

plus valeureux représentants. Il n’est<br />

donc pas très étonnant que les récits<br />

qui découlent de ce voyage tissent un<br />

portrait glorieux de l’action américaine<br />

au Vietnam.<br />

Mais au fil <strong>du</strong> voyage, le doute commence<br />

à poindre chez Steinbeck.<br />

L’anticommuniste viscéral questionne<br />

le bien-fondé de l’engagement.<br />

En privé, quelques semaines après son<br />

retour et juste avant sa mort, il aurait<br />

d’ailleurs milité pour la paix.<br />

Au-delà de l’intérêt politique, l’écrivain,<br />

prix Nobel 1962, nous offre ici<br />

une magnifique description des paysages<br />

<strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong> asiatique, <strong>du</strong> luxurieux<br />

delta <strong>du</strong> Mékong aux provinces<br />

les plus reculées <strong>du</strong> Nord-Cambodge,<br />

en passant par l’exquise Bali. Les<br />

poètes sont les meilleurs correspondants<br />

de guerre au monde, disait<br />

Steinbeck. Force est d’acquiescer.<br />

Par Francine Thomas<br />

Dépêches <strong>du</strong> Vietnam, John Steinbeck,<br />

Les Belles lettres, 272 pages, 21 €<br />

Aux brillants héros<br />

de la mer<br />

Naufrages faillit être posthume. Francisco<br />

Coloane publia cette anthologie<br />

des tragédies maritimes quelques semaines<br />

seulement avant sa mort. Ne<br />

cherchez pas dans ces courts récits<br />

un hommage aux victimes <strong>du</strong> Titanic,<br />

ou des révélations sur les disparitions<br />

de marins contemporains. Le poète<br />

sud-américain s’intéresse davantage<br />

aux horizons chiliens. De l’épopée<br />

de Magellan à celle d’une expédition<br />

dont le navire se retrouva brisé par<br />

les glaces de l’Antarctique, ces tristes<br />

destinées donnent raison à l’adage qui<br />

assène : « Ne tourne jamais le dos à la<br />

mer. »<br />

Par F. T.<br />

Naufrages, Francisco Coloane,<br />

Éditions Libretto, 208 pages, 8,10 €<br />

Rouge vengeance<br />

Que se passe-t-il quand une honnête<br />

et discrète épouse retrouve dans les<br />

affaires de son mari un cœur dessiné<br />

au rouge à lèvres ? 170 pages et deux<br />

cadavres plus tard, la jalousie, la <strong>du</strong>plicité<br />

et la folie sortent gagnants de<br />

cette farce tragico-domestique.<br />

Claudia Pineiro, brillante écrivaine<br />

et scénariste argentine, dissèque les<br />

faux-semblants au sein d’un couple de<br />

la classe moyenne de Buenos Aires. Le<br />

récit, féroce et incisif, rebondit au gré<br />

des coups de bluff des deux protagonistes.<br />

Rira bien qui tuera le dernier.<br />

Par F. T.<br />

À toi, Claudia Piñeiro,<br />

Actes <strong>Sud</strong>, 176 pages, 18 €<br />

Vingt ans de solitude<br />

Se croyant possédé, Vincent, disparu<br />

il y a 20 ans, vivrait en ermite près <strong>du</strong><br />

détroit de Magellan. À travers des récits<br />

aux styles variés – l’enquête de Rosario<br />

et Paul, les confessions de l’oncle<br />

Vincent, le journal d’un ethnologue,<br />

le carnet d’un soldat – le lecteur est<br />

embarqué dans les captivantes tribulations<br />

de solitaires égarés. Ce jeu de<br />

piste historique, psychique et familial<br />

est émaillé de coïncidences, faits historiques<br />

et légendes yagans.<br />

Selon Vincent est une invitation à voyager<br />

dans le temps et « à l’envers <strong>du</strong> monde »,<br />

jusqu’en Terre de feu. On largue ainsi<br />

les amarres <strong>du</strong> côté de Punta Arenas<br />

et l’extrême-sud de la Patagonie entre<br />

fjords et sommets déchiquetés. Un univers<br />

froid, sans vie où « la puissante beauté<br />

des paysages traversés » révèle un monde<br />

« sauvage, puissant, indifférent ».<br />

Par Vincy Thomas<br />

Selon Vincent, Christian Garcin,<br />

Stock, 312 pages, 19,50 €<br />

Voyage en terre de goût<br />

Nathalie Nguyen n’est pas seulement<br />

l’ancienne candidate d’une émission<br />

télévisée culinaire. Elle et son foodtruck<br />

sont aujourd’hui devenus les<br />

ambassadeurs des saveurs si particulières<br />

<strong>du</strong> Vietnam. Grâce à ses recettes<br />

simplement expliquées et joliment<br />

illustrées, on se lance sans complexe<br />

dans la préparation de mini-nems aux<br />

crevettes, de cabillaud au caramel ou<br />

de perles <strong>du</strong> Japon au lait de coco. La<br />

dégustation nous offre un voyage gustatif<br />

des plus dépaysants.<br />

Par F. T.<br />

Les recettes <strong>du</strong> camion Bol,<br />

Nathalie Nguyen,<br />

Éditions Mango, 144 pages, 15 €<br />

027 N° 1 / 2015


ASIE DU SUD-EST,<br />

VERS DE NOUVEAUX HORIZONS ?<br />

Processus de démocratisation, boom économique et<br />

touristique, l’<strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong> s’ouvre au monde et à<br />

la modernité. Sans perdre pour autant son authenticité,<br />

ses traditions, sa culture ni son imprégnation bouddhiste.<br />

Comment se développent le Cambodge, le Vietnam<br />

et la Birmanie autour des axes structurants que<br />

sont le Mékong et l’Irrawaddy ?<br />

© bikeriderlondon


DOSSIER


DOSSIER<br />

ASIE DU SUD-EST, VERS DE NOUVEAUX HORIZONS ?<br />

CROISSANCE<br />

économique et<br />

OUVERTURE<br />

politique ?<br />

Texte Sébastien Righi ¬<br />

La doxa des économistes libéraux assène que le développement<br />

économique d’un pays le con<strong>du</strong>it inexorablement<br />

sur la voie de la démocratie. L’<strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong><br />

dont on ne peut nier l’expansion économique récente,<br />

notamment celle <strong>du</strong> « petit dragon » vietnamien, contredit<br />

franchement ce processus politique. Les indicateurs<br />

économiques au beau fixe apporteront-ils démocratie<br />

et libéralisme ? Étude comparée <strong>du</strong> Vietnam, <strong>du</strong> Cambodge<br />

et de la Birmanie.<br />

N° 1 / 2015<br />

030


ASIE DU SUD-EST, VERS DE NOUVEAUX HORIZONS ?<br />

DOSSIER<br />

A<br />

utant le dire tout de<br />

suite, ni la Birmanie,<br />

ni le Cambodge, ni le<br />

Vietnam ne sont des démocraties.<br />

Entre la monarchie<br />

cambodgienne,<br />

la démocratie populaire<br />

vietnamienne et le régime<br />

militaire birman,<br />

les différences sont<br />

grandes et les signes<br />

d’ouverture fragiles.<br />

Point commun : un<br />

communisme originel.<br />

Si la répression des opposants, la censure et dans des proportions<br />

variables la violence font partie <strong>du</strong> panel de l’exercice <strong>du</strong> pouvoir,<br />

de nombreux espoirs sont nés ces dernières années, notamment<br />

en Birmanie où les réformes politiques ont été incontestables.<br />

Pays en pleine transition, la Birmanie et ses 65 millions d’habitants<br />

connaît depuis la révolution de Safran de 2007, qui a vu les moines<br />

défiler dans la rue parfois violemment, une relative ouverture.<br />

Rappelons que pendant 23 ans une junte militaire parmi les plus<br />

sanglantes de l'époque contemporaine a dirigé le pays, suite à sa<br />

prise de pouvoir en 1988 et aux élections de 1990 qu’elle n’a jamais<br />

voulu reconnaître. Ces militaires, qui ont assigné à résidence les<br />

membres de l’opposition et contraint beaucoup d’autres à l’exil,<br />

ont mis en place une feuille de route qui prévoit l’élaboration d’une<br />

nouvelle Constitution. Il aura fallu 18 ans pour qu’elle soit soumise<br />

à référen<strong>du</strong>m en 2008.<br />

2015, L’ANNÉE TEST<br />

Aujourd’hui contestée, cette Constitution sert cependant de<br />

cadre au prochain grand rendez-vous électoral de novembre<br />

2015, une échéance test. Aung San Suu Kyi, figure majeure de<br />

la contestation et prix Nobel de la paix en 1991, ne pourra pas<br />

s’y présenter en raison d’une disposition sur la nationalité des<br />

époux qui la vise indirectement.<br />

Lors des élections partielles de 2012, la Ligue nationale pour la démocratie<br />

(LND), le parti de l’icône birmane élue députée à cette<br />

occasion, avait raflé 43 des 44 sièges en lice. Cependant le pouvoir<br />

est resté aux mains des militaires − le Parlement compte en effet<br />

440 députés. Ils contrôlent toujours le Gouvernement et n’ont pas<br />

encore abrogé les lois répressives. Nombre d’opposants politiques<br />

restent à ce jour emprisonnés.<br />

Récemment, Aung San Suu Kyi alertait la communauté internationale<br />

afin d’attirer l’attention sur la situation politique en Birmanie<br />

et les réformes qui semblent être au point mort. Selon certains<br />

observateurs, les ex-membres de la junte, encore à la manœuvre<br />

en coulisses, auraient dores et déjà verrouillé certains postes-clés,<br />

notamment pour éviter l’ouverture de procès.<br />

Autre problème endémique majeur, les relations entre les communautés<br />

qui composent la Birmanie. Divisée en différents États, elle<br />

doit régulièrement faire face à des rébellions armées en lutte pour<br />

leur autonomie, notamment dans les États Kachin et Shan. Violences,<br />

droits de l’homme bafoués, opérations militaires contre<br />

des milices armées régionales, problèmes de corruption et de tra-<br />

fics organisés… Les négociations de paix ont récemment abouti<br />

à un cessez-le-feu. Mais les tensions sont encore vives et l’un des<br />

défis majeurs <strong>du</strong> pays reste l’unité nationale.<br />

UN MARCHÉ IMPORTANT<br />

La Birmanie, considérée il y a encore peu de temps comme la<br />

nation la plus répressive <strong>du</strong> monde en matière de libertés fondamentales,<br />

semble changer et s’être engagée sur la voix de réformes<br />

sérieuses. En atteste la reprise certes timide des relations diplomatiques,<br />

marquées notamment par la visite en 2012 et fin 2014<br />

<strong>du</strong> président américain Barack Obama. La liberté de manifester<br />

librement en Birmanie, la possibilité pour certains opposants,<br />

libérés, de sortir <strong>du</strong> pays, ou encore une école de journalisme indépendante<br />

qui a vu le jour l’an dernier (voir encadré) sont autant<br />

d’éléments encourageants.<br />

D’autres indicateurs confirment que le pays est entré dans un processus<br />

de développement et d’ouverture des frontières. À commencer<br />

par la croissance économique (autour de 8,5 % en 2014)<br />

qui reste soutenue malgré la crise économique mondiale. La fin <strong>du</strong><br />

boycott des multinationales a également fortement encouragé le<br />

retour des capitaux étrangers et la mise en place de grands projets<br />

d’investissement de plusieurs milliards de dollars dans la pro<strong>du</strong>ction<br />

d’énergie à destination des Birmans (avec le concours entre<br />

autres de la Banque mondiale et des USA) semble vouloir marquer<br />

une volonté de prendre en main la lutte contre la pauvreté. Des<br />

programmes en matière de santé publique ont récemment été mis<br />

en place, visant notamment un meilleur accès aux soins. À noter<br />

aussi le nombre croissant de touristes qui visitent la Birmanie et<br />

le développement d’infrastructures d’accueil, signes d’une ouverture<br />

des frontières et d’un apaisement politique.<br />

Un contexte favorable qui semble satisfaire ses voisins. Le pays est<br />

en effet stratégique à plusieurs égards : il possède de nombreuses<br />

ressources naturelles (pétrole, gaz, bois, charbon, pierres précieuses),<br />

sa population vivant en majorité sous le seuil de pauvreté<br />

et sa géographie en font un marché potentiel important en <strong>Asie</strong> <strong>du</strong><br />

<strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong>. Selon un sondage récent, un quart des entreprises asiatiques<br />

souhaiteraient investir en Birmanie.<br />

LE VIETNAM, NOUVEAU « MIRACLE » ASIATIQUE ?<br />

Le Vietnam peut se vanter d’un développement économique<br />

exemplaire en <strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong> : apparition d’une minorité aisée,<br />

multiplication par cinq <strong>du</strong> PIB en 10 ans, pouvoir d’achat en<br />

constante augmentation… Tous les indicateurs sont au vert.<br />

Le pays s’est en effet engagé dans de grandes réformes de transition<br />

économique amorcées en 1986 avec le programme Doi Moi, « le renouveau<br />

». S’ajoute à cela la levée de l’embargo américain en 1994<br />

qui a largement encouragé le développement <strong>du</strong> pays. En l’espace de<br />

20 ans, ce sont près de 25 millions de Vietnamiens qui sont sortis de<br />

la pauvreté et qui ont contribué à maintenir une croissance forte et<br />

stable qui avoisine les 7 % en 2014. Le PIB a franchi en 2010 les 1 500<br />

dollars par an et par habitant, seuil qui lui a permis d’accéder au<br />

statut de pays à revenu intermédiaire (tranche inférieure).<br />

Barack Obama se félicitait ainsi en novembre dernier des bons<br />

chiffres de l’économie <strong>du</strong> Vietnam lors d’une rencontre avec le<br />

Premier ministre Nguyen Tan Dung. Ce dernier rappelant que<br />

la stabilité sociale et politique <strong>du</strong> pays avait été maintenue et la<br />

031 N° 1 / 2015


DOSSIER<br />

ASIE DU SUD-EST, VERS DE NOUVEAUX HORIZONS ?<br />

« En l’espace de 20 ans<br />

près de 25 millions de Vietnamiens<br />

sont sortis de la pauvreté »<br />

© jethuynh / Shutterstock.com<br />

sécurité sociale accentuée. Si <strong>du</strong>rant les années 80, la croissance<br />

était tirée par des réformes d’État, depuis les années 90 ce sont les<br />

exportations qui en sont le moteur.<br />

Son intégration en 1995 au sein de l’ASEAN et la mise en place d’accords<br />

de libre échange bilatéraux participent ainsi à l’accentuation<br />

de l’interconnexion <strong>du</strong> Vietnam aux réseaux de pro<strong>du</strong>ction régionaux,<br />

devenant le deuxième pays hôte le plus attrayant en matière<br />

d’investissements étrangers directs (IDE) pour la zone <strong>Asie</strong>-Pacifique,<br />

après la Chine.<br />

Selon le Financial Times, le pays a ainsi accueilli entre 2013 et 2014<br />

plus de 200 grands projets étrangers pour un total de plus de<br />

20 milliards de dollars. Pour le mois de janvier 2015, le montant<br />

des IDE s’élevait à 663 millions de dollars, soit une augmentation<br />

de 63 % par rapport à janvier 2014. Samsung, Canon, Procter &<br />

Gamble (Gillette), Unilever font partie des multinationales qui se<br />

tournent désormais vers le Vietnam et ses 90 millions d'habitants,<br />

en raison notamment d’une hausse <strong>du</strong> coût de la main d’œuvre en<br />

Chine et d’une législation vietnamienne favorable aux investissements<br />

étrangers.<br />

LES LIBERTÉS FONDAMENTALES<br />

ENCORE À LA TRAÎNE<br />

Ce développement économique se fait paradoxalement dans l’un<br />

des derniers régimes communistes de la planète – un marxismeléninisme<br />

qui, à l’instar de la Chine, s’est adapté à l’économie de<br />

marché. Installée en 1976, la démocratie populaire est fondée sur<br />

la suprématie <strong>du</strong> parti communiste qui désigne ou élit l’ensemble<br />

des dirigeants, Gouvernement, Premier ministre et Président. Bien<br />

enten<strong>du</strong>, le parti communiste vietnamien (PCV) est le seul parti<br />

autorisé et il n'existe aucune séparation entre le législatif, l'exécutif<br />

et le judiciaire. L’avènement de la République socialiste <strong>du</strong> Vietnam<br />

a contraint à l’exil de près de 3 millions de Vietnamiens notamment<br />

aux États-Unis et en France. Cette diaspora joue actuellement un<br />

rôle important par le biais des réseaux sociaux dans la lutte contre<br />

la suprématie <strong>du</strong> parti. La surveillance de Facebook n’empêche pas<br />

certaines informations de circuler. Les activistes jouant au chat et<br />

à la souris avec la police. Un décret d’août 2013 interdit toute utilisation<br />

à des fins politiques des réseaux sociaux.<br />

Le parti unique exerce ainsi son contrôle sur l’ensemble des médias<br />

et des peines d’emprisonnement sont prévues pour quiconque<br />

remettra en cause le régime. Aussi, télévision et presse ne<br />

diffusent-elles que des informations officielles et positives sur l’action<br />

gouvernementale. Au niveau local, la police guète toute dissidence,<br />

immédiatement réprimée. Reporters sans frontières dans<br />

son rapport sur l’Internet en 2014 le confirme : « Le pouvoir vietnamien<br />

ne tolère aucun débat politique en ligne. Il a déployé une force de<br />

frappe judiciaire, administrative et technologique, centrée sur le ministère<br />

de l’Information et des Communications. » Décollage économique et<br />

démocratisation ne vont pas de paire.<br />

BIRMANIE -<br />

1 BOUGIE ET 30 JOURNALISTES<br />

La première école de journalisme indépendante en Birmanie<br />

fête son premier anniversaire le 14 juillet 2015.<br />

Cocorico ! Cette belle initiative française est un véritable<br />

succès.<br />

Le MJI, Myanmar Journalism Institute, est une toute jeune<br />

école de journalisme soutenue par la France, qui a pour vocation<br />

de proposer des formations aux journalistes birmans.<br />

« Délivrer un enseignement <strong>du</strong> journalisme de qualité professionnelle<br />

- respect des règles d’éthique, de neutralité,<br />

de pluralisme et de méthodologie de l’investigation - en<br />

créant un pôle d’excellence pour l’enseignement <strong>du</strong> journalisme<br />

», telle est sa feuille de route. Depuis juillet 2014,<br />

l’école a dispensé ses cours à 29 journalistes en exercie à<br />

Rangoun et à Mandalay en formation continue à mi-temps.<br />

Selon Éric Glover, l’un des initiateurs <strong>du</strong> projet, le bilan est<br />

positif : « L’école est le fruit d’un consortium international<br />

(7 partenaires, une première à ce niveau dans l’histoire des<br />

medias) et se développe lentement mais sûrement. » En<br />

effet, le projet est porté par plusieurs pays européens : la<br />

France, la Suède, la Norvège, l’Allemagne et le Danemark,<br />

en concertation avec les acteurs locaux.<br />

Le Myanmar Journalism Institute forme actuellement les<br />

journalistes birmans pour la couverture des élections de<br />

novembre 2015, premières élections libres depuis deux<br />

décennies. La formation thématique « Traiter les élections »,<br />

mise en place au printemps dans cinq villes <strong>du</strong> pays, a été<br />

entièrement financée par Canal France international. En<br />

juillet 2015, le MJI lancera sa première promotion de formation<br />

initiale destinée aux jeunes Birmans désireux de se<br />

lancer dans le journalisme. Avec bourse de l’ambassade de<br />

France à la clé !<br />

Beau programme en soutien à la démocratisation récente <strong>du</strong><br />

pays et bel élan solidaire de la communauté internationale.<br />

N° 1 / 2015<br />

032


ASIE DU SUD-EST, VERS DE NOUVEAUX HORIZONS ?<br />

DOSSIER<br />

LES ESPOIRS INCERTAINS DU CAMBODGE<br />

Le cas <strong>du</strong> Cambodge et ses 15 millions d’habitants est à la croisée<br />

des deux exemples précédents. Régime autoritaire, répression arbitraire<br />

et développement économique fragile, le pays panse encore<br />

la difficile période des Khmers rouges.<br />

Les troubles sociaux de 2013 qui avaient catalysé une crise politique<br />

majeure semblent aujourd’hui apaisés. Fait atypique, le<br />

Cambodge est une monarchie parlementaire dans laquelle le roi<br />

participe, tout au moins symboliquement, de la stabilité <strong>du</strong> pays<br />

depuis les Accords de Paris de 1991. Norodom Sihamoni a succédé<br />

à son père Norodom Sihanouk après son abdication. Personnalité<br />

plus effacée, fervent francophone, ayant vécu 20 ans en France, il<br />

règne mais ne gouverne pas, conformément au cadre posé par la<br />

Constitution.<br />

Les tensions nombreuses entre Gouvernement et opposition l’ont<br />

cependant obligé à jouer le rôle de médiateur. Lors des dernières<br />

élections législatives <strong>du</strong> 28 juillet 2013, le Parti <strong>du</strong> peuple cambodgien<br />

(PPC), parti <strong>du</strong> Premier ministre Hun Sen actuellement au<br />

pouvoir, a été talonné par son opposant Sam Rainsy qui en contestait<br />

les résultats. Des manifestations de grande ampleur ont traversé<br />

tout le pays avant d’être fortement réprimées par le pouvoir. Le<br />

dissident en exil à Bangkok, Serey Ratha, a été condamné à 7 ans<br />

de prison pour avoir distribué des roses jaunes le lendemain des<br />

élections avec un autocollant enjoignant les soldats à « tourner leurs<br />

armes contre le despote ». Un récent amendement à la loi électorale a<br />

été voté en février dernier pour apaiser les tensions.<br />

Parallèlement, la censure a libre court dans le royaume. En début<br />

d’année, onze militants ont été condamnés à de la prison pour<br />

avoir participé aux manifestations de 2014.<br />

VERS UN DÉCOLLAGE ÉCONOMIQUE ?<br />

Cité comme exemple de modèle de développement au milieu <strong>du</strong><br />

XX e siècle, le petit royaume peine cependant à égaler les performances<br />

économiques de son voisin vietnamien.<br />

Le pays connaît une croissance forte depuis plus de dix ans (exception<br />

faite de l’année 2009) qui atteint 7,2 % en 2014, dopée par les<br />

exportations textiles et le tourisme. Il reste toutefois dépendant de<br />

l’aide internationale. Le climat social, agité ces dernières années,<br />

s’est apaisé avec la hausse de 30 % <strong>du</strong> salaire minimum et la fin<br />

des grèves dans l’in<strong>du</strong>strie textile. Mais de grands défis en termes<br />

d’é<strong>du</strong>cation et de qualification de la main d’œuvre attendent le<br />

royaume dont plus de la moitié de la population a moins de 21 ans.<br />

Le Gouvernement a mis en œuvre un vaste plan de développement<br />

des infrastructures notamment électriques de 27 milliards de dollars<br />

pour la période 2014-2018. Cette dynamique positive porte ses<br />

fruits : d’après une étude menée par la Banque mondiale, le nombre<br />

de Cambodgiens vivant dans l’extrême pauvreté (moins de 1,15 dollar<br />

par jour) a chuté de 53 % en 2004 à 20 % actuellement. Les réformes<br />

structurelles en cours en vue de l’intégration dans le futur<br />

marché commun de l’ASEAN créent un contexte extrêmement<br />

favorable à l’investissement. Les découvertes d’hydrocarbures,<br />

quoique peu exploitées encore, laissent espérer de futures entrées<br />

de devises.<br />

Le tourisme reste un enjeu de développement majeur au Cambodge.<br />

Le tourisme fluvial, différents sites comme Angkor et l’écotourisme<br />

génèrent des investissements importants profitables à<br />

toute l’économie <strong>du</strong> pays. RdM<br />

1975 - 2015 : LE VIETNAM, 40 ANS APRÈS<br />

C’est avec l’intervention japonaise en Indochine en 1945 que commence une<br />

période de plus de trente années de guerres successives. Les armes ne se<br />

tairont définitivement qu’après la chute de Saïgon le 30 avril 1975. C’était il y<br />

a quarante ans. Le Vietnam se souvient et célèbre le chemin parcouru depuis.<br />

Tout commence avec la déclaration d’indépendance par Ho Chi Minh à Hanoï le<br />

2 septembre 1945. La domination française en Indochine a été mise à mal par l’invasion<br />

japonaise de 1945 et les indépendantistes communistes vietminh profitent de la<br />

déroute <strong>du</strong> colonisateur pour s’affirmer. Un affrontrement débute en 1946 alors que<br />

la France tente de rétablir son autorité. À partir de 1948, les indépendantistes sont<br />

soutenus et armés par la Chine, dans un conflit devenu un enjeu de guerre froide.<br />

C’est la bataille décisive de Dien Bien Phu <strong>du</strong> 13 mars au 7 mai 1954 qui obligera<br />

la France au cessez-le-feu et à la signature des Accords de Genève, après plus de<br />

500 000 morts vietnamiens.<br />

Ces accords prévoient la partition <strong>du</strong> Vietnam : le Vietminh communiste contrôlant le<br />

