Notice Biographique : 5/ Conclusion : <strong>la</strong> naissance <strong>de</strong> l’humanismeConclusion : <strong>la</strong> naissance <strong>de</strong>l’humanisme« J’ai lu, dans les livres <strong>de</strong>s Arabes,qu’on ne peut rien voir <strong>de</strong> plus admirable dans le mon<strong>de</strong> que l’homme »Pic <strong>de</strong> <strong>la</strong> Mirandole, De dignitate hominis (1486)Le terme d’humanisme ne date que <strong>de</strong> <strong>la</strong> secon<strong>de</strong> moitié du XIXème siècle. Ce n’estqu’en 1859 que Georg Voigt rapproche le mouvement humaniste <strong>de</strong> <strong>la</strong> « Renaissance »,c’est-à-dire <strong>de</strong> <strong>la</strong> redécouverte <strong>de</strong>s écrivains <strong>de</strong> l’Antiquité gréco-<strong>la</strong>tine. Certes, le motitalien umanista existe dès le Quattrocento dans le jargon <strong>de</strong>s professeurs et <strong>de</strong>s étudiants(comme les termes <strong>de</strong> jurista ou d’artista) mais il désigne seulement le professeur <strong>de</strong>grammaire et <strong>de</strong> rhétorique, ce que ne furent pas nécessairement tous les humanisteseuropéens. Le terme « humaniste » renvoie plus généralement aux penseurs qui, telsÉrasme, Vives, More, Budé, Me<strong>la</strong>nchthon, Sadolet, Marsile Ficin, Politien, Colet, Zazius,Léonard <strong>de</strong> Vinci, Dürer, les Holbein, Metsys, Cardan, Rabe<strong>la</strong>is, Montaigne... méditent àleur manière sur un modèle <strong>de</strong> perfection humaine – d’ordre éthique chez les moralistes,les pédagogues et les philosophes, d’ordre esthétique chez les artistes, d’ordre social chezles juristes et les politiques. Ce modèle humain se réfère à <strong>la</strong> littérature arabe et gréco<strong>la</strong>tine<strong>de</strong>s Anciens. Cet effort <strong>de</strong> « résurrection » <strong>de</strong>s Anciens va <strong>de</strong> <strong>la</strong> traduction pure etsimple (du grec en <strong>la</strong>tin) à l’imitation, à l’adaptation, au commentaire, aux éditionscritiques et annotées, aux transpositions <strong>de</strong> toute sorte (les « studia humanitatis » ou« litterae humaniores »).L’humanisme propose parallèlement une certaine conception <strong>de</strong> l’éducation liée àl’idéal <strong>de</strong> perfection humaine. Érasme fut ainsi un grand pédagogue (De l’éducationlibérale <strong>de</strong>s enfants - 1529). Pour lui, le milieu spécifique <strong>de</strong> l’homme est le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong><strong>la</strong> culture, et non celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> pure nature, ce qui ne signifie pas que l’éducation morale,religieuse et intellectuelle, doit contraindre les tendances naturelles et individuelles <strong>de</strong>l’enfant ou <strong>de</strong> l’adolescent. Au contraire Erasme privilégie une éducation libérale où lesport et les jeux <strong>de</strong> plein air sont honorés tout comme le <strong>la</strong>tin, <strong>la</strong> rhétorique et <strong>la</strong> Bible, <strong>la</strong>pratique <strong>de</strong>s auteurs anciens, le respect <strong>de</strong> <strong>la</strong> personnalité <strong>de</strong> l’enfant, le sens du dialogueentre le maître et l’élève, l’esprit d’ému<strong>la</strong>tion entre les jeunes gens, un heureux dosageentre l’effort intellectuel et le jeu, une « ouverture » sur le mon<strong>de</strong> et sur <strong>la</strong> sociétéréelle... A l’inverse il s’oppose, sans compromis possible avec elles, aux écoles « àl’ancienne mo<strong>de</strong> » qu’ils avaient dû subir, où les enfants étaient abrutis <strong>de</strong> coups ou <strong>de</strong>formules stupi<strong>de</strong>s, règles <strong>de</strong> grammaire en bouts-rimés, légen<strong>de</strong>s <strong>de</strong> saints à apprendre età répéter par cœur.4 Etienne Dolet en 1546 fut brûlé vif pour avoir publié, entre autres, le Manuel du chevalier Chrétien d’Erasme, convaincud’hérésie.8
