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passages - Pro Helvetia

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Table des matières<br />

Florian Coulmas 02 Le Japon, empire des signes?<br />

A propos de malentendus féconds<br />

Michael Vonplon 06 Chine after-hour<br />

La culture club à Pékin et Shanghai<br />

Eduard Klopfenstein 12 Haïkus croisés<br />

Shun Suzuki et Beat Brechbühl –<br />

chronique d’une amitié littéraire<br />

Xenia Tetmajer von Przerwa 16 Collectionneurs, commissaires et commentateurs<br />

L’art contemporain chinois en Suisse<br />

Qiu Jie 20 Miaou ou Mao?<br />

Cinq pas de la longue marche sur le boulevard<br />

de l’art<br />

Urs Schoettli 21 Patrie de Heidi, mais encore?<br />

L’image de la Suisse au Japon et en Chine<br />

Nadine Olonetzky 27 Regards sur un parent lointain<br />

Le Japon dans les images de photographes suisses<br />

Sabine Wen-Ching Wang 30 Chambre d’enfant, terre inconnue<br />

Aux sources de l’écriture<br />

Tom Gsteiger 34 Ritual Groove Music<br />

Entretien avec le compositeur et pianiste<br />

zurichois Nik Bärtsch<br />

Hubertus Adam 38 Le chant des sirènes asiatiques<br />

Architectes suisses en Extrême-Orient<br />

Kaori Takigawa 42 Entre Tokyo et le Tessin<br />

Portrait de Aoi Huber-Kono, stylicienne<br />

Michael Krohn 46 Shanghai – Zurich 04<br />

Un échange interculturel entre futurs designers<br />

<strong>passages</strong><br />

p a s s a g e n<br />

Reportage photographique<br />

Nuits de Chine<br />

Michael Vonplon & Zhang Youdai<br />

La Fondation suisse pour la culture <strong>Pro</strong> <strong>Helvetia</strong> encourage l’art et la culture en Suisse, ainsi que les échanges culturels dans le pays<br />

même et avec l’étranger. Par son activité, elle soutient une Suisse culturelle diverse, actuelle et ouverte.<br />

Passages/Passagen, le magazine culturel de <strong>Pro</strong> <strong>Helvetia</strong>, paraît trois fois par an, en français, allemand et anglais. Il est disponible<br />

auprès des représentations diplomatiques de Suisse à l’étranger, au Centre culturel suisse, 32, rue des Francs-Bourgeois,<br />

75003 Paris (pour la France uniquement) ou encore auprès de l’éditeur, <strong>Pro</strong> <strong>Helvetia</strong>, Communication, Case postale, CH-8024 Zurich,<br />

tél. + 41 44 267 71 71, fax + 41 44 267 71 06, e-mail: alangenbacher@pro-helvetia.ch. Distribué en Suisse au prix de Fr. 12.50 le numéro ou<br />

Fr. 35.- l’abonnement annuel (http://www.pro-helvetia.ch).<br />

39<br />

1


Le Japon, empire des signes? A propos de malentendus féconds<br />

Florian Coulmas<br />

2<br />

À l’époque de la globalisation, où tout est ouvert et libre (circulation des marchandises, des capitaux, des pensées<br />

et des images), où les jeunes tombent d’accord d’un bout à l’autre du monde sur ce qui est cool, les formules<br />

opposant un «nous» à un «eux, les autres» ne jouent-elles plus aucun rôle? L’idée est sympathique, mais d’après le<br />

japanologue Florian Coulmas, qui enseigne à Tokyo, il ne faut guère s’y fier ❙<br />

Rien de tel que les petites différences pour perpétuer<br />

ou rafraîchir les grandes généralisations et<br />

les grands préjugés! Ceux-ci nous guettent partout,<br />

et il est bien difficile de les éviter. La tête la<br />

première, nous fonçons dans le monde, et nous<br />

tentons de faire que ce que nous voyons rime à<br />

quelque chose; quand ça ne veut pas rimer, alors<br />

nous le réduisons quand même à notre mesure,<br />

car d’une manière ou d’une autre nous devons<br />

créer un ordre ou tout au moins dégager une<br />

orientation dans le flux des informations qui nous<br />

envahit sans relâche. Bien sûr, l’ordre se trouve<br />

plus souvent dans l’œil de l’observateur que dans<br />

l’objet considéré. Le méridien zéro passe par Londres.<br />

L’étalon du mètre est à Paris. L’an 2000 a été<br />

fêté partout, parce qu’il se trouve que le point de<br />

référence chrétien du comput occidental a pu<br />

s’imposer au reste du monde.<br />

Par une chaude journée d’été, je cheminais dans<br />

le parc du Musée Nezu de Tokyo, en compagnie<br />

de Daniel Schmid.<br />

«Roland Barthes avait raison», dit-il, tout en observant<br />

pensivement un écriteau sur le bord du<br />

chemin. «Ici, on vit dans l’empire des signes».<br />

Je le ramenai sur terre: «Il est écrit: ‹Interdiction de<br />

fumer›», lui dis-je. «Rien de mystérieux là-dedans».<br />

Lorsque nous sommes interpellés par des inscriptions<br />

comme «Hydrant», «Fermeture hebdomadaire»<br />

ou «Avenue de la Gare», nous n’en concluons<br />

pas immanquablement que nous vivons<br />

«dans l’empire des signes». La «signitude» des signes<br />

nous apparaît davantage quand ceux-ci sont<br />

inhabituels. Un peu de distance change la perspective.<br />

Roland Barthes, le sémioticien, voyait des signes<br />

partout, et Daniel Schmid, le cinéaste, lui emboîtait<br />

le pas, parce que cette vision correspondait à<br />

la sienne. C’est une façon d’appréhender les choses.<br />

Sur cette base, Barthes écrivit un livre original:<br />

L’Empire des Signes. Et Daniel Schmid tourna<br />

un film splendide, Le visage écrit. Mais ce livre et<br />

ce film ont-ils quelque chose à voir avec le Japon?<br />

De grandioses malentendus, voilà comment je les<br />

décrirais tous les deux. Car que disent-ils sur le<br />

Japon, sur la culture japonaise? Rien, absolument<br />

rien du tout. Ils disent quelque chose sur Roland<br />

Barthes et Daniel Schmid, et sur la vision du<br />

monde de Barthes et de Schmid. Par hasard, leur<br />

chemin les a conduits au Japon, où ils trouvèrent<br />

ce monde qu’ils ont fait rimer avec eux. Ils l’ont<br />

fait avec brio. Mais voilà, leur propos prend son<br />

autonomie: qu’ils le veuillent ou non, il en est<br />

sorti un «livre sur le Japon», un «film sur le théâtre<br />

kabuki».<br />

À coup sûr, ni l’un ni l’autre ne voulait cela. C’est<br />

pourquoi, à la manière d’un auteur affirmant que<br />

toute ressemblance de ses personnages avec des<br />

êtres vivants serait l’effet du pur hasard, Barthes<br />

a parlé d’un pays imaginaire, «loin, très loin», qu’il<br />

a nommé «Japon» sans prétendre pour autant<br />

compromettre un pays véritable. Daniel Schmid,<br />

lui, a répété à maintes reprises qu’il n’avait pas<br />

tourné de film sur le kabuki, encore moins sur le<br />

Japon, mais que dans quelques théâtres japonais,<br />

et avec l’aide de Tamasaburo Bando, il avait dé-


couvert des formes de la poésie. Pour tous ceux<br />

qui se mettent à écrire un livre ou à tourner un<br />

film sur le Japon, il en va plus ou moins de même.<br />

Croire qu’ils puissent dire quelque chose de durable<br />

sur «la» culture des autres, c’est un malentendu.<br />

Nous ne voyons que des extraits du réel,<br />

fortuits et limités, mais les surreprésentations ou<br />

les caricatures qui en résultent sont souvent vendues,<br />

contre notre volonté, comme des représentations<br />

fiables. (Et qu’elles soient vendues, qu’elles<br />

doivent être vendables est la raison principale<br />

de cet état de choses. Le commerce est l’ennemi<br />

de la nuance). En sens inverse, lorsque des Japonais<br />

vont en Europe, et racontent ce qu’ils ont<br />

vu, il se passe quelque chose de comparable, pas<br />

exactement la même chose, cependant. Les exemples<br />

ne manquent pas.<br />

Pensons à Natsume Soseki, le grand romancier,<br />

qui a raconté l’irruption du mode de vie occidental<br />

dans celui du Japon, en adoptant le point de<br />

vue d’un chat. Sa relation avec la culture occidentale<br />

fut intense, mais pas particulièrement réjouissante.<br />

Durant les deux ans qu’il passa à Londres,<br />

il se sentit, selon son propre témoignage,<br />

comme «un chien vagabond parmi les loups».<br />

«Nous sommes des paysans mal dégrossis, des<br />

provinciaux, de stupides singes des montagnes, de<br />

mystérieux nabots couleur de terre; c’est pourquoi<br />

l’on conçoit aisément que les Européens<br />

nous méprisent. Ils ne connaissent pas le Japon,<br />

ne s’intéressent nullement au Japon, par conséquent<br />

ils ne nous respecteront pas, ni ne nous aimeront<br />

(même si nous méritons leur intérêt et<br />

leur respect) tant qu’ils ne prendront pas le temps<br />

d’apprendre à connaître notre pays, et qu’ils n’auront<br />

pas d’yeux pour nous voir».<br />

Ainsi s’exprimait Soseki voilà une centaine d’années.<br />

Dans beaucoup de ses textes on sent que<br />

«la» façon de vivre occidentale éveille chez lui<br />

plus qu’un léger scepticisme. La pensée de la li-<br />

berté, dont l’importation, de l’Occident, était<br />

alors un thème important pour les intellectuels, il<br />

la considérait avec des sentiments partagés; il déplorait<br />

en effet qu’elle dissimulât les contraintes<br />

inévitables de la non-liberté. Qui rejetterait cet<br />

argument sans autre forme de procès? La liberté<br />

délivre du souci d’obéir aux prescriptions, et mérite<br />

à ce titre d’être recherchée. Mais si l’on n’est<br />

pas disposé à associer à cette liberté le risque de<br />

la licence, on est souvent soumis à des contraintes<br />

plus pénibles que celles de la tradition.<br />

«La liberté, c’est comme ça, c’est aussi le désordre».<br />

Tel fut le commentaire du secrétaire américain<br />

à la Défense lorsque les pionniers de la liberté<br />

mitraillèrent les musées de Bagdad en 2003, et<br />

les virent piller sans intervenir. Ce qui était détruit<br />

là, ce n’était que la culture des autres. Mais<br />

ce qu’il importait de souligner alors, c’est que les<br />

fanatiques fondamentalistes, qui avaient fait sauter<br />

en Afghanistan les grandes statues de Bouddha,<br />

étaient des barbares, totalement ignorants<br />

de la liberté religieuse.<br />

Soseki a-t-il eu raison d’être pessimiste sur le Japon<br />

de son temps, qui évoluait sous l’impulsion<br />

de l’Occident, pour ne pas dire sous sa contrainte?<br />

À certains égards, sûrement. Townsend Harris,<br />

le premier ambassadeur américain au Japon,<br />

traitait les Japonais de «plus grands menteurs du<br />

monde». Sans doute, en leur présence, il prenait<br />

un autre ton; il voulait tout de même – au profit<br />

de son propre pays – leur vendre la civilisation.<br />

«Le Président», leur annonçait-il, «considère les<br />

Japonais comme un peuple valeureux. Dans la<br />

guerre, le courage est certainement tout à fait nécessaire,<br />

mais il est moins important que la technique.<br />

Le courage sans la technique ne mérite<br />

pas une très grande estime. En temps de guerre,<br />

le plus important, ce sont les bateaux à vapeur et<br />

les armes modernes».<br />

Heinrich Schliemann, globe-trotter qui vénérait<br />

la culture des anciens Hellènes, qualifiait à la<br />

3


4<br />

même époque le Japon de «pays le plus cultivé du<br />

monde». Cependant, avouait-il, il ne pouvait pas<br />

comprendre «comment le sens de la pureté et de<br />

la propreté pouvait exister dans un peuple où les<br />

deux sexes utilisaient les mêmes bains publics».<br />

Il constatait avec admiration qu’au Japon il n’existait<br />

aucun homme et aucune femme qui ne sût ni<br />

lire ni écrire, mais il n’en arrivait pas moins à la<br />

conclusion que «les» Japonais, dans les choses de<br />

l’esprit, «étaient tout sauf civilisés».<br />

Le juriste allemand Georg Michaelis, qui séjourna<br />

au Japon de 1885 à 1889, attestait que «les» Japonais<br />

étaient à la fois d’une grande politesse et<br />

«prodigieusement mal dégrossis». Il se félicitait<br />

que nombre d’entre eux fussent «déjà européens»<br />

mais se plaignait en revanche que «le commun du<br />

peuple fût encore attaché à ses superstitions».<br />

Ce sont là trois exemples parmi beaucoup d’autres.<br />

Harris, Schliemann et Michaelis étaient des<br />

hommes très instruits, ils avaient beaucoup voyagé<br />

et ils étaient entraînés à collecter et à exploiter<br />

les informations nouvelles. Harris fut le fondateur<br />

de la Free Academy, qui devint plus tard le<br />

City College de New York. Michaelis était encore<br />

jeune, mais ce juriste distingué appartenait à<br />

l’élite prussienne. Plus tard, il fut brièvement<br />

chancelier du Reich. Et Schliemann, qui unissait à<br />

la soif de savoir des qualités de hardiesse, de confiance<br />

en soi et de ténacité, devint un héros intellectuel<br />

pour plusieurs générations. Tous trois connaissaient<br />

le Japon de première main. Ils étaient<br />

bons observateurs. Et pourtant, ils ne furent pas<br />

immunisés contre l’arrogance de l’homme blanc,<br />

alors parfaitement normale. Dans leurs écrits, ils<br />

n’ont jamais fini de s’étonner qu’en dehors du<br />

monde civilisé, c’est-à-dire, pour eux, le monde<br />

chrétien, il puisse y avoir autre chose que des<br />

barbares.<br />

De vieilles histoires, tout cela? Mais pourquoi<br />

un groupe pop japonais se nomme-t-il les Yellow<br />

Monkeys? N’est-ce pas une provocation ironique,<br />

qui rappelle les tropes du style «péril jaune»? Ces<br />

tropes ont disparu de notre langage actuel, politiquement<br />

correct; plus personne ne veut s’en souvenir.<br />

Mais ils ne sont pas oubliés, et peuvent à<br />

tout instant retrouver une nouvelle vie. Il n’y a<br />

d’histoire qu’au présent. Même si les détails ne<br />

sont plus là et si la situation qui prévaut n’est<br />

plus la même, l’écho du passé n’est pas encore<br />

dissipé et rend difficile un dialogue à hauteur<br />

d’homme. Le Japon n’a échappé que d’un cheveu<br />

au destin de la colonisation; il a été contraint,<br />

comme d’autres pays asiatiques, à s’adapter aux<br />

formes occidentales de l’économie, du gouvernement,<br />

des rapports sociaux, de la production culturelle<br />

et même de la pensée. Les Japonais ont<br />

repris, nolens volens, beaucoup de choses de l’Occident,<br />

mais le bastion de leur culture écrite les a<br />

gardés de fléchir le genou devant les missionnaires<br />

bien intentionnés, qui voulaient leur faire<br />

avaler que seul les bains avec séparation des<br />

sexes et l’adoption de la doctrine chrétienne pouvaient<br />

faire d’eux une nation civilisée. Incorrigibles,<br />

ils n’ont pas tout à fait perdu leur singularité.<br />

C’est pourquoi le Japon, à l’époque contemporaine,<br />

postcoloniale et postmoderne, exerce<br />

sur beaucoup d’Occidentaux une grande fascination.<br />

Grâce au succès de l’industrie nipponne, beaucoup<br />

de caractéristiques du Japon sont connues<br />

en Occident, voire dans le monde entier. Aux<br />

yeux de la plupart des gens, ce fait est encore<br />

plus remarquable que l’extension globale des<br />

conquêtes occidentales, car la supériorité de ces<br />

dernières est admise sans discussion. C’est pourquoi<br />

la connaissance que ces deux régions du<br />

monde ont l’une de l’autre est encore loin d’être<br />

vraiment égale et réciproque. Comme le monde,<br />

tel qu’on le décrivait, a longtemps eu pour centre<br />

l’Europe, et que pratiquement, aussi bien sur le<br />

plan du pouvoir politique que sur celui de la dynamique<br />

culturelle, il était eurocentrique, on en<br />

sait bien davantage au Japon sur les pays européens,<br />

sur l’Amérique et sur la culture occidentale,<br />

que l’inverse.<br />

En Europe, cet état de choses allait de soi. Qui devait<br />

s’adapter à qui, l’on ne s’est jamais posé la<br />

question. On ne se demandait pas davantage à<br />

quelles catégories il fallait recourir pour décrire<br />

l’autre. L’habitude de le soumettre à ses propres<br />

concepts imprègne profondément l’Occident; le<br />

Japon beaucoup moins, et d’une manière différente.<br />

Ce n’est pas que les Japonais soient indemnes<br />

de toute pensée ethnocentrique. C’est seulement<br />

qu’ils ont eu moins de succès que les<br />

Européens dans la diffusion de leur ethnocentrisme<br />

au-delà des frontières nationales.<br />

Cette asymétrie a des conséquences sur la perception<br />

et l’interprétation réciproques. Les malentendus<br />

qui naissent des deux côtés quand on<br />

essaie de faire rimer la culture de l’autre avec la<br />

sienne, ne se font pas miroir. Il existe un facteur<br />

déformant, qui s’appelle l’histoire.<br />

Quand les artistes ou les écrivains en sont victimes,<br />

on leur pardonne, parce qu’on leur concède<br />

la créativité. Pour les savants, on sera moins indulgent.<br />

Car leur commerce avec la vérité ne doit<br />

pas être de nature créative, mais de nature objective.<br />

L’objectivité, voilà un bien grand mot. S’agissant<br />

d’un sujet aussi complexe que la culture du<br />

Japon ou celle de l’Occident, c’est plus vite dit<br />

que fait. Car nous autres observateurs académiques<br />

de la culture, nous arrivons toujours trop


tard. Nous nous sommes toujours efforcés de<br />

fixer quelque chose de fugitif, afin d’en tirer des<br />

formules qu’on puisse facilement retenir, des formules<br />

simples, du genre: «Les Japonais élèvent<br />

des arbustes nains et ne sont pas pieux». Et: «Les<br />

Japonais chassent la baleine et mangent du poisson<br />

cru». Ou dans un style plus compliqué: «Le<br />

Japon était déjà postmoderne avant le postmodernisme».<br />

Ce sont à chaque fois des malentendus, dès lors<br />

en tout en cas que ces jugements se prétendent<br />

généraux. Seulement voilà: les généralisations ne<br />

sont pas seulement inévitables, elles sont aussi<br />

voulues, car ce qu’on attend des spécialistes,<br />

c’est qu’ils proposent quelque chose qui dépasse<br />

les impressions subjectives. Et les spécialistes attendent<br />

de leur côté que leurs généralisations<br />

soient prises au sérieux dans le monde entier.<br />

Cela fait partie de leur métier.<br />

Attitude légitime, au demeurant: c’est seulement<br />

en proposant de telles formules, en les soumettant<br />

à la critique, quitte à y renoncer ensuite, que<br />

nous pouvons espérer nous approcher un peu<br />

plus de l’objet que nous examinons. Simplement,<br />

il ne faudrait pas croire qu’on en est déjà là.<br />

Quand on décrit une culture, le risque du malentendu<br />

reste inévitable. Mais il y a des malentendus<br />

bêtes, et d’autres qui sont intelligents; des<br />

malentendus destructeurs, et d’autres qui sont<br />

féconds. Ce qu’on appelle l’herméneutique, c’est<br />

le fait de progresser, à partir de malentendus<br />

bêtes, vers des malentendus un peu moins bêtes.<br />

Comprendre la multiplicité des modes de vie qui<br />

se sont institués de par le monde, ce n’est pas<br />

seulement une tâche difficile. C’est une entreprise<br />

à jamais interminable. Voilà du moins comment<br />

nous voyons les choses aujourd’hui, sans savoir<br />

si les âpres vents de la globalisation ne vont pas<br />

balayer toute cette diversité.<br />

Depuis que l’entreprise de comprendre l’autre a<br />

commencé, dans le sillage du colonialisme, on ne<br />

cesse de balancer entre deux conceptions. D’une<br />

part les théories universalistes, qui postulent des<br />

étapes progressives dans l’évolution de l’humanité,<br />

et la découverte d’idées et de pratiques panhumaines.<br />

D’autre part, l’insistance relativiste<br />

sur le particulier et l’incomparable. Ces deux conceptions<br />

– «là-bas aussi, l’on ne cuit qu’à l’eau» et<br />

«c’est complètement différent, incompréhensible<br />

si l’on est extérieur» – font partie de la modernité,<br />

et sont par conséquent occidentales. Elles font<br />

partie de la colonisation spirituelle du monde par<br />

l’Occident. Oublier cela, c’est renoncer à cette<br />

hypothèse de base, qu’on peut passer des malentendus<br />

bêtes à des malentendus moins bêtes,<br />

donc réfléchir sur son propre arrière-plan, son<br />

propre point de vue. L’autre hypothèse de base,<br />

capitale: ne pas se fier aux ouï-dire, mais se donner<br />

la peine de prendre connaissance des choses<br />

par soi-même.<br />

Roland Barthes n’aurait pas pu faire son livre, ni<br />

Daniel Schmid son film, s’ils n’étaient pas allés<br />

au Japon. Leurs malentendus relèvent de la catégorie<br />

intelligente et féconde; ils nous incitent à<br />

débattre avec eux, donc avec l’objet de leurs observations.<br />

Ils parlent la langue d’un étonnement<br />

qui n’est sans doute pas impartial, mais qui n’est<br />

pas grevé d’idées préconçues. En face de leurs<br />

œuvres, on n’est pas conduit d’emblée à rejeter ou<br />

à adhérer; ils ne nous ménagent pas d’avance<br />

l’enchantement, la stupeur ou la consternation.<br />

Un peu de distance change la perspective et nous<br />

aide non seulement à reconnaître la possibilité<br />

de la différence, mais encore à la respecter. En Europe,<br />

la conviction est largement répandue qu’entre<br />

deux solutions, l’une d’elles est la meilleure.<br />

C’est souvent ainsi, mais pas toujours. ¬<br />

Traduit de l’allemand par Etienne Barilier<br />

Florian Coulmas, originaire de Hambourg, voulait naviguer sur<br />

les océans. Ce désir a été renforcé par les visites qu’il a faites,<br />

enfant, au musée ethnographique de la ville. Mais finalement, ce<br />

même désir l’a conduit dans une autre direction, en faisant de<br />

lui un scientifique. Il a traité de la civilisation japonaise dans de<br />

nombreux livres, parmi lesquels Die Kultur Japans, éd. C. H. Beck,<br />

2e éd., Munich 2005; Japanische Zeiten. Eine Ethnographie der Vergänglichkeit,<br />

éd. Kindler, Reinbek 2000; Die Deutschen schreien.<br />

Beobachtungen von einem, der aus dem Land des Lächelns kam, éd.<br />

Rowohlt, Reinbek 2001. Son dernier livre consacré au Japon traite<br />

de la destruction qui menace toute culture: Hiroshima. Geschichte<br />

und Nachgeschichte, éd. C. H. Beck, Munich 2005. Il dirige l’Institut<br />

allemand pour les études japonaises à Tokyo.<br />

5


Chine after-hour La culture club à Pékin et Shanghai<br />

Michael Vonplon Lorsqu’en 1996, il se sent attiré par Pékin après trois ans de séjour à Hong-Kong, ce n’est pas seulement par envie<br />

6<br />

d’apprendre le mandarin. Michael Vonplon veut aller à la rencontre de la nouvelle jeunesse chinoise et de sa quête<br />

d’une identité propre; il rêve de s’immerger dans une petite et vivante subculture urbaine, un lieu d’échanges<br />

autour de la musique, où les désirs et les rébellions prennent corps et où les idées se réalisent ❙


