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Evaluation de la douleur du patient non communicant - CNRD

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<strong>Evaluation</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>douleur</strong> <strong>du</strong> <strong>patient</strong> <strong>non</strong> <strong>communicant</strong>Douleur <strong>de</strong>s personnes âgéesB. Pradines. Service <strong>de</strong> Soins <strong>de</strong> Longue Durée <strong>du</strong> Centre Hospitalier d'Albi. 81013 ALBI Ce<strong>de</strong>x*Intro<strong>du</strong>ctionL’intérêt <strong>de</strong> l’évaluation <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>douleur</strong> résulte en une mobilisation médico-soignante accrue envers <strong>la</strong><strong>douleur</strong>, une diminution <strong>de</strong> <strong>la</strong> subjectivité <strong>de</strong> chaque professionnel, une meilleure appréciation <strong>de</strong>l’intensité douloureuse, une augmentation <strong>du</strong> nombre <strong>de</strong> traitements adaptés et une augmentation <strong>du</strong>nombre <strong>de</strong> réévaluations <strong>de</strong>s traitements (1). Cependant, les troubles <strong>de</strong> <strong>la</strong> communication verbale sontun obstacle à l’évaluation c<strong>la</strong>ssique chez <strong>de</strong>s personnes atteintes <strong>de</strong> démences sévères ou très sévères.De même, une comorbidité ou une autre pathologie <strong>non</strong> démentielle peuvent invali<strong>de</strong>r l’interrogatoire.Ce sujet est d’actualité, surtout <strong>du</strong> fait <strong>de</strong> :- l'augmentation <strong>du</strong> nombre <strong>de</strong>s personnes âgées et très âgées,- l'augmentation <strong>du</strong> nombre <strong>de</strong>s personnes âgées souffrant <strong>de</strong> troubles cognitifs,- <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> fréquence <strong>de</strong>s pathologies douloureuses au grand âge. Par exemple, Lopez-Tourres (2)retrouve toujours une <strong>douleur</strong> chez trente-trois <strong>patient</strong>s déments en fin <strong>de</strong> vie.- l’éventualité <strong>de</strong> voir les personnes démentes parvenir plus régulièrement en phase avancée <strong>non</strong>verbalisante <strong>du</strong> fait <strong>de</strong>s progrès réalisés dans leur prise en charge.Par « <strong>non</strong> <strong>communicant</strong> », on entend généralement l’impossibilité d’établir une re<strong>la</strong>tion, <strong>de</strong> transmettreune information, un message 1 . En mé<strong>de</strong>cine, l’interrogatoire revêt une importance que les progrès <strong>de</strong>sexamens complémentaires n’ont pas supp<strong>la</strong>ntée. Le sujet âgé <strong>de</strong>meure heureusement <strong>communicant</strong>dans <strong>la</strong> quasi-totalité <strong>de</strong>s cas par le « <strong>la</strong>ngage <strong>non</strong>-verbal ». Le néologisme <strong>de</strong> « dys<strong>communicant</strong> » (1)(3) ou le qualificatif <strong>de</strong> « <strong>non</strong>-verbalisant » sont sans doute mieux adaptés à <strong>la</strong> <strong>de</strong>scription <strong>de</strong> cessituations où le <strong>la</strong>ngage corporel seul est exploitable. Face à <strong>la</strong> <strong>douleur</strong>, l’efficacité <strong>du</strong> traitementdépend <strong>de</strong> <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong> l’évaluation qui doit être systématique afin <strong>de</strong> <strong>la</strong> dépister.Principales échelles d’hétéro évaluation utilisées en FranceQui sont les ma<strong>la</strong><strong>de</strong>s nécessitant une hétéro-évaluation ?L’hétéro-évaluation est requise quand les ma<strong>la</strong><strong>de</strong>s présentent une expression verbale qui n'est pasconsidérée comme crédible par l'observateur, ce qui équivaut à une incapacité à s'auto évaluer, mêmeavec l’assistance <strong>du</strong> soignant.Items proposés dans les outils d’hétéro-évaluationLes grilles d'hétéro-évaluation utilisent <strong>de</strong>s termes variés. Pourtant, ces <strong>de</strong>rniers sont souventi<strong>de</strong>ntiques ou comparables.Ces grilles ren<strong>de</strong>nt compte <strong>de</strong>s éléments suivants :- Observations <strong>du</strong> <strong>patient</strong> en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s soins et <strong>de</strong>s sollicitations.