LE CINEMAIl fait revivre ColucheLES SORTIES DU MERCREDI. François-Xavier Demaison, l’ex-fiscaliste devenucomique, livre une prestation bluffante dans le très attendu « Coluche, l’histoired’un mec ». Un rôle qu’il a préparé, physiquement et mentalement, durant des mois.ENACÉ par une procédure judiciaire engagée par PaulLederman contre les producteurs, « Coluche, l’histoired’un mec », le film d’Antoine de Caunes restituant lacampagne électorale de l’humoriste en 1981, sortiraMnormalement cet après-midi dans 480 salles enFrance. Le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a eneffet débouté hier l’ex-imprésario de Coluche qui demandait la modificationdu sous-titre du long-métrage. Un film dans lequel l’acteur François-Xavier Demaison réalise une performance étonnante dans le rôle-titre.NGURGITER. Digérer. PourFrançois-Xavier Demaison, àI l’affiche aujourd’hui du filmd’Antoine de Caunes, se glisser dansla peau du poids lourd des comiquesfut d’abord une affaire d’appétit. Lecomédien de 35 ans trimballe encoresix kilos superflus, sur les quatorzequ’il lui a fallu prendre à coupsd’entrée-plat-fromage-dessert dansles bons restaurants, pour faire unColuche présentable en salopette.« Faut dire, j’avais des prédispositions,plaisante-t-il. Mais pour lesbourrelets,jerecommandelecalamarfrit.»Ilmesureencoreletravailàla De Niro - LaMotta accompli pour« l’incarner sans l’imiter », les moispassés à bosser la gestuelle et la voixavec deux coachs, les kilomètresd’archives visionnés « puis digérés,pour que l’interprétation paraissenaturelle ».«J’avaislesouvenirdes blaguesde mon père »Et au bout du compte, une interprétationbluffante de Michel Colucci,dans la lumière de ses prestationsscéniques comme dans le clair-obscurd’une vie intime bousculée par lacampagne électorale de 1981. CeColuche-là, François-Xavier Demaisonle connaissait mal. « J’avais lesouvenir des blagues de mon pèrequand j’étais enfant, de ses larmes lejour de sa mort. J’admirais bien sûrson talent de saint patron des humoristes.Mais quand Antoinede Caunes est venu me proposer lerôle dans ma loge, je me suis demandépourquoi»,sesouvient-il.Leréalisateur est tombé en arrêt devantla « capacité à occuper l’espace surunescène»del’ex-avocatfiscalistenew-yorkais, devenu comique aprèsla chute des Twin Towers.A-t-il perçu les facultés de mimétismedu garçon ? Au milieu des années1990, pour ne pas contrarierpapa-maman avocats, ce passionnéde théâtre abandonne le cours Florentet mène des études politiquesavant d’intégrer un grand cabinetaméricain. Le saltimbanque seplanque dans un costume-cravate etdonne le change. Efficace en affaires.Bon soldat de Wall Street. Jusqu’à ceque le naturel revienne au galop.« Je suis tellementheureux aujourd’hui »Quand Samuel Le Bihan le découvreet décide de le produire, Demaison« donne sa dèm » et lâchel’attaché-case. Malgré son récentmariage et la naissance d’une petiteSacha, aujourd’hui âgée de 1 an etdemi. « François-Xavier n’a pas eupeur de prendre des risques. C’est unbosseur qui a une faculté vertigineusepourapprendrecequ’ilnesaitpas faire », dit de lui son copain acteur.« Je ne regrette rien. Je suis tellementheureux aujourd’hui », avouel’intéressé. Humoriste en pleine ascension,acteur de plus en plus sollicité(on le verra prochainement dans« Musée haut, musée bas », « Tellementproches»et«lePetitNicolas»),Demaison n’ignorait pas le côté« casse-gueule » du rôle de Coluche.« Je crois avoir gagné mon pari »,avance-t-il. S’il a pris plaisir à côtoyerle mythique personnage, c’est avecgourmandise que François-XavierDemaison a repris son spectacle entournée. Quatre-vingts dates, etl’Olympia en décembre. « Les tournées,j’adore ça ! Sauf que c’est pasbon pour la ligne… »Hubert Lizé■ L’histoire. Automne 1980. Coluche, alors au sommetde sa popularité, décide de présenter sa candidatureà l’élection présidentielle de 1981 et mobilise laFrance des marginaux au cours d’une campagneconçue comme une grosse farce. En atteignant jusqu’à16 % d’intentions de vote, il met la panique dans lesétats-majors politiques. S’ensuivent des pressions, desmanœuvrespolicièresquifinissentparminerlemoraldu comique, qui affronte de sérieux problèmes dans savie privée.