Nord <strong>du</strong> pays au-delà <strong>du</strong> 17 e parallèle et le <strong>Sud</strong> sous contrôle occidental, la France<br />

cédant la place aux États-Unis. Mais l’instabilité politique <strong>du</strong> <strong>Sud</strong> fait bientôt place à<br />

une guérilla menée par le Viet-cong et soutenue par le Nord, si bien que la puissance<br />

américaine s’engage militairement à partir de 1961 pour contrer l’avancée communiste<br />

jusqu’à une entrée en guerre officielle quatre ans plus tard. L’escalade militaire<br />

sera incessante. 200 000 soldats américains en 1965, 500 000 fin 1967. Les succès<br />

<strong>du</strong> Viet-cong, les exactions américaines, les morts innombrables rendent cette guerre<br />

insoutenable et impopulaire. Des mouvements pacifistes se relaient dans le monde<br />

entier et aboutissement au retrait américain de 1973 avec les Accords de Paris.<br />

Cependant la guerre n’est pas finie et reprend cette fois entre le Nord et le <strong>Sud</strong>. En<br />

1975, les troupes nord-vietnamiennes lancent une grande offensive jusqu’à la chute<br />

de Saïgon qui leur donne le contrôle de tout le pays, débouchant sur la réunification<br />

et l’instauration d’un régime socialiste encore au pouvoir aujourd’hui. Saïgon change<br />

de nom et devient Ho-Chi-Minh-ville, l’économie est collectivisée et la répression est<br />

brutale con<strong>du</strong>isant près d’un million de boat people à fuir le pays.<br />

Le bilan de cette guerre est effroyable aussi bien sur le plan humanitaire qu’écologique.<br />

Près de trois millions de morts et autant de blessés, environ trois millions<br />

d’hectares de forêts détruites par les défoliants américains, des milliers de personnes<br />

tuées depuis par des mines antipersonnelles… Rares sont les pays à avoir<br />

connu un tel traumatisme.<br />

En érigeant cette année un mémorial en hommage aux victimes de la guerre, un<br />

autre à la mémoire d’Ho Chi Minh, le Vietnam panse difficilement ses blessures. Les<br />

ravages écologiques <strong>du</strong>s au napalm sont encore visibles. Mais la guerre a surtout<br />

forgé un sentiment nationaliste fort, célébré lors des commémorations par le Président<br />

et vécu comme l’un des piliers <strong>du</strong> redressement et <strong>du</strong> développement <strong>du</strong> pays.<br />

Le 30 avril dernier, les commémorations ont été célébrées en grande pompe. Feux<br />

d’artifices spectaculaires dans les sept plus grandes villes, parades militaires, drapeaux<br />

rouges étoilés de jaune, faucilles et marteaux hissés partout dans le pays. Tout<br />

ce faste pour les « 40 ans de la réunification <strong>du</strong> Nord et <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>, de la libération, de la<br />

victoire », suivant les termes employés par le régime socialiste en place depuis cette<br />

date (et qui fête par la même occasion son quarantième anniversaire). Étaient conviés<br />

les dignitaires <strong>du</strong> régime et quelques rescapés <strong>du</strong> communisme international comme<br />

le représentant <strong>du</strong> Parti communiste cubain. Dans son discours, le Président a notamment<br />

mis en avant les efforts et les réalisations menées par le pays <strong>du</strong>rant quatre<br />

décennies, avec des succès évidents tels que la sortie <strong>du</strong> sous-développement, la<br />

croissance annuelle moyenne de près de 7 % et un PIB par habitant qui n’en finit plus<br />

de progresser. « Sur le plan social, le taux de pauvreté a été ramené en deçà de 6 %<br />

et plus de 98 % des foyers ont accès à l’électricité », a-t-il ainsi rappelé.<br />

033 N° 1 / 2015


DOSSIER<br />

ASIE DU SUD-EST, VERS DE NOUVEAUX HORIZONS ?<br />

© Thanyapat Wanitchanon<br />

LE MÉKONG,<br />

colonne vertébrale de<br />

L’ASIE DU SUD-EST<br />

Texte Amaury Lorin ¬<br />

Du 16 au 19 juin 2015 devait se réunir à Da Nang au Vietnam le Forum<br />

<strong>du</strong> tourisme <strong>du</strong> Mékong (Mekong Tourism Forum) autour <strong>du</strong> thème :<br />

« Libérer le potentiel de la région <strong>du</strong> Mékong par des partenariats<br />

innovants. » Et le potentiel en effet est énorme. Les Français ont été les<br />

premiers à le pressentir au XIX e siècle. Aujourd’hui le fleuve est un enjeu de<br />

développement touristique, économique, énergétique et environnemental<br />

pour les pays qu’il traverse. La clé semble résider dans les nouvelles<br />

coopérations régionales qui se dessinent.<br />

N° 1 / 2015<br />

034


ASIE DU SUD-EST, VERS DE NOUVEAUX HORIZONS ?<br />

DOSSIER<br />

C<br />

ertains chiffres en imposent.<br />

Le Mékong se déploie sur<br />

4350, ou 4909 km selon des<br />

calculs toujours disputés,<br />

dont une grande moitié coule<br />

en Chine qui entend bien de<br />

fait en contrôler son cours<br />

entier. Bien plus significatives,<br />

la superficie couverte<br />

par son bassin et la population<br />

qui y vit. La première ne<br />

couvre pas moins de 795000 km 2 , notamment utilisés pour l’irrigation,<br />

la pêche et la pisciculture, la pro<strong>du</strong>ction hydroélectrique<br />

(grâce aux barrages), le transport et la fourniture d’eau. La seconde<br />

regroupe environ 70 millions d’habitants. Son débit annuel est une<br />

autre donnée marquante : 284 km 3 d’eau en moyenne, attestant de<br />

sa force, physique et, partant, économique.<br />

Dixième fleuve <strong>du</strong> monde et quatrième d’<strong>Asie</strong>, le Mékong, essentiellement<br />

connu en Europe pour ses habitations et ses marchés flottants,<br />

occupe une place à part dans l’imaginaire des Occidentaux.<br />

Prenant sa source dans le Qinghai chinois sur les hauteurs de<br />

l’Himalaya, à plus de 4 000 mètres d’altitude, le Mékong, fleuve des<br />

six nations, également appelé « fleuve tumultueux » par les Chinois,<br />

irrigue d’abord la Chine (la province <strong>du</strong> Yunnan), puis borde le Laos<br />

à la frontière de la Birmanie et de la Thaïlande. Il coule de nouveau<br />

au Laos aux confins <strong>du</strong> Triangle d’or et joue le rôle de frontière naturelle,<br />

désenclavant ce petit pays dépourvu d’accès à la mer. Il traverse<br />

ensuite le Cambodge, où naissent les premiers bras de son delta, et<br />

se prolonge enfin en plusieurs défluents dans le sud <strong>du</strong> Vietnam, où<br />

il est appelé traditionnellement le « fleuve des neuf dragons ». Le<br />

puissant débit de ses eaux boueuses, l’ambiance de son delta, grenier<br />

à riz de l’<strong>Asie</strong>, et de ses bacs ont été dépeints avec un esthétisme<br />

envoûtant par Marguerite Duras, notamment dans L’Amant, son<br />

roman célèbre.<br />

035 N° 1 / 2015


DOSSIER<br />

ASIE DU SUD-EST, VERS DE NOUVEAUX HORIZONS ?<br />

Une vie rurale et traditionnelle<br />

Les villageois riverains <strong>du</strong> Mékong cultivent, pêchent et vendent<br />

inlassablement leurs pro<strong>du</strong>its sur l’eau. Quand son niveau varie,<br />

ils changent simplement d’endroit. Leurs maisons flottantes leur<br />

permettent ainsi de s’adapter aux caprices de ce milieu naturel<br />

pouvant varier fortement au gré des saisons, sèche et humide, limitant<br />

les risques d’inondations dévastatrices et meurtrières.<br />

Le delta <strong>du</strong> Mékong et ses bras labyrinthiques forment enfin un<br />

gigantesque marché à ciel ouvert, vivant et extrêmement dynamique,<br />

où sont ven<strong>du</strong>s mille pro<strong>du</strong>its frais de la région et de délicieuses<br />

soupes. Les femmes principalement, vêtues de leur tunique<br />

et de leur chapeau conique, pagaient et vendent à la criée<br />

leurs récoltes et recettes <strong>du</strong> jour aux passants.<br />

Fleuve nourricier, le Mékong est ainsi le poumon économique de<br />

toute la péninsule indochinoise. Les chiffres attestent de son importance,<br />

non seulement pour le Vietnam, mais, plus largement,<br />

pour l’économie de toute l’<strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong>. Le riz vietnamien, pro<strong>du</strong>it<br />

majoritairement dans le delta <strong>du</strong> Mékong, est ainsi massivement<br />

exporté dans le monde entier, ce qui fait <strong>du</strong> Vietnam le troisième<br />

exportateur mondial de riz (6,3 milliards de tonnes en 2014).<br />

La mission d’exploration <strong>du</strong> Mékong<br />

Au XIX e siècle, les Français ont tenté de contrôler le Mékong et<br />

de disposer ainsi d’une artère selon un axe méridien con<strong>du</strong>isant<br />

jusqu’en Chine méridionale, objet de tous leurs fantasmes. Mais<br />

les rapides <strong>du</strong> fleuve contrarièrent ces ambitions : ils révélèrent rapidement<br />

la nature peu favorable à la navigation <strong>du</strong> Mékong en raison<br />

d’un niveau des eaux variant trop fortement avec les pluies de<br />

la mousson. Vingt ans avant la fondation de l’Union indochinoise<br />

par Paul Bert (1886), la mission d’exploration <strong>du</strong> Mékong quitte<br />

Saïgon en 1866 sous le commandement <strong>du</strong> capitaine de frégate<br />

Ernest Doudart de Lagrée, accompagnée notamment de Francis<br />

Garnier, chargé des travaux d’hydrographie, de météorologie,<br />

ainsi que <strong>du</strong> tracé de la carte <strong>du</strong> voyage. À la mort de Doudart de<br />

Lagrée, Garnier prend la direction de la mission et rallie Saïgon en<br />

1868. Il continue plus tard ses travaux de reconnaissance <strong>du</strong> cours<br />

<strong>du</strong> haut-Mékong, auquel il consacre sa vie, et passe plusieurs mois<br />

à explorer seul le Yunnan et le Tibet.<br />

L’installation des Français sur les embouchures <strong>du</strong> Mékong (la Cochinchine<br />

est colonisée par la France dès 1862) les con<strong>du</strong>it tout naturellement<br />

à s’intéresser à son cours supérieur, aussi loin que possible.<br />

Celui-ci fut ainsi cartographié par les Français, alors que le<br />

fleuve était auparavant redouté et considéré comme une énigme.<br />

Une exploration scientifique que ces derniers n’eurent de cesse de<br />

rappeler, notamment dans le contexte de la « course aux colonies »<br />

qui les opposa vivement au Royaume-Uni pendant des décennies.<br />

Les Français ont toujours accordé, dès lors, une attention particulière<br />

au fleuve, expliquant en partie leur intérêt touristique marqué<br />

et ininterrompu pour cette région <strong>du</strong> monde.<br />

La Mekong River Commission<br />

Une commission internationale, le Comité <strong>du</strong> Mékong ou Mekong<br />

River Commission (MRC), créée en avril 1995, est consacrée à une<br />

gestion transrégionale des conflits et problèmes liés au fleuve,<br />

dans une perspective affichée de développement <strong>du</strong>rable. Elle<br />

comprend quatre pays : le Cambodge, le Laos, la Thaïlande et le<br />

Vietnam. S’ajoutent la Birmanie et la Chine qui ont le statut d’ob-<br />

servateurs. Ses objectifs sont inscrits dans ses statuts : assurance<br />

d’un usage raisonnable et équitable des ressources (<strong>du</strong> Mékong) ;<br />

promotion et coordination d’une aide à la gestion et à l’exploitation<br />

des eaux (<strong>du</strong> bassin <strong>du</strong> Mékong) et des ressources associées pour<br />

un bénéfice mutuel et un bien-être des populations concernées ;<br />

développement de programmes d’action planifiés ; fourniture de<br />

données scientifiques et de règles de con<strong>du</strong>ites environnementales.<br />

Son ambitieux programme concerne huit secteurs d’activité<br />

: transports, télécommunications, énergie et eau, tourisme, environnement<br />

et gestion des ressources naturelles, développement<br />

des ressources humaines, commerce et investissements.<br />

Ces défis résument finalement la problématique même de la région,<br />

liée à son histoire : sa velléité constante d’indépendance visà-vis<br />

tout à la fois de la tutelle de l’ancienne puissance coloniale et<br />

de la mainmise chinoise (voir encadré). La MRC, dont le siège s’est<br />

installé en 2005 à Vientiane (Laos), est-elle pour autant une vaine<br />

tentative d’unification ?<br />

Une zone d’influence majeure<br />

Cette volonté n'est pas nouvelle. Faut-il pour autant, comme certains<br />

l'ont fait, envisager une « civilisation <strong>du</strong> Mékong », un concept<br />

âprement disputé. Cela semble inapproprié. En effet, successivement<br />

colonisés par la France avant de former l’Indochine, une<br />

construction coloniale parfaitement arbitraire, le Laos, le Cambodge<br />

et le Vietnam ont peu en commun, sinon d’avoir été modelés<br />

par le bouddhisme, leur seul trait d’union. Le Mékong a finalement<br />

peu uni les peuples qui le bordent. Les différences de niveau de vie<br />

demeurent aujourd'hui encore importantes entre eux.<br />

La MRC peine quant à elle, il est vrai, à exister sur la scène diplomatique<br />

en raison de la dissymétrie même de sa composition et de<br />

la prégnance des intérêts nationaux de ses États membres, frein à<br />

une vraie coopération transnationale. Si des réalisations concrètes<br />

ont vu le jour – infrastructures routières et coopération énergétique<br />

(nombreux barrages), le développement <strong>du</strong> Mékong reste<br />

encore très inégal, malgré son potentiel considérable.<br />

Celui-ci est en effet un fleuve paradoxal : théâtre des pires horreurs<br />

historiques, motivées par des volontés antagonistes de contrôler<br />

son cours et ses rives, il a pourtant pro<strong>du</strong>it et continue de générer<br />

des échanges permanents entre les États qui le bordent. Malgré<br />

les tensions qui opposent toujours ces derniers, le Mékong est un<br />

fleuve trait d’union, dont l’importance à tous égards dépasse largement<br />

l’échelle continentale.<br />

Une géographie unique au monde<br />

Parcourir ainsi le majestueux Mékong offre l’assurance de saisir<br />

l’essence de la péninsule indochinoise et de voyager en son cœur<br />

même. Traversant en effet de superbes paysages de montagnes, de<br />

rizières et de palmiers à sucre, il est considéré parfois par ses riverains<br />

comme une véritable mer intérieure. Chacune des étapes, au<br />

fil de sa longue descente, offre de superbes visites et découvertes,<br />

certaines d’entre elles étant inaccessibles par voie terrestre.<br />

Liées de longue date par des échanges et des flux quotidiens,<br />

tant de voyageurs que de marchandises, Lijiang (Chine), Luang<br />

Prabang (Laos), Vientiane (Laos) et Phnom Penh (Cambodge)<br />

comptent parmi les plus belles villes d’<strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong>, les deux<br />

premières étant aujourd’hui protégées par l’UNESCO.<br />

Luang Prabang, « la cité des mille pagodes », première capitale <strong>du</strong><br />

N° 1 / 2015<br />

036


ASIE DU SUD-EST, VERS DE NOUVEAUX HORIZONS ?<br />

DOSSIER<br />

royaume lao lors de la constitution <strong>du</strong> pays (1353), reste un centre<br />

artistique important, attirant des visiteurs <strong>du</strong> monde entier. Située<br />

au confluent <strong>du</strong> Mékong et de la rivière Nam Khane, « la belle<br />

endormie » sé<strong>du</strong>it par sa tranquillité anachronique, ses temples et<br />

ses soieries. Des courses de bateaux-dragons, embarcations traditionnelles<br />

effilées en bois, sont régulièrement organisées sur le<br />

Mékong. Des milliers de personnes se retrouvent alors sur les rives<br />

pour encourager les participants.<br />

Victime de son succès, le joyau <strong>du</strong> Laos est de plus en plus menacé<br />

par les conséquences sur son environnement d’un tourisme croissant<br />

: 500 000 visiteurs étrangers auraient ainsi été accueillis en<br />

2014 à Luang Prabang, qui compte une population de 50 000 habitants.<br />

Des programmes spécifiques ont été mis en place ces dernières<br />

années sous l’égide de l’UNESCO, <strong>du</strong> Fonds français pour<br />

l’environnement mondial (FFEM) ou encore de l’Agence française<br />

de développement (AFD). Ils visent à soutenir les autorités<br />

laotiennes dans leurs efforts pour la préservation<br />

de son extraordinaire patrimoine et<br />

pour une transition vers un tourisme <strong>du</strong>rable<br />

et plus respectueux de l’environnement. Il en<br />

va de sa pérennité.<br />

En aval, Phnom Penh et Saïgon (devenue Ho-<br />

Chi-Minh-ville en 1975). La première offre un<br />

visage qui porte encore les marques d’une<br />

histoire tourmentée. Surnommée au début<br />

<strong>du</strong> siècle dernier et jusque dans les années<br />

1970 « la perle d’<strong>Asie</strong> », dont subsistent encore<br />

quelques rares édifices, sa population<br />

de 2 millions d’habitants fut chassée en une<br />

seule journée le 17 avril 1975 par les Khmers<br />

rouges, arrivés au pouvoir. Une période noire<br />

et particulièrement sanglante s’ensuivit, qui<br />

plongea le pays dans la terreur, l’ignominie et<br />

le déclin, et dont il sortit exsangue quelques<br />

années plus tard. Depuis le milieu des années<br />

1990, le pays tente difficilement de se<br />

redresser. Phnom Penh jouit de nouveau<br />

d’un attrait touristique grandissant, soutenu<br />

par l’afflux des étrangers venus admirer les<br />

temples d’Angkor à quelques centaines de<br />

kilomètres au nord-ouest.<br />

Plus moderne et tentaculaire, la capitale économique<br />

<strong>du</strong> Vietnam s’est imposée comme<br />

le pôle de gravité <strong>du</strong> bas-Mékong. Elle<br />

compte aujourd’hui près de 8 millions d’habitants<br />

et 15 zones franches d’exportation regroupant<br />

notamment parcs in<strong>du</strong>striels. Ses<br />

ports représentent près <strong>du</strong> tiers <strong>du</strong> tonnage<br />

national <strong>du</strong> Vietnam. Par effet d’entraînement,<br />

le commerce va ainsi croissant au fil<br />

<strong>du</strong> Mékong et atteint son point d’orgue au<br />

niveau de son delta. La capitale <strong>du</strong> <strong>Sud</strong> est le<br />

véritable chef d’orchestre de toute la région,<br />

qui entreprend depuis ces dernières années<br />

une tertiarisation de son économie ainsi<br />

qu’une modernisation de ses infrastructures<br />

fluviales et in<strong>du</strong>strielles.<br />

Des avancées dans la gestion de l'eau<br />

Le delta dispose de ressources naturelles et d’atouts majeurs, au<br />

premier rang desquels le Mékong, que le pays sud-asiatique tente<br />

aujourd'hui de préserver. Ce dernier est ainsi devenu un axe prioritaire<br />

de développement pour le Vietnam, mais aussi pour tous les<br />

pays baignés par les eaux <strong>du</strong> fleuve. L’importance des enjeux liés<br />

au Mékong, notamment la sécurité alimentaire et l’indépendance<br />

énergétique, non des moindres, concourent à la définition d’une<br />

véritable zone d’influence à l’échelle de tout le continent asiatique.<br />

Un ambitieux projet baptisé « Eau potable » a été lancé en 2007<br />

par l’AFD dans six provinces vietnamiennes <strong>du</strong> delta <strong>du</strong> Mékong.<br />

Il sera achevé cette année. En effet, alors que les sources d’eau y<br />

sont innombrables, l’habitude d’utiliser l’eau puisée dans le puits<br />

<strong>du</strong> jardin ou dans un canal à proximité de la maison pose de nombreux<br />

problèmes d’hygiène et de santé, en particulier quand l’eau<br />

est destinée à la cuisine. Dès lors, le programme vise tout à la fois<br />

« (...) le commerce va ainsi<br />

croissant au fil <strong>du</strong> Mékong et<br />

atteint son point d’orgue au<br />

niveau de son delta »<br />

© Galyna Andrushko<br />

037<br />

N° 1 / 2015


DOSSIER<br />

ASIE DU SUD-EST, VERS DE NOUVEAUX HORIZONS ?<br />

à apporter de l’eau potable à un maximum de foyers des villes <strong>du</strong> delta <strong>du</strong> Mékong,<br />

non reliés jusqu’à présent au réseau de distribution. Il entend également<br />

améliorer le service pour ceux qui ont déjà la chance d’avoir accès à l’eau potable,<br />

encourager la politique de décentralisation et d’équilibre économique dans le<br />

secteur de l’eau en renforçant les compagnies des eaux provinciales. Enfin, il<br />

cherche à développer une approche commerciale de l’eau afin de soutenir une<br />

nécessaire politique d’investissement dans le secteur.<br />

« Le plus grand<br />

défi pour le<br />

tourisme dans le<br />

delta <strong>du</strong> Mékong<br />

reste, toutefois,<br />

de prolonger<br />

le séjour des<br />

touristes »<br />

Un tourisme régional ?<br />

Le Gouvernement vietnamien a également engagé, de son côté, diverses mesures<br />

pour développer les infrastructures touristiques dans le delta <strong>du</strong> Mékong,<br />

une région qui revêt un caractère stratégique de premier plan pour lui et qui est,<br />

de ce fait, devenue une priorité nationale.<br />

Dans ce cadre, un colloque international intitulé « Programme de développement<br />

<strong>du</strong> tourisme responsable », financé par l’Union européenne, a eu lieu le<br />

28 janvier 2015 à Phu Quoc (Vietnam). Deux objectifs lui étaient assignés. D’une<br />

part, la mise en œuvre<br />

d’une coopération accrue<br />

dans la gestion des lieux<br />

touristiques des trois provinces<br />

vietnamiennes d’An<br />

Giang, Kien Giang et Can<br />

Tho (delta <strong>du</strong> Mékong).<br />

D’autre part, le soutien<br />

au lancement de pro<strong>du</strong>its<br />

touristiques nouveaux et<br />

de plans destinés à promouvoir<br />

cette région, notamment<br />

à l’étranger. Un<br />

accord de coopération<br />

touristique avait été signé<br />

à l’occasion d’une précédente<br />

conférence le 18 octobre<br />

2014 à Rach Gia (Vietnam),<br />

comprenant trois<br />

grands volets : création<br />

d’une politique régionale<br />

de développement touristique<br />

coordonnée par un<br />

fonds commun, lancement<br />

de pro<strong>du</strong>its marketing innovants<br />

et renforcement<br />

des ressources humaines<br />

dans ce secteur-clé. Autant<br />

d’objectifs louables.<br />

Le plus grand défi pour le<br />

tourisme dans le delta <strong>du</strong><br />

Mékong reste, toutefois,<br />

de prolonger le séjour des<br />

touristes dont la <strong>du</strong>rée<br />

moyenne n’est actuellement<br />

que d’un jour et une nuit par touriste, en extension, en général, d’un séjour<br />

principal sous la forme d’une excursion à la journée, ce qui est beaucoup trop<br />

court pour que la région puisse bénéficier de retombées significatives.<br />

Mais comment retenir les touristes sur le delta <strong>du</strong> Mékong ? L’amélioration <strong>du</strong><br />

parc hôtelier le long <strong>du</strong> fleuve, la création de pro<strong>du</strong>its et services touristiques<br />

nouveaux et l’extension de l’offre de visites dans le domaine agricole, notamment<br />

fruitier, ont été retenues comme autant de pistes prometteuses à explorer. RdM<br />

LA CHINE ET LA GREATER MEKONG<br />

SUBREGION<br />

L’aménagement <strong>du</strong> bassin <strong>du</strong> Mékong et l’interconnexion<br />

des infrastructures entre les États limitrophes<br />

constituent des enjeux stratégiques majeurs à<br />

l’échelle <strong>du</strong> continent asiatique. Les cinq pays situés le<br />

long <strong>du</strong> Mékong (à savoir le Vietnam, le Cambodge, le<br />

Laos, la Birmanie et la Thaïlande) et les deux provinces<br />

chinoises voisines, le Yunnan et le Guangxi, abritent<br />

une population totale de 326 millions de personnes,<br />

supérieure à celle des États-Unis, sur une superficie<br />

de 2,6 millions de km². La « sous-région <strong>du</strong> grand-Mékong<br />

» (Greater Mekong Subregion), ainsi définie, désigne<br />

un projet conçu en 1992 par la Banque asiatique<br />

de développement. Cette dernière, dont le siège est<br />

basé à Manille, fut créée en 1962 pour soutenir le développement<br />

économique et social des pays d’<strong>Asie</strong> et <strong>du</strong><br />