Notice Biographique : 6/ L’Eloge <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Folie</strong> dans <strong>la</strong> vie d’ErasmeL’Eloge <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Folie</strong> dans <strong>la</strong> vied’Erasme<strong>L'Eloge</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Folie</strong> est un <strong>de</strong>s textes fondateurs <strong>de</strong> l'humanisme européen, l’un <strong>de</strong>srares d’ailleurs, retenu par <strong>la</strong> postérité <strong>de</strong> <strong>la</strong> prodigieuse production d’Erasme. Conçu en1509, il est rédigé en <strong>la</strong>tin lors d’un voyage qui conduit Erasme d’Italie en Angleterre oùil se rend chez son ami Thomas More (futur auteur <strong>de</strong> l’Utopie, 1516, et exécuté parHenri VIII pour avoir refusé d’approuver son <strong>de</strong>uxième mariage avec Catherined’Aragon). C’est à More qu’il dédie sa « <strong>de</strong>c<strong>la</strong>matio ». Le texte fut imprimé pour <strong>la</strong>première fois à Paris en 1511 sous le titre Encomium Moriae, puis enrichi dans plusieurséditions bâloises jusqu’en 1532. Il fut traduit pour <strong>la</strong> première fois en français dès 1520.« Ces jours <strong>de</strong>rniers, voyageant d’Italie en Angleterre et <strong>de</strong>vant restertout ce temps à cheval, je n’avais nulle envie <strong>de</strong> le perdre en ces banalsbavardages où les Muses n’ont point <strong>de</strong> part. J’aimais mieux méditerquelques points <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s qui nous sont communes ou bien j’évoquais lesbons amis que j’ai quittés (...) Vou<strong>la</strong>nt donc m’occuper à tout prix, et lescirconstances ne se prêtant guère à du travail sérieux, j’eus l’idée <strong>de</strong>composer par jeu un éloge <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Folie</strong>. Quelle Pal<strong>la</strong>s, diras-tu, te l’a miseen tête ? C’est que j’ai pensé d’abord à ton propre nom <strong>de</strong> Morus, lequelest aussi voisin <strong>de</strong> celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Folie</strong> (moria) que ta personne est éloignéed’elle (...) Chacun peut se dé<strong>la</strong>sser librement <strong>de</strong>s divers <strong>la</strong>beurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie ;quelle injustice <strong>de</strong> refuser ce droit au seul travailleur <strong>de</strong> l’esprit ! surtoutquand les bagatelles mènent au sérieux, surtout quand le lecteur, s’il a unpeu <strong>de</strong> nez, y trouve mieux son compte qu’à mainte dissertation grave etpompeuse (...) c’est aux autres <strong>de</strong> me juger ; pourtant, si l’amour-propre nem’égare, je crois avoir loué <strong>la</strong> <strong>Folie</strong> d’une manière qui n’est pas tout à faitfolle ! »Extrait <strong>de</strong> <strong>la</strong> dédicace à Thomas MorusA <strong>la</strong> campagne, le 09 juin 1508« L’Eloge » ou plus précisément <strong>la</strong> « <strong>de</strong>c<strong>la</strong>matio » était un exercice courant chez lesécrivains grecs ou <strong>la</strong>tins (Eloge du parasite <strong>de</strong> Lucien en est un <strong>de</strong>s plus connus), mais<strong>L'Eloge</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Folie</strong> s’en distingue en ce qu’il est prononcé par un personnage fictif,« Moria » elle-même, <strong>la</strong> <strong>Folie</strong>, qui s’adresse à un auditoire. Au temps <strong>de</strong> l’Inquisition,prendre le masque d’un fou était un bon moyen d’éviter les foudres <strong>de</strong> <strong>la</strong> censure...Franchissant tous les barrages idéologiques ou théologiques qui ont été opposés à sonmessage <strong>de</strong> sagesse, et se mettant, par le truchement <strong>de</strong>s traductions, à parler les <strong>la</strong>ngages<strong>de</strong> nombreux peuples, <strong>la</strong> <strong>Folie</strong> d’Érasme n’en a pas moins suscité, dès sa parution, unevaste querelle qui <strong>de</strong>vait, par <strong>la</strong> suite, empoisonner les rapports <strong>de</strong> l’auteur avec lesuniversités <strong>de</strong> Louvain et <strong>de</strong> Paris, ainsi qu’avec d’influents moines espagnols.Quelques éditions : Garnier F<strong>la</strong>mmarion (trad. Pierre <strong>de</strong> Nolhac) ; Babel (trad. C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Barousse) ;« bouquins » Laffont (trad. C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Blum)9