A mon arrivée à Pékin, seul le rock constituait<br />

une véritable scène musicale: cris rauques, riffs<br />

de guitare rapides et distordus exprimaient les<br />

peurs et les souffrances d’un quotidien difficile.<br />

C’était une forme d’expression exaltée par la jeunesse,<br />

qui, simultanément, symbolisait les lamentations<br />

des petites gens. La musique rock<br />

restituait le rythme accéléré du capitalisme montant<br />

et pour la jeunesse, la guitare était un moyen<br />

de manifester son état d’esprit dans la rue.<br />

La disco avait déjà fait son entrée dans le Pékin<br />

de la fin des années quatre-vingt. Mais les gens<br />

n’étaient guère concernés par la musique. Il importait<br />

surtout de remuer les fesses sur la piste<br />

de danse tout en échangeant des sourires. Admirer<br />

les éclairages d’une discothèque valait déjà le<br />

prix de l’entrée pour la plupart des Chinois.<br />

Je cherchais quant à moi une scène où l’on se<br />

retrouve pour s’éclater, se libérer et se divertir.<br />

J’ai commencé par organiser des petites sessions<br />

dans l’arrière-cour de mon appartement en vieille<br />

ville, que je partageais avec des amis chinois. Elles<br />

furent d’abord presque uniquement fréquentées<br />

par des Occidentaux. Les quelques Chinois qui<br />

s’égaraient parmi nous fixaient les platines avec<br />

une certaine incrédulité et admiraient silencieusement<br />

la nouvelle musique sans faire le moindre<br />

mouvement. A l’époque déjà, quelques rares<br />

punks étaient les seuls à s’échauffer sur la piste.<br />

Petit à petit, nous nous sommes risqués à fêter<br />

nos happenings dans des lieux publics. Quand la<br />

police nous chassait d’une ruelle, nous nous retrouvions<br />

dans une venelle voisine le soir suivant.<br />

Je n’oublierai jamais le spectacle donné par ce<br />

groupe folklorique péruvien que je priai spontanément,<br />

un samedi soir après leur concert dans<br />

un cinq étoiles, de se produire dans notre hutong<br />

au nord de Pékin. Le groupe trouva l’idée complètement<br />

déjantée et se lança. Les joyeux accords<br />

7


8<br />

de la musique péruvienne résonnèrent subitement<br />

dans les <strong>passages</strong> étroits et tous les habitants<br />

du quartier, du plus vieux au plus jeune, se<br />

retrouvèrent dehors pour écouter ces sonorités<br />

inconnues. Après quelques réticences et flottements,<br />

la moitié d’entre eux se mirent à danser<br />

aux côtés de notre noyau déchaîné dans les venelles<br />

et cours intérieures, emportés par les brûlants<br />

rythmes sud-américains. Ce joli quartier de<br />

hutongs a malheureusement presque disparu aujourd’hui,<br />

pour faire place à des HLM anonymes.<br />

La ville olympique de Pékin/Beijing veut se donner<br />

des allures modernes.<br />

Peu de temps après, j’ai commencé à louer des bars<br />

et des petits clubs, j’y amenais mon propre matériel<br />

et j’étais content, quand je réussissais à désinhiber<br />

les Chinois et à les faire sortir de leur carapace.<br />

La scène commença à prendre de l’importance<br />

et nous nous sommes bientôt retrouvés chaque<br />

semaine dans des lieux différents. Je me suis<br />

lié d’amitié avec un journaliste radio renommé,<br />

qui tentait, à la même époque mais sans succès,<br />

de créer une scène musicale de qualité. Nous nous<br />

sommes rapidement découvert des intérêts communs<br />

et cela a démarré: nous avons loué un lourd<br />

équipement, invité des musiciens, des artistes<br />

ont réalisé les décors et l’on dansait dans les cadres<br />

les plus délirants. En 1998, nous étions les<br />

premiers à accéder à la Grande Muraille: une party<br />

extrême-orientale et multiculturelle de 600 personnes,<br />

rassemblant artistes, musiciens, punks, MCs,<br />

journalistes, personnel d’ambassade, designers<br />

de mode, chanteurs, ravers étrangers, parrains<br />

des triades et autres hôtes illustres, qui fêtèrent<br />

les bras levés bien au delà des lueurs de l’aube.<br />

L’association de la punk et de la techno a servi<br />

de principe de base à l’organisation des parties et<br />

concerts suivants, quand des groupes punk ou<br />

rock nous ont rejoints. Aux côtés des DJs, les punkrockers<br />

dynamisaient, apportaient une dimension<br />

live de plus aux spectacles. Il est inimaginable,<br />

chez nous et aujourd’hui, que des groupes punk<br />

et techno se partagent l’affiche, ce sont deux langages<br />

musicaux différents qui se télescopent et<br />

ne se comprennent pas. En Chine, à cette époque<br />

du moins, c’était par contre possible. Effet excitant<br />

de l’une, raucité de l’autre, la musique électronique<br />

et le punk avaient chacun à sa manière<br />

un succès commercial, dépassant même le pop<br />

et le rock en phase de départ. C’était comme si la<br />

scène musicale chinoise trouvait un nouvel élan.<br />

A Pékin, nous jouions maintenant dans des clubs<br />

comme le Vogue aussi, un local très classe avec<br />

ses salons particuliers à l’ambiance veloutée, où<br />

le jet-set pékinois rencontrait de jeunes mafiosi<br />

de Hong Kong pour discuter de deals coupables à<br />

la lueur des bougies. Ou bien au décadent Mazzo<br />

de Shanghai: un club after-hour technoïde tout<br />

chrome et verre, à l’ample terrasse offrant une<br />

vue magnifique sur la ville. A l’aube, le public du<br />

club devenait spectateur du surprenant spectacle<br />

donné dans le petit parc devant le Mazzo, qui se<br />

remplissait de jeunes et de vieux Chinois frais<br />

et dispos, accomplissant leur séance de tai-chi.<br />

Quand l’un des hôtes du Mazzo (ni frais, ni dispos)<br />

décidait de participer aux exercices, on assistait<br />

parfois à des scènes fort comiques. Les gymnastes<br />

shanghaiens le prenaient avec philosophie et<br />

les basses bourdonnantes ne troublaient en rien<br />

leur concentration. Pourquoi d’ailleurs. Ils en<br />

avaient vu d’autres dans leur ville, par exemple<br />

ces gratte-ciel qui surgissaient du sol comme des<br />

champignons. Le petit Mazzo est aujourd’hui lui<br />

aussi cerné de géants. Et quand, de la terrasse, le<br />

regard glisse des étranges personnages sur la<br />

piste de danse aux adeptes de tai-chi, pour longer<br />

ensuite les façades vitrées des formidables tours,<br />

on ne sait plus très bien où on en est.<br />

J’ai fait la connaissance d’un nombre incroyable<br />

de jeunes Chinois au cours de cette période. Une<br />

mixture de freaks qui s’est révélée aussi drôle<br />

que positive. J’avoue que ce pays et ces gens ouverts<br />

ne cessent de me captiver et que je me réjouis<br />

à chaque fois de retrouver mes vieux amis.<br />

Li Zhenhua par exemple: je l’ai rencontré en 1996<br />

pendant mes études. A cette époque, Zhenhua<br />

avait tout juste 21 ans. Ses parents étaient de<br />

respectables policiers, fidèles au parti. Leur fils a<br />

ouvert l’un des premiers bars à café de la rue<br />

branchée du quartier de Sanlitur, le Mustard Seed<br />

Garden.Pour lui, il s’agissait surtout d’un lieu d’exposition<br />

camouflé, parce que Zhenhua était fou<br />

d’art contemporain et de sa force d’expression. Il<br />

métamorphosait chaque mois son bar en galerie<br />

où des artistes pékinois inconnus accrochaient<br />

leurs œuvres. Ainsi Zhenhua s’est rapidement<br />

fait un nom comme galeriste d’avant-garde. A<br />

chaque retour de voyage, je lui apportais des revues<br />

d’art du monde entier qu’il dévorait littéralement<br />

avec ses amis pékinois. Zhenhua et moi<br />

sommes devenus inséparables. Nous avons vécu<br />

ensemble plus de deux ans en compagnie de cinq<br />

autres jeunes Chinois dans un hutong d’un quartier<br />

presque villageois, bien qu’au centre-ville. On<br />

discutait toute la nuit, c’était là pour moi un lieu<br />

d’apprentissage de la langue passionnant: les jeunes<br />

artistes débattaient de leurs visions, de l’évolution<br />

de leur pays, de leurs craintes et de leurs<br />

espoirs – et ce, entre ces murs chargés d’histoire<br />

au cœur de Pékin.<br />

J’ai aidé Zhenhua à organiser plusieurs happenings,<br />

qui réussissaient chaque fois à déconcerter<br />

le public, que ce soient des festivals open air<br />

thématisant l’homosexualité en Chine, des lectu-


es et des concerts sous les ponts ou des performances<br />

provocatrices dans les lieux publics. Lorsque<br />

Zhenhua organisa une exposition publique<br />

où des crabes et des serpents vivants formaient<br />

un immense rideau, ce fut une petite émeute, et<br />

la police ne tarda pas à intervenir pour fermer<br />

l’exposition. Aujourd’hui, son agence artistique<br />

Mustard Seed Garden exporte des artistes chinois<br />

contemporains dans le monde entier.<br />

Les rencontres réalisées à l’occasion d’innombrables<br />

manifestations dans cette société pour moi si<br />

fascinante ont élargi mon réseau de contacts bien<br />

au-delà de la scène musicale. Tout comme Li<br />

Zhenhua, nombre de mes amis gagnent aujourd’hui<br />

leur vie dans le domaine de la culture et de l’art<br />

contemporains, ce qui aurait été absolument impensable<br />

il y a dix ans à peine. Le Web me permet<br />

de maintenir mon réseau à partir de Zurich et ces<br />

échanges continus, ainsi que mes voyages annuels<br />

en Chine, font naître de nouvelles idées, pour<br />

d’autres projets intéressants, ici comme là-bas.<br />

C’est pourquoi Romano Zerbini et moi-même<br />

avons fondé à Zurich une association centrée sur<br />

les échanges culturels entre les deux pays. Il me<br />

semble essentiel que nous nous rapprochions de<br />

la grande puissance en devenir qu’est la Chine<br />

d’un point de vue non seulement économique,<br />

mais aussi culturel. La soif d’informations sur ce<br />

géant encore largement méconnu ne cesse de<br />

grandir et je crois à l’importance du dialogue<br />

interculturel afin d’approfondir la compréhension<br />

réciproque. Il faut surmonter les clichés et<br />

les partis pris, pour laisser place à des confrontations<br />

passionnantes, mais critiques aussi, eu égard<br />

au processus de modernisation chinois.<br />

Nous planifions depuis longtemps un festival d’art<br />

chinois qui présenterait cette jeune Chine en<br />

quête d’orientation et d’équilibre. Je travaille par<br />

ailleurs à l’organisation d’une tournée en Chine<br />

d’un musicien suisse connu et de son groupe, qui<br />

devraient se produire avec des musiciens chinois<br />

dans les clubs de plusieurs villes du pays.<br />

Dans la Chine actuelle, la culture club a tourné au<br />

cocktail de luxe, régulé, axé sur la consommation<br />

et dont la subculture s’est détournée depuis longtemps.<br />

Les quelques petites boîtes qui organisent<br />

encore des parties dansantes et des concerts<br />

disparaissent dans le chamboulement des chantiers<br />

de Pékin, que l’on «reconstruit» pour accueillir<br />

les Jeux olympiques en 2008. Le développement<br />

des autres villes chinoises suit le même<br />

modèle et la métamorphose est fulgurante: ce<br />

qui était disparaît, remplacé par du neuf. Zhang,<br />

mon vieil ami et partenaire DJ de Label Partner<br />

Radio, a lui aussi perdu nombre de ses illusions<br />

d’antan. Il vient d’ouvrir une gigantesque disco.<br />

Ces temples sont souvent financés par le milieu<br />

pékinois, mais la situation ne laisse pas d’alternative.<br />

Ce pionnier de la radio, qui se bat depuis<br />

15 ans pour une culture musicale chinoise autonome,<br />

doit plier devant la masse. Tout de même:<br />

Zhang a décidé d’investir les bénéfices de son business<br />

dans de plus petites manifestations aussi,<br />

comptant toujours et encore sur l’esprit novateur<br />

et le public. L’avenir n’est toutefois guère souriant.<br />

L’histoire de la musique moderne en Chine<br />

est encore bien courte et l’influence occidentale<br />

ne manque pas d’égratigner l’amour-propre des<br />

Chinois, ou comme l’exprime Zhang: «Le chemin<br />

que la musique moderne chinoise doit accomplir<br />

pour trouver une originalité est encore long. Il y a<br />

ici une regrettable ignorance, qui accompagne<br />

l’univers musical chinois depuis le début. Qu’il<br />

s’agisse de jazz, blues, rock ou musique électronique,<br />

on a toujours été à la traîne des courants<br />

de l’Ouest. Les Chinois auront d’énormes difficultés<br />

à se défaire du sentiment qu’ils ramassent les<br />

miettes lancées par d’autres. »<br />

Bien que la majorité de mes amis d’alors remportent<br />

à présent un succès commercial et qu’ils<br />

aient consenti à de grands compromis face au<br />

marché, leurs racines dans la scène suburbaine<br />

restent toujours vives. C’est de là, et non de la<br />

scène purement commerciale, que viennent les<br />

projets dont nous discutons. Au cours des prochaines<br />

années, notre association tentera d’utiliser<br />

ces canaux pour de nouvelles entreprises artistiques<br />

en Chine. Et nous aimerions faire de<br />

même ici, mais il semble qu’en Suisse, l’intérêt<br />

pour de telles idées ne se soit pas encore vraiment<br />

éveillé. ¬<br />

Traduit de l’allemand par Mariette Althaus<br />

Michael Vonplon a travaillé deux ans et demi à Hong Kong dans<br />

une entreprise de transports et a choisi d’aller étudier la langue<br />

sur le continent. Paralèllement, il a fondé le label d’events Cheesebeat,<br />

qui a organisé les premières grandes manifestations musicales<br />

sur terre chinoise: entre autres un festival de musique de<br />

deux jours dans la Forêt de pierre près de Kunming, et la première<br />

rave-party sur la Grande Muraille de Chine. De retour fin<br />

1999, il travaille actuellement pour la Modern China Association<br />

(MCA). De nombreux artistes chinois ont été invités à participer<br />

à divers événements artistiques en Suisse. Pour ses propres<br />

manifestations, Michael Vonplon continue à se rendre jusqu’à<br />

quatre fois par an en Chine.<br />

9


Haïkus croisés<br />

Shun Suzuki et Beat Brechbühl – chronique d’une amitié littéraire<br />

Eduard Klopfenstein Deux poètes, l’un japonais, l’autre suisse, sur les petits sentiers de l’arrière-pays. Le japanologue et traducteur<br />