- Observations <strong>du</strong> <strong>patient</strong> pendant les soins et les sollicitations.- Retentissements <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>douleur</strong> sur ses activités <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie quotidienne (AVQ).Le tableau 1 objective les items généralement cités dans <strong>la</strong> littérature.* Site web : http://www.geriatrie-albi.fr E-mail : bpradines@aol.comTableau 1. Items notés selon leur intérêt par 46 soignants sollicités par nos soins en 2003.1 Encyclopædia Universalis 20061


Les items en italique se retrouvent avec <strong>de</strong>s formu<strong>la</strong>tions comparables dans les trois grilles françaisesDoloplus 2, ECPA-2 et ECS (échelle comportementale simplifiée).Item Note moyenne sur 20et écart-typeExpression <strong>du</strong> visage : mimique et regard crispés 18,93 +/- 1,58P<strong>la</strong>intes <strong>non</strong> verbales exprimées pendant le soin telles que : cris,18,89 +/- 1,47gémissements, geignements, grognements, soupirsRéactions pendant <strong>la</strong> mobilisation à type <strong>de</strong> crispation 17,80 +/- 2,56Réactions pendant les soins <strong>de</strong>s zones suspectes à type <strong>de</strong> crispation 17,76 +/- 2,68P<strong>la</strong>intes <strong>non</strong> verbales exprimées en <strong>de</strong>hors <strong>du</strong> soin telles que : cris,gémissements, geignements, grognements, soupirs17,34 +/- 2,88Position spontanée au repos (position antalgique) 17,15 +/- 3,39Changement <strong>de</strong> comportement 16,67 +/- 2,95Protection, soutien, frottement, ou massage d'une zone suspecte 16,21 +/- 3,60Mouvements ré<strong>du</strong>its ou mobilité ré<strong>du</strong>ite, hors et/ou dans le lit 15,60 +/- 3,79Troubles <strong>du</strong> comportement à type d'agitation 15,5 +/- 3,72Anticipation anxieuse aux soins 14,43 +/- 4,26Sommeil perturbé 14,21 +/- 4,38Toilette et/ou habil<strong>la</strong>ge perturbés 13,97 +/- 3,90Signes neurovégétatifs tels que : tachycardie, hypertension, sueurs 13,63 +/- 4,06Perturbation <strong>de</strong> <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion à autrui 13,60 +/- 3,85Appétit perturbé 13,45 +/- 4,62Les outils françaisDans tous les cas, lorsque <strong>la</strong> personne âgée est <strong>communicant</strong>e et coopérante, il est logique d'utiliser lesoutils d'autoévaluation : en effet, nul ne connaît mieux sa <strong>douleur</strong> que le <strong>patient</strong> lui-même. Les troisoutils d’hétéro évaluation les plus utilisés en France en 2010 comportent <strong>de</strong> nombreux itemsi<strong>de</strong>ntiques ou très proches : le Doloplus 2 (4), l’ECPA-2 (5), et l’Algoplus (6). En complément, leschéma corporel nous semble indispensable dans <strong>la</strong> prise en charge thérapeutique (7).Tout instrument <strong>de</strong> mesure, pour être utilisable en pratique, doit être validé. Ce qui revient à vérifierqu'il donne un résultat sensible, repro<strong>du</strong>ctible, fiable et spécifique.Il ne faut pas comparer les scores entre ma<strong>la</strong><strong>de</strong>s. Seule l'évolution d'un <strong>patient</strong> donné nous intéresse :c’est <strong>la</strong> cinétique <strong>de</strong>s scores.Les grilles peuvent être divisées toutefois en <strong>de</strong>ux groupes : celles faisant état d’une <strong>de</strong>scriptionglobale ou bien celles qui établissent une distinction nette entre le repos d’une part, les mouvements etles soins d’autre part.