Pacifique à l’aide de prêts et d’assistance technique.<br />

Dans ce contexte, le cinquième sommet <strong>du</strong> Mékong,<br />

tenu en décembre 2014 à Bangkok, a confirmé l’influence<br />

grandissante apparemment incontournable de<br />

la Chine dans cette région. L’objectif ancien de Pékin<br />

est en effet d’obtenir des débouchés sur l’océan Pacifique<br />

et de réaliser « la stratégie des deux océans »<br />

(Pacifique et Indien) en vassalisant la Birmanie. Pour ce<br />

faire, l’empire <strong>du</strong> Milieu investit des milliards de dollars<br />

depuis plusieurs années pour construire des tronçons<br />

de voies ferrées devant relier à terme Kunming (Yunnan)<br />

à Singapour, soit une distance totale de 3 900 km.<br />

Ce projet pharaonique pourrait être réalisé dès 2022.<br />

© pcruciatti / Shutterstock.com<br />

N° 1 / 2015 038


ASIE DU SUD-EST, VERS DE NOUVEAUX HORIZONS ?<br />

DOSSIER<br />

© Don Mammoser / Shutterstock.com<br />

L’IRR AWADDY,<br />

« fleuve-mère » de BIRMANIE<br />

Texte Amaury Lorin ¬<br />

Depuis 2011, la Birmanie connaît une croissance annuelle <strong>du</strong> tourisme<br />

de près de 50 %. La Banque asiatique de développement table sur un<br />

objectif de 5 millions de touristes en 2015. Cette soudaine affluence<br />

profite majoritairement au grand axe fluvial que constitue l’Irrawaddy,<br />

porte d’entrée vers les grands sites <strong>du</strong> pays. Mais quels impacts le pays<br />

peut-il espérer ou craindre de ce développement rapide ?<br />

039 N° 1 / 2015


DOSSIER<br />

ASIE DU SUD-EST, VERS DE NOUVEAUX HORIZONS ?<br />

D<br />

escendre ou remonter<br />

l’Irrawaddy<br />

(le nom <strong>du</strong> fleuve<br />

vient <strong>du</strong> sanskrit<br />

airavati, signifiant<br />

« fleuve des éléphants<br />

») permet<br />

d’accéder à une Birmanie<br />

authentique<br />

encore confidentielle<br />

et de renouer<br />

avec une <strong>Asie</strong> hors<br />

<strong>du</strong> temps, celle des<br />

chars à bœufs et des pêcheurs. Le fleuve, appelé « fleuve-mère »<br />

par les Birmans, long de 2170 km, traverse la Birmanie <strong>du</strong> nord au<br />

sud. Il prend sa source sur les contreforts de l’Himalaya dans le<br />

Kachin tout au nord <strong>du</strong> pays, avant de se jeter dans l’océan Indien<br />

sous la forme d’un gigantesque delta, formé de mangroves et de<br />

marécages forestiers. Sa large vallée centrale constitue la Birmanie<br />

historique, où les capitales royales itinérantes furent fondées<br />

puis pillées, alors que pendant de nombreux siècles, le fleuve fut<br />

la seule grande voie de communication pour traverser le pays. Artère<br />

irrigant tout le territoire, son bassin fluvial est la région la plus<br />

importante de Birmanie pour la culture vitale <strong>du</strong> riz. L’Irrawaddy<br />

représente, en outre, le principal axe de développement touristique<br />

<strong>du</strong> pays, d’autant plus que l’eau est un élément omniprésent dans<br />

toute l'<strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong>.<br />

Des piliers blancs élevés sur chaque rive <strong>du</strong> fleuve indiquaient autrefois<br />

la ligne frontière des possessions anglaises et birmanes.<br />

Quelques-uns subsistent ici ou là. Sur le rivage abondamment<br />

boisé, les collines restent couronnées de blanches pagodes, accessibles<br />

par d’interminables escaliers. Flanqué tantôt de denses<br />

jungles, tantôt de gorges encaissées, tantôt de rizières à perte de<br />

vue, le fleuve offre des paysages dont nul voyageur ne saurait se<br />

lasser. Parmi cocotiers, aréquiers, bambous et diverses essences<br />

tropicales à larges feuilles, des stupas blancs omniprésents lancent<br />

leurs flèches vers le ciel, souvent coiffés d’un hti, une sorte de parapluie<br />

avec de petites clochettes.<br />

Les villageois saluent spontanément et joyeusement le passage des<br />

bateaux depuis les maisons sur pilotis. Une excursion vers un village<br />

en haut d’une colline et des marchés trépidants, où des femmes<br />

fumeuses de cheroots, des cigares birmans artisanaux, vendent de<br />

superbes pro<strong>du</strong>its : moments mémorables d’interaction avec une<br />

population locale accueillante et des enfants rieurs. Les communautés<br />

de Haute-Birmanie ont relativement peu de contacts avec le<br />

monde extérieur, à la différence de celles de Basse-Birmanie.<br />

Les villageois vivant sur les rives de l’Irrawaddy ne frappent cependant<br />

pas par leur pauvreté. L’abondance et la variété de pro<strong>du</strong>its<br />

frais sur les marchés suggèrent au contraire une qualité de vie pouvant<br />

manquer dans les localités urbaines <strong>du</strong> pays.<br />

DE MANDALAY À BAGAN<br />

Une centaine de bateaux de toutes catégories y naviguent aujourd’hui.<br />

Essentiellement des répliques de steamers coloniaux en<br />

bois des années 1930 à faible tirant d’eau pour éviter les nombreux<br />

bancs de sable. Le tourisme fluvial, relativement peu entravé par<br />

des contraintes légales, prospère en Birmanie. Les populations riveraines<br />

de l’Irrawaddy, dont le mode de vie traditionnel rythmé<br />

par le fleuve aurait pu être perturbé par cette activité croissante,<br />

ont su s’adapter et profiter de cette manne vertueuse.<br />

Entre Mandalay, la capitale culturelle de la Birmanie, et Bagan, la<br />

« plaine aux deux mille pagodes », une croisière sur le grand fleuve<br />

permet de parcourir la tumultueuse histoire <strong>du</strong> pays en visitant<br />

notamment ses anciennes capitales royales. Cette option indispensable<br />

à tout voyage en Birmanie offre un panorama de sa très<br />

grande richesse culturelle.<br />

« Les populations<br />

riveraines de l’Irrawaddy<br />

ont su s'adapter et profiter<br />

de cette manne vertueuse »<br />

Mandalay, deuxième ville après Rangoun, regorge de palais antiques<br />

et de sites religieux, comme la très élégante pagode Kutodaw,<br />

qui doit son surnom de « plus grand livre <strong>du</strong> monde » à sa<br />

collection de 729 stèles de marbre blanc sur lesquelles sont gravés<br />

les épisodes de la vie de Bouddha. Le temple Mahamuni, toujours<br />

à Mandalay, est quant à lui considéré comme l’un des sanctuaires<br />

les plus vénérés <strong>du</strong> pays. Il est aujourd’hui un site de pèlerinage<br />

majeur pour les Birmans. Ateliers de sculpture sur bois, broderies,<br />

argenterie et feuilles d’or animent aussi la ville pour le plus grand<br />

bonheur de ses visiteurs.<br />

Proche d’Amarapura, ancienne capitale birmane (1783-1821, 1842-<br />

1859), sur le lac Taungthaman, une immense passerelle de teck, la<br />

plus longue <strong>du</strong> monde, s’étend sur 1,2 kilomètre. Les habitants et<br />

les moines l’empruntent chaque jour. Très prisé des touristes, le<br />

coucher <strong>du</strong> soleil y offre un spectacle de toute beauté.<br />

Clou <strong>du</strong> voyage : Bagan, ancienne capitale, compte parmi les plus<br />

grands sites religieux de la planète. La plaine, époustouflante, est<br />

parsemée de plus de 2 000 temples et pagodes dont la plupart<br />

datent <strong>du</strong> XI e siècle.<br />

Créé en 2013, le FESTIVAL LITTÉRAIRE DE L’IRRAWADDY, premier festival international de littérature de Birmanie, parrainé<br />

par la prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi, aujourd’hui députée, célèbre une liberté d’expression chaque jour un peu plus<br />

grande dans ce pays en plein bouleversement, en rassemblant tout à la fois des auteurs étrangers et des écrivains et poètes<br />

birmans. Un bel hommage de la nation birmane à son fleuve vénéré.<br />

N° 1 / 2015<br />

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ASIE DU SUD-EST, VERS DE NOUVEAUX HORIZONS ?<br />

DOSSIER<br />

UN « NIL ASIATIQUE » ?<br />

En mai 2007, la junte birmane a signé un accord avec la China<br />

Power Investment Corporation (société chinoise pro<strong>du</strong>ctrice<br />

d’électricité) pour la construction de sept barrages hydroélectriques<br />

sur le haut cours de l’Irrawaddy dans le Kachin. Le barrage<br />

de Myitsone, le plus grand des sept, se trouve au confluent des rivières<br />

May Kha et Mali Kha, à la source de l’Irrawaddy. Il est aussi le<br />

plus controversé en raison de sa taille et de sa situation : son projet<br />

de construction continue de soulever de sérieuses questions écologiques<br />

et sociales. Sans compter que l’électricité qu’il pourrait<br />

pro<strong>du</strong>ire serait essentiellement destinée à la Chine, sans profiter<br />

d’aucune manière aux populations locales.<br />

La Birmanie, récemment placée au troisième rang des destinations<br />

touristiques présentées comme « incontournables » par le<br />

New York Times, risque-t-elle de ressembler à la Thaïlande voisine,<br />

qui accueille chaque année près de 19 millions de visiteurs, avec le<br />

risque de voir l’Irrawaddy se transformer en « Nil asiatique » ? Le<br />

tourisme responsable – insistant largement sur la protection environnementale,<br />

l’implication des communautés locales, la ré<strong>du</strong>ction<br />

de la pauvreté et une gestion équilibrée de l’héritage naturel et<br />

culturel – peut être un puissant outil de développement <strong>du</strong>rable si<br />

les voyageurs et les opérateurs font des choix informés. Ce truisme<br />

est peut-être plus crucial en Birmanie que partout ailleurs. Sa situation<br />

de « dernier arrivant » sur le marché touristique mondial<br />

est une chance historique pour le pays. Il est encore en mesure<br />

d’éviter les erreurs qui ont pu se pro<strong>du</strong>ire ailleurs avec l’afflux <strong>du</strong><br />

tourisme de masse.<br />

Une croisière sur l’Irrawaddy pourrait confirmer le dilemme bien<br />

connu des voyageurs : une quête d’authenticité versus un impératif<br />

d’accessibilité. Le voyageur d’aujourd’hui souhaite souvent<br />

atteindre des fronts inconnus, afin de découvrir, comme le firent<br />

les premiers explorateurs et voyageurs occidentaux, la quintessence<br />

d’un pays. Des espoirs impossibles, sans doute. Mais avec<br />

l’Irrawaddy, cette aspiration contradictoire d’aventure et de confort<br />

RdM<br />

reste encore possible. Mais pour combien de temps encore ?<br />

« Le tourisme responsable peut être<br />

un puissant outil de développement <strong>du</strong>rable »<br />

LE TOURISME EN BIRMANIE<br />

SELON UN EXPATRIÉ FRANÇAIS<br />

Propos recueillis par A. L.<br />

Jean-Yves Branchard vit depuis 12 ans en Birmanie.<br />

Il est le fondateur d’une plantation de café et<br />

travaille à Rangoun dans le secteur <strong>du</strong> tourisme.<br />

1. En matière de tourisme, quels sont les atouts et les<br />

faiblesses de la Birmanie selon vous ?<br />

L’accueil de la population, la diversité ethnique, la<br />

culture fascinante, le niveau de développement <strong>du</strong><br />

bouddhisme et la possibilité, encore aujourd’hui, de<br />

visiter des endroits quasiment vierges font de la Birmanie<br />

un pays unique, offrant quelques-uns des plus<br />

beaux monuments et sites <strong>du</strong> patrimoine mondial. En<br />

revanche, l’accès à la santé et à l’é<strong>du</strong>cation reste une<br />

cause d’injustice majeure pour les Birmans.<br />

2. Quel est votre avis sur le développement actuel et<br />

futur <strong>du</strong> pays ?<br />

Les changements intervenus depuis 2011 sont globalement<br />

très positifs. Cependant, des difficultés<br />

jusqu’alors inconnues sont apparues, provoquées<br />

notamment par l’apparition d’une modernité nouvelle,<br />

ayant engendré une avidité créatrice de besoins illusoires.<br />

Ce contexte nouveau percute une population<br />

peu préparée à une évolution aussi rapide. La<br />

récente ouverture <strong>du</strong> pays a aussi fortement impacté<br />

l’environnement. Or les Birmans sont peu sensibilisés<br />

à ces sujets environnementaux. Mais d’un autre<br />

côté, l’ouverture <strong>du</strong> pays permet d’ores et déjà une<br />

prise de conscience de ces effets négatifs, ainsi que<br />

l’accès à des méthodes de gestion nouvelles.<br />

© Don Mammoser / Shutterstock.com<br />

3. Quelle part le tourisme peut-il jouer dans ce développement<br />

?<br />

Le tourisme a un rôle crucial à jouer. En effet, il est un<br />

vecteur de formation très important pour une grande<br />

partie de la jeunesse birmane, qui se forme activement<br />

à tous les métiers liés à la filière touristique<br />

(guides, hôteliers, etc.). Le développement de ce<br />

secteur doit, cependant, être réfléchi. Les Birmans<br />

eux-mêmes doivent définir leurs objectifs de développement<br />

<strong>du</strong>rable pour leur pays. Quoi qu’il en soit,<br />

la Birmanie restera toujours une destination vraiment<br />

magique pour le voyageur.<br />

041<br />

N° 1 / 2015


DOSSIER ASIE DU SUD-EST, VERS DE NOUVEAUX HORIZONS ?<br />

N° 1 / 2015<br />

042


ASIE DU SUD-EST, VERS DE NOUVEAUX HORIZONS ?<br />

DOSSIER<br />

BAGAN et<br />

ANGKOR,<br />

deux sites de pèlerinage rivaux ?<br />

Texte Amaury Lorin ¬<br />

Cambodge et Birmanie connaissent depuis<br />

quelques années un boom touristique sans<br />

précédent. L’ouverture et la normalisation<br />

politiques de ces pays y est pour beaucoup.<br />

Mais leur patrimoine archéologique, la résonance<br />

mythique des noms d’Angkor et<br />

Bagan attirent des visiteurs sans cesse plus<br />

nombreux. Une opportunité économique,<br />

enjeu de rivalités ?<br />

043 N° 1 / 2015


DOSSIER<br />

ASIE DU SUD-EST, VERS DE NOUVEAUX HORIZONS ?<br />

P<br />

armi les nombreuses raisons<br />

expliquant, s’il en<br />

était encore besoin, l’attrait<br />

croissant de l’<strong>Asie</strong> <strong>du</strong><br />

<strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong> pour les touristes<br />

occidentaux, la découverte<br />

ou la pratique <strong>du</strong> bouddhisme<br />

theravada (la doctrine<br />

des anciens, fondée<br />

sur les paroles de Bouddha<br />

lui-même, ou bouddhisme<br />

<strong>du</strong> Petit Véhicule) génère<br />

un tourisme tout à la fois<br />

cultuel et culturel grandissant, alors que le nombre d’adeptes de<br />

cette religion − davantage une philosophie, pour certains − ne<br />

cesse de croître à travers le monde. Pour ce faire, la visite parallèle<br />

des deux sites de pèlerinage bouddhistes les plus prestigieux d’<strong>Asie</strong><br />

<strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong>, Bagan (Birmanie) et Angkor (Cambodge), construits à<br />

peu près au même moment, offre une fabuleuse entrée en matière<br />

et une intro<strong>du</strong>ction grandiose au patrimoine bouddhiste, d’intérêt<br />

mondial.<br />

Jusqu’à 200000 personnes y vécurent. Contrairement à sa rivale<br />

Angkor, vestige d’une civilisation per<strong>du</strong>e, le culte de Bouddha n’a<br />

jamais cessé d’être pratiqué à Bagan. La ferveur religieuse a ainsi<br />

traversé les siècles et tous les tourments de la tumultueuse Histoire<br />

birmane. Le royaume de Bagan a cependant fini par s’effondrer en<br />

1287 sous les<br />

assauts répétés<br />

« Rêve d’archéologue à ciel ouvert,<br />

Bagan offre ainsi une très grande<br />

diversité architecturale »<br />

des invasions<br />

mongoles.<br />

La seconde différence<br />

notable<br />

entre Bagan et<br />

Angkor provient <strong>du</strong> fait que la première n’est pas le seul fait des<br />

puissants. Tous ses habitants, quel que soit leur statut social, y ont<br />

construit des édifices religieux. Une tradition pluriséculaire impose<br />

en effet aux Birmans le financement de la restauration d’un<br />

monument bouddhiste, apparentée à une action vertueuse favorisant<br />

une bonne réincarnation. Rêve d’archéologue à ciel ouvert,<br />

Bagan offre ainsi une très grande diversité architecturale. Situé sur<br />

une zone d’intense activité sismique, le site a beaucoup souffert de<br />

tremblements de terre à répétition, notamment celui de 1975 (6,5<br />

sur l’échelle de Richter), qui a fait tomber les sommets de nombreuses<br />

pagodes.<br />

La candidature de Bagan à l’inscription très convoitée au patrimoine<br />

mondial de l’UNESCO a échoué en 1996, en raison des<br />

dommages causés à l’intégrité <strong>du</strong> site par les fâcheuses restaurations<br />

con<strong>du</strong>ites par la junte militaire alors au pouvoir. Les experts<br />

ont notamment reproché aux autorités birmanes un respect insuffisamment<br />

porté aux styles architecturaux originels et une utilisation<br />

trop importante de matériaux modernes pour les réparations.<br />

Malgré ce revers, Bagan reste le site touristique le plus fréquenté de<br />

Birmanie. Y déambuler et s’y perdre, à pied, à vélo ou en calèche,<br />

BAGAN, LA « PLAINE AUX DEUX MILLE PAGODES »<br />

Berceau de la civilisation bamar, capitale d’un demi-million d’habitants<br />

qui abrita <strong>du</strong> IX e au XIII e siècle la première capitale de la<br />

Birmanie unifiée, cette vaste plaine archéologique de 50 km 2 aux<br />

milliers de temples dédiés à Bouddha a survécu à tout ou presque :<br />

invasions mongoles, séismes, rénovations sauvages, etc. Un nouveau<br />

défi consiste maintenant pour le site à affronter le tourisme<br />

de masse de manière responsable, alors que la Birmanie, redevenue<br />

fréquentable, attire un flot sans cesse croissant de touristes<br />

internationaux depuis son ouverture politique en 2011.<br />

Centre religieux ayant attiré des moines venus de toute l’<strong>Asie</strong> s’y<br />

former, Bagan a compté jusqu’à 10 000 monuments religieux<br />

de briques à son apogée, dont 1 000 stupas et 3 000 monastères.<br />

N° 1 / 2015<br />

044


ASIE DU SUD-EST, VERS DE NOUVEAUX HORIZONS ?<br />

DOSSIER<br />

est sans doute la meilleure option. Un survol en montgolfière au<br />

lever <strong>du</strong> soleil permet également de saisir toute la majesté <strong>du</strong> site,<br />

dont l’authenticité a été préservée − pour le moment − en raison<br />

même de son immensité.<br />

ANGKOR, LE « VERSAILLES KHMER »<br />

Classé en 1992 sur la prestigieuse liste <strong>du</strong> patrimoine mondial<br />

de l’UNESCO, à la différence de Bagan, l’ensemble architectural<br />

d’Angkor, éten<strong>du</strong> sur près de 400 km 2 , est un écosystème<br />

aujourd’hui menacé par la surfréquentation touristique. L’achèvement<br />

de la restauration <strong>du</strong> temple <strong>du</strong> Baphuon, chantier archéologique<br />

le plus important d’<strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong>, mené pendant<br />

seize ans par l’École française d’Extrême-Orient, a été célébré<br />

avec faste en 2011. Au même moment, l’exposition Indiana Jones et<br />

l’aventure archéologique présentée par la National Geographic Society<br />

au Centre des sciences de Montréal érigeait le site d’Angkor,<br />

l’ancienne capitale <strong>du</strong> royaume khmer (IX e -XV e siècle), au rang de<br />

« grand mythe archéologique » considéré, avec Lascaux et Pompéi,<br />

comme partie intégrante <strong>du</strong> patrimoine archéologique mondial<br />

à sauvegarder.<br />

Redécouvert en 1860 par le naturaliste français Henri Mouhot, le<br />

temple d’Angkor Vat subjugue tous ses visiteurs, comme les écrivains<br />

Pierre Loti en 1901 ou Paul Claudel en 1921. Tous sont fascinés<br />

par les vestiges des temples khmers construits pour les divinités,<br />

les rois et leurs familles. La légende d’un « Versailles khmer »<br />

(l’expression est anachronique) – le site est composé d’inquiétants<br />

temples noyés dans une épaisse jungle réputée impénétrable, édifiés<br />

au temps où les Capétiens construisaient les cathédrales –,<br />

connaît au XIX e siècle un retentissement mondial jamais démenti.<br />

La conservation d’Angkor <strong>du</strong>t être fermée en 1973 à cause de la<br />

guerre civile qui déchira le Cambodge de 1970 à 1975, <strong>du</strong> régime de<br />

terreur instauré par les Khmers rouges jusqu’en 1979 et de la longue<br />

guérilla qui s’ensuivit. Depuis sa réouverture au début des années<br />

1990, les chercheurs abordent le site sous un angle nouveau, interdisciplinaire,<br />

élargissant leur étude à la ville qui faisait vivre les<br />

temples.<br />

Les découvertes, les travaux d’inventaire et de restauration des<br />

temples menés avant 1970 ont été remplacés, depuis vingt ans, par<br />

de nouvelles préoccupations environnementales privilégiant la<br />

dimension hydraulique de la cité, sous-estimée jusqu’alors. Enjeu<br />

culturel majeur, le site est aussi un espace naturel vivant, notamment<br />

en raison de la présence de nombreux villages traditionnels.<br />

Les programmes de développement associent aujourd’hui à<br />

Angkor la ville de Siem Reap, située à 8 km et porte d’accès aux<br />

temples, le très poissonneux lac Tonlé Sap, véritable mer intérieure<br />

cambodgienne, et la zone économique <strong>du</strong> grand Mékong.<br />

L’Autorité pour la protection <strong>du</strong> site et l’aménagement de la région<br />

d’Angkor (Apsara), créée en 1995, s’efforce de lutter contre les divers<br />

risques qui pèsent sur l’équilibre <strong>du</strong> parc archéologique : la dégradation<br />

des structures endiguées, l’épuisement de la nappe phréatique,<br />

la déforestation sauvage ou l’abandon des terres cultivées<br />

par les paysans. Ces derniers sont victimes d’expulsions foncières<br />

et, paradoxalement, des réglementations qui, tout en préservant le<br />

site, gênent leur mode de vie : l’interdiction de la coupe <strong>du</strong> bois les<br />

empêche de cuisiner ou d’ériger des barrières pour protéger leurs<br />

cultures. Surtout, Angkor, longtemps difficile d’accès, est devenue<br />

une des destinations privilégiées <strong>du</strong> tourisme international (Siem<br />

Reap possède désormais son propre aéroport).<br />

Les Accords de Paris signés en 1991 ont abouti en 1993 à la tenue<br />

d’élections aux termes desquelles le Cambodge est redevenu une<br />

monarchie constitutionnelle. La paix rétablie sur la majorité <strong>du</strong><br />

territoire, le pays s’est petit à petit rouvert au monde. Il a connu un<br />

afflux considérable de touristes étrangers : 50000 visiteurs s’y rendaient<br />

à la fin des années 1960 ; ils étaient 300000 en 2002 et 2 millions<br />

en 2010. Une vague de spéculation foncière a passablement<br />

dénaturé la « ville-jardin » de Siem Reap autrefois célébrée, alors<br />

que l’Administration cambodgienne peine à contrôler l’urbanisation<br />

galopante et les aménagements illicites qui se construisent de<br />

plus en plus près des temples.<br />

Pour valoriser la cité hydraulique, un nouveau circuit touristique<br />

est en cours d’aménagement autour <strong>du</strong> baray nord, un des réservoirs<br />

d’Angkor : maisons-témoins traditionnelles sur pilotis permettant<br />

la résistance aux crues et la circulation de l’air sous le sol<br />

(on habite le rez-de-chaussée et on dort à l’étage), aménagement<br />

d’embarcadères, location de pirogues à rames ou encore développement<br />

d’un circuit botanique, présentant plantes médicinales,<br />

libellules et papillons (plus de 168 espèces ont été recensées). L’eau<br />

apporte une unité au vaste ensemble d’Angkor. Elle y reprend aujourd’hui<br />

toute sa<br />

RdM<br />

place.<br />

« L’Autorité pour la protection <strong>du</strong> site et l’aménagement<br />

de la région d’Angkor […] s’efforce de lutter contre les divers<br />

risques qui pèsent sur l’équilibre <strong>du</strong> parc archéologique »<br />