12<br />

Eduard Klopfenstein décrit pour «Passages» leur cheminement ❙<br />

Point de départ: Wald. Comment le fils d’un jardinier<br />

de la campagne bernoise, typographe, attiré<br />

par l’écriture, en vient-il au Japon et au poème<br />

bref japonais? Tout commence au début des années<br />

soixante, lorsqu’il tombe sur des traductions<br />

de Bashô et sur un livre qui le touche au<br />

plus profond parce qu’il pose la question du sens<br />

de la vie en termes nouveaux, sur l’arrière-plan<br />

d’un ordre social archaïque et à moitié fictif. Je<br />

veux parler du récit de Fukazawa Shichirô, Etude<br />

à propos des chansons de Narayama (trad. Bernard<br />

Frank, Gallimard 1959). Une longue incubation sera<br />

nécessaire pour que cette fascination précoce<br />

porte fruit. En 1972, Beat Brechbühl s’installe à<br />

Wald, dans le canton de Zurich, dans une vieille<br />

ferme. C’est là, en 1980, qu’il fonde sa propre maison<br />

d’édition, Im Waldgut. A Wald, il se met à<br />

écrire des poèmes brefs dans le style japonais<br />

(haïku et tanka), sporadiquement dans les années<br />

soixante-dix, puis de façon plus continue et<br />

délibérée durant les années quatre-vingt. Il s’agit<br />

d’une forme de poésie moderne inspirée de modèles<br />

japonais, mais rigoureusement personnelle,<br />

libre de toute allégeance aux formes et aux prescriptions<br />

classiques. Entre 1982 et 2000, quatre recueils<br />

de haïkus et de tankas paraissent, dans<br />

une édition soignée composée à la main. Quant<br />

aux motifs qui président au choix de la forme<br />

brève, Brechbühl s’en explique: «J’avais accepté<br />

trop de boulot et je ne rentrais jamais chez moi<br />

avant deux ou trois heures; le matin, je reprenais<br />

le travail au plus tard à 8h et demie. Bien sûr, impossible<br />

de trouver tout de suite le sommeil, et<br />

en plus, après le travail d’édition, j’éprouvais le


esoin impérieux de «purifier» ma langue et de<br />

me laisser glisser dans le sommeil en méditant<br />

avec cette langue épurée. La force me manquait à<br />

l’époque pour un grand poème, et c’est ainsi que<br />

j’ai eu recours à la forme du tercet de 5-7-5 syllabes,<br />

tout en la «remplissant» de mon propre<br />

langage. Bien évidemment, je ne dispose ni de<br />

l’arrière-plan historique ni de la sensibilité qui<br />

me permettraient d’écrire des haïkus vraiment<br />

japonais. Mais la forme stricte et la possibilité de<br />

discipliner et d’épurer par la méditation mes<br />

pensées, ma langue, et en même temps, de créer<br />

quelque chose de nouveau, me fascinaient et<br />

continuent de me fasciner.»<br />

Point de départ: Chiba. Comment un futur pédagogue<br />

originaire de Tokyo, fils d’un calligraphe<br />

connu, mais appauvri dans les troubles de l’aprèsguerre,<br />

en vient-il à la littérature allemande? En<br />

ce qu’il tombe sur un maître doué qui reste pour<br />

lui un exemple non seulement dans sa discipline,<br />

mais humainement parlant: le professeur Masame,<br />

germaniste, professeur à l’Université de<br />

Chiba. Shun Suzuki est né à Tokyo, mais il a grandi<br />

tout près, dans la préfecture de Chiba où il vit<br />

toujours.<br />

Les circonstances ne lui permettent de commencer<br />

ses études que tardivement. Dans les années<br />

cinquante, il fréquente bien plus de cours d’allemand<br />

et d’entraînement que ceux qu’il serait<br />

censé suivre. Par la suite, à l’Université de Tokyo,<br />

l’allemand passe au second plan, mais Suzuki,<br />

qui cultive en secret des ambitions littéraires, subit<br />

l’influence de deux hommes de lettres célèbres<br />

qui sont eux-mêmes fortement influencés<br />

par la littérature allemande.<br />

Au début des années soixante-dix – Suzuki se consacre<br />

depuis longtemps à la pédagogie dans les<br />

hautes écoles professionnelles, en particulier<br />

dans des écoles d’infirmières –, il découvre dans<br />

une anthologie des éditions Reclam des poèmes<br />

d’Erika Mitterer, femme poète viennoise qui à l’âge<br />

de dix-huit ans, de 1924 à 1926, avait entretenu<br />

une correspondance poétique avec Rilke. Suzuki<br />

est envoûté. Par l’intermédiaire de l’éditeur, il obtient<br />

l’adresse de la poétesse et correspond avec<br />

elle durant presque dix ans. En 1980, une première<br />

rencontre a lieu avec la septuagénaire, et sa correspondance<br />

avec Rilke paraît en japonais. Dans<br />

les années quatre-vingt, Suzuki, sous l’influence<br />

du poète Murano Shirô, s’intéresse à l’école de la<br />

Neue Sachlichkeit, et tout particulièrement à l’écrivain<br />

Joachim Ringelnatz. Le séduisent avant tout<br />

le rapport étroit à la terre de la langue de Ringelnatz,<br />

et le côté allusif de sa satire. Les mérites de<br />

Suzuki en tant que passeur de la littérature allemande<br />

au Japon sont importants, ainsi qu’en témoigne<br />

son anthologie de la poésie allemande<br />

moderne parue en 1990. Dans les années 1970 et<br />

1980, il acquiert lui-même, parallèlement, la stature<br />

d’un poète original.<br />

1989. Rendez-vous à Frauenfeld. On le voit: les<br />

deux biographies sont disposées en sorte que<br />

leur croisement, apparaisse, sinon inévitable, du<br />

moins logique. Il suffira désormais d’une impulsion<br />

infime. Après avoir, en 1988, traduit un petit<br />

article sur les poèmes de Brechbühl pour une revue,<br />

Suzuki fait halte à Zurich lors d’un de ses<br />

voyages en pays germanophones, en 1989, et de<br />

là, il rend une première visite à l’atelier d’éditeur<br />

et d’imprimeur de Brechbühl, à Frauenfeld. Suivront<br />

quelques traductions des poèmes de Brechbühl.<br />

Nouvelles visites en 1995 et 1997, à l’occasion<br />

des Lyriktage de Frauenfeld.<br />

1996. Rendez-vous à Maebashi. Cette année-là,<br />

dans la petite ville de Maebashi, non loin de<br />

Tokyo, a lieu le 16ème Congrès des poètes. Beat<br />

Brechbühl, qui est à l’époque président du PEN<br />

CLUB alémanique, est invité à représenter officiellement<br />

les écrivains suisses. Enfin, l’occasion<br />

lui est donnée de se rendre au pays de ses rêves<br />

qu’est le Japon – et cela, au fond, lui importe plus<br />

que la participation au congrès. Sous la direction<br />

compétente de Suzuki-san, commence alors l’approche<br />

tâtonnante d’un monde jusque là uniquement<br />

imaginé, expérience où se mêlent fascination,<br />

surprises et menues contrariétés – comment<br />

pourrait-il en être autrement? Mise à l’épreuve, la<br />

relation avec Suzuki, superficielle jusque-là, s’approfondit.<br />

Brechbühl découvre en Suzuki non<br />

seulement un traducteur de talent, mais encore<br />

un poète original.<br />

2000. Cheminer de compagnie, «par les petits<br />

sentiers de l’arrière-pays». Les notes de Bashô<br />

sur son voyage à pied dans le nord du Japon, avec<br />

des haïkus intercalés, ont joué un rôle exemplaire<br />

pour des générations de poètes itinérants. Pour<br />

Brechbühl, à son tour, c’est l’exaucement d’un<br />

vieux désir: emboîter le pas, ne fût ce que brièvement,<br />

au maître qu’il vénère depuis sa jeunesse.<br />

Suzuki rend la chose possible. Au début de septembre<br />

2000, tous deux se mettent en route. Les<br />

impressions sont diverses et contradictoires: bien<br />

sûr, aujourd’hui, les chemins et les points de vue<br />

ne correspondent plus que de très loin à ce que<br />

Bashô avait vu. Néanmoins, son esprit plane audessus<br />

de ce voyage. Brechbühl note:<br />

13


14<br />

Soirée à Naruko<br />

La pluie tambourine<br />

sur les toits de tôle. Nous prenons<br />

deux bains chauds.<br />

Bashô déjà était ici,<br />

pas Kilroy, mais comme miracle<br />

et comme grand Tao – ,<br />

il redoutait les<br />

montagnes, les brigands, lui<br />

qui ne possédait rien<br />

que des haïkus, une corbeille de voyage,<br />

quelques amis, quelques élèves, la curiosité,<br />

et le goût de vivre.<br />

La pluie tambourine sur<br />

le toit de tôle. Sur la tôle du toit<br />

tambourine la pluie.<br />

2002/03. Offrande et contre-offrande poétique.<br />

L’amitié est belle et bonne. Mais elle ne devient<br />

vraiment importante, au-delà du plan individuel,<br />

que lorsque elle porte fruit sous forme de livres<br />

et de textes. En 1998 déjà, Brechbühl avait élaboré<br />

un placard de poésie (Bodoni Blatt) de grand format<br />

avec un poème de Suzuki, «Automne». Fin<br />

2002, dans sa propre maison d’édition, paraîtra<br />

un beau volume imprimé au plomb Die Hausschlange<br />

(Le serpent domestique, Bodoni Druck 74).<br />

Pour sa part, Suzuki a rassemblé toute l’œuvre<br />

poétique de Brechbühl dans une anthologie qui<br />

paraît à Tokyo presque au même moment, soit au<br />

début de 2003, sous le titre de Beat Brechbühl shishû<br />

(Poésie complète de B. B.), publiée avec le soutien<br />

de <strong>Pro</strong> <strong>Helvetia</strong> d’ailleurs.<br />

Un véritable échange culturel, donc, tout entier<br />

basé sur la réciprocité et l’initiative privée – certainement<br />

le premier en son genre dans les relations<br />

culturelles helvético-japonaises!<br />

2004. Tournée de lecture. Pour l’instant, il s’agit<br />

là du dernier chapitre de cette chronique: du 22<br />

mars au 5 avril 2004, Brechbühl accomplit son<br />

troisième voyage au Japon. Avec succès, il donne<br />

des lectures de ses poèmes dans des cercles de<br />

poètes et prend part à des rencontres de germanistes,<br />

en quatre lieux, du nord au sud: Morioka,<br />

Tokyo, Osaka et Okayama. Des gens aussi célèbres<br />

que le poète Makoto Ôoka se trouvent dans<br />

le public. Ici encore, les contacts sont établis par<br />

Shun Suzuki, c’est lui qui organise l’hébergement,<br />

qui traduit et présente son ami. A Osaka et<br />

Okayama, il bénéficie du précieux soutien d’une<br />

spécialiste de la littérature suisse, le professeur<br />

Hiroko Masumoto, germaniste. Pour la Suisse,<br />

c’est un privilège que de disposer de tels intercesseurs<br />

au Japon. Fait-elle suffisamment d’efforts<br />

pour les encourager et conserver leur bienveillante<br />

attention? Brechbühl, en route, note: «Le<br />

soir, comme nous redescendions vers le sud, j’ai<br />

dû me rendre à l’évidence: c’est en vain qu’en<br />

Suisse et en Allemagne, nous nous efforçons de<br />

prodiguer autant d’amitié et d’hospitalité que ce<br />

que j’ai reçu lors de cette lecture et de cet accueil.»<br />

¬<br />

Traduit de l’allemand par Marion Graf<br />

Eduard Klopfenstein est professeur de japanologie à l’Institut<br />

de langues orientales (Ostasiatisches Seminar) de l’Université de<br />

Zurich. Etudes de germanistique et de latin à l’Université de<br />

Berne, doctorat en 1968 (germanistique). 1964-66, études de japonais<br />

à l’Université de Kyoto. 1966-69, rédacteur d’émissions<br />

littéraires au Studio de la radio à Berne. 1969-89, assistant et<br />

maître-assistant à l’Institut de langues orientales de l’Université<br />

de Zurich. 1972-75, séjour d’études à l’Université de Kyoto. 1979,<br />

thèse d’habilitation (japanologie). 1989, professeur ordinaire.<br />

Nombreux séjours d’études au Japon. 1996-2002, président de<br />

la Société Suisse-Asie.<br />

1993 et 1999, membre du jury du prix de traduction Noma (Editions<br />

Kodansha, Tokyo). 1999, membre du jury du prix de traduction<br />

de la Japan Foundation. 1990-93, éditeur responsable de<br />

la Zürcher Reihe Japanische Literatur (9 vol.) Depuis 1994, éditeur<br />

de la Japan-Edition (Quintessenz Verlag, Berlin; jusqu’ici 19 vol.).<br />

Traducteur, en particulier de poésie japonaise moderne.<br />

Références bibliographiques<br />

Shun Suzuki, Die Hausschlange. Gedichte aus 30 Jahren,trad. et<br />

postface par Eduard Klopfenstein, Bodoni Druck 74, Im Waldgut,<br />

Frauenfeld, 2002.<br />

Beat Brechbühl, Ein verhängtes Aug, haïkus, Hertenstein Presse,<br />

Pforzheim 1982.<br />

Beat Brechbühl, Die Nacht voll Martinshörner, haïkus et senryus,<br />

Hertenstein Presse, Pforzheim 1984.<br />

Beat Brechbühl, Katzenspur, hohe Pfote, haïkus et senryus, Hertenstein<br />

Presse, Pforzheim 1988.<br />

Beat Brechbühl, Ameisen füttern, tankas, Hertenstein Presse,<br />

Pforzheim 2000.<br />

Beat Brechbühl, L’Œil voilé, La Nuit pleine de sirènes, Traces de chat,<br />

patte levée, haïkus, éd. bilingue, trad. par Frédéric Wandelère,<br />

préface de Daniel Rothenbühler, éd. Empreintes, Lausanne 1998.<br />

Beat Brechbühl shishû. Suzuki Shun henyaku. Sekai gendaishi<br />

bunko 4 (Contemporary world poetry 4). Doyô bijutsushashuppan<br />

hanbai, Tokyo 2003.<br />

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15<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

Shun Suzuki<br />

Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

In meiner Türkisch-Bad-schwülheissen Stube<br />

plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

den Spuren Bashôs folgend hierher geflogen<br />

Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

Töffs zirpen, sirren<br />

und der Lärm der Grillen<br />

bohrt sich ein in den Fels<br />

An der Grenzschranke von Shitomae, im Nieselregen<br />

stand er mit zweifelnder Miene:<br />

Nichts als Reklameschilder für hölzerne Puppen<br />

kein Ross, keine Kuh, ja nicht mal ein einziges Huhn<br />

Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

verstreut über Weiden die altehrwürdigen Bauerngehöfte<br />

Gras mampfende Kühe und Pferde<br />

in langen Zügen vorüberziehende Ziegen mit Schellengebimmel<br />

Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

Der Molkereikonzern Y habe verdorbene Milch produziert<br />

Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

Shun Suzuki<br />

Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

In meiner Türkisch-Bad-schwülheissen Stube<br />

plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

den Spuren Bashôs folgend hierher geflogen<br />

Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

Töffs zirpen, sirren<br />

und der Lärm der Grillen<br />

bohrt sich ein in den Fels<br />

An der Grenzschranke von Shitomae, im Nieselregen<br />

stand er mit zweifelnder Miene:<br />

Nichts als Reklameschilder für hölzerne Puppen<br />

kein Ross, keine Kuh, ja nicht mal ein einziges Huhn<br />

Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

verstreut über Weiden die altehrwürdigen Bauerngehöfte<br />

Gras mampfende Kühe und Pferde<br />

in langen Zügen vorüberziehende Ziegen mit Schellengebimmel<br />

Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

Der Molkereikonzern Y habe verdorbene Milch produziert<br />

Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

Shun Suzuki<br />

Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

In meiner Türkisch-Bad-schwülheissen Stube<br />

plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

den Spuren Bashôs folgend hierher geflogen<br />

Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

Töffs zirpen, sirren<br />

und der Lärm der Grillen<br />

bohrt sich ein in den Fels<br />

An der Grenzschranke von Shitomae, im Nieselregen<br />

stand er mit zweifelnder Miene:<br />

Nichts als Reklameschilder für hölzerne Puppen<br />

kein Ross, keine Kuh, ja nicht mal ein einziges Huhn<br />

Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

verstreut über Weiden die altehrwürdigen Bauerngehöfte<br />

Gras mampfende Kühe und Pferde<br />

in langen Zügen vorüberziehende Ziegen mit Schellengebimmel<br />

Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

Der Molkereikonzern Y habe verdorbene Milch produziert<br />

Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

Shun Suzuki<br />

Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

In meiner Türkisch-Bad-schwülheissen Stube<br />

plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

den Spuren Bashôs folgend hierher geflogen<br />

Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

Töffs zirpen, sirren<br />

und der Lärm der Grillen<br />

bohrt sich ein in den Fels<br />

An der Grenzschranke von Shitomae, im Nieselregen<br />

stand er mit zweifelnder Miene:<br />

Nichts als Reklameschilder für hölzerne Puppen<br />

kein Ross, keine Kuh, ja nicht mal ein einziges Huhn<br />

Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

verstreut über Weiden die altehrwürdigen Bauerngehöfte<br />

Gras mampfende Kühe und Pferde<br />

in langen Zügen vorüberziehende Ziegen mit Schellengebimmel<br />

Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

Der Molkereikonzern Y habe verdorbene Milch produziert<br />

Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

Shun Suzuki<br />

Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

In meiner Türkisch-Bad-schwülheissen Stube<br />

plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

den Spuren Bashôs folgend hierher geflogen<br />

Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

Töffs zirpen, sirren<br />

und der Lärm der Grillen<br />

bohrt sich ein in den Fels<br />

An der Grenzschranke von Shitomae, im Nieselregen<br />

stand er mit zweifelnder Miene:<br />

Nichts als Reklameschilder für hölzerne Puppen<br />

kein Ross, keine Kuh, ja nicht mal ein einziges Huhn<br />

Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

verstreut über Weiden die altehrwürdigen Bauerngehöfte<br />

Gras mampfende Kühe und Pferde<br />

in langen Zügen vorüberziehende Ziegen mit Schellengebimmel<br />

Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

Der Molkereikonzern Y habe verdorbene Milch produziert<br />

Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

Shun Suzuki<br />

Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

In meiner Türkisch-Bad-schwülheissen Stube<br />

plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

den Spuren Bashôs folgend hierher geflogen<br />

Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

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An der Grenzschranke von Shitomae, im Nieselregen<br />

stand er mit zweifelnder Miene:<br />

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Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

verstreut über Weiden die altehrwürdigen Bauerngehöfte<br />

Gras mampfende Kühe und Pferde<br />

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Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

Der Molkereikonzern Y habe verdorbene Milch produziert<br />

Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

Shun Suzuki<br />

Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

In meiner Türkisch-Bad-schwülheissen Stube<br />

plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

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Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

Töffs zirpen, sirren<br />

und der Lärm der Grillen<br />

bohrt sich ein in den Fels<br />

An der Grenzschranke von Shitomae, im Nieselregen<br />

stand er mit zweifelnder Miene:<br />

Nichts als Reklameschilder für hölzerne Puppen<br />

kein Ross, keine Kuh, ja nicht mal ein einziges Huhn<br />

Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

verstreut über Weiden die altehrwürdigen Bauerngehöfte<br />

Gras mampfende Kühe und Pferde<br />

in langen Zügen vorüberziehende Ziegen mit Schellengebimmel<br />

Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

Der Molkereikonzern Y habe verdorbene Milch produziert<br />

Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

Shun Suzuki<br />

Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

In meiner Türkisch-Bad-schwülheissen Stube<br />

plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

den Spuren Bashôs folgend hierher geflogen<br />

Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

Töffs zirpen, sirren<br />

und der Lärm der Grillen<br />

bohrt sich ein in den Fels<br />

An der Grenzschranke von Shitomae, im Nieselregen<br />

stand er mit zweifelnder Miene:<br />

Nichts als Reklameschilder für hölzerne Puppen<br />

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Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

verstreut über Weiden die altehrwürdigen Bauerngehöfte<br />

Gras mampfende Kühe und Pferde<br />

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Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

Der Molkereikonzern Y habe verdorbene Milch produziert<br />

Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

Shun Suzuki<br />

Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

In meiner Türkisch-Bad-schwülheissen Stube<br />

plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

den Spuren Bashôs folgend hierher geflogen<br />

Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

Töffs zirpen, sirren<br />

und der Lärm der Grillen<br />

bohrt sich ein in den Fels<br />

An der Grenzschranke von Shitomae, im Nieselregen<br />

stand er mit zweifelnder Miene:<br />

Nichts als Reklameschilder für hölzerne Puppen<br />

kein Ross, keine Kuh, ja nicht mal ein einziges Huhn<br />

Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

verstreut über Weiden die altehrwürdigen Bauerngehöfte<br />

Gras mampfende Kühe und Pferde<br />

in langen Zügen vorüberziehende Ziegen mit Schellengebimmel<br />

Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

Der Molkereikonzern Y habe verdorbene Milch produziert<br />

Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

Shun Suzuki<br />

Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

In meiner Türkisch-Bad-schwülheissen Stube<br />

plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

den Spuren Bashôs folgend hierher geflogen<br />

Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

Töffs zirpen, sirren<br />

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Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

verstreut über Weiden die altehrwürdigen Bauerngehöfte<br />

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Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

Der Molkereikonzern Y habe verdorbene Milch produziert<br />

Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

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Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

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plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

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Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

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Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

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Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

In meiner Türkisch-Bad-schwülheissen Stube<br />

plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

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Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

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stand er mit zweifelnder Miene:<br />

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Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

verstreut über Weiden die altehrwürdigen Bauerngehöfte<br />

Gras mampfende Kühe und Pferde<br />

in langen Zügen vorüberziehende Ziegen mit Schellengebimmel<br />

Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

Der Molkereikonzern Y habe verdorbene Milch produziert<br />

Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

Shun Suzuki<br />

Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

In meiner Türkisch-Bad-schwülheissen Stube<br />

plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

den Spuren Bashôs folgend hierher geflogen<br />

Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

Töffs zirpen, sirren<br />

und der Lärm der Grillen<br />

bohrt sich ein in den Fels<br />

An der Grenzschranke von Shitomae, im Nieselregen<br />

stand er mit zweifelnder Miene:<br />

Nichts als Reklameschilder für hölzerne Puppen<br />

kein Ross, keine Kuh, ja nicht mal ein einziges Huhn<br />

Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

verstreut über Weiden die altehrwürdigen Bauerngehöfte<br />

Gras mampfende Kühe und Pferde<br />

in langen Zügen vorüberziehende Ziegen mit Schellengebimmel<br />

Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

Der Molkereikonzern Y habe verdorbene Milch produziert<br />

Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

Shun Suzuki<br />

Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

In meiner Türkisch-Bad-schwülheissen Stube<br />

plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

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Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

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Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

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Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

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Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

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Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

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Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

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Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

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Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

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in langen Zügen vorüberziehende Ziegen mit Schellengebimmel<br />

Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

Der Molkereikonzern Y habe verdorbene Milch produziert<br />

Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

Shun Suzuki<br />

Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

In meiner Türkisch-Bad-schwülheissen Stube<br />

plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

den Spuren Bashôs folgend hierher geflogen<br />

Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

Töffs zirpen, sirren<br />

und der Lärm der Grillen<br />

bohrt sich ein in den Fels<br />

An der Grenzschranke von Shitomae, im Nieselregen<br />

stand er mit zweifelnder Miene:<br />

Nichts als Reklameschilder für hölzerne Puppen<br />

kein Ross, keine Kuh, ja nicht mal ein einziges Huhn<br />

Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

verstreut über Weiden die altehrwürdigen Bauerngehöfte<br />

Gras mampfende Kühe und Pferde<br />

in langen Zügen vorüberziehende Ziegen mit Schellengebimmel<br />

Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

Der Molkereikonzern Y habe verdorbene Milch produziert<br />

Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

Shun Suzuki<br />

Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

In meiner Türkisch-Bad-schwülheissen Stube<br />

plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

den Spuren Bashôs folgend hierher geflogen<br />

Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

Töffs zirpen, sirren<br />

und der Lärm der Grillen<br />

bohrt sich ein in den Fels<br />

An der Grenzschranke von Shitomae, im Nieselregen<br />

stand er mit zweifelnder Miene:<br />

Nichts als Reklameschilder für hölzerne Puppen<br />

kein Ross, keine Kuh, ja nicht mal ein einziges Huhn<br />

Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

verstreut über Weiden die altehrwürdigen Bauerngehöfte<br />

Gras mampfende Kühe und Pferde<br />

in langen Zügen vorüberziehende Ziegen mit Schellengebimmel<br />

Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

Der Molkereikonzern Y habe verdorbene Milch produziert<br />

Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

Shun Suzuki<br />

Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

In meiner Türkisch-Bad-schwülheissen Stube<br />

plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

den Spuren Bashôs folgend hierher geflogen<br />

Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

Töffs zirpen, sirren<br />

und der Lärm der Grillen<br />

bohrt sich ein in den Fels<br />

An der Grenzschranke von Shitomae, im Nieselregen<br />

stand er mit zweifelnder Miene:<br />

Nichts als Reklameschilder für hölzerne Puppen<br />

kein Ross, keine Kuh, ja nicht mal ein einziges Huhn<br />

Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

verstreut über Weiden die altehrwürdigen Bauerngehöfte<br />

Gras mampfende Kühe und Pferde<br />

in langen Zügen vorüberziehende Ziegen mit Schellengebimmel<br />

Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

Der Molkereikonzern Y habe verdorbene Milch produziert<br />

Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

Shun Suzuki<br />

Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

In meiner Türkisch-Bad-schwülheissen Stube<br />

plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

den Spuren Bashôs folgend hierher geflogen<br />

Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

Töffs zirpen, sirren<br />

und der Lärm der Grillen<br />

bohrt sich ein in den Fels<br />

An der Grenzschranke von Shitomae, im Nieselregen<br />

stand er mit zweifelnder Miene:<br />

Nichts als Reklameschilder für hölzerne Puppen<br />

kein Ross, keine Kuh, ja nicht mal ein einziges Huhn<br />

Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

verstreut über Weiden die altehrwürdigen Bauerngehöfte<br />

Gras mampfende Kühe und Pferde<br />

in langen Zügen vorüberziehende Ziegen mit Schellengebimmel<br />

Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

Der Molkereikonzern Y habe verdorbene Milch produziert<br />

Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

Shun Suzuki<br />

Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

In meiner Türkisch-Bad-schwülheissen Stube<br />

plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

den Spuren Bashôs folgend hierher geflogen<br />

Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

Töffs zirpen, sirren<br />

und der Lärm der Grillen<br />

bohrt sich ein in den Fels<br />

An der Grenzschranke von Shitomae, im Nieselregen<br />

stand er mit zweifelnder Miene:<br />

Nichts als Reklameschilder für hölzerne Puppen<br />

kein Ross, keine Kuh, ja nicht mal ein einziges Huhn<br />

Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

verstreut über Weiden die altehrwürdigen Bauerngehöfte<br />

Gras mampfende Kühe und Pferde<br />

in langen Zügen vorüberziehende Ziegen mit Schellengebimmel<br />

Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

Der Molkereikonzern Y habe verdorbene Milch produziert<br />

Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

Shun Suzuki<br />

Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

In meiner Türkisch-Bad-schwülheissen Stube<br />

plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

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Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

Töffs zirpen, sirren<br />

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An der Grenzschranke von Shitomae, im Nieselregen<br />

stand er mit zweifelnder Miene:<br />

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Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

verstreut über Weiden die altehrwürdigen Bauerngehöfte<br />

Gras mampfende Kühe und Pferde<br />

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Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

Der Molkereikonzern Y habe verdorbene Milch produziert<br />

Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

Shun Suzuki<br />

Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

In meiner Türkisch-Bad-schwülheissen Stube<br />

plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

den Spuren Bashôs folgend hierher geflogen<br />

Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

Töffs zirpen, sirren<br />

und der Lärm der Grillen<br />

bohrt sich ein in den Fels<br />

An der Grenzschranke von Shitomae, im Nieselregen<br />

stand er mit zweifelnder Miene:<br />

Nichts als Reklameschilder für hölzerne Puppen<br />

kein Ross, keine Kuh, ja nicht mal ein einziges Huhn<br />

Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

verstreut über Weiden die altehrwürdigen Bauerngehöfte<br />

Gras mampfende Kühe und Pferde<br />

in langen Zügen vorüberziehende Ziegen mit Schellengebimmel<br />

Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

Der Molkereikonzern Y habe verdorbene Milch produziert<br />

Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

Shun Suzuki<br />

Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

In meiner Türkisch-Bad-schwülheissen Stube<br />

plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

den Spuren Bashôs folgend hierher geflogen<br />

Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

Töffs zirpen, sirren<br />

und der Lärm der Grillen<br />

bohrt sich ein in den Fels<br />

An der Grenzschranke von Shitomae, im Nieselregen<br />

stand er mit zweifelnder Miene:<br />

Nichts als Reklameschilder für hölzerne Puppen<br />

kein Ross, keine Kuh, ja nicht mal ein einziges Huhn<br />

Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

verstreut über Weiden die altehrwürdigen Bauerngehöfte<br />

Gras mampfende Kühe und Pferde<br />

in langen Zügen vorüberziehende Ziegen mit Schellengebimmel<br />

Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

Der Molkereikonzern Y habe verdorbene Milch produziert<br />

Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

Shun Suzuki<br />

Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

In meiner Türkisch-Bad-schwülheissen Stube<br />

plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

den Spuren Bashôs folgend hierher geflogen<br />

Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

Töffs zirpen, sirren<br />

und der Lärm der Grillen<br />

bohrt sich ein in den Fels<br />

An der Grenzschranke von Shitomae, im Nieselregen<br />

stand er mit zweifelnder Miene:<br />

Nichts als Reklameschilder für hölzerne Puppen<br />

kein Ross, keine Kuh, ja nicht mal ein einziges Huhn<br />

Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

verstreut über Weiden die altehrwürdigen Bauerngehöfte<br />

Gras mampfende Kühe und Pferde<br />

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Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

Der Molkereikonzern Y habe verdorbene Milch produziert<br />

Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

Shun Suzuki<br />

Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

In meiner Türkisch-Bad-schwülheissen Stube<br />

plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

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Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

Töffs zirpen, sirren<br />

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Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

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Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

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Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

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plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

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Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

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stand er mit zweifelnder Miene:<br />

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Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

verstreut über Weiden die altehrwürdigen Bauerngehöfte<br />

Gras mampfende Kühe und Pferde<br />

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Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

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Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

Shun Suzuki<br />

Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

In meiner Türkisch-Bad-schwülheissen Stube<br />

plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

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Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

Töffs zirpen, sirren<br />

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bohrt sich ein in den Fels<br />

An der Grenzschranke von Shitomae, im Nieselregen<br />

stand er mit zweifelnder Miene:<br />

Nichts als Reklameschilder für hölzerne Puppen<br />

kein Ross, keine Kuh, ja nicht mal ein einziges Huhn<br />

Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

verstreut über Weiden die altehrwürdigen Bauerngehöfte<br />

Gras mampfende Kühe und Pferde<br />

in langen Zügen vorüberziehende Ziegen mit Schellengebimmel<br />

Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

Der Molkereikonzern Y habe verdorbene Milch produziert<br />

Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

Shun Suzuki<br />

Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

In meiner Türkisch-Bad-schwülheissen Stube<br />

plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

den Spuren Bashôs folgend hierher geflogen<br />

Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

Töffs zirpen, sirren<br />

und der Lärm der Grillen<br />

bohrt sich ein in den Fels<br />

An der Grenzschranke von Shitomae, im Nieselregen<br />

stand er mit zweifelnder Miene:<br />

Nichts als Reklameschilder für hölzerne Puppen<br />

kein Ross, keine Kuh, ja nicht mal ein einziges Huhn<br />

Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

verstreut über Weiden die altehrwürdigen Bauerngehöfte<br />

Gras mampfende Kühe und Pferde<br />

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Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

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Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

Shun Suzuki<br />

Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

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Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

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Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