- Les grilles faisant état d’une <strong>de</strong>scription globale : en France, le Doloplus 2 et l'Algoplus.* le Doloplus 2 est validé <strong>de</strong>puis 2001 (8). Cette grille mesure <strong>de</strong>s symptômes regroupés en troisfamilles <strong>de</strong> retentissements comportant en tout dix items cotés <strong>de</strong> 0 à 3 :• retentissement somatique• retentissement psychomoteur• retentissement psychosocialL'utilisation nécessite un apprentissage. Il convient <strong>de</strong> coter en équipe pluridisciplinaire <strong>de</strong> préférence.Il ne faut pas coter en cas d'item inadapté. La cotation d'un item isolé n'a pas <strong>de</strong> sens. C'est le scoreglobal qui est à considérer. Si celui-ci se concentre sur les <strong>de</strong>rniers items, <strong>la</strong> <strong>douleur</strong> est peu probable,ce qui s’accor<strong>de</strong> avec les résultats <strong>de</strong> notre enquête <strong>de</strong> 2003 citée ci-<strong>de</strong>ssus. Le Doloplus 2 possè<strong>de</strong> lemérite <strong>de</strong> son ancienneté, <strong>de</strong> sa validation, <strong>de</strong> <strong>la</strong> qualité <strong>du</strong> site Internet le décrivant. Il est pourtant peuutilisé, souvent considéré comme long à mettre en œuvre et à coter.L’Algoplus (9) possè<strong>de</strong> le mérite d’une simplicité accrue : cinq items seulement appe<strong>la</strong>nt une réponsepar oui ou par <strong>non</strong> :2


1 – Visage : froncement <strong>de</strong>s sourcils, grimaces, crispation, mâchoires serrées,visage figé,2 – Regard : regard inattentif, fixe, lointain ou suppliant, pleurs, yeux fermés,3 – P<strong>la</strong>intes : « Aie », « Ouille », « j’ai mal », gémissements, cris,4 – Corps : Retrait ou protection d’une zone, refus <strong>de</strong> mobilisation, attitu<strong>de</strong>s figées5 – Comportements : Agitation ou agressivité, agrippement.Sa brièveté pourrait assurer son succès, encore difficile à apprécier <strong>du</strong> fait <strong>de</strong> sa nouveauté (2007).L'échelle Algoplus a été spécifiquement développée pour évaluer et permettre <strong>la</strong> prise en charge <strong>de</strong>s<strong>douleur</strong>s aiguës chez un <strong>patient</strong> âgé pour tous les cas où une auto évaluation fiable n'est pas praticable(troubles <strong>de</strong> <strong>la</strong> communication verbale).L'utilisation d'Algoplus est ainsi particulièrement recommandée pour le dépistage et l'évaluation <strong>de</strong>s :- pathologies douloureuses aigues (ex : fractures, pério<strong>de</strong> post-opératoire, ischémie, lumbago, zona,rétentions urinaires...)- accès douloureux transitoires (ex : névralgies faciales, poussées douloureuses sur cancer...)- <strong>douleur</strong>s provoquées par les soins ou les actes médicaux diagnostiques.La présence d'un seul comportement dans chacun <strong>de</strong>s items suffit pour le coter « oui ».Chaque item coté « oui » est compté un point et <strong>la</strong> somme <strong>de</strong>s items permet d'obtenir un score total surcinq. Un score égal ou supérieur à 3 est fortement évocateur : <strong>la</strong> présence d'une <strong>douleur</strong> est alorsdétectée avec une sensibilité <strong>de</strong> 87% et une spécificité <strong>de</strong> 80%. Il est ensuite nécessaire <strong>de</strong> pratiquerrégulièrement <strong>de</strong> nouvelles cotations. La prise en charge est satisfaisante quand le score restestrictement inférieur à <strong>de</strong>ux. Testé tout d’abord aux Urgences, il pourrait constituer un outil simple <strong>de</strong>dépistage <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>douleur</strong> et <strong>de</strong> suivi thérapeutique en institution gériatrique si l’on admet que les<strong>douleur</strong>s les plus fréquemment rencontrées sont aiguës, intermittentes et persistantes. Ellesapparaissent presque toujours lors <strong>de</strong>s mobilisations et <strong>de</strong>s soins.L’Algoplus s’apparente à <strong>la</strong> grille CNPI 2 publiée par Feldt (10).