045 N° 1 / 2015


LES QUATRE SAISONS<br />

Au cœur des vastes paysages <strong>du</strong> sud de<br />

la Patagonie chilienne, les lumières composent<br />

en l’espace de quelques heures les partitions les plus<br />

somptueuses. La pluie, la neige, le soleil se succèdent<br />

sur une même journée. Récit en images de six jours<br />

de navigation dans les fjords de la Terre de feu<br />

jusqu'à l'île d'Horn.<br />

Photographies Florian Chavanon ¬<br />

N° 1 / 2015<br />

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PORTFOLIO<br />

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PATAGONIE<br />

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CULTURE<br />

DANS LA VAGUE<br />

Cap Horn<br />

Au cœur <strong>du</strong> mythe


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CAP HORN<br />

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CAP HORN<br />

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ESCALES OUVERTURE<br />

MINI SOMMAIRE (à faire)<br />

Escales aux quatre coins <strong>du</strong> monde,<br />

à la rencontre de destinations riches et<br />

originales. Un focus sur des villes, des lieux<br />

culturels, des personnages historiques ou<br />

encore des artisanats rencontrés par les<br />

croisières Rivages <strong>du</strong> monde, comme des<br />

fênetres ouvertes sur l’ailleurs.<br />

ESCALES


ESCALES<br />

QUÉBEC<br />

Les chutes<br />

<strong>du</strong> Niagara,<br />

grandiose fascination<br />

Leur majesté nous rappelle<br />

notre petitesse devant les<br />

forces de la nature. Entre<br />

le lac Érié et le lac Ontario,<br />

les chutes <strong>du</strong> Niagara,<br />

délimitent la frontière entre<br />

le Canada et les États-Unis.<br />

Impressionnant, ce site<br />

naturel est l’un des plus<br />

visités au monde.<br />

© Neale Cousland / Shutterstock.com<br />

Par Annie Mathieu ¬<br />

Avec un débit moyen de 168000 m 3 d’eau à la minute<br />

et une largeur de près de 800 mètres, les chutes <strong>du</strong><br />

Niagara offrent un spectacle unique au monde qui<br />

est dû à la formation et à la fonte des glaciers. Et le<br />

plaisir n’est pas que pour les yeux : le vrombissement<br />

des cascades et les embruns qui s’en dégagent, assurent<br />

aux visiteurs qui s’en approchent une expérience<br />

sensorielle intense.<br />

Composées de trois sites distincts – l’imposant Fer<br />

à cheval (Horseshoe) <strong>du</strong> côté canadien, les chutes<br />

américaines (American Falls) et le Voile de la mariée<br />

(Bridal Veil Falls) – les chutes <strong>du</strong> Niagara plongent<br />

dans la rivière <strong>du</strong> même nom d’une hauteur d’environ<br />

52 m. Leur double paternité est revendiquée par<br />

le Canada et les États-Unis qui ont tous deux nommé<br />

leur ville qui borde les chutes, Niagara Falls. L’une se<br />

situe dans l’État de New York et l’autre, dans la province<br />

canadienne de l’Ontario. Clinquante, cette<br />

dernière est souvent comparée à Las Vegas, en version<br />

miniature, où les amoureux affluent pour y unir<br />

leur destinée. Plus pittoresques, les campagnes environnantes<br />

hébergent de nombreux vignobles.<br />

Depuis toujours, les chutes <strong>du</strong> Niagara ont fasciné<br />

l’homme et attiré leur lot de casse-cous. Au moment<br />

où le tourisme a commencé à s’y développer, le jeune<br />

frère de Napoléon, Jérôme Bonaparte, y amena sa<br />

fiancée, Élizabeth Patterson. D’autres ont tenté de<br />

les défier, et certains même se sont jetés à bord d’un<br />

tonneau fermé <strong>du</strong> haut de la falaise. Au début <strong>du</strong><br />

XX e siècle, ce type d’exploit qui a fait plusieurs victimes<br />

a été interdit. Cela n’a pas empêché récemment<br />

un funambule de les traverser sur un fil et un grimpeur<br />

américain d’escalader sa surface glacée. Particulièrement<br />

rigoureuse, la saison froide 2015 a d’ailleurs<br />

offert des images <strong>du</strong> site à couper le souffle avec ses<br />

sculptures dignes de l’ère glaciaire, un phénomène<br />

qui n’avait pas été observé depuis près d’un siècle. À<br />

l’hiver 1848, l’eau avait même cessé de couler pendant<br />

plus d’une trentaine d’heures, créant un silence inhabituel<br />

et faisant craindre le pire à la population locale.<br />

Mais rien ne peut les arrêter et leurs flots gigantesques<br />

RdM<br />

n’ont depuis plus cesser de vrombir.<br />

N° 1 / 2015<br />

066


QUÉBEC<br />

ESCALES<br />

L’Antique Boat Museum,<br />

le nautisme au musée<br />

Premier musée d’Amérique <strong>du</strong> Nord consacré au<br />

nautisme en eau douce, l’Antique Boat Museum,<br />

regroupe une collection de plus de 300 bateaux<br />

d’époque. Riche témoignage grandeur nature qui fait<br />

la fierté de la ville de Clayton aux États-Unis.<br />

© DR<br />

Par Sébastien Righi ¬<br />

Tout commence dans les années 60, lorsqu’un groupe de passionnés décide de<br />

préserver l’héritage nautique et culturel <strong>du</strong> Saint-Laurent. Ils fondent à Clayton<br />

(État de New York aux États-Unis) dans la région des Mille-Îles, le musée <strong>du</strong><br />

même nom qui deviendra plus récemment l’Antique Boat Museum. Pendant<br />

50 ans, le musée a constitué une collection impressionnante de moteurs et de<br />

bateaux anciens et, à force de rachats de terrains en bor<strong>du</strong>re <strong>du</strong> fleuve, s’est<br />

agrandi pour occuper un espace de près de 4,5 ha.<br />

Le musée impressionne également par sa taille : près de 600 m de docks, 10 bâtiments<br />

regroupant 2 700 m 2 d’exposition et 3 000 m 2 d’archives et bibliothèque<br />

auxquels s’ajoutent, à quelques mètres de là, 1 800 m 2 dédiés à la collection de<br />

bateaux. À noter : le musée est accessible en fauteuil roulant (disponibles gratuitement<br />

en nombre limité) et dispose d’un circuit spécial qui serpente entre les<br />

bâtiments, les pelouses et les jardins paysagers.<br />

Le lieu retrace l’évolution des bateaux à moteur au cours <strong>du</strong> XX e siècle, évolution<br />

qui a profondément changé le paysage fluvial. Symboles de modernité et de<br />

liberté, ils ont permis l’essor d’une véritable in<strong>du</strong>strie. Une culture <strong>du</strong> bateau de<br />

plaisance est née alors.<br />

Lieu vivant avant tout, le musée, qui propose des programmes é<strong>du</strong>catifs, des salons<br />

nautiques et des promenades en bateau, profite de l’engouement des Américains<br />

pour le nautisme. En août 2016, il accueillera la 52 e édition de l’Antique Boat<br />

Show, véritable festival nautique annuel à la gloire des bateaux anciens.<br />

Enfin, le bateau star, qui ravit le plus le public selon M. Folsom, l’un des responsables<br />

<strong>du</strong> musée : La Duchesse. Cette gracieuse péniche à deux étages a été<br />

construite en 1903 pour l’hôtelier George Boldt (gestionnaire <strong>du</strong> célèbre Waldorf-Astoria<br />

de New York) et conçue comme une luxueuse résidence d’été.<br />

Véritable plongée dans l’univers des bateaux de plaisance, l’Antique Boat Museum<br />

met en perspective plus de cent ans d’histoire <strong>du</strong> nautisme américain. RdM<br />

Antique Boat Museum,<br />

750 Mary street, Clayton, NY<br />

www.abm.org<br />

© DR<br />

067<br />

N° 1 / 2015


ESCALES<br />

QUÉBEC<br />

La ville de Québec<br />

en 6 escales<br />

L’AUTEUR<br />

Annie Mathieu découvre chaque<br />

jour de nouvelles facettes de la<br />

ville de Québec qu’elle a adoptée<br />

il y a quelques années. Friande<br />

de patrimoine et d’histoire, elle<br />

parcourt à pied et à vélo ses<br />

moindres recoins, tant pour son<br />

travail de journaliste que par<br />

intérêt personnel.<br />

La Montréalaise d’origine se<br />

sacrifie régulièrement et avec<br />

beaucoup de plaisir pour tester<br />

les différents restaurants, cafés<br />

et bistros afin de dénicher les<br />

meilleures adresses <strong>du</strong> coin.<br />

Voici une sélection de lieux<br />

incontournables pour tomber<br />

amoureux comme elle d’une ville<br />

surprenante et attachante.<br />

1<br />

Par Annie Mathieu ¬<br />

1<br />

L’authentique<br />

rue Saint-Jean<br />

Sortir pour acheter une simple<br />

pinte de lait 1 au dépanneur 2 est aussi<br />

agréable pour les résidents de la rue<br />

Saint-Jean que de magasiner 3 dans<br />

ses petites boutiques ou de visiter<br />

l’église Saint-Jean-Baptiste pour les<br />

touristes qui parcourent l’artère pour<br />

la première fois. Confinée à l’intérieur<br />

des fortifications de Québec, la partie<br />

intra-muros de la rue qui s’étire sur<br />

plus de 1,5 km regorge de commerces<br />

et de restaurants habitués à accueillir<br />

les visiteurs étrangers. Son faubourg<br />

est aussi le témoin de la riche<br />

histoire des premiers habitants de la<br />

Nouvelle-France qui vivaient à l’extérieur<br />

des remparts, comme Jean Bourdon<br />

qui a donné son nom à la route<br />

qu’il a aménagée. La place d’Youville,<br />

dont la patinoire, l’hiver, rappelle en<br />

version miniature celle <strong>du</strong> Rockefeller<br />

Center à New York, l’ancienne église<br />

anglicane de Saint-Matthews magnifiquement<br />

transformée en bibliothèque<br />

municipale et le cimetière <strong>du</strong> même<br />

nom valent le détour. Arrêt incontournable<br />

chez J.-A. Moisan, la plus vieille<br />

épicerie d’Amérique <strong>du</strong> Nord, tandis<br />

que les amateurs de bières et d’accent<br />

québécois seront servis au Sacrilège<br />

ou au Projet où la faune locale bigarrée<br />

se donne rendez-vous.<br />

2<br />

Une bouffée d’air<br />

sur la Promenade<br />

Samuel-de-Champlain<br />

À pied ou à deux roues, la promenade<br />

Samuel-de-Champlain offre un têteà-tête<br />

privilégié avec le Saint-Laurent.<br />

Difficile de croire qu’il y a plus de dix<br />

ans l’accès au fleuve était malaisé<br />

avec ses berges polluées et peu avenantes.<br />

Lorsque Québec a soufflé<br />

ses 400 bougies en 2008, le gouvernement<br />

de la province lui a offert ce<br />

parc d’une longueur de 2,5 km qui<br />

accueille depuis plus de 2 millions de<br />

visiteurs par an, dont l’auteure de ces<br />

lignes qui les dévale régulièrement à<br />

vélo. Parsemée de neuf œuvres d’art<br />

contemporain, de plusieurs quais<br />

et stations, la promenade est l’endroit<br />

idéal pour se délier les jambes,<br />

pique-niquer, lire ou contempler l’horizon<br />

en amoureux. Tout au bout, la<br />

tour <strong>du</strong> quai des Cageux offre une vue<br />

imprenable sur le pont de Québec.<br />

Lorsqu’on en redescend, des guédilles<br />

au homard et autres spécialités<br />

locales vous attendent. À savourer en<br />

regardant les pêcheurs locaux tenter<br />

d’appâter leur souper.<br />

3<br />

Les plaines d’Abraham<br />

où l’histoire <strong>du</strong> Québec<br />

s’est jouée<br />

Le sort de la Nouvelle-France y a été<br />

scellé en moins de 30 minutes. Les<br />

plaines d’Abraham, nom de l'immense<br />

parc surplombant le fleuve<br />

Saint-Laurent, ont été le théâtre d’un<br />

affrontement décisif entre les armées<br />

françaises et britanniques le 13 septembre<br />

1759 <strong>du</strong>rant lequel les généraux<br />

des deux armées, Wolfe et Montcalm,<br />

perdirent la vie. La capitulation de la<br />

France face à l’ennemi a laissé un goût<br />

amer chez certains des habitants de la<br />

colonie qui eurent le droit de conserver<br />

langue et religion. Le séparatisme<br />

est toujours vivace alors que la plus<br />

importante manifestation célébrant la<br />

nation, qui a attiré son lot d’histoires<br />

arrosées et de controverses idéolo-<br />

3<br />

2<br />

1<br />

Une bouteille d’un litre<br />

2<br />

Épicier<br />

3<br />

Faire <strong>du</strong> shopping<br />

N° 1 / 2015<br />

068


QUÉBEC<br />

ESCALES<br />

4<br />

giques au fil des années, se déroule tous<br />

les ans sur les lieux de la défaite, le 23<br />

juin. Un festival de musique attire l’été<br />

des foules impressionnantes et des artistes<br />

de renom, dont Paul McCartney,<br />

Céline Dion et les Rolling Stones. Les<br />

plaines sont aussi le terrain de jeu idéal<br />

des joggeurs pendant la période estivale,<br />

celui des fondeurs en hiver et des<br />

jeunes bécoteux 4 de toutes saisons.<br />

4<br />

L’art québécois<br />

au MNBAQ et<br />

l’avenue Cartier<br />

Quel musée dans le monde peut se<br />

targuer d’avoir à la fois hébergé des<br />

criminels et des œuvres d’art ? Lors<br />

d’importants travaux d’agrandissement<br />

au début des années 1990, le Musée<br />

national des beaux-arts <strong>du</strong> Québec<br />

(MNBAQ) décide d’intégrer l’ancienne<br />

prison, dont les anciennes cellules<br />

peuvent être visitées. Le premier musée<br />

créé par le Gouvernement <strong>du</strong> Québec,<br />

véritable vitrine de l’art québécois<br />

<strong>du</strong> XVII e siècle à nos jours, s’agrandit<br />

encore. Cette fois, les artistes auront<br />

droit à un tout nouvel espace conçu par<br />

le célèbre architecte néerlandais Rem<br />

Koolhaas. S’il est possible de se restaurer<br />

sur place, une petite marche sur<br />

l’avenue Cartier à quelques minutes de<br />

là vous permettra de prendre le pouls<br />

<strong>du</strong> quartier Montcalm où les gens dits<br />

de la « haute ville » font leurs emplettes.<br />

Les fonctionnaires travaillant dans les<br />

nombreux bureaux gouvernementaux<br />

<strong>du</strong> secteur s’y réunissent pour le lunch<br />

ou le « 5@7 ». Le Café Krieghoff jouit<br />

d’une affection particulière de la part<br />

des résidents <strong>du</strong> coin.<br />

5<br />

Histoire militaire et<br />

décor à couper le souffle<br />

à la Citadelle de Québec<br />

Il y a deux excellentes raisons de passer<br />

quelques heures à la Citadelle<br />

lors d’un séjour à Québec : l’histoire<br />

de la plus importante forteresse britannique<br />

en Amérique <strong>du</strong> Nord est<br />

fascinante et la vue sur la ville et le<br />

fleuve Saint-Laurent imprenable. On<br />

dit même que c’est <strong>du</strong> haut <strong>du</strong> Cap<br />

Diamant, appelé le « Gibraltar d’Amérique<br />

», que l’on prend les meilleurs<br />

clichés. Construite entre 1820 et 1850,<br />

la Citadelle grouille toujours d’activités<br />

militaires alors que le 22 e régiment<br />

royal, le seul entièrement francophone<br />

de l’armée canadienne, y est<br />

fièrement installé. L’été, ses membres<br />

arborent leur plus bel apparat, la tenue<br />

rouge écarlate et le fameux bonnet à<br />

poils d’ours, pour la cérémonie de la<br />

relève de la garde. Le musée, récemment<br />

restauré, relate les faits d’armes<br />

<strong>du</strong> Canada. Anecdote intéressante,<br />

William Lyon Mackenzie King, Winston<br />

Churchill et Franklin Delano<br />

Roosevelt y ont tenu un sommet décisif<br />

au cours de la seconde guerre<br />

mondiale.<br />

6<br />

Le quartier<br />

Petit-Champlain<br />

Autrefois grouillant d’activités avec le<br />

port à côté et les marchants venant y<br />

brasser des affaires, le quartier Petit-<br />

Champlain n’était plus que l’ombre de<br />

lui-même. La tentation fut forte de démolir<br />

les maisons abandonnées pour<br />

rebâtir avec un look d’antan. Mais<br />

deux visionnaires, l’architecte Jacques<br />

de Blois et l’entrepreneur Gerry Paris<br />

ont résisté et offert une cure de jeunesse<br />

aux immeubles existants.<br />

Une coopérative formée d’artisans et<br />

de petits commerçants rachetèrent<br />

les bâtiments et s’y installèrent en<br />

1985. Gage de ce succès, la rue <strong>du</strong> Petit-Champlain<br />

a récemment été nommée<br />

la plus belle <strong>du</strong> pays.<br />

Descendez plus près de l’eau pour<br />

vous rendre au Musée de la civilisation<br />

puis, sur la rue Saint-Paul où vous<br />

trouverez antiquaires (attention aux<br />

prix parfois gonflés) et restaurants.<br />

Si la cuisine <strong>du</strong> Légende offre des<br />

repas gastronomiques moyennant<br />

une facture raisonnable, le Buffet de<br />

l’antiquaire, beaucoup plus modeste,<br />

permet aux touristes curieux et aux<br />

Québécois nostalgiques de se régaler<br />

de plats faits maisons typiquement<br />

locaux comme le ragoût de boulettes<br />

de pattes de cochons, la poutine ou le<br />

cipaille.<br />

5<br />

6<br />

LES ADRESSES D'ANNIE MATHIEU<br />

◆ Épicerie Moisan : 699 rue St-Jean<br />

◆ Bar Le Sacrilège : 447 rue St-Jean<br />

◆ Bar Le Projet : 339 rue St-Jean<br />

◆ Le MNBAQ : parc des Champs-de-<br />

Bataille<br />

◆ Café Krieghoff : 1089 avenue Cartier<br />

◆ La Citadelle : 1 côte de la Citadelle<br />

◆ Musée de la civilisation : 85 rue<br />

Dalhousie<br />

◆ Restaurant Légende : 255 rue St-Paul<br />

◆ Restaurant Le Buffet de l'antiquaire :<br />

95 Rue St-Paul<br />

© photos : 1_meunierd / Shutterstock.com 2_Ville de Québec, Chantal Gagnon 3_ Luc-Antoine Couturier<br />

4_ Adrien Hébert, Rue Saint-Denis (détail), 1927. Huile sur toile, 190,6 x 138,2 cm. courtesy MNBAQ 5_ Citadelle 6_ Louis Vézina<br />

4<br />

Amoureux.<br />

069 N° 1 / 2015


ESCALES<br />

CAMBODGE<br />

Chef-d’œuvre pictural<br />

<strong>du</strong> Cambodge<br />

La pagode de Kampong<br />

Tralach fascine par ses fresques.<br />

Un patrimoine historique<br />

plusieurs fois menacé à<br />

découvrir absolument.<br />

Par Samuel Bartholin ¬<br />

© Florian Chavanon © Samuel Bartholin<br />

Vue depuis la rivière, Kampong Tralach offre le profil d’une petite<br />

bourgade dominant les berges de cet affluent <strong>du</strong> Mékong, reliant<br />

la capitale Phnom Penh à l’immense lac Tonlé Sap, plus au<br />

nord. Une fois à quai, on découvre un environnement verdoyant,<br />

dû à la présence des eaux qui baignent tout le terroir <strong>du</strong>rant la<br />

mousson. La hauteur des pilotis sous les maisons témoigne de<br />

ces crues qui mêlent ensemble l’eau et la terre au profit des plants<br />

de riz et d’une végétation vivace. Ici cohabitent en bonne entente<br />

des fermiers khmers et des Chams, minorité musulmane proche<br />

culturellement <strong>du</strong> monde malais et qui exerce de longue date les<br />

métiers liés à la pêche.<br />

C’est une ancienne pagode bouddhiste, le Wat Kampong Tralach Leu, qui retient<br />

l’attention <strong>du</strong> visiteur, avec ses superbes peintures murales miraculeusement<br />

conservées. Pour accéder à cet ensemble religieux, on emprunte le chemin partant<br />

de la grande arche en bord de route, bordée d’un massif de bougainvilliers.<br />

Au bout, réside dans quelques bâtiments épars une communauté ré<strong>du</strong>ite de huit<br />

moines. À l’écart se dresse le vihara, le sanctuaire où ces derniers viennent prier<br />

quotidiennement. Il date <strong>du</strong> milieu <strong>du</strong> XIX e siècle, mais certains détails laissent<br />

deviner une occupation beaucoup plus ancienne : la base repose sur une terrasse<br />

bordée de latérite, qui évoque les temples de pierre <strong>du</strong> Cambodge ancien,<br />

comme à Angkor. La pagode bouddhiste a peut-être pris la suite d’une telle structure<br />

disparue.<br />

L’intérieur <strong>du</strong> sanctuaire baigne dans la fraîcheur et le demi-jour, abri précieux<br />

contre les rigueurs <strong>du</strong> climat tropical. Les statues de Bouddha sur l’autel tournent<br />

leur regard serein vers l’Orient. Le nôtre se porte sur les fresques qui couvrent les<br />

murs, trésor peint fourmillant de détails, dominé par les tons or, ocre et bleu. À<br />

l’instar des vitraux des églises, les peintures murales visent l’édification des fidèles,<br />

mettant en scène la vie <strong>du</strong> Bouddha historique, ainsi que des épisodes tirés<br />

des récits de ses nombreuses vies antérieures, les Jataka. Le style, daté <strong>du</strong> milieu<br />

<strong>du</strong> XIX e siècle, début XX e , témoigne par sa qualité d’exécution de l’influence de<br />

l’art de la cité royale d’Oudong, sise non loin de là, mais aussi de l’inspiration plus<br />

populaire des campagnes. Le décor s’inspire <strong>du</strong> quotidien des auteurs : des personnages<br />

en sarong déambulent dans un paysage semé de maisons hautes et de<br />

palmiers à sucre. L’expression soignée des visages et des attitudes donne vie à cet<br />

univers. Et la patine <strong>du</strong> temps ajoute encore à l’envoûtement.<br />

Mais il s’en est fallu de peu que ce patrimoine disparaisse. « En 1975, les Khmers<br />

rouges avaient transformé l’endroit en dépôt de sel, ainsi qu’en prison », explique Pos<br />

Searey, jeune professeur d’anglais et de pali (la langue de la liturgie bouddhique),<br />

très attaché à la pagode. Dans tout le pays, des dizaines de peintures murales ont<br />

ainsi souffert des outrages de la guerre. Au Wat Kampong Tralach Leu,<br />

l’UNESCO a cependant lancé une opération de restauration dans les années<br />

1990. Le chef de la pagode, le vénérable Men Thot, âgé de 68 ans, se montre aujourd’hui<br />

très soucieux de sa préservation. « Nous disposons d’un temple presque<br />

unique dans le pays, qui fait l’admiration des visiteurs », explique-t-il. Un vestige<br />

précieux, un sanctuaire hors <strong>du</strong> temps à découvrir au cœur de la campagne<br />

cambodgienne. RdM<br />

N° 1 / 2015<br />

070


CAMBODGE<br />

ESCALES<br />

© DR<br />

S’arrêter place de la Poste centrale à Phnom Penh, c’est faire un saut dans le temps, à une époque où<br />

la France exerçait sa tutelle sur le Cambodge. Malgré les affres <strong>du</strong> temps et quelques ajouts postérieurs,<br />

le quartier a conservé l’essentiel de son architecture coloniale. Ses bâtisses solennelles aux<br />

teintes jaunes et aux stucs en chaux évoquent de loin quelque préfecture provençale. Les constructions<br />

ont été réalisées entre 1890 et 1920, période charnière au cours de laquelle le protectorat français<br />

façonne la capitale cambodgienne autour de boulevards ombragés qui lui valent le surnom de<br />

« Paris de l’Orient ». Phnom Penh est alors divisée entre un quartier cambodgien, près <strong>du</strong> Palais<br />

royal, un quartier chinois, autour <strong>du</strong> marché central, et enfin, le quartier européen, où l’administration<br />

coloniale se concentre autour de la colline <strong>du</strong> Wat Phnom, site légendaire de fondation de la<br />

cité. « C’est l’endroit en ville où se concentrent les plus beaux bâtiments d’époque », explique dans un français<br />

impeccable, Su Do, 47 ans, dont la boutique, à la fois agence de voyages et échoppe de souvenirs,<br />

donne de plain-pied sur la place.<br />

UNE PLACE CHARGÉE D’HISTOIRES<br />

La Poste, de son imposante stature, domine la place avec ses ailes<br />

et son corps central coiffé d’une horloge. À l’intérieur de l’édifice,<br />

quelques photos en noir et blanc, sur lesquelles les usagers qui se<br />

pressent aux guichets posent un œil à peine intéressé, rappellent<br />

son passé. Règne ici une atmosphère compassée dont la fraîcheur<br />

tranche agréablement avec la lourdeur <strong>du</strong> climat tropical au dehors.<br />

À l’extérieur, au nord, le regard est attiré par la silhouette austère<br />

d’un bâtiment aujourd’hui désert, mais qui abritait un commissariat<br />

de police sous le protectorat. C’est dans ses murs, ainsi que<br />

dans le restaurant qui lui fait face, que fut tourné en 2002 City of<br />

Ghosts, film de l’acteur et réalisateur américain Matt Dillon, venu<br />

capter l’atmosphère convalescente <strong>du</strong> Cambodge à peine remis<br />

de longues années de guerre civile. Gérard Depardieu y interprétait<br />

un rôle de tenancier d’hôtel un brin fantasque.<br />

ANDRÉ MALRAUX, CLIENT INDÉLICAT<br />

Juste en face de la Poste, on aperçoit la façade décrépite de l’hôtel<br />

Manolis, qui fut pourtant dans les années 1920 un lieu de grand<br />

standing. En piteux état, il est aujourd’hui divisé en habitations.<br />

André Malraux fut en 1924 son résident le plus illustre. Le futur ministre de la Culture <strong>du</strong> général De<br />