Töffs zirpen, sirren<br />

und der Lärm der Grillen<br />

bohrt sich ein in den Fels<br />

An der Grenzschranke von Shitomae, im Nieselregen<br />

stand er mit zweifelnder Miene:<br />

Nichts als Reklameschilder für hölzerne Puppen<br />

kein Ross, keine Kuh, ja nicht mal ein einziges Huhn<br />

Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

verstreut über Weiden die altehrwürdigen Bauerngehöfte<br />

Gras mampfende Kühe und Pferde<br />

in langen Zügen vorüberziehende Ziegen mit Schellengebimmel<br />

Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

Der Molkereikonzern Y habe verdorbene Milch produziert<br />

Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

Shun Suzuki<br />

Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

In meiner Türkisch-Bad-schwülheissen Stube<br />

plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

den Spuren Bashôs folgend hierher geflogen<br />

Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

Töffs zirpen, sirren<br />

und der Lärm der Grillen<br />

bohrt sich ein in den Fels<br />

An der Grenzschranke von Shitomae, im Nieselregen<br />

stand er mit zweifelnder Miene:<br />

Nichts als Reklameschilder für hölzerne Puppen<br />

kein Ross, keine Kuh, ja nicht mal ein einziges Huhn<br />

Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

verstreut über Weiden die altehrwürdigen Bauerngehöfte<br />

Gras mampfende Kühe und Pferde<br />

in langen Zügen vorüberziehende Ziegen mit Schellengebimmel<br />

Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

Der Molkereikonzern Y habe verdorbene Milch produziert<br />

Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

Shun Suzuki<br />

Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

In meiner Türkisch-Bad-schwülheissen Stube<br />

plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

den Spuren Bashôs folgend hierher geflogen<br />

Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

Töffs zirpen, sirren<br />

und der Lärm der Grillen<br />

bohrt sich ein in den Fels<br />

An der Grenzschranke von Shitomae, im Nieselregen<br />

stand er mit zweifelnder Miene:<br />

Nichts als Reklameschilder für hölzerne Puppen<br />

kein Ross, keine Kuh, ja nicht mal ein einziges Huhn<br />

Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

verstreut über Weiden die altehrwürdigen Bauerngehöfte<br />

Gras mampfende Kühe und Pferde<br />

in langen Zügen vorüberziehende Ziegen mit Schellengebimmel<br />

Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

Der Molkereikonzern Y habe verdorbene Milch produziert<br />

Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

Shun Suzuki<br />

Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

In meiner Türkisch-Bad-schwülheissen Stube<br />

plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

den Spuren Bashôs folgend hierher geflogen<br />

Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

Töffs zirpen, sirren<br />

und der Lärm der Grillen<br />

bohrt sich ein in den Fels<br />

An der Grenzschranke von Shitomae, im Nieselregen<br />

stand er mit zweifelnder Miene:<br />

Nichts als Reklameschilder für hölzerne Puppen<br />

kein Ross, keine Kuh, ja nicht mal ein einziges Huhn<br />

Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

verstreut über Weiden die altehrwürdigen Bauerngehöfte<br />

Gras mampfende Kühe und Pferde<br />

in langen Zügen vorüberziehende Ziegen mit Schellengebimmel<br />

Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

Der Molkereikonzern Y habe verdorbene Milch produziert<br />

Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

Shun Suzuki<br />

Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

In meiner Türkisch-Bad-schwülheissen Stube<br />

plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

den Spuren Bashôs folgend hierher geflogen<br />

Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

Töffs zirpen, sirren<br />

und der Lärm der Grillen<br />

bohrt sich ein in den Fels<br />

An der Grenzschranke von Shitomae, im Nieselregen<br />

stand er mit zweifelnder Miene:<br />

Nichts als Reklameschilder für hölzerne Puppen<br />

kein Ross, keine Kuh, ja nicht mal ein einziges Huhn<br />

Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

verstreut über Weiden die altehrwürdigen Bauerngehöfte<br />

Gras mampfende Kühe und Pferde<br />

in langen Zügen vorüberziehende Ziegen mit Schellengebimmel<br />

Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

Der Molkereikonzern Y habe verdorbene Milch produziert<br />

Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

Shun Suzuki<br />

Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

In meiner Türkisch-Bad-schwülheissen Stube<br />

plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

den Spuren Bashôs folgend hierher geflogen<br />

Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

Töffs zirpen, sirren<br />

und der Lärm der Grillen<br />

bohrt sich ein in den Fels<br />

An der Grenzschranke von Shitomae, im Nieselregen<br />

stand er mit zweifelnder Miene:<br />

Nichts als Reklameschilder für hölzerne Puppen<br />

kein Ross, keine Kuh, ja nicht mal ein einziges Huhn<br />

Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

verstreut über Weiden die altehrwürdigen Bauerngehöfte<br />

Gras mampfende Kühe und Pferde<br />

in langen Zügen vorüberziehende Ziegen mit Schellengebimmel<br />

Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

Der Molkereikonzern Y habe verdorbene Milch produziert<br />

Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

Shun Suzuki<br />

Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

In meiner Türkisch-Bad-schwülheissen Stube<br />

plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

den Spuren Bashôs folgend hierher geflogen<br />

Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

Töffs zirpen, sirren<br />

und der Lärm der Grillen<br />

bohrt sich ein in den Fels<br />

An der Grenzschranke von Shitomae, im Nieselregen<br />

stand er mit zweifelnder Miene:<br />

Nichts als Reklameschilder für hölzerne Puppen<br />

kein Ross, keine Kuh, ja nicht mal ein einziges Huhn<br />

Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

verstreut über Weiden die altehrwürdigen Bauerngehöfte<br />

Gras mampfende Kühe und Pferde<br />

in langen Zügen vorüberziehende Ziegen mit Schellengebimmel<br />

Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

Der Molkereikonzern Y habe verdorbene Milch produziert<br />

Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

Shun Suzuki<br />

Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

In meiner Türkisch-Bad-schwülheissen Stube<br />

plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

den Spuren Bashôs folgend hierher geflogen<br />

Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

Töffs zirpen, sirren<br />

und der Lärm der Grillen<br />

bohrt sich ein in den Fels<br />

An der Grenzschranke von Shitomae, im Nieselregen<br />

stand er mit zweifelnder Miene:<br />

Nichts als Reklameschilder für hölzerne Puppen<br />

kein Ross, keine Kuh, ja nicht mal ein einziges Huhn<br />

Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

verstreut über Weiden die altehrwürdigen Bauerngehöfte<br />

Gras mampfende Kühe und Pferde<br />

in langen Zügen vorüberziehende Ziegen mit Schellengebimmel<br />

Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

Der Molkereikonzern Y habe verdorbene Milch produziert<br />

Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

Shun Suzuki<br />

Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

In meiner Türkisch-Bad-schwülheissen Stube<br />

plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

den Spuren Bashôs folgend hierher geflogen<br />

Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

Töffs zirpen, sirren<br />

und der Lärm der Grillen<br />

bohrt sich ein in den Fels<br />

An der Grenzschranke von Shitomae, im Nieselregen<br />

stand er mit zweifelnder Miene:<br />

Nichts als Reklameschilder für hölzerne Puppen<br />

kein Ross, keine Kuh, ja nicht mal ein einziges Huhn<br />

Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

verstreut über Weiden die altehrwürdigen Bauerngehöfte<br />

Gras mampfende Kühe und Pferde<br />

in langen Zügen vorüberziehende Ziegen mit Schellengebimmel<br />

Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

Der Molkereikonzern Y habe verdorbene Milch produziert<br />

Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

Shun Suzuki<br />

Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

In meiner Türkisch-Bad-schwülheissen Stube<br />

plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

den Spuren Bashôs folgend hierher geflogen<br />

Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

Töffs zirpen, sirren<br />

und der Lärm der Grillen<br />

bohrt sich ein in den Fels<br />

An der Grenzschranke von Shitomae, im Nieselregen<br />

stand er mit zweifelnder Miene:<br />

Nichts als Reklameschilder für hölzerne Puppen<br />

kein Ross, keine Kuh, ja nicht mal ein einziges Huhn<br />

Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

verstreut über Weiden die altehrwürdigen Bauerngehöfte<br />

Gras mampfende Kühe und Pferde<br />

in langen Zügen vorüberziehende Ziegen mit Schellengebimmel<br />

Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

Der Molkereikonzern Y habe verdorbene Milch produziert<br />

Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

Shun Suzuki<br />

Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

In meiner Türkisch-Bad-schwülheissen Stube<br />

plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

den Spuren Bashôs folgend hierher geflogen<br />

Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

Töffs zirpen, sirren<br />

und der Lärm der Grillen<br />

bohrt sich ein in den Fels<br />

An der Grenzschranke von Shitomae, im Nieselregen<br />

stand er mit zweifelnder Miene:<br />

Nichts als Reklameschilder für hölzerne Puppen<br />

kein Ross, keine Kuh, ja nicht mal ein einziges Huhn<br />

Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

verstreut über Weiden die altehrwürdigen Bauerngehöfte<br />

Gras mampfende Kühe und Pferde<br />

in langen Zügen vorüberziehende Ziegen mit Schellengebimmel<br />

Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

Der Molkereikonzern Y habe verdorbene Milch produziert<br />

Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

Shun Suzuki<br />

Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

In meiner Türkisch-Bad-schwülheissen Stube<br />

plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

den Spuren Bashôs folgend hierher geflogen<br />

Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

Töffs zirpen, sirren<br />

und der Lärm der Grillen<br />

bohrt sich ein in den Fels<br />

An der Grenzschranke von Shitomae, im Nieselregen<br />

stand er mit zweifelnder Miene:<br />

Nichts als Reklameschilder für hölzerne Puppen<br />

kein Ross, keine Kuh, ja nicht mal ein einziges Huhn<br />

Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

verstreut über Weiden die altehrwürdigen Bauerngehöfte<br />

Gras mampfende Kühe und Pferde<br />

in langen Zügen vorüberziehende Ziegen mit Schellengebimmel<br />

Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

Der Molkereikonzern Y habe verdorbene Milch produziert<br />

Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

Shun Suzuki<br />

Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

In meiner Türkisch-Bad-schwülheissen Stube<br />

plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

den Spuren Bashôs folgend hierher geflogen<br />

Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

Töffs zirpen, sirren<br />

und der Lärm der Grillen<br />

bohrt sich ein in den Fels<br />

An der Grenzschranke von Shitomae, im Nieselregen<br />

stand er mit zweifelnder Miene:<br />

Nichts als Reklameschilder für hölzerne Puppen<br />

kein Ross, keine Kuh, ja nicht mal ein einziges Huhn<br />

Unversehens tauchte vor meinem Auge sein Dorf in der Nähe des Bodensees auf<br />

verstreut über Weiden die altehrwürdigen Bauerngehöfte<br />

Gras mampfende Kühe und Pferde<br />

in langen Zügen vorüberziehende Ziegen mit Schellengebimmel<br />

Zur selben Zeit erreichte uns über den Äther die Meldung<br />

Der Molkereikonzern Y habe verdorbene Milch produziert<br />

Übersetzung: E. Klopfenstein<br />

Holterdiepolter – «auf schmalen Pfaden durchs Hinterland»<br />

Shun Suzuki<br />

Mein Freund aus der Schweiz behauptete steif und fest<br />

Zikade und Grille sei eins was das andere<br />

In meiner Türkisch-Bad-schwülheissen Stube<br />

plagten ihn offenbar die ganze Nacht durch heulende Töffs und das Geschrill der Insekten<br />

Er war aus einem Land ohne Zikaden und Grillen<br />

den Spuren Bashôs folgend hierher geflogen<br />

Nun hob er den Blick zu den ‹Kiefern und Eichen› des Bergtempels, murmelte:<br />

Zikaden und Bikes produzieren das gleiche metallische Scheppern<br />

Zikaden rasen herum<br />

Töffs zirpen, sirren<br />

und der Lärm der Grillen<br />

bohrt sich ein in den Fels<br />

An der Grenzschranke von Shitomae, im Nieselregen<br />

stand er mit zweifelnder M


Collectionneurs, commissaires et commentateurs<br />

L’art contemporain chinois en Suisse<br />

Xenia Tetmajer von Przerwa<br />

16


Sur son territoire exigu, la Suisse abrite un nombre considérable de collections d’art contemporain et expérimental<br />

chinois, dont celle d’Uli Sigg, l’une des plus vastes au monde, à voir à Berne en été 2005 ❙<br />

Dans d’autres pays européens, comme l’Allemagne,<br />

la France et l’Italie, mais aussi aux Etats-<br />

Unis, l’art chinois d’avant-garde a depuis longtemps<br />

fait son entrée publique. En Suisse par<br />

contre, avec Mahjong – art chinois contemporain de<br />

la collection Sigg cet été au Kunstmuseum de Berne,<br />

ce sera la première fois qu’un musée ouvre ses<br />

portes à une exposition d’art expérimental chinois.<br />

Jusqu’ici, seuls quelques rares artistes chinois<br />

sont parvenus à passer le seuil d’un musée<br />

suisse et seul l’un d’eux, Ai Weiwei (*1957), a eu<br />

les honneurs d’une exposition personnelle, l’an<br />

dernier à la Kunsthalle de Berne. Le réseau qui relie<br />

la Suisse à l’art chinois d’avant-garde est petit<br />

et intime. On ne s’étonnera donc guère que<br />

«l’œuvre la plus énigmatique» (comme la Weltwoche<br />

l’a définie dans son compte rendu) de l’exposition<br />

d’Ai Weiwei ait été une figure de polyester<br />

grandeur nature représentant précisément Uli<br />

Sigg, le collectionneur qui permet maintenant au<br />

public suisse de découvrir une partie de sa collection.<br />

Même si ses musées ont encore un peu de retard<br />

à rattraper, dans ses rapports avec la Chine, la<br />

Suisse elle-même n’en a guère. Elle a été en 1950<br />

un des premiers pays à nouer des relations diplomatiques<br />

avec la République populaire de Chine.<br />

Et le Suisse Uli Sigg œuvrait déjà sans relâche en<br />

Chine au début de la période de réforme lancée<br />

par Deng Xiaoping (1904-1997). A cette époque<br />

non comme collectionneur d’art, mais comme<br />

entrepreneur. C’est en effet lui, qui en 1980, a mis<br />

en route, pour les ascenseurs Schindler, la première<br />

joint-venture industrielle avec l’Empire<br />

du Milieu. La première floraison de l’art chinois<br />

d’avant-garde, au milieu des années quatre-vingt,<br />

a cependant été largement ignorée de la Suisse<br />

comme du reste du monde. Les jeunes artistes<br />

chinois ont tenté d’absorber en quelques années,<br />

à l’aide de publications et de quelques expositions<br />

internationales, toute l’évolution de l’art<br />

international contemporain. Résultat: un pêlemêle<br />

de théories et de techniques occidentales<br />

avidement ingérées, à l’aide desquelles les jeunes<br />

intellectuels espéraient venir à bout de leur passé,<br />

dominé par les violences de la révolution culturelle<br />

(1966-1976). Ces expériences pour ainsi dire<br />

effrénées n’ont toutefois pas donné naissance à<br />

un art d’imitation seulement, comme l’ont souvent<br />

relevé les commentateurs d’alors. Rétrospectivement,<br />

les mouvements de cette phase – à commencer<br />

par Xiamen Dada – sont évalués de<br />

manière positive. Au nombre des œuvres les plus<br />

reconnues de cette époque, citons Une “Histoire de<br />

l’art chinois” et un “Dictionnaire de poche de la peinture<br />

moderne” lavés deux minutes dans une machine à laver<br />

(1987) de Huang Yongping (*1954), aujourd’hui<br />

installé à Paris.<br />

Ce n’est qu’au milieu des années quatre-vingtdix<br />

que le monde artistique international a commencé<br />

de s’intéresser de plus près aux pratiques<br />

des artistes expérimentaux chinois. Comme pour<br />

les relations diplomatiques et économiques, la<br />

Suisse a été très tôt de la partie, par l’intermédiaire<br />

de collectionneurs privés et de galeries isolées<br />

tout d’abord. La collection Sigg à Lucerne, par<br />

exemple, a démarré à cette époque et jouit toujours<br />

de la plus grande renommée internationale.<br />

On trouve deux autres Suisses parmi les galeristes<br />

de la première heure: Manfred Schoeni fondait<br />

en 1992 une galerie d’art chinois contemporain à<br />

Hong Kong, tandis qu’en 1995, Lorenz Helbling<br />

ouvrait en Chine même, à Shanghai, la seconde<br />

galerie en la matière. «Quand je suis allé m’ins-<br />

17


18<br />

taller à Shanghai, la Chine était un véritable désert<br />

à l’égard de l’art contemporain», se souvient<br />

Helbling. A ce jour, sa galerie ShanghART est restée<br />

l’une des plus innovatrices dans ce domaine,<br />

et l’une des seules à ne pas se contenter de vendre<br />

des œuvres, mais aussi à soutenir activement<br />

de jeunes artistes inconnus. ShanghART a été en<br />

2000 la première galerie présentant des artistes<br />

expérimentaux chinois à être admise à Art Basel.<br />

Du même coup, Art Basel a été la première foire<br />

internationale qui montre de l’art chinois d’avantgarde.<br />

Les Suisses figurent aussi parmi les premiers commissaires<br />

d’exposition indépendants qui se sont<br />

intéressés à la scène artistique contemporaine de<br />

Chine. Tant Harald Szeemann que Hans Ulrich<br />

Obrist ont inclus en 1997 des artistes expérimentaux<br />

chinois dans leurs projets respectifs, Biennale<br />

de Lyon et Cities on the Move. Avec la 48e Biennale<br />

de Venise organisée en 1999 par Harald Szeemann,<br />

qui montrait les œuvres de vingt artistes chinois,<br />

l’art chinois contemporain prenait définitivement<br />

pied sur le parquet de l’art international. Peu<br />

après, des galeries suisses ont commencé à exposer<br />

elles aussi de l’art chinois d’avant-garde. Tandis<br />

qu’Art&Public, à Genève, se concentrait essentiellement<br />

sur des artistes chinois qui avaient<br />

entre-temps émigré à l’étranger, la galerie Urs<br />

Meile de Lucerne exposait surtout de jeunes artistes<br />

expérimentaux restés en Chine. Toutes deux<br />

continuent de présenter des artistes d’autres nationalités<br />

aussi, mais récemment, s’est ouverte<br />

une galerie exclusivement spécialisée dans l’art<br />

chinois contemporain, la galerie Leda Fletcher à<br />

Genève. Une telle spécialisation n’est pas surprenante,<br />

car le marché de l’art expérimental chinois<br />

grandit et les prix montent à une vitesse vertigineuse.<br />

Même les maisons de ventes aux enchères<br />

Christie’s et Sotheby’s proposent de plus en plus<br />

d’œuvres dans ce domaine, le plus souvent avec<br />

d’importantes marges de profit. Quant à la gale-<br />

rie Grace Alexander, ouverte l’an dernier à Zurich,<br />

elle ne s’intéresse pas, selon sa cofondatrice<br />

Grace Rong Li, à tout le bruit qu’on fait aujourd’hui<br />

autour de l’art contemporain chinois et à<br />

l’avantage que l’on peut en tirer. Elle choisit ses<br />

artistes d’après leur talent, pas d’après leur nationalité.<br />

Alors que l’art contemporain et expérimental chinois<br />

s’est parfaitement profilé sur le marché occidental,<br />

les travaux critiques ou universitaires sont<br />

plutôt rares, en Suisse aussi. Cela tient tant au<br />

désintérêt de la plupart des historiens qu’à un<br />

certain mépris des critiques à l’égard de l’art contemporain<br />

chinois, souvent décrié comme une<br />

copie commerciale d’une création occidentale supérieure.<br />

Chez les universitaires, le problème réside<br />

surtout dans l’approche traditionnelle qu’ils<br />

ont de cet art. Quant à l’opinion des critiques, il<br />

faut plutôt chercher son origine dans l’«art chinois<br />

contemporain» montré en Occident: ce sont pour<br />

la plupart des œuvres que l’utilisation d’un vocabulaire<br />

esthétique occidental rend accessibles au<br />

spectateur d’ici, bien qu’elles s’attaquent thématiquement<br />

à une réalité profondément chinoise.<br />

On en trouve un exemple révélateur avec la série<br />

Grande critique de Wang Guangyi (*1957), commencée<br />

au milieu des années quatre-vingt-dix. Dans<br />

ces œuvres que le critique chinois Li Xianting fait<br />

appartenir à la catégorie «polit-pop», on assiste,<br />

par la fusion de l’art de propagande chinois et du<br />

pop art occidental, à une manière spécifiquement<br />

chinoise d’assumer le passé. Un certain cynisme<br />

de la part des historiens de l’art occidentaux –<br />

surtout ceux qui ne s’intéressent pas au cadre social,<br />

historique et culturel – est donc compréhensible;<br />

il est défendable dans la mesure où l’accueil<br />

favorable du public occidental repose souvent sur<br />

la qualité exotique que son regard prête traditionnellement<br />

à l’art non-occidental.<br />

Une certaine monotonie s’est entre-temps insinuée<br />

dans le canon de l’art contemporain chinois.


Bon nombre des expositions mises sur pied dans<br />

le sillage du tapage médiatique suscité par la 48e Biennale de Venise n’ont pas cherché à développer<br />

un point de vue neuf et personnel. Beaucoup<br />

de commissaires internationaux se sont lancés,<br />

souvent sans aucune connaissance de la langue<br />

ou de la culture chinoises, dans une série de visites-éclair<br />

à travers les ateliers pékinois, rassemblant<br />

des œuvres qui confirmaient leurs impressions<br />

toutes faites. Les mauvaises langues les ont<br />

appelés «commissaires-parachutistes». A leur retour<br />

en Occident, ils présentaient ce choix comme<br />

«l’art contemporain chinois» par excellence. Il<br />

n’est donc guère apparu de considérations critiques<br />

propres à miner le discours orthodoxe; on<br />

s’est plutôt contenté de remâcher sans cesse les<br />

mêmes œuvres reconnues, comme les photos de<br />

performances de Ma Liuming (*1969) et de Zhang<br />

Huan (*1965), intégrées dans la Biennale, et les<br />

crânes d’hommes chauves de Fang Lijun (*1963).<br />

Relèvent aussi de cette catégorie la plupart des<br />

œuvres proposées à la vente par des galeries<br />

suisses et acquises par des collections d’art expérimental<br />

chinois. Mais la dernière génération d’artistes<br />

chinois – plus marqués par le commerce<br />

que par la révolution – est en train de saper cette<br />

monotonie.<br />

Après le premier stade d’euphorie et de rapprochement,<br />

il faut espérer que la Suisse jouera aussi<br />

un rôle de premier plan dans le domaine du<br />

discours critique à l’égard de l’art contemporain<br />

chinois. Malgré la grande densité des collections<br />

et galeries qui lui sont vouées, rares sont encore<br />

les travaux de recherche et les publications suisses<br />

à s’y intéresser. Ainsi, c’est seulement l’an<br />

dernier que la Neue Zürcher Zeitung a commencé<br />

de rendre sporadiquement compte de la scène<br />

artistique chinoise. Les revues d’art, comme le<br />

magazine de renommée internationale Parkett,<br />

n’ont encore prêté aucune attention à l’art chinois<br />

contemporain. Et pas une seule université<br />

suisse ne propose de cours sur ce thème, et encore<br />

moins de chaire. L’exposition Mahjong présentera<br />

au public suisse près de 200 œuvres de plus de 70<br />

artistes expérimentaux contemporains et s’accompagnera<br />

de nombreuses manifestations spéciales,<br />

ainsi que d’un riche catalogue. Une chance<br />

donc de gagner à cette cause d’autres acteurs du<br />

monde suisse de l’art. Parmi les artistes chinois<br />

contemporains, il y a longtemps en effet que la<br />

Suisse n’est pas connue pour sa faim de fromage<br />

et de chocolat seulement, mais aussi pour son<br />

appétit de leur art. ¬<br />

Traduit de l’allemand par Christian Viredaz<br />

Xenia Tetmajer von Przerwa, historienne et critique d’art spécialisée<br />

dans l’art contemporain chinois, a suivi une formation de<br />

sinologue. Rédactrice à ARTAsiaPacifc et AsianArtNews, elle collabore<br />

à de nombreuses publications d’art internationales. Xenia<br />

Tetmajer von Przerwa est conservatrice d’une collection privée<br />

suisse d’art expérimental chinois et effectue sa thèse de doctorat<br />

à la School of Oriental and African Studies de Londres.<br />

19


Miaou ou Mao?<br />

Cinq pas de la longue marche sur le boulevard de l’art<br />

Qiu Jie<br />

20<br />

Le Quotidien de Shanghai Il y a un temps où je faisais de grands dessins sur le papier journal du<br />

Quotidien de Shanghai. Ma famille de Shanghai était abonnée à ce journal. Mes parents le lisaient et<br />

l’empilaient soigneusement. Ils me l’envoyaient une fois par mois. Dès que je le recevais, je le lisais<br />

avec grand appétit pendant plusieurs nuits. Puis, je le donnais à mes amis chinois de Genève. Après<br />

leur lecture, je récupérais ce papier et y faisais de la calligraphie. (Ce papier est fabriqué avec beaucoup<br />

de soin, il est très poreux et très proche du papier chinois. En Chine, tous les artistes l’utilisent<br />

de cette façon.) A la fin, je faisais de grands dessins sur ce papier calligraphié. Je les ai exposés à<br />

Zurich, à Bâle et à Genève. J’ai eu de très bons échos. Pour en voir un, il suffit d’aller manger au restaurant<br />

L’Eléphant à Genève, 10, rue Goetz-Monin, près de l’hôpital.<br />

Les baguettes Les baguettes sont une des plus grandes inventions chinoises (matériaux variés, fabrication<br />

facile, utilisation hygiénique). Les Chinois, à travers les baguettes, montrent une grande efficacité<br />

et une grande préoccupation pour la nourriture. En fait, les baguettes ne sont qu’un prolongement<br />

de deux doigts. Et je ne vois pas d’outils plus efficaces que nos doigts. Comme on le sait, un<br />