- Les grilles évaluant <strong>de</strong>s items au repos et pendant le mouvement ou les soins.Parmi elles, l’échelle française ECPA-2 (Echelle Comportementale d'évaluation <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>douleur</strong> pour <strong>la</strong>Personne Agée) validée <strong>de</strong>puis 2007 (11). Comme le Doloplus 2, l’ECPA-2 est recommandée parl’ANAES (12). L’ECPA-2 s’adresse aux personnes âgées d’âge égal ou supérieur à 65 ans souffrant <strong>de</strong>troubles <strong>de</strong> <strong>la</strong> communication verbale. Tous les mots <strong>de</strong> l’échelle sont issus <strong>du</strong> vocabu<strong>la</strong>ire <strong>de</strong>ssoignants. Ainsi, l'ECPA-2 peut être utilisée aussi bien par <strong>de</strong>s infirmières, <strong>de</strong>s ai<strong>de</strong>s-soignantes quepar <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins. Elle comprend 8 items avec 5 modalités <strong>de</strong> réponses cotées <strong>de</strong> 0 à 4. Chaque niveaureprésente un <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> <strong>douleur</strong> croissante et est exclusif <strong>de</strong>s autres pour le même item. Le score totalvarie donc <strong>de</strong> 0 (absence <strong>de</strong> <strong>douleur</strong>) à 32 (<strong>douleur</strong> totale).La cotation par une seule personne est possible. Le temps <strong>de</strong> cotation varie selon l’entraînement <strong>de</strong>l’observateur : elle oscille entre 1 et 5 minutes.La seule mais indispensable précaution est <strong>de</strong> coter <strong>la</strong> dimension « observation avant les soins »réellement avant les soins et <strong>non</strong> pas <strong>de</strong> mémoire après ceux-ci. Il y aurait alors contamination <strong>de</strong> <strong>la</strong><strong>de</strong>uxième dimension sur <strong>la</strong> première.La cotation douloureuse n’a pas <strong>de</strong> cadre restrictif : on peut l’effectuer à n’importe quel moment et <strong>la</strong>répéter à volonté.- Le schéma corporelLe <strong>patient</strong> ne pouvant pas mettre en gar<strong>de</strong> les soignants quant à ses zones douloureuses, il est très utile<strong>de</strong> disposer d’un schéma corporel sur lequel elles sont consignées afin <strong>de</strong> pratiquer <strong>de</strong>s manipu<strong>la</strong>tionsadaptées.Ce renseignement simple est d’autant plus justifié que <strong>la</strong> rotation <strong>de</strong>s personnels et <strong>de</strong>s <strong>patient</strong>s estrapi<strong>de</strong> et que l’on se situe au début <strong>du</strong> séjour hospitalier. Les familles représentent <strong>la</strong> meilleure source2 Check list of Nonverbal Pain Indicators3


Même l’utilisation <strong>du</strong> paracétamol sera sujette à caution <strong>du</strong> fait <strong>de</strong> <strong>la</strong> faible efficacité <strong>de</strong> cettesubstance : que dé<strong>du</strong>ire en l’absence <strong>de</strong> réponse ? Enfin, nous savons bien peu <strong>de</strong> choses <strong>de</strong> l’effetp<strong>la</strong>cebo dans ce contexte, effet trompeur donc <strong>non</strong> éthique.S’il n’est pas possible <strong>de</strong> comparer les scores entre ma<strong>la</strong><strong>de</strong>s, sommes-nous assurés qu’une appréciationre<strong>la</strong>tive n’est toutefois pas opérée entre les p<strong>la</strong>intes <strong>de</strong>s ma<strong>la</strong><strong>de</strong>s ? Pour Jean (19), le grand biaisclinique <strong>de</strong> l'hétéro évaluation rési<strong>de</strong> dans <strong>la</strong> <strong>douleur</strong> projetée <strong>de</strong> l'observateur lui-même : c’est ici ledomaine <strong>de</strong> l’intersubjectivité.Par ailleurs, ces outils viennent s'ajouter à <strong>de</strong> multiples échelles d'évaluation dans les autres domaines<strong>de</strong>s soins. Ils sont re<strong>la</strong>tivement longs à mettre en œuvre au début <strong>de</strong> leur utilisation dans un service oudans un EHPAD. Devant l’abondance <strong>de</strong>s exigences <strong>de</strong> soins, <strong>la</strong> définition indivi<strong>du</strong>elle <strong>de</strong>s prioritésest <strong>de</strong> mise.De plus, il s'agit à l'heure actuelle d'outils <strong>non</strong> standardisés, variables selon les pays, dont <strong>la</strong> validation,quand elle existe, est d'appréciation complexe, souvent versus EVA. Les séries témoins sontconstituées par <strong>de</strong>s <strong>patient</strong>s dont l’expression verbale est encore possible, par exemple présentant unMMSE inférieur à 18 sur 30. Or, <strong>la</strong> physiopathologie <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>douleur</strong>, modifiée par l’âge (20), estprobablement mo<strong>du</strong>lée aussi par l’évolution démentielle, voire par le type <strong>de</strong> démence (21). Dans cesconditions, les <strong>patient</strong>s sont assurément différents et toute comparaison semble sujette à caution.Pour <strong>la</strong> société américaine <strong>de</strong> gériatrie (22), si les comportements évocateurs surviennent à <strong>la</strong>mobilisation il s’agit bien d’une <strong>douleur</strong>. Cette affirmation implique une observation accrue <strong>du</strong> <strong>patient</strong>lors <strong>de</strong>s mouvements et <strong>de</strong>s soins. Toutefois, l’anxiété réactionnelle à l’approche soignante est souventliée à l’incompréhension <strong>du</strong> <strong>patient</strong> dément, par rapport au sens <strong>de</strong>s soins qui lui sont prodigués, qu’ilssoient <strong>de</strong> nursing ou techniques. Surtout, en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s manipu<strong>la</strong>tions, une manifestation d’inconfortpeut en imposer pour <strong>de</strong>s signes <strong>de</strong> <strong>douleur</strong>. Toute source <strong>de</strong> stress est susceptible <strong>de</strong> provoquer <strong>de</strong>sréactions comportementales atypiques, facteurs confondants avec <strong>de</strong>s symptômes évocateurs <strong>de</strong><strong>douleur</strong> : l’anxiété anticipatrice aux soins, <strong>la</strong> faim, <strong>la</strong> soif, <strong>la</strong> constipation, un prurit, une dyspepsie, unedyspnée, le besoin d’être <strong>la</strong>vé ou changé <strong>de</strong> linge <strong>de</strong> corps, <strong>la</strong> fatigue au fauteuil ou encore l’excès <strong>de</strong>bruit, <strong>de</strong> lumière ou <strong>de</strong> chaleur, etc... Le diagnostic différentiel tient ici <strong>du</strong> contexte pathologique etenvironnemental, <strong>du</strong> caractère inopiné ou <strong>non</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> symptomatologie. Fort différentes sont lessituations d’un <strong>patient</strong> dément présentant <strong>de</strong>s vocalisations <strong>non</strong> verbales au long cours d’une part et unma<strong>la</strong><strong>de</strong> confus <strong>de</strong>puis quelques heures d’autre part.La biologie et l’imagerie reprennent souvent leurs droits <strong>de</strong>vant une clinique peu informative, mêmeaprès un examen attentif. Par ailleurs, l’anxiété soignante est prévisible <strong>de</strong>vant un ma<strong>la</strong><strong>de</strong>incompréhensible donc incompris dans un service d’urgences surchargé et souvent peu adapté àl’accueil gériatrique.L’illusion que tout peut être mesuré, quantifié, mis en données exploitables se heurte dans ce domaineà une complexité qui ne peut pas être ré<strong>du</strong>ite à un score. Le travail