Gaulle était alors un jeune dandy peu scrupuleux, à l’origine d’une expédition rocambolesque en Indochine<br />

visant à s’emparer des bas-reliefs d’un temple angkorien près de Siem Reap. Pris sur le fait, il<br />

<strong>du</strong>t séjourner quatre mois à l’hôtel en compagnie de sa femme, Clara, dans l’attente de son procès.<br />

Condamné d’abord à six mois de prison ferme, puis à <strong>du</strong> sursis en appel, l’écrivain put repartir libre.<br />

Les mauvaises langues prétendent qu’il ne régla pas la note à son départ...<br />

Enfin, au numéro 5, à l’entrée de la place, se trouve une superbe villa occupée autrefois par une succursale<br />

de la banque d’Indochine. Une riche famille cambodgienne, les Van, était entrée en possession<br />

des lieux dans les années 1960, avant de se réfugier en France <strong>du</strong>rant la guerre. Leurs enfants<br />

ont pu cependant racheter les murs en 2003 et y ouvrir un élégant restaurant, le Van’s. Le cadre<br />

parfait pour renouer le temps d’un dîner avec les fantômes évanouis de l’histoire tumultueuse de la<br />

RdM<br />

capitale cambodgienne. Par S. B.<br />

Place<br />

de la Poste,<br />

Phnom Penh<br />

à l’heure<br />

française<br />

071 N° 1 / 2015


ESCALES<br />

VIETNAM<br />

Par David Dibilio ¬<br />

© Vietnam Art<br />

On accoste à Sadec depuis une portion paisible <strong>du</strong> Mékong. Vinh Long et<br />

l’agitation de son marché central, distante de quelques kilomètres au sud, a<br />

laissé la place à des paysages plus reposants et sauvages. Au nord, les terres<br />

s’enfoncent doucement dans les méandres <strong>du</strong> grand fleuve jusqu’à se perdre<br />

définitivement dans l’eau.<br />

Depuis l’embarcadère, on pénètre immédiatement sur la place <strong>du</strong> marché,<br />

dans le cœur même de la vie locale, animée ou parfois plus calme selon<br />

l’heure. Comme partout dans le sud <strong>du</strong> pays le matin est le moment privilégié<br />

de l’activité humaine. Les échanges sont nombreux, le mouvement permanent<br />

et bruyant. À mesure que la chaleur et l’humidité deviennent pesantes, l’agitation urbaine tend à<br />

s’apaiser progressivement.<br />

Quand on vient de Ho-Chi-Minh-ville, située à 130 km au sud-ouest, on est surpris par le cachet défraîchi des<br />

façades qui bordent l’immense place <strong>du</strong> centre. Des ruelles étroites où se faufilent avec agilité mobylettes et<br />

fourgons de marchandises entourent le marché couvert, dont la structure ressemble à s’y méprendre à celle<br />

d’une église. Sadec offre encore aux regards des visiteurs les traces d’une architecture coloniale qui tend à s’effacer<br />

partout dans le pays et un mode de vie à distance de la technologie et de la modernité des villes voisines.<br />

Dès les premiers pas, c’est une immersion dans le commerce de rue encore typique et bruissant <strong>du</strong> delta. On<br />

est saisi par la palette des effluves qui s’échappent des étals où se côtoient le poisson séché, les épices et la soupe<br />

que l’on mange à toute heure. À quelques centaines de mètres, une maison aux couleurs vives attire les regards<br />

curieux. C’est un hôtel-musée dont les murs de la cour intérieure affichent un bleu turquoise qui tranche avec les<br />

nuances délavées des maisons attenantes. La demeure a été celle <strong>du</strong> Chinois, le personnage principal <strong>du</strong> roman<br />

de Duras, L’Amant.<br />

Le visiteur attentif remarquera la présence de nombreux marchands de fleurs. Sadec, connue en France<br />

et en Occident pour avoir vu grandir l’auteure française, est également réputée pour son horticulture qui<br />

alimente le marché mondial.<br />

Pour voir les exploitations horticoles, il faut sortir <strong>du</strong> centre et emprunter les routes à la périphérie. Au plus<br />

fort de la période de floraison, les couleurs des centaines de variétés de fleurs offrent un spectacle unique<br />

qui s’étale sur des dizaines de kilomètres autour de la ville. Les nuances orangées des fleurs de da lat<br />

narguent avec insolence les rouges vifs des pétales de roses et les jaunes éclatants de la fleur d’ochna.<br />

Des hommes et des femmes entretiennent soigneusement ces plantes, alignées méthodiquement pour<br />

former de longues allées de pots suspen<strong>du</strong>s ou à même le sol. L’activité fait vivre plus de 1 700 familles,<br />

fournissant 6 à 8 millions de bouquets par an et le chiffre d’affaires dépasse les 30 milliards de dongs annuels<br />

(1 milliard d’euros environ).<br />

L’horticulture contribue ici de manière significative à la croissance économique de la région, grâce à<br />

des conditions climatiques favorables. En témoigne, à quelques minutes à pied <strong>du</strong> centre, le jardin de<br />

Tu Ton, célèbre pour ses cinquante variétés de roses. RdM<br />

Sadec<br />

Joyau floral <strong>du</strong> delta<br />

N° 1 / 2015<br />

072


BIRMANIE<br />

ESCALES<br />

Le lac Inle<br />

Nature, calme et volupté<br />

Cadre idyllique, le lac Inle est le théâtre<br />

d’une vie comme figée dans le temps.<br />

Par Whitney Light ¬<br />

À l’aube quand les premiers rayons <strong>du</strong> soleil illuminent les montagnes de l’État<br />

Shan, une brume quasi irréelle se lève sur le lac Inle. C’est depuis le port de<br />

Nyaung Shwe que les touristes et les habitants accèdent au lac. Il s’étend sur<br />

21 km par 11 de large. « Les fils <strong>du</strong> lac », comme ils se nomment dans leur<br />

dialecte, sont une des minorités ethniques birmanes, les Inthar. Friands de<br />

baignades, on les voit naviguer sur leurs barques pour pêcher ou par plaisir,<br />

immortalisés par les images de cartes postales. Enroulant une jambe autour<br />

de leur rame, en équilibre à l’extrémité de leur pirogue, les pêcheurs utilisent<br />

leurs mains libres pour balancer une cage en bambou bordée d’un filet.<br />

Mais la magie <strong>du</strong> lac tient aussi à ses villages construits sur l’eau avec leurs<br />

maisons en bois de bambou tissé, montées sur pilotis. À proximité, les jardins<br />

flottants où poussent principalement des plants de tomates, l’aliment de base<br />

des Birmans, étonnent par leur singularité : construits au fil des années sur les<br />

berges par l’accumulation de jacinthes d’eau et de mauvaises herbes, ces amas<br />

sont ensuite découpés en larges bandes et tirés dans l’eau pour être cultivés.<br />

L’artisanat est l’autre activité principale <strong>du</strong> lac Inle. Dans le village Inn Paw<br />

Khone, un atelier textile familial fabrique des tissus en lotus. On entrouvre<br />

chaque tige de la fleur centimètre par centimètre et la résine collante est enroulée<br />

à la main autour d’un fil très mince. D’autres artisans roulent des cigares<br />

ou tissent <strong>du</strong> coton, fabriquent des bijoux en argent, des laques et des<br />

poteries.<br />

L’écosystème <strong>du</strong> lac est unique au monde. Mais le temps presse. Très peu profond,<br />

soumis à une pression touristique exponentielle, les experts craignent<br />

sa disparition pure et simple à courte échéance. Le gouvernement commence<br />

à prendre des mesures de sauvegarde et le droit d’accès de 10 dollars demandé<br />

à chaque touriste permet de soutenir ces efforts.<br />

RdM<br />

© Elena Yakusheva<br />

© Jimmy Tran<br />

073 N° 1 / 2015


Coucher de soleil sur le pont d’U Bein à Amarapura, Birmanie


BIRMANIE<br />

ESCALES<br />

Laque birmane,<br />

artisanat d’excellence<br />

Pratique artisanale ancestrale, la laque requiert un savoir-faire<br />

méticuleux, réputé en Birmanie. Les pièces réalisées à la main,<br />

véritables œuvres d’art, ravissent les touristes. Encore faut-il savoir<br />

reconnaître une laque de qualité parmi toute la pro<strong>du</strong>ction proposée.<br />

Visite et conseils dans l’une des laqueries de Bagan.<br />

Par Sebastien Righi ¬<br />

Patience et minutie semblent être les maîtres-mots qui prévalent à la fabrication<br />

de cette multitude d’objets présents sur tous les marchés birmans.<br />

Assiettes, bols, boîtes à bijoux, objets <strong>du</strong> quotidien ou pièces exceptionnelles,<br />

dire que les laques birmanes sont faites main n’est pas un vain mot. Et quelle<br />

dextérité ! Nous avons visité l’atelier Tun dans la ville nouvelle de Bagan.<br />

Extraite <strong>du</strong> thit-si, un arbre de la famille des anacardiacées poussant dans la<br />

région <strong>du</strong> lac Inle, la laque est une résine cuite qui, mélangée à des colorants,<br />

sera appliquée en couches successives (entre 7 et 18 couches pour les laques<br />

les plus raffinées) sur des supports en bambou. Dans l’atelier de madame Moe<br />

Moe, atelier familial centenaire tenu par deux sœurs, nous suivons une dizaine<br />

d’ouvriers à chaque étape de fabrication : effilage <strong>du</strong> bambou à la main,<br />

tressage des objets avec <strong>du</strong> crin de cheval, application de quatre couches de<br />

mélasse noire – mélange de laque et de cendre – puis séchage dans une cave<br />

pendant plusieurs mois, dessin des motifs au stylet à main levée, application<br />

des couleurs, couche par couche, ponçage, puis application d’une laque incolore,<br />

une opération qui sera répétée pour chaque couleur. Un travail fastidieux<br />

qui force l’admiration, tant il requiert <strong>du</strong> temps et des compétences de plus en<br />

plus rares, nous confie la propriétaire <strong>du</strong> lieu.<br />

Chaque atelier crée des motifs originaux généralement inspirés d’animaux ou<br />

des peintures murales des temples de Bagan. Les supports en coquillage ou<br />

coquille d’œuf sont la dernière mode en Birmanie. Il faut noter que les prix<br />

abordables pour les locaux, qui achètent là aussi bien des boîtes à cigares que<br />

des bols à offrandes pour les moines, sont multipliés par trois pour les touristes.<br />

Négocier fait ainsi<br />

partie <strong>du</strong> rituel.<br />

Les prix varient fortement<br />

en fonction <strong>du</strong> nombre de<br />

couleurs et de la minutie<br />

<strong>du</strong> travail. « Une laque lisse,<br />

sans traces ni irrégularités,<br />

uniformément brillante, est<br />

un gage de qualité. » Conseils<br />

précieux de madame<br />

Moe Moe. RdM<br />

Quand<br />

l’Éveillé<br />

s’endormit<br />

À la fin de sa vie, après avoir donné ses derniers enseignements,<br />

le Bouddha se retira et s’absorba dans la méditation qui allait le<br />

con<strong>du</strong>ire au nirvana. C’est cet épisode particulier que représentent<br />

les images <strong>du</strong> Bouddha couché, dans cette position si particulière :<br />

allongé sur le côté droit, sa tête reposant sur sa main, il esquisse un<br />

sourire serein et énigmatique. Simplement endormi ou déjà mort,<br />

nous le devinons à la position de ses pieds : croisés l’un sur l’autre<br />

ou parallèles.<br />

On trouve des dizaines d’exemples de cette statuaire en Birmanie.<br />

Celui de la pagode Chauk Htat Gyi, construit à la fin <strong>du</strong> XIX e siècle<br />

et mesurant près de 60 m de long, compte parmi les plus riches<br />

et les plus vénérés. La tête de Bouddha est surmontée d’une couronne<br />

de pierres précieuses et de diamants, son corps recouvert de<br />

feuilles d’or. Il ne lui en fallait pas moins pour quitter son existence<br />

RdM<br />

physique. Par S. R.<br />

075 N° 1 / 2015


ESCALES<br />

CHILI<br />

Valparaiso,<br />

mythe poétique<br />

Valparaiso accueille chaque<br />

année des centaines de<br />

milliers de touristes venus<br />

<strong>du</strong> Chili et de l’étranger.<br />

La beauté et les charmes<br />

de cette ville portuaire sont<br />

innombrables.<br />

Par Bettie Sans ¬<br />

Ses maisons accrochées au flanc des collines,<br />

ses ruelles qui semblent vouloir plonger dans<br />

l’océan, ses toits pastel, ses façades aux couleurs<br />

méditerranéennes et tagguées de slogans politiques,<br />

ses escaliers et ses funiculaires dignes<br />

d’un San Francisco latin, tout ici concourt au<br />

mythe et au charme de Valparaiso.<br />

Jadis, son nom évoquait un havre de paix pour<br />

les marins en provenance <strong>du</strong> Cap Horn. Pourtant<br />

ni les séismes, ni les incendies, ni même les<br />

tsunamis n’ont épargné le Val Paradis, <strong>du</strong> nom<br />

<strong>du</strong> village andalou dont était originaire Juan de<br />

Saavedra qui découvrit la baie en 1536. Longtemps<br />

délaissée après l’ouverture <strong>du</strong> canal de<br />

Panama, Valparaiso connaît aujourd’hui une véritable<br />

renaissance. Elle accueille les artistes de<br />

tout le pays, qui fuient Santiago l’internationale,<br />

et une vie étudiante trépidante avec pas moins<br />

de cinq universités. Depuis 2003, la ville est inscrite<br />

au patrimoine mondial de l’UNESCO.<br />

RdM<br />

Un air de tango, un parfum d’océan… Qui mieux que Pablo Neruda pour décrire la beauté frénétique<br />

et intangible de cette ville ? Toute l’ambiance et l’histoire mouvementée de la mythique<br />

Valparaiso – les récents incendies n’en sont que le dernier avatar - se retrouvent dans cette Ode à<br />

Valparaiso dont nous vous proposons une tra<strong>du</strong>ction.<br />

VALPARAISO,<br />

Quelle absurdité<br />

Quelle folie<br />

Tu es un port fou.<br />

Quelle tête aux collines,<br />

échevelées,<br />

jamais tu ne te coiffes<br />

jamais tu n’as pris le temps de te vêtir,<br />

toujours la vie t’a surpris<br />

et la mort t’a réveillé, en chemise,<br />

en dessous à franges colorées,<br />

nu avec un nom<br />

tatoué sur le ventre,<br />

et un chapeau,<br />

le tremblement de terre t’a attrapé,<br />

et comme fou tu as couru,<br />

en te rompant les ongles,<br />

les eaux et les pierres<br />

se sont déplacées,<br />

les trottoirs,<br />

la mer, la nuit, et toi tu dormais à terre,<br />

fatigué de naviguer,<br />

et la terre, en furie,<br />

déferla ses vagues<br />

tempétueuses […]<br />

Vite, Valparaiso, marin,<br />

tu oublies les larmes,<br />

tu accroches de nouveau tes maisons,<br />

tu peins tes portes en vert,<br />

tes fenêtres en jaune,<br />

tu transformes tout en bateau,<br />

tu es la proue rapiécée<br />

d’un petit et valeureux navire.<br />

[…]<br />

Valparaiso, si petite<br />

comme une frêle chemise<br />

accrochée sur tes fenêtres en lambeaux<br />

qui se balance au vent de l’océan,<br />

en s’imprégnant de toutes les douleurs de ton sol<br />

tu reçois<br />

la rosée de la mer, le baiser<br />

de cette grande mer colérique<br />

qui de toute sa force<br />

frappe ta pierre<br />

sans jamais t’assommer<br />

parce que sur ta poitrine australe<br />

sont tatoués la lutte,<br />

l’espoir, la solidarité et la joie<br />

comme des ancres<br />

qui résistent aux vagues de la terre.<br />

© Hugo Brizard<br />

N° 1 / 2015<br />

076


PATAGONIE<br />

ESCALES<br />

Les Yagans, un peuple disparu<br />

C’est aux indiens Yagans, appelés aussi Yamanas, que la Terre de<br />

feu doit son nom. Les recherches ethnologiques et archéologiques<br />

récentes en font les premiers habitants de ces îles <strong>du</strong> bout <strong>du</strong> monde.<br />

Ils ont aujourd’hui tous disparu.<br />

Quand Magellan arrive en 1519 dans le détroit<br />

qui portera ensuite son nom, à la recherche d’un<br />

passage vers les Indes, il rencontre sur sa route<br />

les Amérindiens Yagans qui allument des feus<br />

sur les rivages. Ce peuple nomade vit alors sur<br />

l’eau et habite le sud de la Patagonie et les rivages<br />

<strong>du</strong> canal de Beagle. Les feus qu’ils entretiennent<br />

sur leurs canots leur permettent de survivre au<br />

froid humide.<br />

On considère qu’ils sont arrivés jusqu’au cap<br />

Horn il y a environ 6 000 ans. C’est alors un<br />

peuple de pécheurs au harpon qui vit sur ses canots.<br />

À terre, ils se nourrissent aussi de guanaco,<br />

le lama argentin. Thomas Bridge, un anthropologue<br />

américain a étudié la langue yamana<br />

et dénombré plus de 32 000 mots, une richesse<br />

lexicale comparable au français.<br />

L’arrivée des colons européens leur sera fatale.<br />

Leur nudité, leur petite taille et leurs corps<br />

peints font de ces indiens de véritables objets<br />

de foire, allant jusqu’à être présentés en Europe<br />

dans des cages comme des animaux. Sur place,<br />

ils sont décimés par des maladies importées,<br />

notamment une épidémie de rougeole, que leur<br />

système immunitaire n’était pas en mesure de<br />

combattre.<br />

Surtout, le Chili et l’Argentine offrent des milliers<br />

d’hectares à quelques familles d’origine<br />

européenne pour y élever des moutons et peupler<br />

la région. On massacra alors les troupeaux<br />

de guanacos, nourriture de base des Yagans. Et<br />

comme ces derniers se mirent à voler des moutons<br />

pour se nourrir, on les massacra également.<br />

Les éleveurs, dont certains possédaient des millions<br />

d’hectares, payaient les chasseurs une livre<br />

par paire d’oreilles d’indien. En 1900, ils avaient<br />

déjà tous disparu.<br />

Cette histoire sombre fait aujourd’hui l’objet<br />

d’études au Chili après des décennies d’omerta.<br />

De ces indiens, il ne nous reste que des photographies<br />

et quelques témoignages précieux<br />

d’ethnologues et de missionnaires et leur fantomatique<br />

présence dans les légendes de ces<br />

terres de feu. Leur histoire est retracée dans le<br />

musée Martin Gusinde à Puerto Williams et<br />

une formidable maison-musée leur est dédiée<br />

au sud de l’île Novarino. RdM Par B. S.<br />

Antoine de Tounens,<br />

roi français de Patagonie !<br />

Fou ! C’est ainsi que le déclare la cour de Santiago en 1862 avant de réclamer son internement. Grandeur<br />

et décadence d’un petit avoué français né à Périgueux qui s’autoproclama roi de Patagonie.<br />

Mythomane ou illuminé ? Peu importe. Sa légende a survécu aux siècles. Il débarque au Chili en 1858 à<br />

une époque où les indiens Mapuches sont en guerre contre le pouvoir central de Santiago. On ne sait<br />

par quel miracle il arrive à convaincre le chef indien Quilipan de fonder un royaume mapuche dont il se<br />

fait élire roi : Orélie-Antoine I er , roi d’Araucanie ! Il obtient le soutien des indigènes, promettant de les<br />

défendre dans leur lutte et dote son royaume d’une Constitution avant d’être arrêté deux ans plus tard.<br />

Mais rien ne peut le détourner de son destin royal. Orélie-Antoine repart à la conquête de son royaume<br />

en 1869 puis en 1874. Cuisants échecs dont il rentrera ruiné, laissant derrière lui son royaume d’opérette.<br />

Sur sa tombe en Dordogne, on peut lire : « Ci-gît Orelie-Antoine Ier, roi de Patagonie, décédé le<br />

18 septembre 1878. » Qui pourrait croire qu’un tel royaume subsiste encore ? Et pourtant depuis 1878,<br />

jamais le trône d’Araucanie n’aura été vacant. Pas moins de six rois et reines lui ont succédé jusqu’à nos<br />

RdM<br />

jours. Les plus beaux royaumes sont souvent les royaumes imaginaires. Par B. S.<br />

077 N° 1 / 2015


EN VRAC<br />

ICÔNE<br />

© DR<br />

ICÔNE<br />

ESTELA DE CARLOTTO<br />

Par Camille Lavoix<br />

Un fichu noué sur la tête, <strong>Est</strong>ela de Carlotto fait le tour de la place de Mai, inlassablement,<br />

aux côtés d’un groupe de dames qui se réunit chaque jeudi depuis<br />

1977. Ces mères et grands-mères ont commencé à occuper la place principale<br />

de Buenos Aires en pleine dictature (1976-1983) pour protester contre<br />

l’assassinat de leurs enfants et l’enlèvement de leurs petits-enfants nés dans<br />

les prisons. Donnés en adoption à l’entourage des militaires, ces enfants retrouvent<br />

petit à petit leur famille grâce à la lutte de leurs grands-mères. Ainsi,<br />

en août 2014, <strong>Est</strong>ela de Carlotto, l’iconique présidente des Grands-mères,<br />

retrouva-t-elle finalement son petit-fils après 36 ans de lutte acharnée, le 114 e<br />

« petit-fils récupéré ». La famille recomposée a ensuite été reçue par le pape en<br />

novembre 2014.<br />

Née en 1930, <strong>Est</strong>ela était institutrice puis directrice d’école avant l’assassinat<br />

de sa fille Laura en 1977. Deux mois avant, Laura avait donné naissance à Guido<br />

dans un centre de détention. Sa grand-mère <strong>Est</strong>ela endossa alors le rôle de<br />

militante pour le retrouver, encouragée par les Nations unies qui lui ont octroyé<br />

le prix des Droits de l’homme en 2003. <strong>Est</strong>ela et les grands-mères de la place de<br />

Mai sont aussi soutenues par de nombreuses personnalités depuis leurs débuts.<br />

« Le monde peut être tranquille avec autant de femmes braves », avait déclaré Bono<br />

avant de les faire monter sur la scène <strong>du</strong> concert de U2 en 1998. Sting avait fait de<br />

même en 1987 lors de sa chanson Elles dansent seules interprétée à Buenos Aires<br />

mais inspirée de l’histoire similaire des femmes chiliennes et de leurs « disparus<br />

» sous Pinochet (le dictateur qui gouverna le Chili).<br />

À Buenos Aires, vous trouverez un bar fondé par les mères de la place de Mai,<br />

avec de nombreuses photos de leur lutte, mais attention à ne pas confondre.<br />

Rien à voir avec <strong>Est</strong>ela, il s’agit d’une autre association, car il en existe plusieurs<br />

: Madres de Plaza de Mayo présidée par Hebe de Bonafini, Madres de<br />

Plaza de Mayo Línea Fundadora, présidée par Marta Ocampo de Vásquez et<br />

Abuelas de Plaza de Mayo, présidée par <strong>Est</strong>ela de Carlotto. RdM<br />

N° 1 / 2015<br />

078


PORTRAIT CHINOIS<br />

EN VRAC<br />

Portrait chinois<br />

Si la<br />

Birmanie<br />

était…<br />

Réponses de Sylvie Vay, Strasbourg.<br />

Croisiériste Rivages <strong>du</strong> monde ¬<br />

Une couleur<br />

Le rouge pour la couleur <strong>du</strong> kesa,<br />

la robe traditionnelle des moines<br />

bouddhistes birmans, et pour l’embrasement<br />

<strong>du</strong> soleil quand<br />

il se couche.<br />

Un trait de caractère<br />

La résignation. Imprégnée<br />

par-dessus tout de la pensée<br />

bouddhiste, la Birmanie apprend<br />

à vivre sans désir, sans ostentation,<br />

pour ne pas avoir à supporter<br />

la souffrance et atteindre à une<br />

sorte de nirvana collectif.<br />

Un sentiment<br />

La quiétude.<br />

Une odeur<br />

Un mélange d’épices.<br />

Une musique<br />

Le tintement de la cloche<br />

des pagodes mêlé au murmure<br />

des prières.<br />

Une peinture<br />

Sur soie brodée rehaussée de fils<br />

d’or.<br />

Une fleur<br />

Le lotus.<br />

Un animal<br />

Le chat, le sacré de Birmanie,<br />

aux yeux couleur saphir, mais aussi<br />

le chat sauteur <strong>du</strong> monastère<br />

de Nga Phe Chaung, au bord<br />

<strong>du</strong> lac Inle.<br />

Un poète<br />

Tin Moe, originaire de Birmanie,<br />

d’abord connu pour ses poèmes<br />

pour enfants qui magnifient la<br />

beauté de la nature birmane et<br />

que l’on trouve dans les manuels<br />

scolaires. Il consacre ensuite son<br />

œuvre à lutter contre la dictature<br />

jusqu’à connaître procès et exil.<br />

Un personnage historique<br />

Aung San Suu Kyi.<br />

Un objet<br />

Une pirogue de pêcheur<br />

équilibriste <strong>du</strong> lac Inle.<br />

Une pierre précieuse<br />

Le saphir.<br />

Un plat<br />

Un mohinga de crevettes, mais<br />

avec un bol de riz de toute façon.<br />

Un sport<br />

Nautique, car ce pays vit sur ou au<br />

bord de l’eau qu’il apprivoise<br />

et maîtrise.<br />

Un monument<br />

Une pagode.<br />

Une devise<br />

Je prie et ne romps pas. Dans toute<br />

son attitude le peuple birman reste<br />

digne et continue son combat souterrain<br />

contre la dictature.<br />

079 N° 1 / 2015


EN VRAC<br />

VIN<br />

Michel Rolland,<br />

le Napoléon<br />

<strong>du</strong> vin<br />

ÀBordeaux ou à Mendoza, en fait dans chaque fief vinicole de la planète, on ne le<br />

présente plus. Michel Rolland fait la pluie et le beau temps dans ce petit monde,<br />

un peu trop au goût de certains.<br />

L’œnologue a été le protagoniste <strong>du</strong> documentaire Mondovino réalisé par Jonathan<br />

