passages - Pro Helvetia

A mon arrivée à Pékin, seul le rock constituait
une véritable scène musicale: cris rauques, riffs
de guitare rapides et distordus exprimaient les
peurs et les souffrances d’un quotidien difficile.
C’était une forme d’expression exaltée par la jeunesse,
qui, simultanément, symbolisait les lamentations
des petites gens. La musique rock
restituait le rythme accéléré du capitalisme montant
et pour la jeunesse, la guitare était un moyen
de manifester son état d’esprit dans la rue.
La disco avait déjà fait son entrée dans le Pékin
de la fin des années quatre-vingt. Mais les gens
n’étaient guère concernés par la musique. Il importait
surtout de remuer les fesses sur la piste
de danse tout en échangeant des sourires. Admirer
les éclairages d’une discothèque valait déjà le
prix de l’entrée pour la plupart des Chinois.
Je cherchais quant à moi une scène où l’on se
retrouve pour s’éclater, se libérer et se divertir.
J’ai commencé par organiser des petites sessions
dans l’arrière-cour de mon appartement en vieille
ville, que je partageais avec des amis chinois. Elles
furent d’abord presque uniquement fréquentées
par des Occidentaux. Les quelques Chinois qui
s’égaraient parmi nous fixaient les platines avec
une certaine incrédulité et admiraient silencieusement
la nouvelle musique sans faire le moindre
mouvement. A l’époque déjà, quelques rares
punks étaient les seuls à s’échauffer sur la piste.
Petit à petit, nous nous sommes risqués à fêter
nos happenings dans des lieux publics. Quand la
police nous chassait d’une ruelle, nous nous retrouvions
dans une venelle voisine le soir suivant.
Je n’oublierai jamais le spectacle donné par ce
groupe folklorique péruvien que je priai spontanément,
un samedi soir après leur concert dans
un cinq étoiles, de se produire dans notre hutong
au nord de Pékin. Le groupe trouva l’idée complètement
déjantée et se lança. Les joyeux accords
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