Chinois, avec des baguettes, peut facilement prendre les vermicelles dans une casserole de fondue<br />

chinoise bouillante. Il peut aussi prendre une cacahuète et la mettre élégamment dans la bouche.<br />

A côté des baguettes, les fourchettes et les couteaux métalliques sont comme un canon pour chasser<br />

une mouche.<br />

Une tondeuse à cheveux Au tout début de mes études en Suisse, je suis allé chez le coiffeur. Une<br />

simple coupe sans shampoing coûtait 30 francs. C’était un prix très lourd pour un simple étudiant.<br />

Je me suis acheté une tondeuse à cheveux à La Placette, de la marque Nation. Depuis lors, pendant<br />

12 ans, je ne suis jamais retourné une seule fois chez le coiffeur. Si on calcule, en moyenne je me<br />

rase les cheveux une fois par mois. Ça fait 12 fois par année, et 12 années font 144 fois. 144 multiplié<br />

par 30 font 4’320 francs. Quelle économie!<br />

Le jeu de go Les pièces du jeu de go sont noires et blanches, on y joue sur un échiquier composé de<br />

361 croisements. Chaque pièce a la même valeur. Il existe des documents sur ce jeu datant de l’an<br />

300 avant J.-C. A partir du 6ème siècle après J.-C., on dispose de notes de grands maîtres sur le jeu.<br />

Chaque partie de jeu est comme une vie: elle peut révéler la technique, le caractère et la philosophie<br />

du joueur. C’est un des jeux intellectuels pour lequel l’ordinateur n’a pas encore pu atteindre un haut<br />

niveau. En tant qu’artiste, je vois ce jeu comme un art conceptuel et minimaliste. Après avoir joué<br />

une partie, quand on regarde l’échiquier plein, n’est-ce pas un tableau de Mondrian? Je me souviens,<br />

il y a 25 ans, un soir, je suis allé voir mon père. Nous avions très envie de jouer au go et nous n’avions<br />

pas de pièces. Nous avons joué toute la nuit avec des graines de soja rouge et de soja jaune.<br />

Portrait de Mao (le chat) Il y a trois ans, j’ai commencé une grande série de portraits. L’idée est de<br />

faire les portraits de tous mes amis, à la peinture à l’huile, d’après modèle et en deux heures et demie,<br />

comme je le faisais en Chine, aux Beaux-Arts. J’en suis au 150ème. J’ai aussi fait un portrait de mon<br />

chat. Pour le rendre plus humain, je l’ai peint avec une veste Mao. Je l’ai intitulé Portrait de Mao. (Mao,<br />

en chinois, désigne à la fois le chat et le Président Mao Tsé-Toung. C’est pourquoi, pendant la Révolution<br />

culturelle, nous pouvions manger tous les animaux, sauf le chat). Grande surprise! Ce tableau<br />

a tout de suite eu un grand succès auprès des amis et des collectionneurs. J’ai dû en faire des copies.<br />

J’en suis à la douzième. A presque toutes mes expositions, j’en ai vendu un ou deux. Mes amis se<br />

moquent de moi: «Tu as avancé sur le chemin tracé par Mao (le chat)!» ¬<br />

Qiu Jie est né en 1961 à Shanghai et y a obtenu en 1981 le diplôme de l’Ecole des Beaux-Arts. Il vit depuis plusieures années comme<br />

artiste à Genève et enseigne à l’Ecole cantonale d’art du Valais. Il a exposé dans de nombreuses galeries en Suisse, dont, en 2004, les<br />

galeries Leda Fletcher à Genève et Martin Krebs à Berne.


Patrie de Heidi, mais encore?<br />

L’image de la Suisse au Japon et en Chine<br />

Urs Schoettli<br />

La Suisse jouit, aussi bien en Chine qu’au Japon, d’une notoriété remarquable en regard de sa taille. De plus, et<br />

c’est assez extraordinaire, elle bénéficie dans les deux pays d’une excellente réputation. Cette dernière est certes<br />

le résultat d’une évolution de longue date, elle n’en est pas moins surprenante étant donné combien la Suisse et<br />

l’Asie de l’Est sont éloignées culturellement et géographiquement. Les images que se font de la Suisse la Répu-<br />

blique populaire de Chine et le Japon ont quelques points communs, mais elles divergent aussi sensiblement et<br />

ces différences sont pour l’essentiel liées au degré de développement des deux pays ❙<br />

Dans le dernier tiers du XIXe siècle, le Japon s’est<br />

profondément modernisé à la suite de la Restauration<br />

Meiji. En plein développement, le Japon<br />

fait alors d’importants emprunts à l’Europe, non<br />

seulement pour ce qui est de l’industrie, de l’armée<br />

et de l’architecture, mais aussi du droit pénal<br />

et civil, de l’éducation et de la mode. Les élites<br />

japonaises s’étaient fort bien rendu compte<br />

que si leur pays ne rattrapait pas les puissances<br />

occidentales dans son développement industriel<br />

et social, il partagerait le destin de l’Inde, de l’Asie<br />

du Sud-Est et de la Chine et il finirait en colonie<br />

ou deviendrait le jouet des empires européens. En<br />

Chine, une cour impériale réactionnaire suspendit<br />

la première vague de réformes vers la fin du XIXe siècle, ce qui eut des conséquences fatales pour<br />

son histoire au XXe siècle.<br />

Amorcée par l’empereur Meiji, l’ouverture du Japon<br />

au monde extérieur se poursuivit au XXe siècle<br />

même si, dans un premier temps, elle prit un<br />

caractère impérialiste et militariste et précipita le<br />

Japon dans la catastrophe de la Seconde Guerre<br />

mondiale. Mais depuis que, dans les années cinquante<br />

et soixante du XXe siècle, le Japon a pris<br />

conscience de ses capacités productives et s’est<br />

hissé au rang des nations industrielles les plus<br />

importantes et les plus riches, cette ouverture<br />

s’en est trouvée pour ainsi dire pacifiquement accélérée.<br />

Les Japonais en général, et les jeunes Ja-<br />

ponaises en particulier, font aujourd’hui partie<br />

des globe-trotters les plus enthousiastes, ce qui<br />

contraste bizarrement avec l’isolationnisme toujours<br />

entretenu au Japon, notamment vis-à-vis<br />

du continent asiatique voisin.<br />

L’insularité linguistique du Japon pousse l’édition<br />

japonaise à investir bien davantage dans la traduction<br />

de livres étrangers – qu’il s’agisse de littérature<br />

ou d’ouvrages spécialisés – que ne le fait<br />

l’édition sur le continent européen, par exemple.<br />

Les médias se concentrent sur les nouvelles intérieures<br />

et sur ce qui se passe chez les partenaires<br />

économiques les plus importants du Japon, notamment<br />

les Etats-Unis. Mais c’est une des spécificités<br />

des médias japonais que lorsqu’ils s’intéressent<br />

à un pays étranger, à ce qui se passe loin<br />

de leurs frontières, ils le font avec une minutie<br />

particulière. Ainsi, les informations transmises<br />

par les médias japonais sur la guerre en Afghanistan<br />

ont été beaucoup plus approfondies et objectives<br />

que ce ne fut le cas sur les chaînes de<br />

télévision et dans les journaux occidentaux. La<br />

Suisse a également bénéficié de cette rigueur de<br />

l’information, les rares fois où elle en a été l’objet.<br />

Il est probable qu’en bien des points, l’image que<br />

se font les Japonais de la Suisse ne corresponde<br />

pas exactement à celle que les Suisses souhaiteraient<br />

donner d’eux-mêmes. Cependant, il n’est<br />

21


24<br />

pas ici question des préférences, souvent très<br />

autocritiques, des Confédérés, mais du point de<br />

vue des Japonais. Il faut bien l’admettre, Heidi de<br />

Johanna Spyri est l’un des livres les plus populaires<br />

au Japon. Et le Japonais moyen identifie la<br />

Suisse avec les paysages de montagne, les Alpes,<br />

les lacs et les vieilles villes impeccables et non<br />

avec l’industrie, les institutions de recherche et les<br />

nouvelles technologies. De même qu’à l’époque<br />

victorienne, lorsque les Anglais découvraient la<br />

Suisse, c’est la passion de la nature qui conduit<br />

les Japonais à faire de la Suisse une de leurs destinations<br />

privilégiées.<br />

Lorsque, dans les années cinquante du XIXe siècle,<br />

le Japon a amorcé son ouverture au monde<br />

extérieur en accordant aux étrangers le droit de<br />

débarquer dans quelques ports choisis, la Suisse<br />

a été l’un des premiers pays européens à marquer<br />

sa présence diplomatiquement et économiquement.<br />

Bientôt les montres suisses furent synonymes<br />

de qualité et, à leur suite, d’autres produits<br />

et entreprises suisses contribuèrent à affermir le<br />

bon renom de la Confédération dans le nouveau<br />

Japon. Les ravages et les souffrances dont l’éphémère<br />

Empire japonais fut responsable non seulement<br />

auprès des peuples soumis, mais encore<br />

auprès des Japonais eux-mêmes, ont élevé la<br />

neutralité suisse au rang de maxime d’Etat digne<br />

d’admiration. De nombreux Japonais verraient<br />

bien leur pays bénéficier d’une neutralité suisse,<br />

sans toutefois réaliser à quel point les deux pays<br />

diffèrent par la taille et combien les conditions<br />

géopolitiques entièrement différentes qui prévalent<br />

en Asie de l’Est rendent difficile l’adoption<br />

du modèle suisse dans cette partie du monde.<br />

Enfin, certaines qualités mentales, attitudes et<br />

comportements rapprochent Japonais et Suisses<br />

et favorisent largement leur compréhension. Il<br />

n’est guère besoin de se limiter à la ponctualité, à<br />

la qualité du travail et à la propreté. D’autres choses<br />

apparaissent beaucoup plus importantes: par<br />

exemple, les deux sociétés tiennent en haute estime<br />

le bien commun. Les Japonais apprécient<br />

qu’en Suisse, on accorde autant d’importance à la<br />

discrétion du voisinage que chez eux et qu’on ne<br />

revendique pas son droit jusqu’à la limite de la légalité.<br />

Des qualités vraisemblablement imputables<br />

au fait que les Suisses comme les Japonais vivent<br />

dans un environnement où la nature est peu hospitalière<br />

et où ni le climat ni le sol ne prodiguent<br />

inconsidérément trésors et richesses. Enfin, Japonais<br />

et Suisses vivent pressés les uns contre les<br />

autres dans les limites d’un territoire exigu.<br />

La société japonaise est le type même d’une société<br />

de classe moyenne. Bien qu’il existe une<br />

classe supérieure immensément fortunée, on n’y<br />

fait pas étalage de sa richesse. On pourrait<br />

presque déceler dans cette réserve une certaine<br />

parenté avec le calvinisme. Dans tous les cas, le<br />

fait que la Suisse ne soit pas seulement un pays<br />

riche, mais un pays où la prospérité est largement<br />

partagée, suscite l’admiration. Les Japonais<br />

y attachent beaucoup d’importance et y voient la<br />

garantie d’une grande stabilité sociale et politique.<br />

Japonais et Chinois sont quant à eux aussi dissemblables<br />

que Prussiens et Siciliens. Leurs visions<br />

du monde extérieur diffèrent en conséquence.<br />

Alors que, depuis la Restauration Meiji et<br />

la modernisation qu’elle a suscitée, le Japon se<br />

tourne avant tout vers l’Occident, la Chine, elle, se<br />

considère depuis toujours non seulement comme<br />

une puissance fondamentalement asiatique, mais<br />

aussi comme le centre du monde. A l’origine, plus<br />

un pays était éloigné de la capitale de l’empire,<br />

plus il était jugé barbare. La proximité au trône<br />

céleste fondait pour ainsi dire le droit d’un peuple<br />

à se qualifier de cultivé. De ce point de vue,<br />

l’Europe, et donc la Suisse, devaient leur apparaître<br />

comme les ultimes relais de la civilisation. Au<br />

cours du XIXe siècle, lorsque les puissances coloniales<br />

occidentales et les missions chrétiennes<br />

s’introduisirent dans l’Empire du Milieu, la perspective<br />

se modifia et se lesta du poids de la menace<br />

et de l’humiliation. Par moments, la xénophobie,<br />

qu’elle fût spontanée ou mise en scène par<br />

les autorités comme dans la Guerre des Boxers,<br />

s’adressa d’une manière générale à tous les<br />

étrangers, quelle que fût leur nationalité. Au XXe siècle, et plus particulièrement après la victoire<br />

des communistes et la fondation de la République<br />

populaire de Chine, cette attitude se nuança de<br />

nouveau.<br />

La Suisse, l’une des premières nations à avoir reconnu<br />

la jeune république populaire, ne pouvait<br />

se glorifier du titre honorifique de pays frère, accordé<br />

aux Etats du bloc soviétique avant la rupture<br />

avec l’URSS; elle fut toutefois officiellement<br />

considérée comme un Etat bien disposé à l’égard<br />

de la Chine. A vrai dire, un contact direct avec les<br />

Suisses ou même une exploration sur place demeurèrent<br />

la prérogative du petit cercle restreint<br />

de la nomenklatura. Avec l’ouverture de la Chine<br />

dès la fin des années soixante-dix, l’introduction<br />

des réformes économiques et, surtout, l’essor rapide<br />

de la fortune privée, le nombre des Chinois<br />

autorisés à voyager à l’étranger, à étudier à l’étranger<br />

ou à faire des affaires à l’étranger, s’est considérablement<br />

accru. Pour des raisons évidentes,<br />

leur quête du monde les a d’abord portés vers


l’Asie et les Etats-Unis. Mais ces dernières années,<br />

de plus en plus de Chinois ont choisi l’Europe<br />

continentale comme but de leurs séjours<br />

touristiques ou d’études. La Suisse a également<br />

constaté une nette augmentation de sa cote de<br />

popularité auprès des étudiants et des touristes<br />

chinois. Ils semblent particulièrement apprécier<br />

les écoles hôtelières suisses. Et depuis l’année<br />

dernière, la Suisse appartient au petit groupe des<br />

pays dans lesquels même les Chinois ne voyageant<br />

pas en mission officielle ont le droit de se<br />

rendre.<br />

Bien que la compagnie aérienne suisse, au contraire<br />

de toutes les autres compagnies importantes<br />

d’Europe, ait non seulement négligé d’étendre<br />

ses vols vers la Chine, mais les ait purement et<br />

simplement supprimés, la Suisse jouit d’une<br />

bonne réputation en Chine. De leur point de vue,<br />

la Suisse ne se contente pas d’être un beau pays<br />

riche, c’est aussi une société caractérisée par son<br />

haut niveau d’harmonie. Malmenés eux-mêmes<br />

par leur histoire turbulente, les Chinois admirent<br />

le génie pacifique de la Suisse, qui depuis presque<br />

deux cents ans n’a plus connu de guerres ou<br />

de révolutions violentes. Contrairement au Japon,<br />

la Chine n’éprouve cependant que peu d’intérêt<br />

pour la neutralité suisse. Récemment, les politologues<br />

chinois se sont mis à étudier de près l’autonomie<br />

des communes suisses, il n’en reste pas<br />

moins que pour l’Empire du Milieu, la démocratie<br />

directe doit constituer une énigme impénétrable.<br />

Alors que Japonais et Suisses font rarement usage<br />

de tous leurs droits, les Chinois ont tendance à<br />

toujours tester les limites de ce qui est permis et,<br />

pour peu qu’aucune sanction ne tombe, à les ou-<br />

trepasser délibérément. Le fait qu’en Suisse le<br />

peuple, souverain, décide de tout, que les Confédérés<br />

n’aient toutefois pas encore aboli les impôts<br />

ou l’armée, provoque l’incompréhension totale<br />

des interlocuteurs chinois. Les habitants de<br />

l’Empire du Milieu et les Suisses partagent en revanche<br />

une chose: leur méfiance naturelle envers<br />

tous les détenteurs de pouvoir. Après tout, les<br />

Chinois reconnaissent en Guillaume Tell le type<br />

même du résistant en lutte contre une autorité<br />

qui a perverti le Mandat du Ciel. Près de deux<br />

mille ans avant Schiller, le sage confucéen Mencius<br />

avait ainsi fait du tyrannicide le devoir de<br />

tout honnête citoyen. ¬<br />

Traduit de l’allemand par Marielle Larré<br />

Urs Schoettli est né à Bâle en 1948, où il a fait des études de<br />

philosophie. De 1978 à 1982, il a été secrétaire général de l’Internationale<br />