Nossiter (présenté au festival de Cannes en 2004) dont une partie a été<br />

tournée en Argentine. Sur l'une des séquences de fin, on découvre la famille<br />

Etchart qui a fait venir le spécialiste français à Cafayate, dans le nord <strong>du</strong> pays.<br />

Ensemble ils créent le vin Yacochuya, <strong>du</strong> nom <strong>du</strong> fleuve qui traverse cette région<br />

montagneuse et signifie « eau claire » en langue quechua. Une évocation<br />

paradoxale au regard des commentaires désobligeants des Etchart dans le documentaire<br />

: les indigènes seraient paresseux et refuseraient le progrès.<br />

Toujours est-il que suite à l’appel des Etchard, Michel Rolland et Dany, sa<br />

femme, se prennent de passion pour l’Argentine et y voient un sérieux potentiel.<br />

Durant deux décennies, ils investissent avec d’autres propriétaires <strong>du</strong> Bordelais<br />

dans la vallée de l’Uco, au sud de Mendoza, et fondent le Clos de los Siete. La<br />

propriété qui s’étend sur 850 ha au pied de l’imposante cordillère<br />

des Andes est divisée en plusieurs établissements viticoles dont<br />

chacun contribue à l’élaboration de ce vin phare. Pro<strong>du</strong>it depuis<br />

2002 à environ 1 000 m d’altitude, cette référence franco-argentine<br />

s’est fait une place solide sur toutes les cartes des grands restaurants<br />

et dans toutes les caves de renom.<br />

Ce n’est pas un hasard, répliquent les détracteurs de Rolland, qui<br />

dénoncent une véritable machine marketing broyant tout sur son<br />

passage. L’amitié de l’œnologue avec le critique le plus influent<br />

au monde, Robert Parker, n’est pas un secret. Dans son célèbre<br />

guide (Le Parker), l’Américain décerne des notes sur 100 : autant<br />

Yacochuya (qui a pourtant disparu des radars internationaux depuis)<br />

que Clos de los Siete ont été adoubés par l’expert.<br />

Le style Rolland, on aime ou on déteste, mais même ceux qui ne<br />

supportent pas « ce business man pédant qui méprise le terroir et les<br />

paysans » admettent que personne n’assemble et ne goûte comme<br />

lui. Flying winemaker et technicien hors pair, il conseille plus de<br />

150 châteaux dans le monde, il est aussi une icône régulièrement<br />

suivi par une nuée de fans chinois qui le photographient à tout-va<br />

dans sa fameuse voiture avec chauffeur.<br />

Une laborantine reconnaît : « Son labo a toujours eu 10 ans d’avance<br />

sur les autres. » En Argentine, le vin Clos de los Siete est élaboré<br />

principalement à base de malbec, le cépage-roi et la valeur sûre<br />

<strong>du</strong> pays. Pour la complexité de l’assemblage, il est accompagné<br />

de cabernet sauvignon, de merlot, de syrah et, dans une moindre<br />

mesure, de petit verdot et de cabernet franc. Le tout à partir<br />

d’une vigne travaillée comme pour un grand cru classé de Bordeaux<br />

: vendanges vertes et effeuillage au menu.<br />

Un maître de chai ayant dégusté en compagnie de Rolland renchérit<br />

: « Maintenant on est dans la course à l’armement, Rolland a dynamité<br />

le milieu <strong>du</strong> Bordelais et <strong>du</strong> vin en général. Ce n’est pas parce qu’un mec fait <strong>du</strong> vin comme il y a 300 ans, qu’il est super<br />

sympa et qu’il t’invite à bouffer qu’il fait <strong>du</strong> bon vin. »<br />

Rolland, le controversé, a sûrement compris qu’il n’avait pas que des amis dans le monde de la viticulture. « On<br />

en entend moins parler, maintenant c’est redevenu plutôt une sûreté technique, moins une marque commerciale, il s’occupe<br />

de beaucoup de châteaux en France, en Argentine et ailleurs sans en parler publiquement », conclut le maître de chai.<br />

Ils sont en tout cas nombreux à lui reconnaître ce mérite : par ses positions singulières et parfois dérangeantes, il<br />

contribue à faire bouger un milieu qui, en France, n’est pas toujours prêt à se remettre en question. Ajoutons qu’il<br />

est aussi l’un de ceux qui ont fortement contribué à la coopération et aux échanges viticoles entre l’Argentine et la<br />

France.<br />

RdM<br />

Dans le microcosme <strong>du</strong> vin, il est le<br />

flying winemaker français le plus connu<br />

et probablement le plus respecté.<br />

Ses collaborations et ses conseils sont<br />

synonymes de réussites en France mais<br />

aussi en Argentine. Loin de laisser indifférent,<br />

l’homme suscite l’adoration chez certains<br />

et l’hostilité chez d’autres. Portrait.<br />

Par Camille Lavoix ¬<br />

Photographie Agustín Pablo Menchón ¬<br />

N° 1 / 2015<br />

080


GASTRONOMIE<br />

EN VRAC<br />

Rafael Arenas<br />

Fuentes,<br />

cuisiner l’ailleurs<br />

Une curiosité boulimique et la volonté<br />

de créer son propre langage culinaire,<br />

voilà ce qui a poussé Rafael Arenas<br />

Fuentes à parcourir en bus les routes<br />

<strong>du</strong> Chili, <strong>du</strong> Pérou, <strong>du</strong> Brésil et de l’Argentine,<br />

trois mois <strong>du</strong>rant en 2014, à la<br />

découverte de nouvelles saveurs et de<br />

savoir-faire. Il rentre à Paris des idées<br />

plein la tête pour proposer une nouvelle<br />

carte, inspirée de ce monde latinoaméricain<br />

qui est le sien.<br />

Le chef d’origine chilienne,<br />

Rafael Arenas Fuentes,<br />

a ouvert son premier<br />

restaurant en 2001 à Paris.<br />

Nouveau nom, nouvelle<br />

carte, nouveau concept.<br />

Rendez-vous en Terres <strong>du</strong> sud,<br />

<strong>du</strong> nom de son nouveau<br />

restaurant.<br />

Par Sebastien Righi ¬<br />

Mais son horizon est plus complexe. À son image, il est le fruit d’un savant mélange de cultures.<br />

Dans une recherche <strong>du</strong> « mieux faire » permanente, comme une volonté de se dépasser soi-même,<br />

Rafael opère un métissage de sa cuisine, dans la vague de la cuisine fusion, établissant des parallèles,<br />

des mariages originaux. Ainsi revisite-t-il le fameux pastel de choclo, le hachis parmentier<br />

chilien, en mariant <strong>du</strong> confit de canard allégé par un vinaigre de pomme à de la purée de maïs au<br />

basilic. Rien d’étonnant alors à ce qu’à l’occasion d’un mariage franco-chilien, il ait eu l’idée d’une<br />

pièce montée, archétype de la pâtisserie française, fourrée à la lucuma, ce fruit sud-américain,<br />

inconnu en France.<br />

Enfant déjà, il courait les pâtisseries de Santiago avec sa sœur. Leur mère, responsable d’un réfectoire<br />

communautaire pour ouvriers, lui a enseigné cette cuisine chilienne et ses riches pro<strong>du</strong>its,<br />

fruits d’une agriculture et d’une viticulture prospères, qu’il envisage d’importer aujourd’hui. Mais<br />

cette enfance baignée dans l’ambiance des cuisines prend fin avec le coup d’État militaire. La famille<br />

doit s’exiler en 1976. Il a 17 ans. Une vie rocambolesque digne d’un personnage de roman le<br />

voit alors con<strong>du</strong>ire les siens dans l’exil, apprendre le français à Bordeaux, travailler comme informaticien,<br />

devenir père de famille… jusqu’à ce qu’un mariage change le cours de sa vie.<br />

Celui de son frère cadet, pianiste professionnel. Le père de la mariée, regardant Rafael cuisiner devant<br />

lui un canard à la cerise, l’enjoint tout à coup : « Laisse tomber l’informatique et lance-toi dans la<br />

cuisine ! » Il a face à lui Jean François Decraene, l’auteur <strong>du</strong> Tour de France par un gourmand. Ce sera<br />

le déclic. Rafael s’associe avec un restaurateur colombien auquel il propose ses empanadas, ces fameux<br />

chaussons à la viande chiliens qui rencontrent un tel succès qu’il ouvre dans la foulée son premier<br />

restaurant, typiquement chilien. En guise de plat <strong>du</strong> jour, il lance un plat <strong>du</strong> monde, un voyage<br />

culinaire quotidien. Cette quête d’un ailleurs par la cuisine le suivra toujours, lui qui affirme : « Il faut<br />

que je puisse m’évader par ma cuisine. »<br />

© F. Chavanon<br />

Terres <strong>du</strong> sud, son nouveau restaurant, joue la<br />

carte de ce dialogue gastronomique, dans une<br />

recherche d’harmonie permanente. Le chef se<br />

mue en chef d’orchestre. « La cuisine a beaucoup<br />

à voir avec la musique. Les ingrédients sont comme<br />

des notes de musique, des nuances de goût. Chaque<br />

cuisinier est un interprète. Un toucher plus appuyé,<br />

c’est une cuisine plus épicée, un toucher plus doux, c’est<br />

une cuisine plus sucrée. » Le frère pianiste n’est pas<br />

loin. La carte met à l’honneur les vins <strong>du</strong> Chili<br />

dont le fameux carménère, ce cépage français<br />

disparu en 1892 après l’épidémie de phylloxéra.<br />

Ne pas manquer le Tarapaca, son vin fétiche,<br />

plus que centenaire, dont les vignes poussent<br />

sur les pentes d’un volcan. Le Chili est ici partout.<br />

Le mal <strong>du</strong> pays ? Pas vraiment cependant.<br />

Rafael a fait siens son pays d’adoption et sa gastronomie.<br />

L’endroit ne paie pas de mine mais ce<br />

petit coin de Paris opère un métissage culinaire<br />

inatten<strong>du</strong>. RdM<br />

Terres <strong>du</strong> sud<br />

7 rue de Cadix, 75015 Paris<br />

Tél. : +33 (0)9.81.99.14.85<br />

Du mardi au samedi, de 11h30 à 14h30 et de 18h30 à 23h<br />

081 N° 1 / 2015


EN VRAC<br />

RECETTE<br />

LA SOUPE PHO<br />

Plat traditionnel vietnamien<br />

Par Christine Pham ¬<br />

Photographie Émilie Gentils ¬<br />

Le mot <strong>du</strong> chef<br />

Tous les vendredis, je sers ma fameuse soupe pho !<br />

J’affectionne beaucoup ce plat. C’est pour moi « le » plat<br />

national <strong>du</strong> Vietnam, le plus réputé, à la fois populaire<br />

car il se mange à toute heure, dans la rue et en toute<br />

circonstance. Il est aussi un plat de fête qui peut être<br />

long à préparer... En tout cas, la pho fait toujours plaisir !<br />

Elle résume à elle seule la cuisine vietnamienne : légère,<br />

parfumée, fraîche avec toutes ces herbes, savoureuse<br />

avec des textures différentes et les pâtes… al dente !<br />

Niveau de difficulté :<br />

Temps de préparation :<br />

Temps de cuisson :<br />

Fourchette de prix :<br />

* Bon appétit !<br />

30 minutes<br />

3 heures 30<br />

Ingrédients<br />

Pour le bouillon<br />

· Os de bœuf (queue de bœuf,<br />

1 crosse, os à moelle)<br />

· 500 g de poitrine de bœuf<br />

· 500 g de gîte<br />

· 4 oignons<br />

· 1 gros morceau de gingembre (150-200 g)<br />

· 5 anis étoilés<br />

· 5 bâtons de cannelle<br />

· 10 g de graines de coriandre<br />

· 10 g de fenouil<br />

· 10 g de poivre en grains<br />

· 10 g de sel<br />

· 20 cl de sauce poisson (nuoc-mam)<br />

· 20 g de sucre<br />

Pour le dressage<br />

· 600 g de pâtes de riz (banh pho)<br />

· 400 g de rumsteck<br />

· 1 botte d’oignons frais ou cébettes<br />

· 1 bouquet de basilic thaï<br />

· 1 bouquet de coriandre<br />

· 1 bouquet de menthe<br />

· 2 citrons verts<br />

· 1 ou 2 piments frais<br />

· Germes de soja<br />

· Poivre <strong>du</strong> moulin<br />

Préparation<br />

Mouiller les os, la poitrine et le gîte dans une<br />

grosse marmite d’eau froide à hauteur. Porter<br />

à ébullition et écumer toutes les impuretés afin<br />

d’obtenir un liquide clair.<br />

Faire griller les épices, les oignons et le gingembre.<br />

Les ajouter au bouillon une fois que<br />

celui-ci est devenu limpide, avec <strong>du</strong> sel, <strong>du</strong><br />

poivre en grains, <strong>du</strong> sucre et la sauce poisson.<br />

Laisser frémir à petit feu <strong>du</strong>rant 3 heures<br />

environ. Vérifier la cuisson de la viande, elle<br />

doit être tendre mais ferme. Pour cela, la laisser<br />

refroidir et la découper en fines tranches.<br />

Couper le rumsteck le plus fin possible et le<br />

réserver. Ciseler les herbes aromatiques et<br />

l’oignon frais.<br />

Filtrer le bouillon avec un chinois, rectifier l’assaisonnement<br />

et le garder au chaud.<br />

Cuire les pâtes de riz al dente, environ 3 min.<br />

Les disposer au fond <strong>du</strong> bol, puis quelques<br />

tranches de poitrine de boeuf, de gîte et par<br />

dessus le rumsteck cru en fines lamelles. Parsemer<br />

d’oignons frais et fines herbes, ajouter<br />

un tour de poivre <strong>du</strong> moulin. Arroser le tout de<br />

bouillon brûlant qui va pocher le rumsteck cru<br />

et accompagner de citron vert, de piment et<br />

de germes de soja.<br />

Chuc an Ngon* !<br />

Chez Pham<br />

Ancienne styliste, Pham a commencé à travailler<br />

dans le restaurant de son compagnon, Chez<br />

Navarre, une table d’hôtes qui propose une cuisine<br />

traditionnelle française. Après avoir repris<br />

le local mitoyen, une très vieille boucherie de<br />

quartier, Pham l’a transformée en cantine vietnamienne.<br />

Le lieu fonctionne exactement comme<br />

une table d’hôtes : les gens partagent les grandes<br />

tablées, se servent eux-mêmes...<br />

Menu unique : 3 salades en entrée, bouillon de<br />

légumes, plat <strong>du</strong> jour et buffet de desserts.<br />

La cantine vietnamienne Chez Pham<br />

1 rue mage - 31000 Toulouse<br />

Tel : +33 (0)5.62.19.12.36<br />

Horaires : de midi à 14h, <strong>du</strong> lundi au vendredi<br />

N° 1 / 2015<br />

082


La soupe pho<br />

Chez Pham<br />

Toulouse


EN VRAC<br />

BEAUTÉ<br />

LE THANAKA<br />

Un pro<strong>du</strong>it millénaire,<br />

nouvelle mode cosmétique<br />

Toutes les femmes birmanes<br />

s’en en<strong>du</strong>isent le visage<br />

quotidiennement. Et ce,<br />

depuis plus de mille ans.<br />

Le thanaka arrive enfin<br />

en Occident, dans nos<br />

instituts de beauté mais<br />

aussi chez les in<strong>du</strong>striels<br />

de la cosmétique.<br />

Usages et bienfaits<br />

de ce pro<strong>du</strong>it naturel.<br />

Par Armelle Privat ¬<br />

© Florian Chavanon<br />

En plein centre de Rangoun comme dans les villages les plus reculés<br />

de Birmanie, vous ne rencontrez pas une femme ni un enfant dont la<br />

peau ne soit en<strong>du</strong>ite de thanaka. Cette poudre cosmétique couleur<br />

or appliquée sur le visage est une tradition millénaire qui a traversé<br />

les siècles et les océans jusqu’à atteindre récemment nos instituts de<br />

beauté occidentaux.<br />

Le thanaka est fabriqué depuis le XI e siècle à partir <strong>du</strong> bois <strong>du</strong> même<br />

nom cultivé entre Bagan et Mandalay au cœur de la Birmanie, en zone<br />

aride. Traditionnellement, les femmes râpent l’écorce <strong>du</strong> bois sur une<br />

pierre mouillée pour en extraire une pâte légèrement citronnée qui,<br />

mélangée à de l’alun, fait office de parfum, d’anti-moustique et de cosmétique.<br />

Le thanaka est multi-usage. Il prévient ainsi de la déshydratation<br />

et <strong>du</strong> desséchement de la peau en bloquant la sudation. Grâce<br />

à ses propriétés astringentes et antiseptiques, il adoucit et soigne la<br />

peau contre les mycoses ou l’acné. Appliqué sur le front et le visage,<br />

il protège <strong>du</strong> soleil contre le brunissement de la peau (le bronzage est<br />

généralement peu recherché chez les femmes en <strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong>)<br />

avec une efficacité presque comparable à celle<br />

d’une crème solaire. Pour les plus coquettes,<br />

c’est aussi un maquillage raffiné qui pare alors<br />

le visage de dessins géométriques, striés, en<br />

forme de fleurs ou de feuilles.<br />

La cosmétique moderne s’en est saisie récemment<br />

et de nombreux instituts offrent des<br />

soins au thanaka. « Le masque au thanaka absorbe<br />

le sébum avec un effet liftant. Votre teint est reposé et<br />

éclatant comme si vous reveniez de vacances », affirme<br />

Marie-Paule Puissegur, gérante de l’institut<br />

Matazen à Jouy-sur-Eure. Dans le commerce,<br />

Clarins propose un masque purifiant<br />

qui en contient. Kenzo a élaboré son parfum<br />

KenzoAmour à base de bois de thanaka.<br />

Si vous optez pour la méthode traditionnelle,<br />

sachez que le thanaka se vend en<br />

poudre ou en pain. Vous pouvez en acheter<br />

sur différents sites Internet pour à peine<br />

10 euros le pain. Sur les marchés birmans, le<br />

morceau de bois de 15 cm vaut 2 euros. Quant<br />

à la préparation, rien de bien compliqué : deux<br />

cuillères à café mélangées à de l’eau suffisent<br />

pour appliquer un masque sur le visage dont<br />

la senteur rappelle le bois de santal. Mesdames,<br />

la beauté des femmes birmanes est désormais<br />

à votre portée. RdM<br />

N° 1 / 2015<br />

084


SPORT<br />

EN VRAC<br />

CHINLON,<br />

le sport des rois<br />

Par Myrtille Rambion ¬<br />

© Kattiya.L / Shutterstock.com<br />

Les rois birmans, déjà, en avaient fait l’un de leurs<br />

passe-temps favoris. C’est dire combien le chinlon<br />

est ancré de manière quasi immémoriale dans l’imaginaire<br />

et la culture de la Birmanie. Pour preuve, des<br />

archéologues ont même retrouvé une balle de chinlon<br />

dans la chambre des reliques de la pagode Baw<br />

Baw Gyi. Mais en argent, celle-ci. Car sinon, traditionnellement,<br />

la balle de chinlon est constituée<br />

d’osier ou de rotin tressé. Un matériau naturel dont<br />

la Birmanie regorge grâce à ses forêts.<br />

Mais quelle est donc cette discipline, aussi physique<br />

dans sa pratique que gracieuse et spectaculaire à<br />

l’œil, qui amène des hommes et des femmes à jongler<br />

balle au pied, à se désarticuler, à sauter et plonger<br />

dans les airs, semblant obéir à la fois à une routine<br />

très chorégraphiée et à une inspiration divine ? Le<br />

sport national birman, tout simplement ! Ou plutôt<br />

un jeu, en tout cas dans son esprit fondateur, qui se<br />

situe exactement à la croisée de la danse et <strong>du</strong> sport,<br />

entre football de rue et arts martiaux.<br />

Lorsqu’il était pratiqué il y a 1 500 ans, il n’obéissait pas<br />

encore à des règles précises, mais devait avant tout<br />

guider l’indivi<strong>du</strong> dans sa recherche de perfection et<br />

d’harmonie, tant au niveau <strong>du</strong> corps que de l’esprit.<br />

Sport national en Birmanie, le chinlon<br />

est pratiqué depuis des millénaires.<br />

Extrêmement populaire, il a récemment<br />

intégré les compétitions internationales.<br />

Voici quelques clés pour y jouer.<br />

Si cet objectif de départ est toujours aussi présent – le<br />

chinlon est à sa façon également une forme de méditation<br />

–, le cadre de sa pratique a en revanche été<br />

formalisé depuis, notamment pour l’organisation <strong>du</strong><br />

championnat professionnel national. La discipline a<br />

même été intro<strong>du</strong>ite au programme des Jeux d’<strong>Asie</strong><br />

<strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong>. Khin Maung Win, le sélectionneur national,<br />

ajoute : « C’est un jeu complexe, délicat et difficile. Je<br />

crois que le monde va mieux connaître la Birmanie à travers<br />

le chinlon. »<br />

Le chinlon peut se pratiquer en indivi<strong>du</strong>el – la performance<br />

solo est alors réservée aux femmes – mais il se<br />

joue surtout par équipe de cinq ou six personnes qui<br />

doivent, ensemble, maintenir le plus longtemps possible<br />

la balle en rotin en l’air, à l’aide <strong>du</strong> pied (orteils,<br />

dessus et dessous <strong>du</strong> pied, talon, plante) ainsi que<br />

<strong>du</strong> genou. Originellement, une partie se joue pieds<br />

nus, mais des chaussures spécialement dédiées à<br />

sa pratique existent aujourd’hui : elles sont conçues<br />

de manière à laisser les sensations prédominer. Et<br />

si le pied est bien la clé <strong>du</strong> geste réussi, il n’est pas le<br />

seul : le haut <strong>du</strong> corps est lui aussi essentiel, certains<br />

coups se jouant même en tournant le dos à la balle en<br />

attendant de la frapper. Un peu comme un coup de<br />

pied retourné au taekwondo, par exemple. Le point<br />

prend fin lorsque la balle touche le sol mais la beauté,<br />

et donc l’efficacité d’un mouvement de chinlon, est<br />

également jugée au positionnement des mains, des<br />

bras, <strong>du</strong> torse et de la tête <strong>du</strong> joueur pendant<br />

son exécution. Enfin, le son pro<strong>du</strong>it<br />

au moment de l’impact sur le corps par<br />

la balle – plutôt de l’ordre <strong>du</strong> cliquetis –<br />

fait lui aussi partie de la dimension esthétique<br />

de l’ensemble.<br />

En compétition, le chinlon se pratique<br />

sur un terrain circulaire de 6,7 m de<br />

diamètre, mais sa grande force et sa<br />

popularité résident bien enten<strong>du</strong> dans<br />

le fait de pouvoir se jouer absolument<br />

n’importe où, dans la rue comme sur<br />

la place en terre battue des villages, et<br />

même au-dessus d’un filet de volley-ball<br />

ou d’une simple corde. Lors des fêtes traditionnelles,<br />

des parties de chinlon sont mises en scène tels de véritables<br />

spectacles, et même les moines bouddhistes<br />

y participent. Le sport national, on vous disait ! RdM<br />

085 N° 1 / 2015


EMBARQUEZ<br />

CULTURE<br />

EMBARQUEZ<br />

Rd<br />

N° 1 / 2015<br />

86


M<br />

Alain Souleille<br />

Président-directeur général<br />

Rivages <strong>du</strong> monde<br />

Chères lectrices,<br />

Chers lecteurs,<br />

Voici le premier numéro de RDM le magazine de Rivages <strong>du</strong> monde. Vous y trouverez une série de reportages<br />

sur les nombreuses destinations desservies par nos croisières. Parce que nous concevons nos<br />

voyages comme des épopées et que nous aimons aller à la découverte des civilisations, nous avons pensé<br />

que ce magazine serait un juste et utile complément à nos programmes.<br />

Nos croisières, largement ouvertes sur le monde, se conjuguent dans le temps, au singulier comme au<br />

pluriel. Elles sont ouvertes sur une multitude de cultures, un océan de paysages et d’instantanés et se<br />

renouvellent en permanence : <strong>du</strong> Mékong au Saint-Laurent, de la Volga au Danube, on ne compte plus les<br />

nouveautés que nous avons eues à cœur de proposer depuis de nombreuses années.<br />

Aussi, pour orienter nos voyageurs, ce magazine mettra-t-il à l’honneur nos destinations dans toute<br />

leur diversité sous des angles originaux, variés et complémentaires. Il annoncera aussi les nouveautés<br />

Rivages <strong>du</strong> monde ainsi que toutes nos exclusivités.<br />

Bonne lecture à toutes et à tous !


