passages - Pro Helvetia

Shanghai – Zurich 04 Un échange interculturel entre futurs designers
Michael Krohn
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Un professeur à la Hochschule für Gestaltung und Kunst de Zurich et sa classe partent pour la Chine, travailler
avec des étudiants de Shanghai. Quand les différences culturelles créent de nouvelles sources d’inspiration: récit
d’une rencontre ❙
La Chine, depuis quelques années, suscite à nouveau
un intérêt soutenu. Ce ne sont plus des thèmes
politiques qui attirent l’attention, mais la
croissance fulgurante et le besoin de matières
premières qui lui est lié, ainsi que l’énorme production
de biens. La Chine, une société qui avance
à toute vitesse dans le présent et le futur, mais
qui pour nous porte souvent l’empreinte d’un caractère
réactionnaire, autoritaire et plein de contradictions.
C’est pourquoi l’émancipation actuelle
d’une nation qui aura son mot à dire dans les
prochaines décennies nous fascine et nous inquiète
en même temps. Nombre de projets de développement
peuvent nous sembler mal engagés
ou du moins confus, mais la confiance quasi inébranlable
que les Chinois ont en eux-mêmes
s’exprime dans cette phrase qu’on entend toujours
et partout à Shanghai: «Dans dix ans, nous
aurons dépassé en importance les métropoles de
Londres et New York».
C’est d’un œil critique et sans perdre de vue son
propre intérêt qu’il faut aller à la rencontre de
cette fascination et de la foi presque sans faille
des Chinois en l’avenir. Mais en dépit de tout le
scepticisme qu’on peut avoir, s’il est une société
qui a l’expérience historique de la planification et
de la réalisation de grands projets, c’est bien la
société chinoise. Même avec un regard critique
sur toutes les conséquences de cette évolution,
on ne peut pas ne pas reconnaître les changements
qui marquent la nouvelle Chine depuis la
légère ouverture politique du milieu des années
quatre-vingt-dix. Résultat d’une croissance mirobolante
qui devrait apporter à une couche gran-
dissante de la population l’aisance attendue depuis
longtemps: la quantité presque infinie d’immeubles
qui poussent actuellement dans les
grands centres économiques, de même que la
croissance exponentielle des besoins en biens de
consommation de toute sorte. Et il est une exigence
qui occupe ici une place centrale: la Chine
veut du design. Dans toutes les expressions possibles:
architecture, produits quotidiens, produits
de luxe, marques, emballages, communication.
Cette exigence, si l’on prend pour exemple la ville
de Shanghai, largement organisée suivant les règles
de l’économie de marché, produira dans un
proche avenir une conception spécifiquement
chinoise du design, mais aura aussi une influence
massive sur le design occidental.
Le laboratoire de design Malgré la mondialisation
des processus de production et de marché, le
besoin en produits régionaux qui ont une histoire
et une identité culturelle est fortement ancré dans
les cultures tant occidentales qu’orientales. On
conçoit aisément qu’une haute école d’arts appliqués
telle que la nôtre, qui s’occupe aussi des
interactions entre ces arts, s’intéresse de plus
près aux déplacements économiques qu’on vient
d’évoquer. Des produits sont développés et conçus
en Europe pour être fabriqués en Chine, mais
d’un autre côté, la Chine veut trouver sa propre
voie entre tradition et modernisme occidental.
Ayant à l’esprit un marché intérieur presque infini
et qui croît rapidement, les designers chinois
commencent à développer une manière de concevoir
autonome, émancipée de l’Occident. La production
de biens chinoise passe de l’imitation, ou