libérale à Londres, puis jusqu’en 1991, son vice-président<br />

et directeur. De 1983 à 1989, il a été correspondant en Asie<br />

du Sud-Est pour le quotidien zurichois Neue Zürcher Zeitung,<br />

de 1990 à 1995, le représentant de la Fondation allemande<br />

Friedrich Naumann pour la Péninsule Ibérique, en poste à<br />

Madrid, et de 1993 à 1995, secrétaire bénévole de la Commission<br />

pour la Grande Europe. Dès 1996, il travaille de nouveau comme<br />

correspondant pour la Neue Zürcher Zeitung, jusqu’en 1999 à Hong<br />

Kong, puis à Tokyo jusqu’en 2002 et depuis 2003 à Pékin.<br />

25


Regards sur un parent lointain<br />

Le Japon dans les images de photographes suisses<br />

Nadine Olonetzky<br />

Une hypothèse: si le Japon et ses marques Sony,<br />

Fuji, Nikon ou Canon fournissent le monde entier<br />

en matériel photographique – appareils, objectifs,<br />

films, médias de stockage –, les photos rendentelles<br />

alors ce monde avec un regard japonais, ou<br />

japonisé? C’est le contraire, écrit Junichirô Tanizaki<br />

dans son Eloge de l’ombre. Comme la lumière<br />

électrique, la chasse d’eau ou la plume métallique<br />

des stylos à encre, la technique photographique<br />

est une invention occidentale, reprise par<br />

le Japon, et malgré des avantages indéniables, on<br />

doit à son propos s’accommoder des inconvénients<br />

les plus divers. Tanizaki décrit merveilleusement<br />

la chose. Et si, au sein de l’Europe déjà, se<br />

manifestent dans l’esthétique photographique<br />

des tempéraments culturels différents, alors que<br />

la technique utilisée est la même, une photographie<br />

inventée de manière autonome par les Japonais<br />

devrait a fortiori correspondre à ce qu’ils<br />

sont et à l’espace où ils vivent. Mais le fossé que<br />

ressent Tanizaki entre pensée japonaise et tech-<br />

nique occidentale est profond, et il se demande<br />

ce que tous ces objets seraient devenus, si le Japon<br />

les avait développés seul. Quoiqu’il en soit, la<br />

technique est la technique, qu’elle provienne aujourd’hui<br />

d’Occident ou d’Orient. Ce qui est donc<br />

déterminant, c’est plutôt comment et d’où l’on<br />

regarde. Et quand la Suisse regarde en direction<br />

du Japon, elle ne regrette pas les insuffisances<br />

des inventions japonaises eu égard à la pensée<br />

occidentale. Le Japon fascine.<br />

Le Japon, c’est le Fujiama enneigé et les pins, des<br />

paysages graphiques, la patrie de la clarté, du<br />

calme et du dépouillement. Le Japon, c’est le pays<br />

des fleurs de cerisier, qui tombent comme autant<br />

de flocons le printemps venu, et des feuilles<br />

d’érable pourpres que l’automne souffle en de<br />

nouvelles nuées ornementales. Le Japon, c’est l’incarnation<br />

d’une esthétique noble, de l’esprit et de<br />

la poésie. Et puis il y a le Japon des néons. Le pays<br />

des gratte-ciel scintillants, des publicités lumi-<br />

27


28<br />

neuses qui clignotent, de la vie chaotique dans<br />

un espace restreint, des hôtels tiroirs, des play-stations<br />

qui couinent, le pays des trains à grande vitesse<br />

et des autoroutes à deux étages. Et entre ces<br />

extrêmes? Comment voit-on aujourd’hui les fleurs<br />

de cerisier, la vie de tous les jours, la grande ville?<br />

Japan, l’ouvrage légendaire de Werner Bischof<br />

(1916-1954), paru en 1954, s’attache encore à<br />

l’image traditionnelle de ce pays qui fait rêver; il<br />

montre la paroi de papier, le jardin de pierres, il<br />

mène aux temples, aux paysans dans les rizières,<br />

au théâtre, et n’aborde que brièvement la page<br />

sombre d’Hiroshima, la pauvreté, puis la vie urbaine<br />

moderne, les bordels, la police. Ces icônes<br />

que sont la photographie des moines marchant<br />

dans la neige, ou celle du bouddha de pierre serein<br />

et absorbé, qui médite assis dans la verte<br />

luxuriance d’un jardin, un escargot sur la joue,<br />

nourrissent le fantasme: Japon, pays de la concentration<br />

tranquille sur l’essentiel. Japon lointain,<br />

étranger, que nous montre le regard de Bischof.<br />

Cette vision, Balthasar Burkhard (*1944) la prolonge<br />

dans les années quatre-vingt; il photographie<br />

en noir et blanc, avec ce sens de la réduction<br />

qui lui est propre, un jardin de pierres toujours,<br />

une forêt de bambous, un pied tendu sous l’ourlet<br />

d’un kimono ou le visage blanchi d’une geisha,<br />

les combine avec des surfaces de couleur monochromes<br />

dans le souci de la qualité graphique, de<br />

la précision et du détail. Chez Burkhard, le pays<br />

reste lointain et étranger, et en faisant abstraction<br />

de la vie contemporaine, il renforce encore<br />

cett idée de Japon que nous portons en nous.<br />

Sous l’emprise des fleurs Après ses séjours photographiques<br />

dans la neige et la glace (Colder,<br />

Walks, Passes), ou dans la verdure d’un jardin d’épices<br />

indien (Spice Garden), Thomas Flechtner (*1961)<br />

se rend au Japon en 2003 et 2004. C’est le temps<br />

des cerisiers en fleurs. Ce qui enchante chacun<br />

là-bas, floraison mousseuse et chute douce de<br />

pétales, le séduit inopinément lui aussi. Il en résulte<br />

des photographies de format vertical, compositions<br />

all over de pétales roses et blancs. Les<br />

fleurs, tremblantes réminiscences de neige, se<br />

font aussi pures formes et couleurs non-figuratives,<br />

les branches foncées des cerisiers dessinant<br />

alors de simples lignes dans l’espace. Par<br />

leur gaîté printanière délicate et presque parfumée,<br />

ces images touchent l’âme, déclenchant<br />

peut-être le souvenir de ce Japon idéal; mais elles<br />

vont au delà, en ce qu’elles sont distantes et dépourvues<br />

de sentimentalité, troublantes parce<br />

que se dérobant à l’évidence. Entre-temps, Tho-<br />

mas Flechtner les expose aussi sous forme de<br />

grands caissons lumineux verticaux et y intègre de<br />

la sorte quelque chose d’ultra-japonais, se jouant<br />

par là-même du cliché.<br />

Flechtner s’est aussi beaucoup consacré à l’affrontement<br />

entre nature et intervention de l’homme<br />

dans cette nature – par exemple les montagnes<br />

suisses en hiver (Passes) –, pour examiner les<br />

points de rupture et zones de transition où monde<br />

(fortement) aménagé et monde (relativement)<br />

vierge butent l’un sur l’autre. Au Japon, il ne voit<br />

pas seulement des paysages et une population<br />

sous le charme des fleurs, mais aussi des constructions<br />

– autoroutes, pare-avanlanches, tunnels<br />

– imposées sans scrupules à leur environnement,<br />

des montagnes érodées et des protections contre<br />

l’érosion, des rivières canalisées et des jardins de<br />

phlox, pour lesquels des forêts entières sont abattues<br />

et des collines transformées en paysages<br />

artificiels aux couleurs stridentes. Ces photographies<br />

– encore à l’état de work in progress – montrent<br />

un Japon dur et insensible dans son rapport<br />

à la nature, créateur et destructeur tout à la fois.<br />

Thomas Flechtner nous transmet ici l’image<br />

d’un pays simultanément étranger et proche: qui,<br />

mieux que la Suisse, connaît cette volonté radicale<br />

de remaniement?<br />

Mer de maisons Dans Tokio 98 comme dans d’autres<br />

travaux, Beat Streuli (*1957) focalise quant à<br />

lui sur sur la vie urbaine. Il montre les gens dans<br />

cette situation paradoxale où les met tout espace<br />

public: offerts à tous les regards d’une part, et de<br />

l’autre, dissimulés, seuls et anonymes dans le<br />

groupe qui se fraie son chemin. Plongés dans<br />

leurs pensées, ils semblent emportés comme des<br />

somnambules par le courant des marcheurs. Bien<br />

que la présence d’hommes et de femmes soit au<br />

centre des images de Streuli, ce n’est pas une individualité<br />

japonaise spécifique qui le fascine.<br />

Comme si nous étions à une terrasse de café,<br />

nous contemplons des prototypes, semblables<br />

aux objets que sont les voitures et les aménagements<br />

de la rue: les photographiés deviennent<br />

exemple impersonnel, substituables à de nombreux<br />

autres, à n’importe qui d’autre même, malgré<br />

les visages qui nous sont si joliment étrangers.<br />

C’est alors quelque chose de connu que nous<br />

révèle le regard de Beat Streuli, un pays proche,<br />

apparenté.<br />

Si l’on fait exception des buildings de ses divers<br />

centres autour des gares, Tokio est une gigantesque<br />

ville de maisons à un, deux, trois ou quatre<br />

étages et de rues de quartier presque villageoises.<br />

Ce qui intéresse Georg Aerni (*1959), ce n’est pas


l’homme qui se meut dans cette structure architecturale,<br />

mais les bâtiments eux-mêmes, ainsi<br />

que les espaces, les vides entre ceux-ci, le corps<br />

construit et son organisation. C’est cette texture<br />

qu’il lit avec son appareil, texture qui parle indirectement<br />

de la vie des gens. Dans la série Insights,<br />

réalisée en 2003, Georg Aerni porte ainsi un<br />

regard sobre sur des façades carrelées, des fenêtres<br />

bizarrement distribuées, des tuyaux, des systèmes<br />

de climatisation et des câbles montés à<br />

l’extérieur, apparemment sans égard pour le caractère<br />

de représentation de l’enveloppe architecturale,<br />

comme s’il s’agissait d’une machine et non<br />

d’un édifice: la maison en tant que machine à<br />

travailler ou à habiter pour les gens, et la ville en<br />

tant que grand parc de machines, traversé de part<br />

en part d’autoroutes à deux étages. Ses images,<br />

structurées de manière géométrique, sondent cet<br />

espace de vie quotidien et présentent une ville en<br />

constante évolution, dont les constructions paraissent<br />

introverties et en effet très japonaises. Le<br />

regard de Georg Aerni met en évidence un Japon<br />

à nouveau étranger, un pays aux particularités<br />

par-delà les signes et modèles de comportement<br />

qui circulent globalement.<br />

A l’opposé, l’approche en quelque sorte émotionnelle<br />

d’Annelies Strba ˇ (*1947) se fait par le mouvement.<br />

Dans les photographies prises en 1995<br />

lors d’un voyage en train (Shades of Time), le pays<br />

défile sous nos yeux: on passe devant des silos, qui<br />

contiennent peut-être du riz, longe des zones industrielles,<br />

on effleure la face effroyable d’Hiroshima<br />

et de Kobé, traverse le Japon nocturne des<br />

villes dans l’éclat de ses néons, le monde bigarré<br />

et enfantin de la culture du divertissement tout<br />

plastique, côtoie le chaos des maisons, des câbles<br />

électriques, des poteaux et des feux de signalisation,<br />

pour finalement atterrir au Fujiama et aux<br />

pins. Les images estompées d’Annelies Strba ˇ révèlent<br />

un pays inconnu, transfiguré par la poésie<br />

du regard, dans lequel toutefois domine quelque<br />

chose de mélancolique. Il semble que tout soit<br />

instable, et pas seulement les maisons, sur cette<br />

terre qui tremble si souvent.<br />

Analogie, transformation Des analogies entre<br />

les paysages suisse et japonais, il y en a, comme le<br />

montre le photographe français Jean-Marc Bustamante<br />

(*1952) dans son livre Jean-Marc Bustamante:<br />

L.P., où jardins proprets, immeubles, parkings ou<br />

places de jeu parlent de la semblable méticulosité<br />

avec laquelle les deux nations façonnent leur<br />

environnement. Et cette parenté se décèle peutêtre<br />

tout aussi clairement lorsque Balthasar Burk-<br />

hard et le photographe japonais Naoya Hatakeyama<br />

(*1958) présentent, à l’occasion d’un projet<br />

d’échange, leurs regards croisés sur les montagnes<br />

au Japon et en Suisse. Est-ce ainsi que nous<br />

nous voyons réciproquement, comme des parents<br />

étrangers?<br />

Quoi qu’il en soit, l’iconographie et l’esthétique du<br />

Japon traditionnel – si peu comprises qu’elles puissent<br />

être – sont profondément ancrées dans nos<br />

archives intérieures d’images et de souvenirs. Elles<br />

sont reprises, citées, réinterprétées, transformées:<br />

les fleurs de cerisier de Thomas Flechtner, mais<br />

aussi les paysages du Klöntal dans les compositions<br />

en hauteur de Balthasar Burkhard, font penser<br />

à la peinture verticale sur rouleau, tandis que la<br />

structure des images de Georg Aerni évoque celle<br />

des parois coulissantes de papier. La photographe<br />

Cécile Wick (*1954) fait elle aussi appel à l’élément<br />

japonais dans son travail, utilisant l’impression à<br />

jet d’encre sur papier japonais pour ses photographies<br />

de buissons en fleurs, de villes ou de paysages.<br />

La qualité du papier, chaud et moelleux,<br />

confère aux images en teintes douces la grâce<br />

troublante d’une aquarelle, en fait des œuvres<br />

photographiques et picturales tout à la fois. Culture<br />

d’Extrême-Orient et culture d’Occident, nouvelles<br />

technologies et anciens matériaux y tissent<br />

des paysages poétiques et puissants, aux<br />

signes universels, paysages aussi complexes que<br />

le Japon d’aujourd’hui. Le Japon est en nous. ¬<br />

Traduit de l’allemand par Anne Maurer<br />

Werner Bischof, Japan, éd. Manesse, Zurich 1954 (épuisé).<br />

Balthasar Burkhard, Omnia, éd. Scalo, Zurich 2004.<br />

Thomas Flechtner, Snow, éd. Lars Müller, Baden 2001.<br />

Georg Aerni: www.likeyou.com/georgaerni<br />

Annelies Strba, ˇ<br />

Shades of Time, éd. Lars Müller, Baden 1997 (épuisé).<br />

Stephan von Berg, Naoya Hatakeyama, éd. Hatje Cantz,<br />

Ostfildern 2003.<br />

Jean-Marc Bustamante, Jean-Marc Bustamante: L.P., Neues Kunstmuseum<br />

Luzern, 2001.<br />

Cécile Wick: www.cecilewick.ch<br />

Junichiro Tanizaki, Eloge de l’ombre, éd. POF, Aurillac 1993.<br />

Née en 1962, Nadine Olonetzky est journaliste culturelle. Elle<br />

écrit entre autres pour la revue «du», l’hebdomadaire zurichois<br />

Neue Zürcher Zeitung am Sonntag et des publications thématiques<br />

sur la photographie, l’art et l’histoire de la culture. Assistante<br />

à la Kunsthalle Wien en 1994 et au Fotomuseum Winterthur en<br />

1995/96, elle a été responsable de projets photographiques et<br />

artistiques à la Kulturstiftung du canton de Thurgovie de 1997 à<br />

2001. Rédactrice depuis 1996 au magazine littéraire entwürfe,<br />

membre de l’atelier KONTRAST (www.kontrast.ch), elle vit et<br />

travaille à Zurich.<br />

29


Chambre d’enfant, terre inconnue Aux sources de l’écriture<br />

Sabine Wen-Ching Wang Fille d’un père taiwanais et d’une mère suisse, Sabine Wen-Ching Wang a grandi en Suisse, mais dans sa mémoire<br />

30<br />

résonnent aujourd’hui encore les échos d’un monde lointain ❙


Au commencement, je ne le savais pas. Le père<br />

ressemblait au père, la mère à la mère. S’il n’y<br />

avait pas de photos de cette époque, je ne pourrais<br />

même pas décrire leurs visages, quand ils<br />

étaient encore jeunes. Je chantais après le père,<br />

Frère Jacques en chinois, sans comprendre les<br />

mots. Mais je n’éprouvais pas le besoin de les<br />

comprendre, oui, je doute avoir même réalisé que<br />

c’était une autre langue que celle que je parlais<br />

habituellement. Le langage était constitué de syllabes,<br />

que l’on répétait en babillant et dont les significations<br />

ne se révélaient que peu à peu.<br />

S’il me faut parler de la manière dont mes origines<br />

est-asiatiques, du côté paternel, ont marqué<br />

mon écriture, je ne peux évoquer une influence<br />

de la langue, pour la simple raison que j’ai grandi<br />

en suisse-allemand. Je dois parler de matières qui<br />

remontent au temps lointain où je ne maîtrisais<br />

pas encore l’alphabet.<br />

Si je pense à la maison de Stein en Appenzell, où<br />

nous habitions quand j’avais cinq ans, mon œil<br />

intérieur ne peut tracer les contours d’aucun des<br />

meubles. Mais je me souviens que la nuit, je<br />

voyais briller dans le noir le voyant stand-by de la<br />

télévision. Mon frère et moi avions dû prendre<br />

nos quartiers dans le séjour. A travers la paroi,<br />

j’entendais les voix de mes grands-parents dans<br />

la chambre d’enfant. Pour la première fois, j’en-<br />

31


32<br />

tendais – consciemment – une langue que je ne<br />

pouvais comprendre. A travers la paroi, elle avait<br />

une sonorité étouffée, murmure égal qui ne fluctuait<br />

guère. Ils parlaient doucement, parce qu’ils<br />

ne voulaient pas nous réveiller, nous les enfants,<br />

ou bien aussi parce qu’ils ne voulaient pas que<br />

mon père comprenne ce dont ils s’entretenaient.<br />

Ils étaient venus nous rendre visite de Taitung,<br />

une ville de province sur la côte sud-est de Taiwan.<br />

Chez eux, ils étaient paysans et ne savaient ni lire<br />

ni écrire. Mais Grand-père avait assuré avant le<br />

départ qu’il n’avait pas besoin d’aide, puisqu’il<br />

connaissait les chiffres. Ils avaient néanmoins atterri<br />

portant des badges à leurs noms.<br />

Nous les appelions A-gong et A-ma, mais ne leur<br />

parlions que deux fois par jour. A midi et le soir,<br />

mon frère et moi ouvrions la porte de la chambre<br />

d’enfant et disions: «A-gong, A-ma, lai jia pong!»<br />

Ces cinq mots étaient les seuls que nous sachions<br />

en taiwanais et ils signifiaient: «Grand-père, Grandmère,<br />

à table!» Je crois que nous y allions toujours<br />

à deux. Nous nous tenions certainement en<br />

pouffant de rire sur le seuil de la chambre, disions<br />

vite notre verset et partions en courant, avant<br />

même que le g ait fini de tinter, comme le font les<br />

enfants chargés de dire des phrases étrangères à<br />

des gens étrangers. Je ne me souviens que de rares<br />

occasions auxquelles mes grands-parents ne<br />

se tenaient pas dans cette chambre, que grandpère<br />

emplissait quotidiennement du brouillard<br />

épais de ses deux paquets de Kent. Quand mon<br />

père était à son cabinet de médecin, mes grandsparents<br />

ne pouvaient parler à personne. Je plonge<br />

dans ma mémoire – ou est-ce ma mère qui me l’a<br />

raconté plus tard?: «Tu te souviens, A-ma, comme<br />

elle s’accroupissait tous les jours dans la baignoire<br />

et y lavait ses vêtements?» Je ne sais pas pourquoi<br />

elle faisait cela, pourquoi mon père ne lui achetait<br />

pas simplement plus d’habits, ou pourquoi ses<br />

habits ne rejoignaient pas les nôtres dans la machine<br />

à laver. Je pense qu’elle le faisait de son propre<br />

chef, parce qu’elle ne savait que faire de son<br />

temps, quand elle n’avait pas ses rizières, ses goyaviers,<br />

ses haricots, le buffle d’eau, les poules.<br />

Une fois, mon père a rapporté des canards fraîchement<br />

abattus, qu’il avait reçu d’un collègue et<br />

ami. Je crois que ce fut pour ma grand-mère son<br />

plus beau jour en Suisse. Elle s’est accroupie sur<br />

le sol de la cuisine et a plumé les canards dans<br />

l’eau tiède d’une cuvette en plastique. Des plumes<br />

duveteuses collaient à ses doigts et les longs cous<br />

des canards pendaient sur le bord de la cuvette.<br />

Elle a accompli muettement sa tâche, dans la<br />

plus grande concentration, avec l’adresse d’une<br />

grand-mère qui a déjà plumé énormément de canards<br />

dans sa vie. Ce n’est pas sans fierté qu’elle<br />

s’est tenu le dos, lorsqu’elle s’est redressée, et je<br />

crois qu’à peine debout, elle a regretté que le travail<br />

soit déjà achevé. Quant à ma mère, elle se sera<br />

toujours souvenue de toutes ces mouches dans la<br />

cuisine, et comme cela puait! C’était l’odeur d’un<br />

animal aquatique, une odeur de plumes mouillées,<br />

de sang et d’un résidu de fiente, qui avait dû<br />

rester coincé dans les boyaux. Une odeur lourde<br />

et douceâtre, une de ces odeurs qui vous écœure<br />

à la première inspiration, mais dont ensuite on<br />

ne peut pourtant se rassasier.<br />

Ma mère avait envoyé – je ne sais pas comment –<br />

mes grands-parents se promener avec nous. A un<br />

carrefour, A-ma voulait descendre dans le Sittertobel,<br />

le ravin voisin où coule une rivière, tandis<br />

qu’A-gong voulait grimper sur la colline. A-ma<br />

nous a pris par la main, A-gong s’est mis à monter<br />

la petite rue, têtu et sans dire mot. Nous nous<br />

sommes arrêtés et l’avons regardé. Il marchait,<br />

marchait, nous le voyions à contre-jour au bout<br />

de la ruelle déjà, qui conduisait hors de la forêt,<br />

mais juste avant qu’il ne menace de sortir de notre<br />

champ de vision, il a vite fait demi-tour. Nous<br />

sommes descendus dans le ravin. Comme nous<br />

traversions la Sitter, la promenade s’est soudain<br />

faite longue. Le jour tombait, et lorsque mon frère<br />

et moi nous sommes mis à pleurer, la mine de<br />

Grand-père s’assombrit. Il cassa une branche d’arbuste<br />

et se mit à agiter son bâton dans les airs,<br />

avec les yeux écarquillés et menaçants d’un général<br />

de l’Opéra de Pékin prêt au combat. Ce qui<br />

nous a fait pleurer plus fort. Lorsque je me remémore<br />

la chose, je crois que c’était une colère faite<br />

de plusieurs autres que montrait le visage de mon<br />

grand-père. Il y avait la mauvaise direction choisie<br />

pour la promenade. Il y avait son fils, qui partait<br />

du champ à pieds nus et qui, avant d’entrer<br />

dans l’école, enfilait vite les chaussures qu’il<br />

avait emportées avec lui; qui avait marché si loin<br />

qu’il ne pourrait s’occuper de lui la vieillesse venue,<br />

avec cette belle-fille ne sachant même pas<br />

plumer un canard, et puis ces enfants, qui lui<br />

étaient tellement étrangers qu’il n’osait même<br />

pas frapper.<br />

Ces souvenirs occupent une place à part au milieu<br />

de tous les autres que porte ma mémoire.<br />

Mais c’est précisément pour cela qu’ils sont devenus<br />

une première terra incognita, que j’ai cherché<br />

à explorer par l’écriture. Une terre inconnue<br />

si lointaine et inaccessible, et pourtant si proche,<br />

dans cette chambre d’enfant dont je me souviens<br />

comme d’un espace vide, où ma voix d’enfant appelait:<br />

«A-gong, A-ma, lai jia pong!»<br />

Je me suis mise à écrire pour qu’une réponse<br />

vienne de cet espace. Je me suis mise à écrire<br />

pour rendre visibles les esprits qui l’habitent.<br />

Lorsque je pense à Taitung, à mon premier voyage<br />

à Taiwan en été 1990, ce sont les nuits qui me re-


viennent à l’esprit. L’air était chaud et humide, le<br />

ventilateur bourdonnait. Mon frère était étendu<br />

sur la natte à côté. Nous ne dormions ni l’un ni<br />

l’autre, nous faisions semblant. Nous étions venus<br />

en visite de Speicher, un village en Appenzell,<br />

et nous ne pouvions ni dire, ni lire et écrire<br />

les signes. Nous avions pris trop peu de livres en<br />

allemand. Moby Dick était complètement esquinté<br />

et la baleine blanche nous avait échappé deux<br />

fois déjà. Durant ces nuits, j’ai gribouillé dans le<br />

noir mes premiers poèmes sur les feuilles d’un<br />

cahier. C’étaient des poèmes courts, bizarrement<br />

sans paroles, plein de lacunes et d’erreurs. A-gong<br />

et A-ma ne pouvaient plus me répondre, d’aucune<br />

façon, ils étaient malades et sont morts quelques<br />

mois plus tard. Mon père aussi avait oublié le texte<br />

de cette chanson d’enfance sur lequel je l’interrogeais<br />

à présent.<br />

Il n’y avait plus de passeurs. Pour trouver plus de<br />

mots, dans ma langue maternelle aussi, il fallait<br />

que j’apprenne cette autre langue. J’ai commencé<br />

des études de sinologie et pris le Transsibérien<br />

pour Pékin. Je partageais le compartiment d’un<br />

commerçant chinois, qui offrait sa marchandise<br />

dans les gares russes. Tandis que les troncs de<br />

bouleau défilaient dans la fenêtre, il me chantait<br />

des chansons. Il me pria de chanter quelque chose<br />

moi aussi. Je ne chante pas bien, j’ai donc entonné<br />

Frère Jacques. Le marchand de manteaux s’étonna<br />

et dit : «Zhe shi laohu – c’est le tigre!». Puis il<br />

prit un crayon et m’écrivit le texte: «Deux tigres,<br />

deux tigres, courent vite, courent vite, l’un n’a<br />

pas de tête, l’autre n’a pas de queue, comme c’est<br />

drôle, comme c’est drôle!»<br />

Même si A-gong et A-ma n’étaient plus là, j’ai fait<br />

la connaissance de nombreux autres parents à<br />

Taipei, et de toutes ces syllabes redoublées me<br />

permettant de m’adresser à eux: shushu, shenshen,<br />

bobo, gugu, gege, didi, jiejie, meimei. Ils me parlaient<br />

lentement et en mandarin. Quand ils oubliaient<br />

ma présence, au Nouvel-An ou lors de mariages,<br />

ils passaient au taiwanais, mais cela ne me gênait<br />

pas. J’étais assise à la table et me laissait dériver<br />

dans la mer de leurs voix. Le savoir rendit<br />

mon écriture plus riche.<br />

La matière de mes origines peut sembler erratique<br />

parmi toutes mes autres matières, la façon dont je<br />

la taite ne l’est pas. Ecrire n’est rien d’autre que de<br />

se rendre toujours et encore à la recherche d’une<br />

nouvelle terra incognita, poussé par le voyant<br />

stand-by de la télévision, un murmure, une chanson,<br />

une odeur, un visage, une notice de journal…<br />

Et de vouloir en savoir plus, de continuer là où le<br />

grand-père à contre-jour s’est arrêté. ¬<br />

Traduit de l’allemand par Anne Maurer<br />

Sabine Wen-Ching Wang est née en 1973 et a grandi en Suisse.<br />

Elle a suivi, sans les achever, des études en histoire de l’art du<br />

Sud-Est asiatique et en sinologie à l’Université de Zurich, ainsi<br />

qu’à Taipei (Taiwan, 1999/2000). Elle vit comme auteure à Zurich<br />

et écrit de la poésie, des textes en prose et des pièces de théâtre.<br />

En 2002, elle a reçu une commande littéraire de <strong>Pro</strong> <strong>Helvetia</strong> et<br />

de la Kulturstiftung du canton de Thurgovie pour sa poésie, et<br />

en 2003, le prix de la Société suisse des auteurs pour sa pièce<br />

Spinnen. En 2004, sa pièce courte Spät a été créée au bunk r! du<br />

Schauspielhaus de Zurich.<br />

33


Ritual Groove Music<br />

Entretien avec le compositeur et pianiste zurichois Nik Bärtsch<br />

Tom Gsteiger<br />

34<br />

Le compositeur, pianiste et producteur zurichois Nik Bärtsch ne se contente pas de se produire dans les clubs et les<br />

festivals, il crée de savants rituels pluridisciplinaires où se révèle sa profonde sympathie pour l’esthétique d’Extrême-<br />

Orient. Dernier en date, le projet Perpetual Rhythm, que Bärtsch a mis sur pied à la suite d’un séjour de six mois<br />

au Japon – en collaboration avec son quatuor Mobile et la troupe de danse butoh Bodygarage. A l’automne 2005,<br />

il poursuivra avec une tournée Perpetual Rhythm de plusieurs semaines au Japon ❙<br />