EMBARQUEZ<br />

L’actualité<br />

de Rivages <strong>du</strong> monde<br />

RIVAGES DU MONDE SE<br />

LANCE DANS LE MARITIME<br />

Avec 17 croisières maritimes en 2016, Rivages<br />

<strong>du</strong> monde confirme son entrée sur ce<br />

marché, fort de sa notoriété sur les croisières<br />

fluviales. Même formule qui a fait sa réussite :<br />

un esprit culturel et francophone. À bord<br />

<strong>du</strong> M/S Astoria, des conférenciers francophones<br />

de renom interviendront sur des sujets<br />

variés en lien avec les pays visités et des<br />

artistes de talent animeront les soirées. Récemment<br />

rénové, le petit paquebot conserve<br />

le charme de l’ancien et le confort d’un navire<br />

à taille humaine avec seulement 500 passagers.<br />

Espaces détente, restauration de<br />

qualité et intervenants de haut niveau, voilà<br />

le cocktail réussite des croisières maritimes<br />

Rivages <strong>du</strong> monde. En 2016, le M/S Astoria<br />

croisera successivement de mai à septembre<br />

– chaque croisière <strong>du</strong>re environ dix jours et<br />

peut s‘additionner – autour de l’Irlande, des<br />

îles britanniques, des fjords de Norvège, en<br />

mer Baltique, en Islande, au Groenland, puis<br />

en Adriatique, en mer Égée puis au-delà <strong>du</strong><br />

Bosphore en mer Noire.<br />

Toutes les croisières sur le site :<br />

www.rivages<strong>du</strong>monde.fr<br />

DEUX RENDEZ-VOUS<br />

SUR DES SALONS<br />

Rivages <strong>du</strong> monde s’est considérablement<br />

développé ces dernières années en tissant<br />

notamment de nombreux partenariats. L’entreprise<br />

participe ainsi à des salons ou organise<br />

les siens afin de rester au plus proche de sa<br />

clientèle.<br />

Rivages <strong>du</strong> monde sera présent sur le stand<br />

E224 <strong>du</strong> 31 e Salon international <strong>du</strong> tourisme et<br />

des voyages qui aura lieu à Colmar <strong>du</strong> 6 au 8<br />

novembre 2015. Avec plus de 30 000 visiteurs<br />

en 2014, ce salon s’est affirmé comme l’un<br />

des plus importants en France. Un avant-goût<br />

de vacances pour choisir sa future destination.<br />

Le 15 octobre 2015, Rivages <strong>du</strong> monde organisera<br />

à Paris la 8 e édition <strong>du</strong> Rendez-vous<br />

de la croisière. Ce sera l’occasion de présenter<br />

les nouvelles destinations 2016 et<br />

les croisières automne-hiver 2015-2016.<br />

Une opportunité également pour rencontrer<br />

l’équipe de Rivages <strong>du</strong> monde.<br />

Restez informés en vous inscrivant à la newsletter.<br />

Chaque client recevra également une<br />

invitation par email pour chaque événement.<br />

VARIETY CRUISES :<br />

RIVAGES DU MONDE<br />

DEVIENT<br />

AGENT GÉNÉRAL<br />

La compagnie Variety Cruises a décidé de<br />

confier à Rivages <strong>du</strong> monde sa représentation<br />

pour la France, la Belgique, la Suisse romande<br />

et le Québec. Cette petite compagnie<br />

de croisières grecque exploite actuellement<br />

sept navires de 40 à 60 passagers en Amérique,<br />

dans l’océan Indien, en mer Rouge et<br />

l’été en Grèce. Elle propose une déclinaison<br />

de croisières inédites. Durant tout l’hiver, des<br />

croisières relient La Havane jusqu’à Casida.<br />

Le M/S Voyager, jeune fleuron de la compagnie,<br />

est positionné au Costa Rica et croise<br />

sur le canal de Panama. Dans l’océan Indien,<br />

le M/Y Pegasus propose toute l’année des mini-croisières<br />

de 4 ou 5 jours aux Seychelles<br />

et deux croisières à Madagascar. Durant l’hiver,<br />

le Harmony V relie les îles Canaries. Enfin<br />

entre l’Egypte et la Jordanie, le Harmony G<br />

proposera un programme régulier tout l’hiver<br />

prochain. Durant l’été, la plupart des bateaux<br />

sont rapatriés en Grèce pour croiser en mer<br />

Égée : Cyclades, Péloponnèse, Pergame,<br />

Éphèse, la Crète… De petits navires pour des<br />

croisières intimistes largement ouverts sur la<br />

mer et qui grâce à leur petite taille peuvent accoster<br />

dans des ports inaccessibles. Le tout<br />

en conformité avec les normes Eurosolas. Variety<br />

Cruises et Rivages <strong>du</strong> monde partageant<br />

la même philosophie <strong>du</strong> voyage, ce partenariat<br />

était donc tout à fait naturel.<br />

Salon international <strong>du</strong> tourisme et des voyages,<br />

Colmar, parc des Expositions,<br />

<strong>du</strong> 6 au 8 novembre 2015<br />

Rendez-vous de la croisière, Paris,<br />

hôtel Intercontinental Paris le Grand, 2 rue Scribe,<br />

le 15 octobre 2015 de 14 heures à 18 heures<br />

N° 1 / 2015<br />

088


EMBARQUEZ<br />

Sinjun, un partenariat<br />

harmonieux<br />

À quelques kilomètres au nord de Mandalay, sur les rives de l’Irrawaddy,<br />

le village de Sinjun a su garder toute son authenticité alors qu’un récent<br />

confort et de nouvelles constructions ont vu le jour grâce au concours <strong>du</strong><br />

R/V Ananda, le bateau affrété par Rivages <strong>du</strong> monde. Un partenariat de<br />

développement réussi.<br />

Quand le bateau accoste sur les berges <strong>du</strong><br />

petit village de Sinjun, des dizaines d’enfants<br />

au sourire rieur accourent à notre rencontre,<br />

comme sortis de nulle part. C’est sous cette<br />

escorte joyeuse, gambadant à nos côtés,<br />

que nous parcourons le chemin de terre qui<br />

con<strong>du</strong>it aux maisons. Une charrette tractée<br />

par deux imposants zébus déporte notre<br />

troupe sur le bas-côté. Rires sonores des<br />

enfants devant notre étonnement.<br />

Ici les premières maisons, charmantes cabanes<br />

en bambous tressés, juchées sur<br />

pilotis. Au rez-de-chaussée, une étable. À<br />

gauche, une échoppe. Les familles – 250 environs<br />

pour 1 060 habitants – vivent à l’étage.<br />

Au loin, des silhouettes de femmes s’affairent<br />

dans les champs, leur chapeau de paille défie<br />

l’horizon. À chaque maison, son lopin de<br />

terre et ses pieds de ricin, ses haricots et ses pois qui grimpent le long des tuteurs.<br />

Le sol fertile est ici généreux.<br />

Les enfants se sont rassemblés sur les marches de leur école. Le bâtiment en bois<br />

massif est flambant neuf. Ils entonnent l’hymne national birman puis un étonnant<br />

Frère Jacques. Applaudissements.<br />

Depuis 2014 et sa construction dans les chantiers navals de Rangoun, l’Ananda<br />

mène de nombreuses actions pour aider au développement de ce village. Identification<br />

des besoins au plus proche des attentes des habitants, telle est la philosophie<br />

de ce partenariat, inscrit dans la <strong>du</strong>rée. Et les réalisations sont nombreuses :<br />

nouvelle école, bibliothèque, mairie, maison des enseignants, groupe électrogène<br />

qui fournit pour 2 dollars par mois et par famille de l’électricité de 18 h à 9 h, murs<br />

en bambous des maisons peu à peu remplacés par <strong>du</strong> bois massif, paille des toits<br />

supplantée par de la tôle… Le maire qui reçoit directement l’aide financière, nous<br />

accueille avec son sourire rougi au bétel.<br />

Sur le chemin <strong>du</strong> retour, une maison affiche fièrement son drapeau bouddhiste.<br />

C’est une maison d’hôtes pour les pèlerins qui feraient ici escale. À la sortie <strong>du</strong><br />

village, nous croisons la maison <strong>du</strong> Nat, son génie protecteur. Il semblerait que ses<br />

vœux aient été exhaussés par l’Ananda.<br />

089 N° 1 / 2015


« En voyage,<br />

il faut être ouvert d’esprit »<br />

NANG, GUIDE EN BIRMANIE<br />

N° 1 / 2015<br />

90


view Inte<br />

Nang, parlez-nous<br />

de votre parcours...<br />

J’ai 38 ans. J’ai commencé à travailler dans<br />

une agence de voyages en 1996. Mais<br />

j’adore étudier ! Alors en 2007, j’ai changé de<br />

métier et suivi une formation de guide pour<br />

me laisser <strong>du</strong> temps libre pour apprendre<br />

une langue étrangère, autre que l’anglais.<br />

Je me suis mise à l’espagnol. Impossible de<br />

rouler les « r » !<br />

C’est pour cette raison que<br />

vous avez appris le français ?<br />

En fait je voulais apprendre avec des gens<br />

<strong>du</strong> pays. Or en Birmanie, seul le français<br />

est enseigné par des professeurs venus de<br />

France. Les cours sont donnés par l’Institut<br />

français de Rangoun où j’ai étudié pendant<br />

quatre ans. Cette langue m’a beaucoup plu<br />

et j’ai lu énormément de livres disponibles à<br />

l’ambassade de France. C’est vraiment une<br />

belle langue.<br />

Vous avez étudié à Toulouse,<br />

racontez-nous cette expérience.<br />

C’était une expérience merveilleuse ! J’y<br />

suis restée trois ans. Je voulais voir la vraie<br />

vie des Français. J’habitais chez une famille<br />

d’accueil, dans leur appartement à Toulouse.<br />

J’ai rencontré des étudiants étrangers dont<br />

beaucoup ont choisi de ne pas rentrer dans<br />

leur pays. Moi j’ai toujours eu le projet de revenir<br />

en Birmanie dans ma famille.<br />

Vous avez connu une époque<br />

mouvementée…<br />

C’est certain. En 1988, j’étudiais la physique<br />

nucléaire à l’université de Rangoun. En Birmanie,<br />

on n’a pas de centrale ! Passons…<br />

Cette année-là, la ville a connu une révolte<br />

étudiante. L’université a fermé pendant quatre<br />

ans ! Du coup, j’ai travaillé pendant dix ans.<br />

En 1998, quand j’ai commencé à apprendre<br />

le français, d’abord à l’université des langues<br />

étrangères, une nouvelle révolte étudiante a<br />

eu lieu. Encore une fermeture de l’université !<br />

C’est pour cette raison que j’ai étudié à l’Institut<br />

français.<br />

EMBARQUEZ<br />

Comment se passe<br />

votre travail de guide ?<br />

Quand on part en croisière, on part quinze<br />

jours minimum. Ce qui me plait surtout, c’est<br />

de partager la connaissance. Je rencontre<br />

des gens de tous horizons et de tous les<br />

pays, ce qui me permet de connaître pas mal<br />

de coutumes.<br />

En général, la période des croisières s’étend<br />

entre novembre et avril. Et de mai à septembre,<br />

je retourne dans mon village pour<br />

mes projets.<br />

Quels sont ces projets ?<br />

Depuis l’an dernier, à côté de Mandalay, nous<br />

avons acheté avec mon mari un grand jardin<br />

pour planter des bananes et <strong>du</strong> thanaka,<br />

cultiver un potager, afin de donner <strong>du</strong> travail<br />

aux villageois. Comme il est très difficile pour<br />

eux de trouver un travail, nous avons décidé<br />

de les aider. Personnellement, je n’aime pas<br />

habiter à Rangoun. Peut-être parce que je<br />

suis née à côté <strong>du</strong> lac Inle ! Nous avons également<br />

ouvert une petite école où mon mari<br />

enseigne l’anglais. Les Birmans apprennent<br />

cette langue à l’école mais n’osent pas la<br />

parler à cause de leur accent. Nous leur permettons<br />

de s’exercer à l’oral. L’anglais est<br />

une langue qui est capitale, notamment pour<br />

le développement <strong>du</strong> pays dont le tourisme<br />

est l’un des axes prioritaires depuis ces dernières<br />

années mais aussi pour la population.<br />

Quels sont vos rapports<br />

avec les croisiéristes ?<br />

Chaque voyage apporte son lot de rencontres<br />

uniques et intéressantes. D’ailleurs,<br />

je garde le contact avec certains voyageurs.<br />

Il se tisse parfois des relations particulières<br />

et fortes. Peut-être parce que j’essaie<br />

de répondre à leur curiosité et leur soif de<br />

connaissance. Il m’arrive parfois de leur proposer<br />

de visiter des artisans par exemple. En<br />

2007, j’ai voyagé avec un groupe niçois avec<br />

qui j’ai gardé contact jusqu’à maintenant.<br />

Y a-t-il encore une censure<br />

en Birmanie pour les guides<br />

touristiques ?<br />

Aujourd’hui non. J’ai commencé après l’ouverture<br />

politique et de toutes façons, je suis<br />

assez libre de ce que je dis. Je suis quelqu’un<br />

de libre. Je dis toujours ce que je pense.<br />

Un mot sur Rivages <strong>du</strong> monde ?<br />

Oui. C’est le voyage de luxe, sur un bateau<br />

somptueux.<br />

091 N° 1 / 2015


EMBARQUEZ<br />

Le R/V Ananda,<br />

un nouveau bateau<br />

de grand luxe<br />

Caractéristiques techniques<br />

Longueur : 61 m - Largeur : 11,7 m<br />

Tirant d’eau : 1,2 m<br />

Stabilisateurs antiroulis<br />

Vitesse de croisière : 18 km/h<br />

4 Ponts : Navigation, Principal, Supérieur et Soleil<br />

Cabines : 21 - Passagers : 42 maximum<br />

Membres d’équipage : 39 - Courant : 220 v.<br />

Monnaie à bord : Euro - US dollar<br />

Pavillon birman<br />

Activités culturelles sur le bateau<br />

Le matin sur le pont Soleil méditation et yoga avec un professeur.<br />

En journée atelier de cuisine asiatique.<br />

En soirée spectacles dans le salon <strong>du</strong> bar.<br />

Espaces communs<br />

Abrité sous un dais protecteur, le pont Soleil se partage entre<br />

un espace équipé d’une petite piscine, de chaises longues<br />

confortables et le Lounge bar.<br />

Pont Principal, la salle de restauration très chaleureuse se<br />

prolonge par un salon précieux et cosy.<br />

Bibliothèque, salon de massage (prestations payantes)<br />

et salle de fitness pour votre bien-être.<br />

Du nom <strong>du</strong> plus beau et <strong>du</strong> plus vénéré des temples<br />

de Bagan, l’Ananda est un somptueux bateau<br />

construit avec art et savoir-faire dans<br />

les chantiers navals de Rangoun en 2014.<br />

Restauration<br />

Chaque repas, petit déjeuner et déjeuner, seront composés<br />

de riches buffets et de plats chauds à la carte. Le soir venu, le<br />

personnel <strong>du</strong> restaurant aura le plaisir de vous accueillir pour<br />

le dîner servi à la carte, dans la salle à manger particulièrement<br />

élégante et confortable.<br />

Les personnels de salle à manger et <strong>du</strong> service de cabine, d’une<br />

amabilité extrême, sont majoritairement de nationalité birmane.<br />

Les cabines<br />

Les suites Deluxe d’une superficie de 27m 2 , sont situées sur<br />

les ponts Supérieur et Principal. Lits jumeaux qui peuvent être<br />

rapprochés.<br />

Les suites Luxury de 31m 2 se trouvent sur le pont Soleil. Lits<br />

jumeaux.<br />

La suite Aloungpaya de 67m 2 . Lit king size. Le large balcon<br />

privatif est aménagé avec une chaise longue pour des moments<br />

de contemplation. La salle de bain comporte une douche et une<br />

baignoire, des toilettes et une double vasque. Possibilité de<br />

dîner sur la terrasse privée.<br />

N° 1 / 2015<br />

092


8 e édition<br />

des<br />

rendez-vous<br />

Jeudi 15 octobre 2015<br />

de la<br />

CROISIÈRE .<br />

de 14h à 18h<br />

Hôtel InterContinental<br />

Paris le Grand, 2 rue Scribe<br />

Salons Berlioz, Bizet et Gounod<br />

Croisières francophones et culturelles<br />

5 % de<br />

ré<strong>du</strong>ction pour toute<br />

inscription effectuée sur<br />

place + 1 croisière<br />

à gagner par tirage<br />

au sort<br />

© Volt Collection<br />

L’équipe de Rivages <strong>du</strong> monde sera heureuse de vous accueillir afin de vous présenter ses<br />

croisières automne-hiver 2015/2016 et les nouvelles destinations 2016.<br />

Renseignements : infos@rivages<strong>du</strong>monde.fr


EMBARQUEZ<br />

Le Club Privilège<br />

Des services personnalisés, un interlocuteur exclusif et<br />

de petites attentions qui rendront votre expérience de<br />

voyage plus exceptionnelle encore… Le Club Privilège<br />

est un tout nouveau service destiné à la clientèle la plus<br />

fidèle de Rivages <strong>du</strong> monde. Parce que le lien qui s’établit<br />

avec le croisiériste est précieux, l’entreprise a souhaité<br />

rendre cette relation encore plus unique et <strong>du</strong>rable.<br />

Convaincue que la confiance ne s’acquiert qu’avec des<br />

preuves et sur la <strong>du</strong>rée !<br />

N° 1 / 2015<br />

094


tage report<br />

Logé dans un immeuble haussmannien cossu<br />

<strong>du</strong> 1 er arrondissement de Paris, à deux pas de la<br />

place Vendôme et <strong>du</strong> Palais Royal, un nouvel espace<br />

vient d’ouvrir ses portes : décoration épurée<br />

et contemporaine, surface spacieuse, moulures<br />

au plafond et fenêtres imposantes qui donnent<br />

sur la rue des Pyramides et l’avenue de l’Opéra…<br />

Le bureau privatif qui accueille les membres <strong>du</strong><br />

Club Privilège, un service de conciergerie de luxe<br />

pour l’offre de voyages Rivages <strong>du</strong> monde et pour<br />

ses clients les plus fidèles, affiche un caractère<br />

intimiste et chaleureux.<br />

Maria Faria Da Silva, spécialiste de longue date<br />

<strong>du</strong> voyage très haut de gamme, reçoit chaque<br />

nouveau membre autour d’une collation. Aujourd’hui,<br />

Pierre-François M., client depuis plusieurs<br />

années, souhaite offrir un voyage surmesure<br />

à sa femme. Ils fêteront dans quelques<br />

mois leurs noces de perle… Cap sur la Birmanie !<br />

La destination les fait rêver depuis longtemps et<br />

ils n’imaginent pas franchir ce nouveau cap sans<br />

marquer le coup : la croisière sur l’Irrawaddy,<br />

une extension sur le lac Inle bien sûr. Mais aussi<br />

le Laos.<br />

Maria connaît sur le bout des doigts la région,<br />

comme toutes celles d’ailleurs qui accueillent les<br />

croisières Rivages <strong>du</strong> monde. Et ça tombe bien.<br />

Elle se lève, fouille dans une pile de documents<br />

et sort une brochure qu’elle dépose sur la table<br />

basse. « Luang Prabang ! Vous devez absolument<br />

y aller. C’est l’un des plus beaux endroits au Laos<br />

et dans toute l’<strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong>. » Le client sourit,<br />

il n’y avait pas pensé.<br />

La discussion se poursuit, ils réfléchissent à<br />

d’autres options : VTC (voiture avec chauffeur)<br />

pour se rendre à l’aéroport, vol en classe affaires,<br />

guide personnel pour les excursions à terre, hôtels<br />

de charme, quelques jours de farniente sur<br />

les plages encore préservées <strong>du</strong> sud de la Birmanie,<br />

restaurant gastro à Rangoun avant leur départ...<br />

45 minutes plus tard, l’entretien se termine<br />

avec une poignée de mains chaleureuse et un<br />

échange de sourires confiants. Maria lui enverra<br />

d’ici quelques jours un document récapitulant les<br />

étapes de ce futur voyage d’exception qui <strong>du</strong>rera<br />

près d’un mois. Certaines demandes formulées<br />

nécessitent un minutieux travail de recherche.<br />

Comme Pierre-François M., les clients sont de plus<br />

en plus exigeants et nombreux à souhaiter un service<br />

personnalisé. L’expérience de voyage est en<br />

effet devenue un élément déterminant. Il ne s’agit<br />

plus de « faire » une destination, mais de vivre un<br />

moment unique. Fruit de cette nouvelle façon d’envisager<br />

la croisière et de la demande de flexibilité<br />

et d’adaptation, le Club Privilège entend accroître<br />

cette exigence en offrant à ses clients les plus fidèles<br />

(voir conditions en encadré) un lieu et une<br />

personne spécialement dédiés à cet effet.<br />

Une expérience unique<br />

Le Club s’envisage ainsi comme un service personnalisé<br />

qui s’adapte aux besoins de chaque client<br />

et qui l’accompagne dans toute la phase préparatoire<br />

de son voyage. Mais pas uniquement… Être<br />

membre <strong>du</strong> Club Privilège, c’est bénéficier également<br />

de nombreux avantages tels que des cadeaux,<br />

spécialement pensés pour rendre le voyage encore<br />

plus agréable. À bord, ce sont des attentions discrètes<br />

comme une place réservée au restaurant.<br />

Au retour, Maria recueille les impressions et les remarques,<br />

afin de satisfaire encore davantage les<br />

clients pour leur prochain départ. Une ligne téléphonique<br />

dédiée et directe est également mise en place<br />

pour ce service.<br />

Enfin, tout au long de l’année, le Club Privilège aura<br />

le plaisir de proposer des places ou des invitations<br />

à des événements culturels (opéra, concert, visite<br />

privée d’exposition), afin que l’évasion se prolonge<br />

au-delà des croisières Rivages <strong>du</strong> monde et afin de<br />

partager des moments uniques. Alors, prêts pour<br />

une expérience de voyage unique ?<br />

LE CLUB PRIVILÈGE<br />

Rivages <strong>du</strong> monde récompense ses clients<br />

directs les plus fidèles. Au-delà de trois<br />

croisières effectuées avec les bateaux Rivages<br />

<strong>du</strong> monde, vous accédez automatiquement au<br />

statut de membre <strong>du</strong> Club Privilège. Un courrier<br />

vous est alors personnellement adressé avec<br />

la pochette d’accueil explicative contenant votre<br />

carte de membre. Certains voyages particulièrement<br />

longs permettent également aux clients<br />

de faire partie <strong>du</strong> Club.<br />

EMBARQUEZ<br />

095 N° 1 / 2015


EMBARQUEZ<br />

TROIS-RIVIÈRES<br />

QUÉBEC<br />

LE TOUR DU MONDE<br />

DES CROISIÈRES RIVAGES DU MONDE<br />

CHUTES DU NIAGARA<br />

TORONTO<br />

LES CHUTES D’IGUAZÚ (extension)<br />

BUENOS AIRES<br />

USHUAÏA<br />

KINGSTON<br />

LAC ONTARIO<br />

PUERTO TORO<br />

CAP HORN<br />

DÉTROIT DE MAGELLAN<br />

MONTRÉAL<br />

OTTAWA<br />

FJORDS PATAGONIE<br />

PATAGONIE - CHILI - ARGENTINE<br />

PUNTA ARENAS<br />

SAINT-LAURENT - QUÉBEC - CANADA<br />

VALPARAISO<br />

SANTIAGO<br />

N° 1 / 2015<br />

096


EMBARQUEZ<br />

RANGOUN<br />

SALAY<br />

IRRAWADDY - BAGAN - BIRMANIE<br />

LAOS<br />

TEMPLES DE BAGAN<br />

PAKOKKU<br />

AMARAPURA<br />

MANDALAY<br />

HANOÏ (extension 1)<br />

HO-CHI-MINH-VILLE<br />

SADEC<br />

TAN CHAU<br />

OUDONG<br />

PHNOM PENH<br />

MÉKONG -CAMBODGE - VIET NAM<br />

MINGUN<br />

LAC INLE (extension)<br />

LA BAIE D’HALONG (extension 1)<br />

AUTOMNE - HIVER - PRINTEMPS<br />

2015-2016<br />

TEMPLES D’ANGKOR<br />

LUANG PRABANG (extension 2)<br />

CHUTES DE KUANGSI<br />

(extention 2)<br />

097 N° 1 / 2015


EMBARQUEZ<br />

CROISIÈRES RIVAGES DU MONDE<br />

Patagonie<br />

Croisière au cœur<br />

de paysages uniques<br />

Moments forts<br />

• Valparaiso<br />

• Glacier Pia<br />

• Cap Horn<br />

• Buenos Aires<br />

• Chutes d’Iguazú (extension en option)<br />

• Faune sauvage : dauphin de Peale,<br />

baleine à bosse, otarie, condor,<br />

manchot de Magellan,<br />

martin-pêcheur,<br />

albatros…<br />

Santiago – Buenos Aires<br />

et croisière en Patagonie<br />

14 jours / 13 nuits<br />

N° 1 / 2015<br />

098


CROISIÈRES RIVAGES DU MONDE<br />

EMBARQUEZ<br />

© prophoto14 / Shutterstock.com<br />

ESCAPADE<br />

aux chutes d’Iguazú<br />

En option après<br />

la croisière au cœur<br />

de paysages uniques<br />

3 jours / 2 nuits<br />

Les chutes d’Iguazú qui marquent la frontière<br />

entre le Brésil et l’Argentine sont en réalité<br />

un ensemble de 275 cascades réparties sur<br />

à peine 2,5 km de largeur. Cet écran géant<br />

d’eau bouillonnante s’étend au cœur d’une<br />

jungle tropicale particulièrement luxuriante.<br />

Vous visiterez deux parcs nationaux, l’un brésilien,<br />

l’autre argentin, afin d’appréhender les<br />

chutes de façons très différentes : vue panoramique<br />

d’un côté et proximité de l’autre,<br />

jusqu’à l’impressionnante « gorge <strong>du</strong> diable »<br />

qui tombe sur plus de 90 m de hauteur. Plusieurs<br />

circuits de passerelles sont aménagés<br />

au cœur de la forêt et permettent de s’approcher<br />

à seulement quelques mètres des<br />

chutes. Cette scénographie grandiose achèvera<br />

en beauté votre voyage aux sources des<br />

merveilles <strong>du</strong> monde.<br />

Valparaiso, Ushuaïa, le cap Horn… autant de noms évocateurs<br />

que vous découvrirez au cours de cette croisière.<br />

L’aventure commence face au Pacifique, à la rencontre des<br />

villes colorées de Santiago et de Valparaiso. Classée au patrimoine<br />

mondial de l’UNESCO, magnifiée par Pablo Neruda,<br />

cette dernière envoûte le visiteur. Ses funiculaires légendaires<br />

qui montent à l’assaut des collines, offrent des perspectives<br />

pleines de poésie.<br />

La navigation débute à Punta Arenas à bord <strong>du</strong> Via Australis.<br />