pluridisciplinaire à l’écoute <strong>de</strong>l’observation par tous les témoins (soignants, familles, bénévoles, visiteurs) est certainement bien plusinstructif. Pour utiliser une métaphore, le mé<strong>de</strong>cin prescripteur possè<strong>de</strong> une photographie <strong>du</strong> <strong>patient</strong>.Or, il convient <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r un film pour apprécier correctement les <strong>douleur</strong>s inci<strong>de</strong>ntes habituelleschez ces ma<strong>la</strong><strong>de</strong>s.Apports potentiels <strong>de</strong> l’hétéro évaluationDes progrès récents sont survenus dans <strong>la</strong> prise en charge <strong>de</strong>s ma<strong>la</strong><strong>de</strong>s <strong>non</strong> verbalisants au cours <strong>de</strong>sdix <strong>de</strong>rnières années, en particulier par <strong>la</strong> mise au point en cours d’échelles d'hétéro-évaluation<strong>de</strong>stinées aux <strong>patient</strong>s cantonnés à <strong>la</strong> composante comportementale <strong>non</strong> verbale.Ces <strong>de</strong>rnières comportent <strong>de</strong>s items moins empiriques, plus spécifiques qu'une observation <strong>non</strong> guidée.Elles constituent une base constructive <strong>de</strong> discussion en équipe autour <strong>de</strong> <strong>la</strong> suspicion ou <strong>de</strong> <strong>la</strong>certitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’existence d’une <strong>douleur</strong>.Elles permettent <strong>la</strong> comparaison, voire <strong>la</strong> confrontation <strong>de</strong>s observations d'un même <strong>patient</strong>, mais aussi<strong>la</strong> surveil<strong>la</strong>nce <strong>de</strong> l'évolution <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>douleur</strong> sous traitement.5


Surtout, elles facilitent <strong>la</strong> sensibilisation et <strong>la</strong> formation <strong>de</strong>s intervenants, quelle que soit leur fonction :soignant, famille, bénévole. Leur pratique systématique permet une meilleure connaissance <strong>de</strong>s signeset symptômes à repérer afin <strong>de</strong> mieux détecter les <strong>patient</strong>s douloureux. Les diffuser <strong>la</strong>rgementn’augmentera pas l’inci<strong>de</strong>nce <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>intes mais contribuera à une culture <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>douleur</strong> propice à undépistage précoce.Enfin, leur multiplicité stimule <strong>la</strong> recherche dans le domaine <strong>de</strong>s <strong>douleur</strong>s chez <strong>la</strong> personne âgée <strong>non</strong>verbalisante.L’expression <strong>du</strong> visage et <strong>du</strong> regard ainsi que les vocalisations à type <strong>de</strong> p<strong>la</strong>inte se p<strong>la</strong>cent au premierrang <strong>de</strong>s items à observer. Ceci <strong>de</strong>vrait avoir <strong>de</strong>s conséquences pratiques : si l’on est seul(e) à effectuerle soin, dispose-t-on d’un simple miroir pour observer <strong>la</strong> mimique lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> réfection d’un pansementd’escarres ? Lorsque l’on examine une zone douloureuse, se concentre-t-on uniquement sur celle -ciou bien observe-t-on aussi le visage <strong>du</strong> <strong>patient</strong> et son attitu<strong>de</strong> ?Des étu<strong>de</strong>s ultérieures ne seraient-elles pas souhaitables dans l’optique d’une éventuelle pondération<strong>de</strong>s items d’hétéro évaluation ?ConclusionL’évaluation <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>douleur</strong> chez <strong>la</strong> personne âgée <strong>non</strong> verbalisante ne peut pas se ré<strong>du</strong>ire aurenseignement d’échelles standardisées, voire validées. Elle nécessite une approche cliniquemultifactorielle bien plus