■ Notre avis. Antoine de Caunes a mis un tigre dansson moteur. Avec ce quatrième film, co-scénarisé parEgalement sur les écrans« Tonnerre sous les tropiques » : hilarant ★★★François-Xavier Demaison n’a pas encore réussi à éliminer les quatorze kilos qu’il a dû prendrepour incarner Coluche. (JEAN-PIERRE MAUGER.)CRITIQUEUne reconstitution passionnante ★★★Diastème, sa caméra s’est débridée pour coller au plusprès du tourbillon Coluche. Ses potes, ses outrances, sadrôlerie, mais aussi ses paradoxes, ses failles intimes,sa noirceur, dans une France époque Giscard dont leréalisateur restitue le climat étriqué. Qu’importe la véracitédes faits. François-Xavier Demaison a su habiter,sans jamais l’imiter, ce mec inimitable.H.L.Comédiedramatiquefrançaised’AntoinedeCaunes,avec François-Xavier Demaison, Léa Drucker, OlivierGourmet, Alexandre Astier, Denis Podalydès.Durée : 1 h 43.« Course à la mort » : tonitruant ★■ L’histoire. Cinq acteurs américainsmais ô combien jubilatoire. Pour ap-■ L’histoire. Aux Etats-Unis, dans dissant, un montage déconseillé auxaux ego surdimensionnés sont précier cette super poilade, qui dé-un futur proche. La directrice de Ter-cardiaques, des mitraillettes et unréunis pour tourner sous les tropiquesgainel’artillerielourdeàcoupsde minal Island, une prison haute sécu-lance-flammes au napalm, du tu-« le plus grand film de guerre gags potaches et d’une extraordirité,organise des courses de voitures ning et des tueries, une tête arrachée,de tous les temps ». En tête d’affiche, naire efficacité comique, il vaut mortellesentredétenuspourune des litres de sueur, des tonnes de testostérone,des pépées en short et lesTugg Speedman, la star du genre, mieux fermer les yeux sur des dialoguesqui ne font pas toujours dans la Frankenstein, le chouchou du pu-muscles de Jason Statham, aussi ex-émission de téléréalité. A la mort dedont la carrière est en chute libre,après trois navets. Mais très vite le finesse. Qu’importe, ici le mauvais blic, elle contraint l’ex-pilote Jensen pressif qu’un calamar bouilli. L’enfertournage dérape à cause des capricesde la star et de ses partenaires. surprise, parmi une brochette d’ex-lemeurtredesafemme,àporterson porte.goût est le carburant de la parodie. Et Ames, injustement condamné pour ou le paradis, chacun verra midi à saLe studio décide d’arrêter les frais… cellents acteurs, c’est Tom Cruise masque. S’il gagne la course, JensenM.S.■ Notre avis. C’est un formidable(pourtant non crédité au générique) sera libre…Film d’action américain de Paulquidécrochelapalme.Méconnaissableenpatrondestudiochauveetpastiche des films de guerre américains(« Apocalypse Now », « Pla-Courseàlamortdel’An2000» Tyrese Gibson, Ian McShane, Joan■ Notre avis. Les fans de « la W.S. Anderson. Avec Jason Statham,obèse. Du tonnerre…toon », la série des « Rambo ») et des(1975),dontvoicileremake,savent Allen… Durée : 1 h 45.Alain Grassetsurprenantes méthodes de productionen gros de quoi il retourne. Pour lesdes studios hollywoodiens qu’a Comédie d’action américaine autres, comment dire ? Quand un NOTRECOTE: ★★★★ chef-réussi Ben Stiller, à la fois scénariste, réalisée par Ben Stiller avec Ben film de prison rencontre un film de d’œuvre, ★★★ excellent, ★★ bon,Ben Stiller, à la fois réalisateur réalisateur, acteur et producteur de Stiller, Jack Black, Robert Downey bagnoles, ça donne : des moteurs ★ moyen, ● sans intérêtet comédien. (DR.)cette comédie totalement barrée, Jr… Durée : 1 h 48.vrombissants, un vacarme assour-32 MERCREDI 15 OCTOBRE 2008
Et aussi/« Le crime est notre affaire »LE CINEMA« Catherine Frot, c’est un oiseau »PASCAL THOMAS, réalisateurL LE DISAIT déjà du temps des« Zozos », il y a trente-cinq ans, etI il le répète aujourd’hui : « Je veuxdivertir sans arrière-pensée, avec desfilms joyeux et rythmés. Ne pas s’ennuyer,c’est une obsession personnelle.» Dans le travail, Pascal Thomasfaitl’effetd’untypeconstant.« Le crime est notre affaire », attenduaujourd’hui sur plus de 300 écrans,est ainsi sa troisième fantaisie policièreadaptée d’Agatha Christie.Troisansaprès«Monpetitdoigtm’adit », Catherine Frot y retrouve PrudenceBeresford, formidable personnagede détective chic et fantasque,tandis que Chiara Mastroianni,adoptée l’an passé dans « l’Heure ducrime », revient jouer les suspectes.Agatha, Catherine, Chiara : le réalisateurde « Celles qu’on n’a pas eues »parle des femmes de son film.