Tom Gsteiger: L’énorme succès remporté par Lost in<br />

Translation, le film de Sofia Coppola, a fortement influencé<br />

l’image que l’Occident se fait du Japon. Est-ce<br />

que cette image correspond aux impressions que vous<br />

avez glanées dans ce pays?<br />

Nik Bärtsch: Ce film fait apparaître le Japon comme<br />

un décor insolite pour Occidentaux désemparés,<br />

en quête d’eux-mêmes. Il véhicule une image du<br />

Japon imprégnée d’idées et de projections occidentales<br />

et représente les Japonais comme les<br />

étranges figurants de cette quête de soi «roman-<br />

tique». Mais à vrai dire, si je n’ai pas aimé le film,<br />

c’est plutôt pour son rythme traînant. L’ardent<br />

désir de tous ces nomades occidentaux à la recherche<br />

de simplicité et de lenteur – et convaincus<br />

de les trouver au Japon – se manifeste aussi<br />

bien dans la facture que dans la réception du<br />

film. A l’inverse, lorsque j’étais au Japon, la Suisse,<br />

vue de loin, m’apparaissait souvent comme une<br />

bizarre «vallée de la confusion». Nous les Suisses,<br />

qui vivons dans l’un des pays les plus sûrs de la<br />

planète, nous nous faisons constamment du souci


36<br />

pour notre bien-être dans tous les domaines possibles.<br />

Notre aptitude à geindre est considérable<br />

et, comme notre prospérité nous a fait perdre le<br />

sens de l’essentiel, nous faisons preuve d’un goût<br />

du risque de plus en plus modéré et notre vivacité<br />

s’émousse. Au Japon, l’homme est entièrement<br />

livré à la nature. Par exemple, chacun des habitants<br />

s’attend à tout moment à un terrible tremblement<br />

de terre. Ce n’est pas un hasard si le<br />

Mont Fuji, un volcan, est devenu le symbole de ce<br />

pays. Pourtant, il ne règne pas de catastrophisme,<br />

au contraire, on perçoit leur profond attachement<br />

à la nature et leur attitude est empreinte de sérénité.<br />

Sentir cela m’a stimulé.<br />

Les âmes en peine lasses de la civilisation voient dans<br />

le bouddhisme zen une alternative attrayante au matérialisme<br />

insensé de l’Occident. Vous aussi, vous vous<br />

y intéressez depuis longtemps. Que cache cet intérêt?<br />

Est-ce une façon de fuir le monde?<br />

Non. Je cède à mes penchants, pour la musique<br />

funk par exemple, de façon inconditionnelle mais<br />

non dépourvue d’autodérision. Je ne suis pas motivé<br />

par la nostalgie de «l’autre». De ce point de<br />

vue, je me sens plus proche de Friedrich Dürrenmatt<br />

que de Max Frisch. Ce dernier était animé<br />

par le désir d’appartenir à une grande nation.<br />

Dürrenmatt a en revanche apprécié, cultivé et simultanément<br />

démasqué les particularismes de la<br />

Suisse. Le bouddhisme zen s’apparente d’ailleurs<br />

pour moi davantage à la philosophie qu’à la religion:<br />

une philosophie pratique (du quotidien). Selon<br />

un adage zen: «Comprendre est plus facile que<br />

pratiquer.»<br />

Aujourd’hui encore, le jazz européen a tendance à<br />

s’orienter sur les modèles américains et à les considérer<br />

comme le nec plus ultra. Vous poursuivez, pour<br />

ainsi dire, une voie inverse, vous ne vous orientez pas<br />

sur le «Far West» mais sur le «Far East». Votre nippophilie<br />

ne recouvre-t-elle pas une attitude aussi dévote<br />

et épigonale que le fétichisme new-yorkais?<br />

Ma Ritual Groove Music (RGM) ne s’inspire pas<br />

avant tout de pratiques ritualisées d’origine japonaise.<br />

Mais j’ai remarqué, lors de mes apparitions<br />

au Japon, que les Japonais ont une façon immédiate<br />

et bien distincte d’accéder à RGM. Ils aiment<br />

les gestes cérémoniels et les petits rituels,<br />

même lorsqu’ils n’en saisissent pas le sens caché.<br />

Et leur tradition les dote d’une profonde sensibilité<br />

à l’espace musical – dans RGM, la force de<br />

l’espace joue un rôle primordial. Les répétitions<br />

et infimes variations engendrent un espace musical<br />

qui, à l’écoute, par sa «différence discrète»,<br />

laisse place à la concentration contemplative aussi<br />

bien qu’aux rêveries distraites. Il y a certainement<br />

là des points communs avec la culture japonaise.<br />

La notion de «différence discrète» provient d’un essai de<br />

Hans Ulrich Gumbrecht, que nous avons lu tous deux<br />

– indépendamment l’un de l’autre – avant cet entretien.<br />

Ce qui est drôle, c’est qu’apparemment, la même<br />

phrase a retenu notre attention: «C’est justement cette<br />

façon toujours nouvelle de produire des formes identiques,<br />

en y introduisant peut-être une discrète différence<br />

témoignant du savoir investi dans la reproduction, qui<br />

– au contraire absolu de l’ambition occidentale d’être<br />

original – est le but ultime de toute création dans la<br />

culture japonaise.»<br />

On reproche occasionnellement aux Japonais de<br />

ne faire que copier. Ce n’est sûrement pas entièrement<br />

faux, mais cela tient également à leur respect<br />

de la culture occidentale. Ce respect s’accompagne<br />

toutefois aussi de l’ambition de faire<br />

mieux. Une ambition qui se manifeste quelquefois<br />

sous la forme d’un nationalisme exacerbé.<br />

C’est ainsi qu’une vertu se transforme en vice.<br />

Malgré tout, les Japonais ne sont pas seulement<br />

des copieurs, ils sont aussi des «ennoblisseurs».<br />

Et surtout, ce sont les seuls «ennoblisseurs rétrogrades».<br />

Quelle que soit la virtuosité de leur savoir-faire,<br />

leur démarche les ramène toujours<br />

vers la simplicité et le dépouillement, c’est-à-dire<br />

vers le grand art. Il suffit, pour s’en rendre compte,<br />

de comparer les tasses à thé chinoises et japonaises.<br />

Chez ces dernières, on décèle toujours<br />

de petites «erreurs» qui font de chaque tasse un<br />

exemplaire unique. On retrouve donc ici aussi<br />

cette «discrète différence».<br />

Ce qui déconcerte dans le Japon, ce sont les contrastes<br />

saisissants. Pour de nombreux observateurs occidentaux,<br />

ce pays demeure une énigme.<br />

C’est précisément ce côté énigmatique et les innombrables<br />

malentendus qui peuvent en découler<br />

– certains sont très fertiles–, que je trouve intéressants.<br />

On n’est pas, justement, «lost in translation»<br />

– pour tous les sémiologues, le Japon est<br />

un paradis. Je suis convaincu que nous pouvons<br />

beaucoup apprendre des autres cultures et elles de<br />

nous. Il n’existe pas dans notre monde de royaume<br />

du mal, pas plus qu’il n’existe de royaume du<br />

bien. Il n’existe que les diverses manières dont<br />

les hommes ont façonné leurs cultures et leurs<br />

réseaux, leurs «communities». Mais je ne suis pas<br />

japanologue, je ne peux que décrire les phénomènes<br />

tels que je les perçois. La particularité et<br />

l’unicité de la civilisation japonaise sont sans<br />

doute aussi liées à l’histoire et à la situation insu-


laire de ce pays: longtemps l’espace national et<br />

l’espace culturel n’ont fait qu’un. Aujourd’hui on<br />

ressent au Japon une énorme tension entre la tradition<br />

archaïque et un modernisme futuriste, il<br />

ne semble pas y avoir de présent. Le Japon luimême<br />

connaît de violentes discussions à ce sujet.<br />

D’un autre côté, les Japonais ont beaucoup<br />

moins de problèmes que nous face à l’ambiguïté<br />

et au paradoxe. Ces derniers font même partie intégrante<br />

de leur culture. Ainsi, il n’est pas toujours<br />

possible de donner un sens clair aux idéogrammes<br />

kanji, par exemple. Leur ambiguïté est<br />

considérée comme une qualité. Si le Japon demeure<br />

pour nous souvent une énigme, c’est que<br />

nous nous posons trop de questions. La recherche<br />

de l’emphase et de la profondeur intellectuelle<br />

est un phénomène typiquement européen. Au Japon,<br />

on n’a pas absolument besoin d’une conversation<br />

profonde pour témoigner de sa sympathie,<br />

il suffit de se promener ensemble et d’admirer de<br />

belles fleurs.<br />

S’il s’agit de tirer enseignement des autres cultures,<br />

alors vous, en tant qu’artiste, devez vous poser la question<br />

de l’authenticité. A quel moment commence la compréhension<br />

véritable d’une autre culture, quand nous<br />

trouvons-nous devant une mauvaise copie folklorique?<br />

Votre question me rappelle une expérience. Je<br />

participais récemment à une soirée sur le Japon<br />

au Sony-Center de Berlin à l’occasion de la Berlinale.<br />

On nous a proposé un méli-mélo désordonné<br />

d’archaïsme et de glamour. Après cette manifestation<br />

commerciale hétéroclite, j’ai assisté au<br />

Iaidoka (combat de sabre japonais) avec Martin<br />

Krahl: celui-ci n’est jamais allé au Japon, mais il<br />

s’est intéressé à la culture japonaise durant de<br />

nombreuses années. Il est arrivé à un degré de<br />

maîtrise élevé dans le combat de sabre. Dans son<br />

appartement, j’ai vu un arrangement ikebana,<br />

qu’il avait lui-même composé et dont émanait<br />

davantage «d’esprit» que de l’indicible manifestation<br />

à laquelle je venais d’assister. Les milieux du<br />

jazz sont de temps en temps encore hantés de<br />

l’idée que seul un noir originaire du ghetto peut<br />

jouer du vrai jazz. Le racisme a ainsi vite fait de<br />

se faufiler par la porte de derrière…<br />

Il suffit de rappeler Joe Zawinul, qui a grandi à Vienne<br />

et a fait fureur aux Etats-Unis aux côtés de musiciens<br />

comme Cannonball Adderley et Miles Davis, avant de<br />

créer le groupe Weather Report avec Wayne Shorter.<br />

La seule chose qui m’étonne chez Zawinul, c’est<br />

que, dans les interviews, il se croit souvent obligé<br />

de se justifier pour son origine. C’est inutile. Il est<br />

capable de produire un phrasé à damner un saint<br />

– qu’il soit de Tombouctou ou de Hasle-Rüegsau<br />

est, musicalement parlant, sans importance.<br />

La «community» joue un rôle essentiel pour vous. Vous<br />

développez RGM avec un petit groupe de musiciens<br />

avec lesquels vous êtes étroitement lié depuis de nombreuses<br />

années. Mais est-ce que l’idée de «community»<br />

a pour vous une signification supérieure également?<br />

Historiquement, la notion de communitas apparaît<br />

en Suisse assez tôt. Il existe donc une longue tradition<br />

avec laquelle il est possible de renouer. En<br />

tant qu’artiste, il faut toujours se rappeler que<br />

l’art libre est indissociable de la démocratie. On a<br />

pu lire dans l’exposition Hirschhorn la phrase<br />

suivante: «L’art est l’antithèse de la démocratie.»<br />

Je suis résolument d’un autre avis. Dans notre<br />

pays, l’art de composer et d’arriver à des compromis<br />

créatifs est malheureusement tombé en discrédit,<br />

pourtant c’est bien de cela qu’il s’agit si<br />

l’on veut trouver à des situations difficiles des solutions<br />

différenciées. ¬<br />

Traduit de l’allemand par Marielle Larré<br />

Adresses Internet:<br />

www.nikbaertsch.com<br />

www.montags.com<br />

www.bodytaster.com<br />

www.stansermusiktage.ch<br />

www.dynamic-switzerland.jp<br />

En ce qui concerne le Japon, Nik Bärtsch conseille:<br />

Film: Twightlight Samurai (2002) de Yoji Yamada.<br />

Manga: Lone Wolf & Cub,français, volume I–VIII, Kazuo Koike &<br />

Gôseki Kojima, Génération Comic 2003.<br />

CD: In An Autumn Garden (1973) pour ensemble Gagaku de Toru<br />

Takemitsu, Sony Records International 2002.<br />

Le compositeur, pianiste et producteur zurichois Nik Bärtsch est<br />

né en 1971. Depuis près de dix ans, il se consacre presque exclusivement<br />

au développement de sa Ritual Groove Music (en<br />

collaboration avec les groupes Mobile et Ronin). Il réussit, ce faisant,<br />

à utiliser de manière créative, et même à transcender d’une<br />

certaine façon, les différentes tensions: ascèse et extase, musique<br />

classique et musique légère, funk-power et sérénité zen. Il a, avec<br />

Kaspar Rast, lancé la série Concerts du lundi au Bazillus de<br />

Zurich. Plusieurs ensembles lui ont commandé des compositions.<br />

Parallèlement à ses activités de journaliste pour l’hebdomadaire<br />

Neue Zürcher Zeitung am Sonntag et plusieurs quotidiens suisses,<br />

Tom Gsteiger, Bernois nostalgique, enseigne et vit à Zurich. Né<br />

en 1970, il a étudié l’histoire du jazz dans les conservatoires de<br />

Bâle et Lucerne. Son instrument de travail le plus important est<br />

son abonnement général des chemins de fer suisses.<br />

37


Le chant des sirènes asiatiques<br />

Architectes suisses en Extrême-Orient<br />

Hubertus Adam Depuis quelques années, la Chine est pour les architectes occidentaux – et les Suisses ne sont pas en reste – une<br />

38<br />

véritable terre promise. Alors que dans la vieille Europe les commandes commencent à se faire rares et que les<br />

villes y sont bâties, les espoirs se reportent sur l’Empire du Milieu, amateur, ce qui ne gâte rien, d’une architecture<br />

de qualité. Ainsi qu’en témoignent des réalisations de prestige comme le stade d’athlétisme qui accueillera en<br />

2008 les Jeux olympiques de Pékin, que construit le tandem d’architectes bâlois Herzog & de Meuron, la Chine


aussi préfère maintenant confier ses grands chantiers à des stars de l’architecture mondiale. Si les mutations que ce pays opère depuis quelques<br />

années sont aussi fascinantes qu’elles peuvent donner le tournis ou faire peur, on démêle mal, en revanche, le but de ce dynamisme qui renverse<br />

tout sur son passage. Alliage de marxisme et d’économie de marché, la Chine est l’exemple le plus frappant de ces pays que le boom économique<br />