complexe que le simple renseignement d'une grille. Les outils en cours <strong>de</strong>développement (23) trouvent leur principal intérêt dans le dépistage <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>douleur</strong> et dans le suivi enéquipe <strong>de</strong> l'efficacité thérapeutique. Il serait instructif <strong>de</strong> déterminer les limites <strong>de</strong> l’autoévaluation et<strong>de</strong> s’interroger sur une éventuelle pondération <strong>de</strong>s items <strong>de</strong> l’hétéro évaluation.Si tous les intervenants s’approprient ces instruments, l’entourage soignant et familial sera impliquédans une démarche pluridisciplinaire, pierre angu<strong>la</strong>ire <strong>de</strong> <strong>la</strong> lutte contre <strong>la</strong> <strong>douleur</strong> dans cettepopu<strong>la</strong>tion. Pourtant, <strong>de</strong> nombreux progrès <strong>de</strong>meurent encore à accomplir. Par exemple, le prescripteur<strong>de</strong>s antalgiques est encore trop rarement présent lors <strong>de</strong>s toilettes douloureuses, <strong>de</strong>s soins <strong>de</strong>kinésithérapie et même <strong>de</strong>s soins d'escarres. Une évaluation <strong>de</strong> qualité encouragera une attitu<strong>de</strong> <strong>non</strong>médicamenteuse : douceur <strong>de</strong>s manipu<strong>la</strong>tions argumentée par <strong>la</strong> connaissance <strong>de</strong>s zones douloureusesavec le secours d’un schéma corporel, évitement <strong>de</strong>s positions inconfortables, habits spécialementadaptés ne nécessitant pas un déshabil<strong>la</strong>ge et un habil<strong>la</strong>ge en force, utilisation d’une douchette pour <strong>la</strong>toilette <strong>de</strong>s localisations algiques. Une prémédication antalgique ajustée à l’agression nociceptiveviendra éventuellement compléter <strong>la</strong> prise en charge optimale <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>douleur</strong> provoquée par les soins.L'écoute et <strong>la</strong> pluridisciplinarité ne sont pas seulement souhaitables. Elles sont indispensables,ici comme ailleurs en gériatrie.Références(1) Petrognani A. L’échelle Comportementale Simplifiée, un outil pour l’évaluation et <strong>la</strong> prise encharge <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>douleur</strong> <strong>du</strong> <strong>patient</strong> dys<strong>communicant</strong>. 12è Congrès National. Société Françaised'Accompagnement et <strong>de</strong> Soins Palliatifs. 15, 16 & 17 juin 2006. Montpellier. Poster 292.(2) Lopez-Tourres F, Lefebvre-Chapiro S, Guichardon M, Bur<strong>la</strong>ud A, Feteanu D, Trivalle C. Fin <strong>de</strong>vie et ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer : étu<strong>de</strong> rétrospective dans un service <strong>de</strong> gériatrie. NPG,Volume 10, numéro 55, février 2010, pages 37-42.(3) Bonnin-Koang HY, Froger J, Pel<strong>la</strong>s F, Laffont I, Pélissier J. <strong>Evaluation</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> prise en charge <strong>de</strong> <strong>la</strong><strong>douleur</strong> chez le <strong>patient</strong> cérébro-lésé dys<strong>communicant</strong>. Symposium HAS - BMJ : Impact clinique <strong>de</strong>sprogrammes d'amélioration <strong>de</strong> <strong>la</strong> qualité (Clinical impact of quality improvement) - Nice, 19 avril2010.(4) La grille Doloplus 2 : http://www.doloplus.com/(5) La grille ECPA : http://geriatrie-albi.com/ECPA.html(6) http://www.doloplus.com/travaux/travaux4.php(7) http://geriatrie-albi.com/bonhomme<strong>douleur</strong>.html(8) Wary B, Serbouti S. « Doloplus : validation d'une échelle d'évaluation comportementale <strong>de</strong> <strong>la</strong><strong>douleur</strong> chez <strong>la</strong> personne âgée ». Revue Douleurs, 2001, 2 ; 1 :35-38.6

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