Ce bateau construit en 2005 offre un grand confort et des<br />

espaces intérieurs aménagés avec goût et élégance pour<br />

une capacité maximale de 128 passagers. Glaciers bleutés<br />

se jetant dans l’océan, fracas des packs de glace, majesté<br />

de la cordillère qui découpe l’horizon, compose l’infini labyrinthe<br />

de terres et d’eau, entre le détroit de Magellan et le<br />

canal de Beagle, face à l’extraordinaire nature antarctique.<br />

Des Zodiacs affrétés pour chaque excursion permettent de<br />

s’approcher des glaciers, d’observer au plus proche la danse<br />

incessante des baleines à bosse avec lesquelles semblent<br />

jouer les lions de mer, mais aussi de rejoindre les rives pour<br />

s’enfoncer à pieds au cœur des forêts luxuriantes et denses<br />

<strong>du</strong> détroit de Magellan. Après la traversée de la sublime<br />

« avenue des glaciers », la découverte de ce rocher mythique<br />

qu’est le cap Horn et une dernière escale à Ushuaïa, vous<br />

vous envolerez pour Buenos Aires. Des larges avenues bordées<br />

de jacarandas aux maisons colorées de La Boca, tout<br />

ici distille un art de vivre latin, un parfum d’ancien monde qui<br />

se danserait sur un air de tango. Vertigineux contraste !<br />

© Martin Bisof<br />

099 N° 1 / 2015


EMBARQUEZ<br />

CROISIÈRES RIVAGES DU MONDE<br />

Croisière sur<br />

le Saint-Laurent<br />

De Québec<br />

aux chutes <strong>du</strong> Niagara<br />

Québec – Trois-Rivières – Montréal – Toronto – Chutes <strong>du</strong> Niagara<br />

11 jours / 10 nuits<br />

© Songquan Deng<br />

Laissez-vous surprendre<br />

par la beauté pure et<br />

sauvage des paysages<br />

qu’offrent le Saint-Laurent<br />

et le lac Ontario. Des paysages<br />

extraordinaires, des<br />

sites uniques au monde et<br />

des forêts d’érables couleur<br />

de feu se détachant<br />

<strong>du</strong> fond vert des résineux<br />

offrent des contrastes sublimes.<br />

Vous embarquerez à bord<br />

<strong>du</strong> M/V Saint-Laurent<br />

Prestige, un bateau haut<br />

de gamme à l’élégance<br />

classique qui a été rénové<br />

en 2014. Spacieux, d’une<br />

capacité de 216 passagers,<br />

ce petit paquebot<br />

dispose d’équipements<br />

luxueux et confortables. La<br />

navigation vous emmènera<br />

dans la splendide région<br />

des Mille-Îles, un archipel<br />

de plus de 1 800 îles, véritable<br />

jardin lacustre entre<br />

le Canada et les États-<br />

Unis.<br />

Une autre merveille vous<br />

attend : les chutes <strong>du</strong> Niagara.<br />

Frissons garantis !<br />

Sur les rives <strong>du</strong> lac<br />

Ontario se dessine la célèbre<br />

skyline de Toronto,<br />

la plus grande ville <strong>du</strong><br />

Canada. Ses quartiers<br />

pittoresques aux façades<br />

de couleurs, ses boutiques<br />

à la mode, sa tour<br />

CN qui culmine à plus de<br />

550 m vous convaincront<br />

de la vitalité toute américaine<br />

de la ville.<br />

Montréal n’est pas en reste !<br />

Gratte-ciels et petites<br />

maisons aux escaliers en<br />

fer forgé, parcs immenses<br />

où sautent les écureuils,<br />

le quartier <strong>du</strong> Plateau et<br />

le Mont-Royal d’où l’on<br />

admire l’une des vues les<br />

plus spectaculaires sur la<br />

ville et le Saint-Laurent.<br />

Enfin Québec, la seule<br />

ville fortifiée d’Amérique<br />

<strong>du</strong> Nord, a fière allure, perchée<br />

au sommet d’une falaise<br />

dominée par le monumental<br />

château Frontenac.<br />

Véritable coup de cœur<br />

pour celle qui fut la capitale<br />

de la Nouvelle-France,<br />

à la rencontre de l’éclatante<br />

joie de vivre de nos<br />

cousins francophones.<br />

Moments forts<br />

• Québec<br />

• Montréal<br />

• Toronto<br />

• Les Mille-Îles<br />

• Chutes <strong>du</strong> Niagara<br />

• Paysages de nature<br />

grandioses<br />

N° 1 / 2015<br />

100


CROISIÈRES RIVAGES DU MONDE<br />

EMBARQUEZ<br />

© Mong Multiply<br />

Au fil <strong>du</strong> Mékong<br />

Angkor – Phnom Penh – Saïgon<br />

13 jours / 12 nuits<br />

Moments forts<br />

• Temples d’Angkor<br />

• Oudong<br />

• Phnom Penh<br />

• Kampong Tralach<br />

• Sadec<br />

• Luang Prabang Laos (extension<br />

en option voir page 102)<br />

• La baie d’Halong (extension<br />

en option voir page 103)<br />

Le Mékong, fleuve nourricier, fleuve sacré, a su préserver les traces grandioses<br />

de ses royaumes et les traditions de ses religions qui, de l’hindouisme<br />

au bouddhisme, ont érigé un art majeur que vous allez découvrir à bord <strong>du</strong><br />

Mékong Prestige, un petit bateau de grand confort et intimiste avec seulement<br />

32 cabines. Les visites se succèdent alors au gré des marchés flottants, des<br />

ateliers, des fabriques artisanales et des temples. Naviguer de Siem Reap à<br />

Saïgon, c’est partir à la rencontre des anciens royaumes khmers et de leurs<br />

sept capitales successives. Deux jours sont consacrés à la découverte de<br />

l’exceptionnel site archéologique d’Angkor enfoui dans la végétation tropicale.<br />

Le bateau se dirige ensuite vers le plus vaste delta <strong>du</strong> monde jusqu’à Saïgon<br />

et son effervescence, métropole dont subsistent quelques merveilleux spécimens<br />

d’architecture coloniale et des marchés typiques.<br />

Au Vietnam comme au Cambodge, la vie intense des villes et villages, pour<br />

certains flottants, est une expérience sensorielle forte. L’extraordinaire élan<br />

de modernité se fraye un passage à travers les traditions ancestrales, les<br />

cultes, les superstitions, la profusion des aliments, les commerces les plus<br />

étonnants, le va-et-vient incessant des deux roues ou des barques… Une<br />

fresque colorée d’un monde qui se réveille après une histoire récente tragique<br />

et douloureuse. Le Mékong est un fleuve-roi, dont vous traverserez des univers<br />

si différents.<br />

101 N° 1 / 2015


EMBARQUEZ<br />

CROISIÈRES RIVAGES DU MONDE<br />

ESCAPADE<br />

Hanoï et la baie d’Halong<br />

© Jayspy<br />

En option après<br />

la croisière<br />

Au fil <strong>du</strong> Mékong<br />

4 jours / 3 nuits<br />

Au cours de cette extension, vous découvrirez deux images incontournables <strong>du</strong> Vietnam : la<br />

sublime baie d’Halong et la capitale Hanoï. Plus sereine et pittoresque que Saïgon, ses lacs<br />

et ses parcs magnifiques se conjuguent au charme de ses vieux quartiers où se concentre<br />

un patrimoine colonial incomparable.<br />

À 170 km à l’est de la capitale <strong>du</strong> Nord, dans le golfe <strong>du</strong> Tonkin, la baie d’Halong est sans<br />

conteste l’une des plus belles cartes postales de l’<strong>Asie</strong>. À bord <strong>du</strong> M/S Paradise, un magnifique<br />

bateau de style impérial aux services ultramodernes, on navigue entre les pitons<br />

rocheux. Ce site naturel, véritable parenthèse aussi atemporelle qu’enchanteresse, s’étire sur<br />

1 500 km 2 environ et comprend plus de 3 000 îles et îlets aux reliefs karstiques recouverts de<br />

végétation et creusés de grottes merveilleuses. Il révèle un univers marin unique au monde<br />

et classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Un moment de grâce et de toute beauté !<br />

N° 1 / 2015<br />

102


CROISIÈRES RIVAGES DU MONDE<br />

EMBARQUEZ<br />

ESCAPADE<br />

Les trésors <strong>du</strong> Laos<br />

En option après<br />

la croisière<br />

Au fil <strong>du</strong> Mékong<br />

4 jours / 3 nuits<br />

Le Laos est le troisième pays traversé par le Mékong. À<br />

l’instar <strong>du</strong> Cambodge, c’est un pays où le bouddhisme<br />

theravada rythme les vies au quotidien. Le pays conserve<br />

encore ses traditions ainsi qu’une richesse d’âme exceptionnelle<br />

et se compose de très nombreuses minorités<br />

ethniques qui ont su garder leur culture et leurs costumes<br />

traditionnels. De Luang Prabang, l’ancienne capitale<br />

royale, la ville au Bouddha d’or, classée au patrimoine<br />

mondial de l’UNESCO d’où se dégage une atmosphère<br />

harmonieuse et presque hors <strong>du</strong> temps, aux superbes<br />

paysages de forêt dense et de montagnes, <strong>du</strong> Mékong<br />

à la rivière Name Khan, le royaume <strong>du</strong> million d’éléphants<br />

dévoile avec sagesse ses traditions bouddhistes et les<br />

sourires de ses multiples ethnies. Moment inoubliable,<br />

les chutes de Kuangsi et leurs cascades qui creusent<br />

des petits bassins de couleur turquoise.<br />

© Yojik<br />

© lkunl<br />

103 N° 1 / 2015


EMBARQUEZ<br />

CROISIÈRES RIVAGES DU MONDE<br />

Croisière<br />

sur l’Irrawaddy<br />

Au cœur de la civilisation birmane<br />

Rangoun – Bagan - Mandalay<br />

12 jours / 11 nuits<br />

Moments forts<br />

• Temples de Bagan<br />

• Mandalay<br />

• Coucher de soleil<br />

sur le pont d’Amarapura<br />

• Survol en montgolfière des temples<br />

de Bagan (en option)<br />

• Le lac Inle (extension en option<br />

voir page 105)<br />

L’Irrawaddy compte parmi les plus grands fleuves navigables<br />

d’<strong>Asie</strong> <strong>du</strong> <strong>Sud</strong>-<strong>Est</strong>. Il prend sa source dans l’Himalaya et se<br />

jette dans le golfe <strong>du</strong> Bengale après 2 200 km. Lien essentiel<br />

entre le nord et le sud <strong>du</strong> pays, la plupart des capitales<br />

royales de Birmanie s’édifièrent sur ses rives, déplacées et<br />

reconstruites au gré des conquêtes, des guerres et des astrologues<br />

royaux. Le fleuve est donc la voie la plus naturelle<br />

pour pénétrer ces contrées mythiques. La beauté de ses<br />

rives, ponctuées de monastères – il en existe dit-on plus de<br />

50 000 en Birmanie – en fait un espace de rêve.<br />

Vous naviguerez à bord de l’Ananda dans un environnement<br />

fluvial immense et intemporel dont le calme contraste avec<br />

l’incroyable vitalité des escales. Construit en 2014, ce bateau<br />

est un véritable hôtel flottant de grand luxe, largement<br />

ouvert sur le fleuve. Intimiste et néanmoins très spacieux, il<br />

peut accueillir 42 passagers auxquels il offre un très grand<br />

confort et des espaces propices à l’observation des rives de<br />

l’Irrawaddy pour profiter des somptueux paysages.<br />

Un coucher de soleil sur les temples de Bagan, les toits dorés<br />

des pagodes, les tissus séchant sur les berges, les enfants<br />

qui courent au bord de l’eau, les fines barques des pécheurs,<br />

des villages où la vie s’écoule comme il y a 1000 ans…<br />

L’Irrawaddy envoûte quiconque navigue sur ses eaux sereines.<br />

Derrière cette lumière soyeuse, le peuple de Bouddha respire<br />

la sagesse et la sérénité. Un contraste fascinant s’opère<br />

avec les grandes villes : Mandalay et Rangoun surprennent<br />

par leur énergie, leurs marchés, leurs moines innombrables,<br />

leur richesse architecturale… Vous irez à la rencontre de ce<br />

peuple si hospitalier, dont l’ouverture récente au tourisme révèle<br />

des richesses culturelles et humaines surprenantes.<br />

N° 1 / 2015<br />

104


CROISIÈRES RIVAGES DU MONDE<br />

EMBARQUEZ<br />

ESCAPADE<br />

Le lac Inle<br />

En option après la croisière en Birmanie<br />

3 jours / 2 nuits<br />

Ce grand lac aux eaux calmes de 22 km de<br />

long et 11 km de large, prolongé par de nombreux<br />

marais, constitue un écosystème réputé<br />

pour ses pêcheurs et ses agriculteurs. Ils<br />

y cultivent fleurs, tomates, courges et autres<br />

fruits sur de petits treillis à fleur d’eau formant<br />

autant de tapis de végétation flottante. Une<br />

atmosphère irréelle se dégage de ces lieux<br />

où le temps semble comme aboli.<br />

Comment ne pas tomber sous le charme<br />

inouï de ces paysages de rêve et de ce<br />

peuple merveilleux… La nature et les traditions<br />

qui s’y rattachent créent sur le lac Inle<br />

un monde à part, une sorte de paradis où tout<br />

semble pouvoir pousser et se récolter au gré<br />

des jardins flottants. Ce labyrinthe lacustre,<br />

ponctué de villages dont les maisons en teck<br />

se dressent sur de hauts pilotis, se parcourt<br />

en bateau. À bord d’une barque traditionnelle<br />

à fond plat, vous pourrez observer des<br />

scènes de la vie quotidienne typique : debout<br />

sur leur embarcation, les pêcheurs capturent<br />

des bancs de poissons à l’aide d’une<br />

nasse et d’un trident. Les habitants vivent ici<br />

en autosuffisance grâce à la générosité de<br />

la nature : un véritable jardin d’Eden. Entrez<br />

dans un coin de paradis !<br />

BAGAN, LA VILLE SACRÉE<br />

C’est l’un des plus vastes sites religieux<br />

<strong>du</strong> monde : la plaine, parsemée<br />

de quelque 2 000 temples<br />

et pagodes, inspire respect et<br />

admiration. Vous aurez l’occasion<br />

de visiter les temples les plus importants<br />

dont beaucoup remontent<br />

au XI e siècle. Une promenade en<br />

calèche traditionnelle permet de<br />

relier les temples d’une façon originale,<br />

singulière et qui ne manque<br />

pas de charme. Pour prendre un<br />

peu plus de hauteur, le survol à<br />

l’aube en montgolfière des temples<br />

est une expérience à couper le<br />

souffle (en option) pour envisager<br />

la beauté grandiose <strong>du</strong> site dans<br />

toute son immensité. Moments magiques<br />

et inoubliables !<br />

© nattanan726<br />

105 N° 1 / 2015


DESTINATIONS FLUVIALES 2015-2016 : DESTINATIONS MARITIMES 2016 :<br />

AU FIL DU SAINT-LAURENT<br />

À BORD DU M/V SAINT-LAURENT<br />

PRESTIGE<br />

Du 24 mai au 03 juin 2016<br />

Du 02 au 12 juin 2016<br />

Du 11 au 21 juin 2016<br />

Du 20 au 30 juin 2016<br />

Du 29 juin au 09 juillet 2016<br />

Du 31 août au 10 septembre 2016<br />

Du 09 au 19 septembre 2016<br />

Du 18 au 28 septembre 2016<br />

Du 27 septembre au 07 octobre 2016<br />

Du 06 au 16 octobre 2016<br />

AU FIL DU DANUBE<br />

À BORD DU M/S AMADEUS<br />

BRILLIANT OU ELEGANT<br />

SENS BUCAREST-MUNICH<br />

<strong>du</strong> 19 au 30 mai 2016<br />

<strong>du</strong> 24 mai au 04 juin 2016<br />

<strong>du</strong> 10 au 21 juin 2016<br />

<strong>du</strong> 15 au 26 juin 2016<br />

<strong>du</strong> 19 au 30 septembre 2016<br />

<strong>du</strong> 25 septembre au 06 octobre 2016<br />

SENS MUNICH-BUCAREST<br />

<strong>du</strong> 08 au 19 mai 2016<br />

<strong>du</strong> 13 au 24 mai 2016<br />

<strong>du</strong> 30 mai au 10 juin 2016<br />

<strong>du</strong> 04 au 15 juin 2016<br />

<strong>du</strong> 08 au 19 septembre 2016<br />

<strong>du</strong> 14 au 25 septembre 2016<br />

LE DANUBE MUSICAL<br />

À BORD DU M/S AMADEUS ROYAL<br />

SENS MUNICH-BUDAPEST<br />

<strong>du</strong> 31 mai au 07 juin 2016<br />

<strong>du</strong> 14 au 21 juin 2016<br />

<strong>du</strong> 08 au 15 septembre 2016<br />

<strong>du</strong> 22 au 29 septembre 2016<br />

SENS BUDAPEST-MUNICH<br />

<strong>du</strong> 07 au 14 juin 2016<br />

<strong>du</strong> 21 au 28 juin 2016<br />

<strong>du</strong> 15 au 22 septembre 2016<br />

<strong>du</strong> 29 septembre au 06 octobre 2016<br />

JOYAUX DE RUSSIE<br />

À BORD DU M/S KANDINSKY<br />

PRESTIGE<br />

SENS MOSCOU-ST PETERSBOURG<br />

Du 18 au 28 mai 2016<br />

Du 07 au 17 juin 2016<br />

Du 27 juin au 07 juillet 2016<br />

Du 17 au 27 juillet 2016<br />

Du 06 au 16 août 2016<br />

Du 26 août au 05 septembre 2016<br />

Du 15 au 25 septembre 2016<br />

SENS ST PETERSBOURG-MOSCOU<br />

Du 28 mai au 07 juin 2016<br />

Du 17 au 27 juin 2016<br />

Du 07 au 17 juillet 2016<br />

Du 27 juillet au 06 août 2016<br />

Du 16 au 26 aout 2016<br />

Du 05 au 15 septembre 2016<br />

CROISIÈRE EN CHINE<br />

SUR LE YANG TSÉ<br />

À BORD DU M/S YANGZI EXPLORER<br />

Du 26 mars au 09 avril 2016<br />

ENTRE MYTHES & LEGENDES<br />

CROISIÈRES DANS LES HIGHLANDS<br />

D’ECOSSE<br />

À BORD DU M/V LORD OF THE<br />

GLENS<br />

Du 16 au 23 mai 2016<br />

Du 19 au 26 septembre 2016<br />

L’OR DU DOURO<br />

À BORD DU M/S DOURO CRUISER<br />

Du 10 au 17 juillet 2016<br />

DE LA BOHÈME À LA SAXE<br />

À BORD DU M/S FLORENTINA<br />

Du 08 au 16 juin 2016<br />

Du 14 au 22 septembre 2016<br />

SANTIAGO, BUENOS AIRES ET<br />

CROISIÈRE EN PATAGONIE<br />

À BORD DU M/N VIA AUSTRALIS<br />

<strong>du</strong> 12 au 25 janvier 2016<br />

<strong>du</strong> 23 février au 07 mars 2016<br />

<strong>du</strong> 22 mars au 04 avril 2016<br />

CROISIÈRE AU FIL DU MÉKONG<br />

À BORD DU R/V MEKONG PRESTIGE<br />

DE SAÏGON AUX TEMPLES<br />

D’ANGKOR<br />

Du 29 septembre au 11 octobre 2015<br />

Du 13 au 25 octobre 2015<br />

Du 27 octobre au 08 novembre 2015<br />

Du 10 au 22 novembre 2015<br />

Du 24 novembre au 06 décembre 2015<br />

Du 08 au 20 décembre 2015<br />

Du 22 décembre 2015 au 03 janvier 2016<br />

Du 05 au 17 janvier 2016<br />

Du 19 au 31 janvier 2016<br />

Du 02 au 14 février 2016<br />

Du 16 au 28 février 2016<br />

Du 01 au 13 mars 2016<br />

Du 15 au 27 mars 2016<br />

Du 29 mars au 10 avril 2016<br />

DES TEMPLES D’ANGKOR À SAÏGON<br />

Du 05 au 17 octobre 2015<br />

Du 19 au 31 octobre 2015<br />

Du 02 au 14 novembre 2015<br />

Du 16 au 28 novembre 2015<br />

Du 30 novembre au 12 décembre 2015<br />

Du 14 au 26 décembre 2015<br />

Du 28 décembre 2015 au 9 janvier 2016<br />

Du 11 au 23 janvier 2016<br />

Du 25 janvier au 06 février 2016<br />

Du 08 au 20 février 2016<br />

Du 22 février au 05 mars 2016<br />

Du 07 au 19 mars 2016<br />

Du 21 mars au 02 avril 2016<br />

Du 04 au 16 avril 2016<br />

CROISIÈRE AU CŒUR<br />

DE LA BIRMANIE<br />

À BORD DU R/V ANANDA<br />

DE MANDALAY À BAGAN<br />

Du 06 au 17 janvier 2016<br />

Du 10 au 21 février 2016<br />

DE BAGAN À MANDALAY<br />

Du 22 septembre au 03 décembre 2015<br />

Du 11 au 19 mai 2016<br />

Tour d’Irlande<br />

9 jours/8 nuits<br />

Du 19 au 29 mai 2016<br />

Îles Britanniques<br />

11 jours/10 nuits<br />

Du 29 mai au 05 juin 2016<br />

Fjords <strong>du</strong> sud de la Norvège<br />

8 jours/7 nuits<br />

Du 05 au 15 juin 2016<br />

Îles Britanniques<br />

11 jours/10 nuits<br />

Du 15 au 28 juin 2016<br />

Baltique<br />

14 jours/13 nuits<br />

Du 28 juin au 07 juillet 2016<br />

Norvège<br />

10 jours/9 nuits<br />

Du 07 au 15 juillet 2016<br />

Grand Nord russe<br />

9 jours/8 nuits<br />

Du 15 au 25 juillet 2016<br />

Spitzberg et îles Lofoten<br />

11 jours/10 nuits<br />

Du 25 juillet au 03 août 2016<br />

Cap sur l’Islande<br />

10 jours/9 nuits<br />

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Odysée grecque<br />

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Sur les traces de Saint Paul<br />

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À Buenos Aires, la musique et la danse sont omniprésentes. Le tango surtout.<br />

Il permet de réunir notamment sur les mêmes planches toutes les générations qui s’essaient<br />

à quelques pas de danse. Ici à La Catedral, lieu phare pour voir et apprendre le tango, situé<br />

dans le quartier Almagro.


BIRMANIE<br />

Le lac Inle<br />

Bagan et la laque<br />

CAMBODGE<br />

La pagode de Kampong Tralach<br />

Phnom Penh<br />

CANADA<br />

Les chutes <strong>du</strong> Niagara<br />

La ville de Québec<br />

CHILI<br />

Valparaiso, mythe poétique<br />

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Sadec, joyau floral <strong>du</strong> delta

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