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L'Eloge de la Folie

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L’adaptation <strong>de</strong> Jean-Marc Chotteau : 6/ Clef pour <strong>la</strong> mise en scèneClef pour <strong>la</strong> mise en scèneLe seul changement que Chotteau s’est autorisé par rapport au texte d’Erasme constitueune clef <strong>de</strong> lecture <strong>de</strong> sa mise en scène : dans son adaptation, Chotteau reprend le début dutexte « je sais tous les ragots qui courent sur moi dans le mon<strong>de</strong>, et tout le mal que l’on peutdire <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Folie</strong> etc. » à <strong>la</strong> fin du spectacle (chap. XXXV). Le personnage commence sonspectacle, s’adressant à son public, étant bien entendu que celui auquel le comédien s’adresse,<strong>de</strong>rrière son miroir, n’est jamais qu’un public virtuel pour le personnage…Reprenons. Avant même que le ri<strong>de</strong>au s’ouvre, un fait étrange se produit. Le public estparcouru par <strong>la</strong> lumière d’une <strong>la</strong>mpe venant du p<strong>la</strong>teau. Puis, le spectacle auquel nousassistons est un streap-tease à l’envers : un comédien répète une <strong>de</strong>rnière fois avant d’entreren scène et joue <strong>la</strong> <strong>Folie</strong> dans sa loge. Il se maquille, s’habille, en révisant son monologue. Lecomédien lit <strong>la</strong> brochure, cherche le ton, s’essaie à dire le passage précité comme un musicienfait ses gammes, s’adresser à son miroir -sans tain- et s’exercer à quelques mimiques. Il faitquelques recommandations : « je vais faire mon éloge… » (il a un trou, court vérifier sontexte) « …en improvisant ! ». Un peu plus tard, il ba<strong>la</strong>ie les spectateurs <strong>de</strong> sa <strong>la</strong>mpe, commeavant l’ouverture du ri<strong>de</strong>au, etc. Nombreux sont donc les signes adressés aux spectateurs pourles inviter à réfléchir sur le spectacle dont ils voient les coulisses, et dont ils sont <strong>de</strong>sspectateurs virtuels, les « vrais » spectateurs attendant <strong>de</strong>rrière le ri<strong>de</strong>au du lointain. Ils sontainsi <strong>de</strong> connivence avec <strong>la</strong> <strong>Folie</strong>, p<strong>la</strong>cés au cœur <strong>de</strong> l’intimité du comédien, <strong>de</strong> sa recherche,<strong>de</strong> son trac, en un mot : <strong>de</strong> sa supercherie. La convention <strong>de</strong> l’illusion théâtrale ainsi affichéegrâce au procédé du « théâtre dans le théâtre » encourage une re<strong>la</strong>tion d’authenticité entre lecomédien et le spectateur « désillusionné ». Les aspects fantastiques du décor achèvent <strong>de</strong> ledéstabiliser, projetant <strong>la</strong> représentation à <strong>la</strong> limite du réalisme, aux frontières mêmes <strong>de</strong> <strong>la</strong>rationalité, l’autre <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Folie</strong> : s’il y a bien <strong>de</strong>s portants sur lesquels sont accrochés <strong>de</strong>scostumes, ils sont théâtralisés par l’éc<strong>la</strong>irage et leur mise en p<strong>la</strong>ce. Le miroir mobile <strong>de</strong> <strong>la</strong>« loge » est décoré d’une façon baroque. Le comédien évolue sur un tapis rouge au boutduquel est installé un escalier, qui peut l’emmener vers le ri<strong>de</strong>au du lointain <strong>de</strong>rrière lequel ilva parfois jeter un œil, impatient ou terrorisé d’avoir bientôt à affronter son public, car le vraipublic dans <strong>la</strong> salle n’est qu’imaginaire pour le personnage… La supercherie, annoncée partous ces signes, éc<strong>la</strong>te à <strong>la</strong> fin du spectacle : le comédien a effectué sa <strong>de</strong>rnière touche <strong>de</strong>maquil<strong>la</strong>ge, il est habillé, portant bijoux et accessoires. Le ri<strong>de</strong>au du lointain s’ouvre, et lecomédien, juché en haut <strong>de</strong>s escaliers, reprend le début <strong>de</strong> L’Eloge <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Folie</strong>, s’adressant àson public figuré par <strong>la</strong> gueule noire et béante du parterre : « je sais tous les ragots… »L’adaptation <strong>de</strong> Chotteau tend un miroir aux spectateurs : leur rôle ne consiste plusseulement à raisonner sur le discours <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Folie</strong>, mais à douter <strong>de</strong> leur propre réalité, et <strong>de</strong>leur rationalité. Le spectateur lui-même se « dédouble », comme un aliéné, afin <strong>de</strong> mettre enquestion ses certitu<strong>de</strong>s…17

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