catapulte en un rien de temps dans la modernité ❙<br />

39


40<br />

La bubble economy japonaise Le boom chinois<br />

n’est pas sans rappeler les importations d’architecture<br />

occidentale du Japon, particulièrement<br />

nombreuses durant la deuxième partie des années<br />

quatre-vingt. Le pays était alors en pleine haute<br />

conjoncture et les investisseurs avaient largement<br />

de quoi s’offrir les services de designers<br />

et d’architectes étrangers, essentiellement européens<br />

et nord-américains. Dont les noms n’étaient<br />

d’ailleurs pas forcément parmi les plus connus<br />

de la scène internationale. Le Britannique Nigel<br />

Coates ou les Américains Steven Holl et Peter<br />

Eisenman étaient loin d’être des stars quand ils<br />

reçurent des propositions du Japon. Pas plus que<br />

Zaha Hadid ou Philippe Starck. De la première, on<br />

avait parlé à l’occasion du concours d’architecture<br />

de Hongkong (1982/83), mais elle n’avait pratiquement<br />

rien bâti quand lui fut confiée la réalisation,<br />

à Sapporo, du Moonsoon Bar (1990). Quant au<br />

deuxième, concepteur du Café Costes ainsi que des<br />

appartements présidentiels du palais de l’Elysée,<br />

il était surtout connu des spécialistes quand commença,<br />

avec le Manin (1986), restaurant du quartier<br />

de Shibuya à Tokyo, sa carrière japonaise. Seul<br />

Suisse à avoir contribué au boom de la construction<br />

que connaissait alors le Japon, Mario Botta a<br />

réalisé en 1990, à Tokyo, un musée des beaux-arts<br />

privé, de dimensions plutôt modestes.<br />

La plupart des constructions datant de l’époque<br />

de la bubble economy ont ceci de commun que<br />

leurs concepteurs n’ont pas essayé de les faire<br />

entrer dans leurs contextes urbains respectifs. Il<br />

s’agit de réalisations solitaires, ayant apparemment<br />

pour seul but d’être reconnaissables entre<br />

mille et d’apparaître de ce fait comme l’emblème<br />

même de leur commanditaire. Pour accrocher le<br />

regard dans le décor urbain disparate du Japon,<br />

un seul moyen: la surenchère dans l’excentricité,<br />

l’artificialité absolue. Le propos des Coates, Hadid,<br />

Botta et autres Starck n’est pas de forger des<br />

liens entre l’Orient et l’Occident, ni de jeter des<br />

passerelles secrètes entre le Japon et l’Europe,<br />

mais de créer l’illusion parfaite, de faire naître<br />

par la grâce de l’architecture le mirage d’une<br />

terre inconnue, c’est Cinecittà en Extrême-Orient.<br />

Mario Botta – la continuité dans le formel Inspiré<br />

par ses maîtres à penser Louis I. Kahn et Le Corbusier,<br />

Mario Botta développe depuis la fin des<br />

années soixante un langage architectural bien à<br />

lui, reposant sur des formes géométriques primaires.<br />

Ce langage a fait de lui le porte-drapeau<br />

de la nouvelle architecture tessinoise, que l’on venait<br />

voir de toutes les parties du monde. Même si<br />

l’attention des spécialistes a été sollicitée entre-<br />

temps par la région bâloise et le canton des Grisons,<br />

la carrière de Mario Botta s’est poursuivie<br />

avec la même productivité, et en échappant apparemment<br />

à toutes les remises en question. On<br />

pourrait certes lui reprocher de reprendre éternellement<br />

les mêmes éléments de base et faire observer<br />

qu’il est plus à l’aise avec les petits volumes<br />

que les grands, pour lesquels l’exécution laisse<br />

quelquefois à désirer. Il n’en demeure pas moins<br />

que Botta reste souvent, pour l’étranger, l’architecte<br />

suisse par excellence et qu’on lui passe commande<br />

parce que ses réalisations monumentales<br />

sont exactement telles qu’on les attendait. Particulièrement<br />

apprécié en Asie, il a réalisé en 1993,<br />

à Séoul, la Kyobo Tower, complexe de bureaux de<br />

117 mètres de haut, formé de deux tranches de<br />

gratte-ciel, ainsi que, l’an dernier, le Samsung Museum<br />

of Art; en Inde, la société Tatan Consultancy<br />

Services lui a commandé des bâtiments pour ses<br />

sièges de New Delhi et de Hyderabad. Signalons<br />

enfin, à l’état de projet, un musée des beaux-arts<br />

destiné à l’Université Tsinghua, à Pékin.<br />

Herzog & de Meuron en Asie Alors que Mario<br />

Botta incarne la continuité, le concept fixé une<br />

fois pour toutes, que l’on fait seulement varier<br />

ensuite au gré des besoins, le bureau d’architectes<br />

Herzog & de Meuron étonne par son inépuisable<br />

capacité à se renouveler. Un quart de siècle<br />

s’est écoulé depuis que Jacques Herzog et Pierre<br />

de Meuron firent parler d’eux pour la première<br />

fois, en réalisant, dans la région bâloise, des projets<br />

de petites dimensions. Sortis très vite du territoire<br />

exigu de la Suisse, ils figurent aujourd’hui<br />

parmi les rares stars de l’architecture faisant référence<br />

sur la scène internationale.<br />

C’est pour le compte de Prada que le bureau bâlois<br />

a fait ses premiers pas en Asie. Le spécialiste<br />

du prêt-à-porter milanais lui a en effet demandé,<br />

à la fin de l’automne dernier, de concevoir une<br />

boutique de prestige pour Omote-Sando-Road,<br />

quartier de Tokyo où presque toutes les grandes<br />

marques de la mode et du luxe ont pignon sur rue.<br />

Après le minimalisme, longtemps prôné comme<br />

le nec plus ultra des espaces de vente, on semble<br />

avoir retrouvé, là aussi, un certain goût de l’opulence<br />

formelle. Avec les boutiques de prestige de<br />

Herzog & de Meuron et de Rem Koolhaas, Prada<br />

rompt avec le credo selon lequel une maison de<br />

mode doit avoir partout la même identité visuelle<br />

et préfère aujourd’hui jouer la carte de la distinction<br />

et de la différence.<br />

Un mot de recommandation d’Uli Sigg, ancien<br />

ambassadeur de Suisse en Chine, et du peintre et<br />

plasticien chinois Ai Weiwei, avait ouvert à Her-


zog & de Meuron, fin 2002, les portes du concours<br />

devant désigner le constructeur du stade d’athlétisme<br />

qui accueillera en 2008 les Jeux de Pékin.<br />

Concours dont leur projet intitulé Bird’s Nest – une<br />

arène qu’enveloppe en quelque sorte une structure<br />

portante en acier – fut proclamé vainqueur<br />

au printemps 2003. Les deux architectes avaient<br />

deviné ce que souhaitait l’Etat chinois, commanditaire<br />

du stade: un signal s’imprimant du premier<br />

coup sur la rétine des téléspectateurs, doublé<br />

d’une référence compatible avec la tradition<br />

et la culture chinoises.<br />

Leur projet, de même que plusieurs autres, dont<br />

celui du stade de basket-ball des Suisses Burckhardt<br />

+ Partner, allait cependant s’attirer, l’année<br />

dernière, les foudres de la critique sino-chinoise.<br />

Traités d’«éléphants blancs», les importateurs<br />

d’architecture étrangère furent pris à partie sans<br />

que l’on sache au juste qui était à l’origine de ces<br />

invectives. Peut-être des membres de l’ancienne<br />

nomenklatura de l’architecture, aigris par le déclin<br />

de leur influence. Quoi qu’il en soit, travailler<br />

en Chine n’est pas de tout repos pour les architectes<br />

étrangers. La Chine n’a rien d’un eldorado.<br />

On y réussit difficilement sans avoir auparavant<br />

sondé minutieusement le terrain, tissé des réseaux<br />

et pris soigneusement ses marques. Alors<br />

que Burckhardt + Partner ont plus ou moins été<br />

deliés de la commande du stade de basket-ball,<br />

Herzog & de Meuron ont été obligés, pour sauver<br />

la leur, de redimensionner leur projet.<br />

Vitrine pour l’étranger, les Jeux olympiques de<br />

2008 sont pour l’Etat chinois une affaire de prestige<br />

devant par ailleurs susciter un courant identitaire<br />

sur le plan intérieur et détourner l’attention<br />

de la population des problèmes grandissants<br />

auxquels est confronté le pays. Est-il légitime de<br />

construire pour un Etat dont le passé n’a pas été<br />

démocratique et dont le présent ne l’est toujours<br />

pas? Herzog & de Meuron sont bien obligés de se<br />

poser la question. Jacques Herzog faisait observer<br />

récemment, sans exclure une telle éventualité,<br />

qu’il serait difficile, vu l’essor pris par la Chine,<br />

de refermer toutes les portes. «Selon moi, notre<br />

présence et celle d’autres architectes occidentaux<br />

inspire à nos jeunes collègues chinois une façon<br />

de penser qui s’oppose aux idées non démocratiques»,<br />

a-t-il ajouté. Le plan directeur destiné<br />

au quartier de la ville de Jinhua appelé Jindong<br />

et les ébauches du Tree Village Campus de Pékin<br />

sont les premiers projets de Herzog & de<br />

Meuron à intégrer des éléments empruntés à la<br />

tradition chinoise et signent l’une des rares tentatives<br />

de fusionner les pensées occidentale et<br />

orientale.<br />

Le scepticisme reste Il suffit de visiter Pékin ou<br />

Shanghai pour comprendre que les importations<br />

d’architecture occidentale ont leur raison d’être<br />

et ne relèvent pas d’une gesticulation impérialiste.<br />

Laminée par plusieurs décennies de dictature<br />

communiste, la culture architecturale chinoise a<br />

un besoin urgent d’apports extérieurs. La Chine a<br />

beau être un pays en développement, les gens accédant<br />

à la prospérité représentent aujourd’hui<br />

une partie numériquement importante de la population,<br />

pour laquelle lifestyle et architecture<br />

griffée n’ont plus de secret. Dans ce pays du capitalisme<br />

turbo, il suffit qu’une chose soit nouvelle<br />

pour que l’on mobilise aussitôt à son service les<br />

moyens techniques les plus sophistiqués, tandis<br />

que les bulldozers continuent d’écraser de leurs<br />

chenilles les quartiers d’habitation historiques<br />

des villes, que remplaceront demain des alignements<br />

sans fin d’immeubles locatifs sans visage.<br />

Comme le montrent clairement les travaux présentés<br />

lors de la dernière biennale d’architecture<br />

de Pékin, les étudiants chinois brûlent de mêler<br />

leur voix au débat international. L’architecture<br />

occidentale leur sert de modèle, qu’ils n’hésitent<br />

pas, selon la coutume asiatique, à copier. Des<br />

architectes chinois travailleront-ils demain en<br />

Suisse comme travaillent aujourd’hui en Chine<br />

des architectes suisses? Cela se pourrait. Il serait<br />

même souhaitable qu’une réelle mondialisation<br />

le permette. Mais il n’est pas dit que cette mutation<br />

se fasse. Même si la révolution appartient au<br />

passé, les Chinois n’ont pas retiré la veste de<br />

Mao, disait il y a quelque temps Sui Jianguo, artiste<br />

chinois né en 1956 à Tsingtao. A la périphérie<br />

de Pékin, se dresse sur le terrain d’une usine<br />

d’électronique militaire désaffectée, recyclée voici<br />

quelques années en centre culturel, une sculpture<br />

de Sui appelée Mao Jacket: une veste Mao en<br />

fonte qui, dépouillée depuis longtemps de son<br />

contenu, garde pourtant sa forme. Soutenue tant<br />

bien que mal par quelques coins, l’enveloppe est<br />

là, figée, comme investie déjà d’un propriétaire<br />

nouveau mais invisible. Cette œuvre plastique<br />

propose ainsi une image saisissante d’une société<br />

en mutation qui, pourtant, n’a guère conjuré les<br />

démons du passé.<br />

Traduit de l’allemand par Michel Schnarenberger<br />

Né en 1965 à Hanovre, Hubertus Adam a étudié l’histoire de l’art,<br />

l’archéologie et la philosophie. Rédacteur à la revue d’architecture<br />

archithese, à Zurich, il est l’auteur de nombreux essais et<br />

livres sur l’histoire de l’architecture du XXe siècle ainsi que sur<br />

l’architecture contemporaine.<br />

41


Entre Tokyo et le Tessin Portrait de Aoi Huber-Kono, stylicienne<br />

Kaori Takigawa<br />

42<br />

Les racines Aoi Huber-Kono est stylicienne. Elle<br />

est aussi la veuve du célèbre artiste suisse Max<br />

Huber (1919–1992) qui a longtemps travaillé comme<br />

graphiste à Milan. Depuis plus de quarante ans<br />

maintenant, elle habite dans la région de Chiasso,<br />

à la frontière de l’Italie. Une petite dame élégante,<br />

mais aussi une personne extrêmement énergique<br />

et débordant de joie de vivre. Aoi Huber-Kono vit<br />

seule avec ses deux chats; elle reçoit souvent la<br />

visite de ses connaissances et amis, récents ou<br />

anciens. Née en 1936 à Tokyo, c’est dans cette<br />

ville – et plus tard à Stockholm – qu’elle a étudié<br />

le graphisme, après quoi elle a travaillé à Milan.<br />

Et puis, elle a fini par s’installer au Tessin: «Je n’ai<br />

jamais cherché à venir ici, c’est arrivé tout simplement,<br />

un peu comme par une loi de la nature.»<br />

C’est dans un Milan en proie à la fièvre du design<br />

que Aoi Kono a fait, en 1961, la connaissance de<br />

Max Huber. Elle travaillait chez lui comme illustratrice.<br />

Une année plus tard, ils se mariaient.<br />

Mais, à l’époque, pour se marier avec un Suisse, il<br />

fallait avoir vécu au moins six mois en Suisse:<br />

aussi ont-ils déménagé à Chiasso et se sont-ils<br />

enracinés dans la pointe la plus méridionale du<br />

Tessin. Actuellement, Aoi Huber-Kono a soixanteneuf<br />

ans et elle continue d’exercer son métier de<br />

stylicienne, en Suisse comme au Japon. C’est une<br />

femme riche d’expérience, tenace, rigoureuse et<br />

précise dans son travail. Elle réalise aujourd’hui<br />

encore des projets étonnants: ainsi, la construction<br />

du nouveau m.a.x. Museo de Chiasso.<br />

La passion C’est à l’initiative de Aoi Huber-Kono<br />

que l’on doit le projet m.a.x. Museo, qui sera inauguré<br />

le 12 novembre 2005, après quatre années de<br />

planification et de construction. En ce moment,<br />

la stylicienne est totalement engagée dans la réalisation<br />

de ce musée. Il est le résultat concret de<br />

réflexions qu’elle mène depuis des années sur la<br />

meilleure façon de gérer la succession artistique<br />

de son compagnon: «Après le décès de Max Huber,<br />

il y a treize ans, j’ai commencé à archiver ses œuvres.<br />

La guerre ne les a pas endommagées et elles<br />

sont presque complètes. Je voulais en conserver<br />

l’ensemble en Suisse dans les meilleures conditions<br />

possibles. Mais où et comment? J’ai longtemps<br />

cherché la meilleure solution et suis arrivée<br />

à la conclusion qu’il me fallait créer ce lieu<br />

moi-même. Fort heureusement, cette idée a vite<br />

obtenu le soutien actif de collègues convaincus<br />

ainsi que de la municipalité de Chiasso. Mais il<br />

est important», insiste Aoi, «que le m.a.x. Museo<br />

ne soit pas seulement un musée pour Max Huber.<br />

Le véritable objectif de ce musée est de devenir un<br />

Centre de la communication visuelle. Il embrassera<br />

les domaines du graphisme, de la photographie,<br />

de l’art vidéo et de l’architecture. C’est pourquoi<br />

ce ne sera pas vraiment un musée d’art au<br />

sens traditionnel. On ne peut considérer la communication<br />

visuelle, par exemple le graphisme,<br />

comme participant des beaux-arts uniquement;<br />

elle se compose la plupart du temps de documents<br />

d’époque et exprime la philosophie pratique<br />

de ses auteurs. Les spectateurs perçoivent<br />

tout de suite cette qualité de ‹testimonio›, de témoignage<br />

d’une époque. Cette forme de communication<br />

est omniprésente dans notre quotidien: la<br />

typographie de l’ordinateur, les imprimés comme<br />

les journaux, la publicité, les affiches et les emballages.<br />

Nous souhaitons que nos visiteurs, les jeunes<br />

surtout, prennent conscience de cette forme<br />

d’art, qu’ils s’inspirent du passé pour leur avenir.»<br />

Le projet de musée a déjà revitalisé un quartier<br />

entier de Chiasso. La municipalité est en train<br />

d’assainir un ancien garage proche du musée<br />

pour en faire une halle consacrée aux manifestations<br />

culturelles. Si on y ajoute le théâtre et l’école<br />

existants, ce quartier deviendra probablement le<br />

nouveau pôle culturel de Chiasso.<br />

L’amour de la nature Les activités d’Aoi et son<br />

mode de vie témoignent de son amour pour la


création et de son respect envers la nature, deux<br />

sentiments qui trouvent leur origine dans une<br />

expérience clé de son enfance durant la guerre.<br />

Lorsque les bombardements de Tokyo ont représenté<br />

une menace croissante, sa famille a dû abandonner<br />

sa maison et se réfugier à la campagne<br />

pendant plusieurs années. Aoi se souvient avec<br />

plaisir de cette vie simple dans un village du bord<br />

de mer: «Ce fut une merveilleuse époque dans la<br />

nature. Nous nous sommes rapidement adaptés et<br />

avons vite appris le dialecte du village. Au début les<br />

enfants du village se moquaient de nous et nous<br />

effrayaient avec les serpents. Mais nous avons<br />

bientôt été aussi forts qu’eux. Je leur faisais leurs<br />

devoirs et j’obtenais ainsi leur respect, des œufs<br />

et de la farine. Il n’y avait pas alors de magasin et<br />

presque rien à manger. J’allais chez les paysans<br />

pour les prier d’échanger le kimono de ma mère<br />

contre du riz. Au printemps, tous les enfants devaient<br />

travailler dans les rizières: ramasser les parasites,<br />

vider les fosses d’aisances et épandre le<br />

purin… Mais ça ne me posait pas de problème. Un<br />

environnement naturel intact rend les hommes<br />

plus forts, même dans les situations difficiles».<br />

La façon dont l’homme détruit la nature un peu<br />

partout dans le monde préoccupe Aoi Huber-Kono,<br />

même en tant que stylicienne. Et elle aimerait<br />

que cette inquiétude se retrouve sous une forme<br />

concrète et persistante dans la construction du<br />

musée: «pour moi, la construction et le fonctionnement<br />

du musée se devaient d’être écologiques,<br />

c’était une priorité absolue.»<br />

Pour concilier la mission complexe du musée et<br />

les impératifs de l’économie et de l’écologie, les<br />

architectes luganais Durischt+Nolli ont élaboré<br />

une solution aussi simple qu’innovatrice. Le sobre<br />

corps de bâtiment est fait de béton et est enveloppé<br />

d’une double façade de verre. L’intervalle<br />

entre les deux parois de verre fonctionne comme<br />

une zone tampon climatique, comme une isolation<br />

thermique. Pour le chauffage et la climatisation<br />

des salles d’expositions spacieuses, on utilise<br />

la masse de la construction: dans la dalle de<br />

béton, des tuyaux emmagasinent la chaleur ou le<br />

froid. Ce système permet d’obtenir, aussi bien en<br />

été qu’en hiver, une température ambiante constante<br />

et agréable tout en dépensant un minimum<br />

d’énergie. La principale source d’énergie est la<br />

chaleur terrestre, c’est-à-dire une énergie renouvelable.<br />

Ainsi le musée sera un bâtiment tourné<br />

vers l’avenir, non seulement du point de vue culturel<br />

mais aussi du point de vue écologique.<br />

Le petit paradis A la question de savoir ce qui lui<br />

plaît le plus au Tessin dans la vie de tous les<br />

jours, Aoi Huber-Kono répond sans hésiter: «Le<br />

soleil naturellement!»<br />

Malgré le bourdonnement permanent de l’autoroute<br />

nord-sud, vivre dans la région de Novazzano,<br />

c’est pour elle vivre dans un petit paradis. Sa maison<br />

se cache derrière une haie de bambous luxuriante.<br />

L’aile d’habitation ressemble à une galerie:<br />

meubles raffinés, nombreuses gravures aux murs,<br />

œuvres d’art et objets d’artisanat emplissent les<br />

pièces de couleurs et de formes chaleureuses et<br />

ludiques. Naturel et contemporain font la paire. A<br />

l’extérieur, Aoi a planté une douzaine d’arbres<br />

fruitiers et aménagé un beau jardin potager. Novazzano<br />

est certes situé dans le voisinage d’une<br />

zone industrielle et de l’autoroute, mais il est<br />

aussi proche de villages tessinois romantiques,<br />

des montagnes et des lacs. Et ces deux éléments<br />

engendrent pour Aoi Huber-Kono une atmosphère<br />

créatrice source d’inspiration.<br />

«Je me sens chez moi là où je suis. Il va de soi que<br />

je me sens bien au Japon également. Mais le Japon<br />

d’aujourd’hui n’est pas le Japon que je porte<br />

en moi. Je suis partie en Europe avant qu’il connaisse<br />

son grand boom économique. Depuis, il<br />

s’est radicalement transformé. Autour de la maison<br />

de mes parents à Tokyo, je ne retrouve aucun<br />

vestige d’autrefois. A cela s’ajoute un autre problème<br />

plus conséquent: souvent, je ne comprends<br />

pas ce que mes amis japonais pensent parce<br />

qu’ils n’expriment pas leurs opinions ou leurs<br />

sentiments. Typiquement japonais, en fait. Mais<br />

si cela me frappe, c’est sans doute parce que je<br />

vis à l’étranger depuis très longtemps. Pourtant,<br />

chaque jour, je suis heureuse de la vie que je<br />

mène et reconnaissante d’avoir autant d’amis qui<br />

collaborent à mes projets. Si je pouvais faire un<br />

vœu cependant», continue Aoi Huber-Kono avec<br />

une lueur de curiosité dans les yeux, «ce serait de<br />

visiter d’autres endroits du monde avant de mourir.<br />

Par exemple, je rêve de voir la Patagonie et<br />

son environnement naturel!» ¬<br />

Traduit de l’allemand par Marielle Larré<br />

Kaori Takigawa est née en 1975 à Tokyo. Après avoir terminé<br />

ses études de Foreign Studies à l’Université de Tokyo, elle s’est<br />

installée en Suisse en 1999. Aujourd’hui, elle vit et travaille<br />

à Berne comme paysagiste, journaliste et traductrice indépendante,<br />

dans les domaines de l’environnement, de l’énergie<br />

et de l’architecture, pour des magazines spécialisés japonais.<br />

43


Shanghai – Zurich 04 Un échange interculturel entre futurs designers<br />

Michael Krohn<br />

46<br />

Un professeur à la Hochschule für Gestaltung und Kunst de Zurich et sa classe partent pour la Chine, travailler<br />

avec des étudiants de Shanghai. Quand les différences culturelles créent de nouvelles sources d’inspiration: récit<br />

d’une rencontre ❙<br />

La Chine, depuis quelques années, suscite à nouveau<br />

un intérêt soutenu. Ce ne sont plus des thèmes<br />

politiques qui attirent l’attention, mais la<br />

croissance fulgurante et le besoin de matières<br />

premières qui lui est lié, ainsi que l’énorme production<br />

de biens. La Chine, une société qui avance<br />

à toute vitesse dans le présent et le futur, mais<br />

qui pour nous porte souvent l’empreinte d’un caractère<br />

réactionnaire, autoritaire et plein de contradictions.<br />

C’est pourquoi l’émancipation actuelle<br />

d’une nation qui aura son mot à dire dans les<br />

prochaines décennies nous fascine et nous inquiète<br />

en même temps. Nombre de projets de développement<br />

peuvent nous sembler mal engagés<br />

ou du moins confus, mais la confiance quasi inébranlable<br />

que les Chinois ont en eux-mêmes<br />

s’exprime dans cette phrase qu’on entend toujours<br />

et partout à Shanghai: «Dans dix ans, nous<br />

aurons dépassé en importance les métropoles de<br />

Londres et New York».<br />

C’est d’un œil critique et sans perdre de vue son<br />

propre intérêt qu’il faut aller à la rencontre de<br />

cette fascination et de la foi presque sans faille<br />

des Chinois en l’avenir. Mais en dépit de tout le<br />

scepticisme qu’on peut avoir, s’il est une société<br />

qui a l’expérience historique de la planification et<br />

de la réalisation de grands projets, c’est bien la<br />

société chinoise. Même avec un regard critique<br />

sur toutes les conséquences de cette évolution,<br />

on ne peut pas ne pas reconnaître les changements<br />

qui marquent la nouvelle Chine depuis la<br />

légère ouverture politique du milieu des années<br />

quatre-vingt-dix. Résultat d’une croissance mirobolante<br />

qui devrait apporter à une couche gran-<br />

dissante de la population l’aisance attendue depuis<br />

longtemps: la quantité presque infinie d’immeubles<br />

qui poussent actuellement dans les<br />

grands centres économiques, de même que la<br />

croissance exponentielle des besoins en biens de<br />

consommation de toute sorte. Et il est une exigence<br />

qui occupe ici une place centrale: la Chine<br />

veut du design. Dans toutes les expressions possibles:<br />

architecture, produits quotidiens, produits<br />

de luxe, marques, emballages, communication.<br />

Cette exigence, si l’on prend pour exemple la ville<br />

de Shanghai, largement organisée suivant les règles<br />

de l’économie de marché, produira dans un<br />

proche avenir une conception spécifiquement<br />

chinoise du design, mais aura aussi une influence<br />

massive sur le design occidental.<br />

Le laboratoire de design Malgré la mondialisation<br />

des processus de production et de marché, le<br />

besoin en produits régionaux qui ont une histoire<br />

et une identité culturelle est fortement ancré dans<br />

les cultures tant occidentales qu’orientales. On<br />

conçoit aisément qu’une haute école d’arts appliqués<br />

telle que la nôtre, qui s’occupe aussi des<br />

interactions entre ces arts, s’intéresse de plus<br />

près aux déplacements économiques qu’on vient<br />

d’évoquer. Des produits sont développés et conçus<br />

en Europe pour être fabriqués en Chine, mais<br />

d’un autre côté, la Chine veut trouver sa propre<br />

voie entre tradition et modernisme occidental.<br />

Ayant à l’esprit un marché intérieur presque infini<br />

et qui croît rapidement, les designers chinois<br />

commencent à développer une manière de concevoir<br />

autonome, émancipée de l’Occident. La production<br />

de biens chinoise passe de l’imitation, ou


dans le pire des cas de la pure copie, à l’expression<br />

d’une manière de vivre et d’une culture urbaine<br />

chinoise autonomes. Les marques et les produits<br />

qui apparaissent sont constellés de signes<br />

et de valeurs évoquant un train de vie occidental,<br />

mais se basent toujours sur la tradition chinoise,<br />

sur sa notion et sa lecture des formes, des signes<br />

ou des couleurs. Très familier aux Chinois, ce type<br />

de «collage» de moments esthétiques, de même<br />

que cette manière décontractée de manier la tradition<br />

et les significations, devrait être un mystère,<br />

vu de l’extérieur du moins, pour les étudiants<br />

suisses, dont la manière de concevoir est plutôt<br />

analytique. C’est pourquoi nous avons voulu confronter<br />

nos étudiants avec cette forme asiatique<br />

du design, en rapide évolution, et les inciter à remettre<br />

en question leurs propres habitudes visuelles.<br />

A cet égard, on peut voir les métropoles<br />

chinoises comme autant de laboratoires de design<br />

expérimental bien équipés.<br />

Le design en Chine La Chine, prochaine nation<br />

du design? Partant de cette réflexion, des enseignants<br />

de la Hochschule für Gestaltung und Kunst<br />

de Zurich (HGKZ) ont préparé un projet en Chine<br />

et avec sa collaboration. En restant critiques face à<br />

la situation politique, écologique et au regard des<br />

droits de l’homme, mais avec la volonté de réunir<br />

étudiants chinois et étudiants suisses dans un<br />

même projet, nous avons trouvé un partenaire<br />

idéal en la Southern Yangtse University de Wuxi<br />

(SYUT), à deux heures environ au nord de Shanghai,<br />

qui possède un excellent département de design.<br />

Wuxi, capitale provinciale en plein développement<br />

et qui compte 6,5 millions d’habitants,<br />

nous a fait découvrir une Chine un peu différente<br />

de celle de Shanghai. Le contact direct avec cette<br />

Chine plutôt «normale» faisait donc partie du projet.<br />

Autre élément inattendu: la qualité de l’équipement<br />

des ateliers et des laboratoires de la<br />

SYUT. Si les locaux et l’ameublement sont plutôt<br />

modestes, l’équipement technique est comparable<br />

au nôtre. Nous avons d’emblée associé étroitement<br />

les enseignants chinois à la planification,<br />

afin de les sensibiliser le plus possible et d’atteindre<br />

à une compréhension réciproque. Il ne s’agissait<br />

pas seulement de réunir sur un projet commun<br />

deux cultures extrêmement différentes, mais<br />

aussi de travailler de manière interdisciplinaire,<br />

ce qui compliquait encore les choses car, comme<br />

nous l’avons appris après coup, c’est là pour nos<br />

collègues chinois un mode de formation encore<br />

très nouveau.<br />

Le projet «Zurich – Shanghai 04» Notre projet<br />

didactique devait aborder la Chine comme un<br />

lieu central de réflexion sur le design en tant<br />

qu’activité, mais aussi en tant que partie de la<br />

culture (quotidienne). Nous avons commencé par<br />

la métropole de 18 millions d’habitants, Shanghai.<br />

Le regard chinois sur la Chine, mais aussi sur<br />

notre propre culture, devait soulever de nouvelles<br />

questions conduisant à des résultats innovateurs.<br />

Quels sont les différences, mais aussi les<br />

points communs avec l’autre culture? Comment<br />

abordons-nous la créativité et les questions de<br />

conception? Comment voyons-nous l’importance<br />

de notre profession? Les étudiants des deux hautes<br />

écoles devaient travailler en équipe pour trouver<br />

ensemble des solutions communes, mais aussi<br />

pour apprendre à utiliser les différences culturelles<br />

comme source d’inspiration débouchant sur<br />

quelque chose de nouveau. Le thème choisi devait<br />

offrir un accès aisé et compréhensible aux<br />

deux parties: le développement d’une marque<br />

d’eau minérale, avec toutes les expressions visuelles,<br />

spatiales et matérielles nécessaires, qui<br />

puisse fonctionner aussi bien en Europe, à Zurich<br />

par exemple, que dans une métropole chinoise.<br />

Les différences entre les espaces culturels<br />

européen et asiatique nous ont tout d’abord<br />

été exposées par le consul général de Suisse à<br />

47


48<br />

Shanghai, M. Hans Jakob Roth. Une visite à la galerie<br />

ShanghART, une des premières galeries indépendantes<br />

de Chine, fondée en 1996 par le Suisse<br />

Lorenz Helbling, nous a permis de nous faire une<br />

idée de la scène artistique indépendante contemporaine<br />

de Chine.<br />

Les jours suivants ont été consacrés à une étude<br />

approfondie de la culture urbaine au chapitre des<br />

boissons. Etudiants chinois et suisses ont analysé<br />

en commun différents aspects de ce thème afin de<br />

réunir les conclusions nécessaires pour la création<br />

d’une marque propre. Cette première collaboration<br />

directe nous a permis de mieux faire mutuellement<br />

connaissance; les Chinois, qui avaient<br />

l’avantage du terrain, ont dû expliquer à nos étudiants<br />

nombre de choses qui n’étaient pas visibles<br />

ou compréhensibles d’emblée. Comment boiton?<br />

Où boit-on? Combien paie-t-on pour cela?<br />

Quelles marques existent? Comment le marché<br />

est-il structuré? Les impressions et les expériences<br />

rassemblées ont sans doute été très importantes<br />

pour la suite du travail de design, mais on<br />

a manqué de temps pour pénétrer vraiment dans<br />

le quotidien des Chinois.<br />

Après Shanghai, c’est à Wuxi même, au campus<br />

de la SYUT, qu’a démarré le processus de conception<br />

proprement dit. Rien que la question «Comment<br />

allons-nous procéder?» a déclenché tout un<br />

débat. Pourtant, la parole seule n’était souvent<br />

qu’un moyen de communication insuffisant et<br />

c’est à l’aide d’esquisses et de modèles simples<br />

que les étudiants ont échangé leurs idées, formé<br />

des variantes, discuté de l’objet. «Pourquoi tu fais<br />

ça en vert?» «Chez nous, le vert est synonyme de<br />

naturel!» «Ah bon! chez nous, ça veut dire médical.»<br />

Les dialogues de ce genre ont émaillé le travail<br />

de projet. On a aussi bien sûr souvent discuté<br />

d’autres aspects du design, de la façon dont ils<br />

sont perçus dans les deux mondes. Où la pensée,<br />

les processus et les valeurs sont-ils très proches, où<br />

diffèrent-ils complètement? A notre univers de<br />

marchandises finalement assez uniformisées et<br />

souvent interchangeables s’oppose en Chine une<br />

diversité confuse, souvent irritante pour nous,<br />

mais extrêmement fascinante. Au second regard,<br />

on n’est plus si sûr de sa position de culture «développée»<br />

et «dirigeante». Sans devenir sentimental,<br />

ne nous manque-t-il pas ce qui donne de l’intensité<br />

même aux plus petits objets de la culture asiatique?<br />

Durant le processus de conception, c’est à ce<br />

type de questions que nous avons cherché avec<br />

nos collègues chinois des réponses possibles.<br />

Le projet comprenait toutes les étapes, de la conception<br />

à la mise en forme de détails sur l’objet<br />

lui-même. Pour les étudiants, il est devenu évident<br />

au fil du travail que projeter, choisir, argumenter,<br />

cela exigeait une énorme capacité de<br />

transformation, qui devait finalement réunir en<br />

une solution et rendre lisibles les particularités<br />

des deux cultures. La force des étudiants suisses,<br />

pouvoir décomposer un processus et conserver la<br />

vue d’ensemble, a vite été complétée par les compétences<br />

de concrétisation et l’incroyable habileté<br />

manuelle des étudiants chinois. Au plan théorique,<br />

le travail a été enrichi par les interventions<br />

des enseignants, suivies avec un grand intérêt<br />

par les étudiants chinois surtout. Les deux cultures<br />

sont naturellement marquées par des influences<br />

internationales, planétaires, mais à la<br />

différence de ces dernières, la perception des particularités<br />

respectives a réussi de manière bien<br />

plus authentique grâce au contact étroit entre les<br />

participants. La possibilité de nouer des relations<br />

personnelles au-delà du travail sur le projet, d’approcher<br />

directement les gens et la culture, a été<br />

une autre expérience qui restera gravée dans leur<br />

mémoire.<br />

Conclusion La longue phase de préparation minutieuse,<br />

la patience nécessaire au choix du bon<br />

partenaire, aussi bien que la motivation des étudiants<br />

et enseignants suisses et chinois, ont fait<br />

du projet un succès. Nous sommes convaincus<br />

que ce projet de recherche, tout comme d’autres<br />

modules d’enseignement prévus, fournira des<br />

éléments de connaissance importants pour le<br />

dialogue interculturel et peut ouvrir une fenêtre<br />

dans ce futur espace économique et culturel. Celui<br />

qui va en Chine ne doit pas le faire de manière<br />

désintéressée et sans objectifs personnels clairs:<br />

c’est seulement ainsi que nous pourrons profiter<br />

les uns des autres. Qui sait, peut-être que les prochains<br />

diplômés de la HGKZ entameront leur<br />

parcours professionnel en Asie? En été 2005, ce<br />

sera un groupe de la SYUT qui viendra en visite à<br />

la HGKZ, pour réaliser avec nous un autre module,<br />

sur le thème de la cuisine cette fois-ci. ¬<br />

Traduit de l’allemand par Christian Viredaz<br />

Né en 1965, Michael Krohn, designer industriel ESAA, est professeur<br />

au département Design et coresponsable du secteur<br />

d’études Design industriel de la Hochschule für Gestaltung und<br />

Kunst de Zurich, ainsi que copropriétaire de l’agence de design<br />

FORMPOL à Zurich.

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