■ La reine Christie. « Entre elle etmoi, ça dure depuis le collège. AvecSimenon, Balzac, Léautaud ou Dumas,elle fait partie des auteurs dontj’ai lu l’œuvre d’une traite. Pouradapter un écrivain, il ne faut pas êtrefigé par le respect littéraire. Chez Célineou Proust, tout est dans le style,la petite musique, alors qu’AgathaChristie crée des personnages, desatmosphères, des histoires — qui serépètent, d’ailleurs. Au fond, c’estquoi, un roman d’Agatha Christie ?Un tordu, qu’elle soigne bien, a commisun crime tordu et un enquêteurle cherche dans une botte de foin detordus ! Les péripéties varient, maispermettent d’ajouter votre monde ausien. Dans Le crime est notre affaire,il y a peut-être 30 % d’Agatha Christieet70%demoi.C’estcequipermetànotrecoupledefonctionner:chacun peut s’exprimer. »■ La môme Frot. « Jadis, on reconnaissaitles grands acteurs à leurphrasé, comme Arletty, mais depuisla guerre, on gomme la singularité.Catherine, elle, parle comme onchante, c’est un oiseau. Pour la Dilettante(NDLR : 1999), on avait travaillésa voix, on lui avait imaginé une silhouette…Dans Mon petit doigt m’adit et maintenant Le crime est notreaffaire, elle a vu que Prudence Beresfordétait un prolongement de cerôle initial. On essaie d’en faire unpersonnage très élégant, habilléentre haute couture et chiffonnelli,une sorte de grand-mère indigne,horrifiée par la retraite et qui ne veutpas s’encombrer de sa famille. Catherineestàunsommetd’invention,de drôlerie et de maîtrise. »■ Chiara bella. «CommeChristianVadim, son frère dans la vie et àl’écran, Chiara Mastroianni a mis dutemps à éclore. Le fait d’avoir des parentstrop célèbres, ça peut amenerl’enfant à développer une modestienaturelle, une sorte de politesse dene pas se croire légitime, enfin toutesles bêtises qu’on peut se mettre dansCatherine Frot reprend le rôle de Prudence Beresford et mènel’enquête avec son mari Bélisaire (André Dussollier). (HASSEN-BRAHITI.)la tête… Non seulement elle est unebonne actrice, mais Chiara est plusbelle aujourd’hui qu’hier, son regardest plus intense, elle prend confianceen elle. C’est drôle, d’ailleurs, chacunaprisleregarddesonpère:Christian,celui de Roger Vadim et elle, celuide Marcello Mastroianni… »Propos recueillis parMarie SauvionCRITIQUEUne enquêtesavoureuse ★★★■ L’histoire. Persuadéequ’un cadavre de femme y estdissimulé, Prudence Beresford(Catherine Frot) se fait engagercomme cuisinière chez lesCharpentier, pour fouiner à sonaise. Son époux, le colonel enretraite Bélisaire Beresford (AndréDussollier), s’en mêlelorsqu’un corps est effectivementdécouvert…■ Notre avis. Entre AgathaChristie et Pascal Thomas, c’estuneaffairequiroule.Troisansaprès « Mon petit doigt m’adit », quel plaisir de retrouverles Beresford ! L’intrépide Prudenceentraîne Bélisaire, décidémenttrop « popote », dansune enquête pleine de fantaisie,servie par des dialogues savoureux,une troupe d’acteursépatants et une ambiance « tartan,feu de bois et tueur en série» archi-cosy. Un régal.M.S.Comédie policière française dePascal Thomas, d’après AgathaChristie. Avec Catherine Frot,André Dussollier, ChiaraMastroianni… Durée : 1 h 49.©ZadigProductionsMatignon : ce sont euxqui en parlent le mieux.Jean-Pierre Raffarin : «Vous voulez que jevous dise ce qu’est Matignon? Une magnifiquemachine à broyer...»Pierre Mauroy : « Quand on est à ce poste, ona du plaisir à dormir, le soir, pour tout oublier.»Edith Cresson : «C’est une fonction sacrificielle,avec une dimension presque christique :Dieu (le président) donne ses fils et ses fillesau pays et, à partir de là, on devient une proie.Le peuple a d’ailleurs le goût du spectacle,vos adversaires sont innombrables, la pressedéchaînée. Au fond, c’est un formidable observatoirede la nature humaine. »Michel Rocard: « Un enfer gestionnaire. »François Fillon: « Dans une journée, vousrecevez 10% de bonnes nouvelles et 90% demauvaises. »Edouard Balladur: « Je sais que c’est un desgrands thèmes de gémissements de ceux quiont été premier ministre. N’est-ce pas à lesentendre, la mission la plus difficile du monde?Il faut vraiment une âme d’apôtre, sinon mêmede martyr pour accepter de jouer un rôle pareil.Moyennant quoi, je n’ai jamais entendu direque qui que ce soit ait refusé de l’être. »ALBIN MICHELMERCREDI 15 OCTOBRE 2008 33