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Document - Université Lille 2 Droit et Santé

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Bertrand DURING, ‘’Histoire Culturelle des Activités Physique XIXe <strong>et</strong> XXe Siècle’’Le contexte social de la bachellerie au XVIIIe siècle.Sont partisans de son maintien :Les seigneurs : "Maintenir vivants des usages purement honorifiques <strong>et</strong> sans grandcaractère onéreux, c'est pour les seigneurs <strong>et</strong> leurs agents, un moyen de renforcer leurautorité auprès de leurs tenanciers ; c'est rendre plus aisée la perception des redevanceséconomiques, mais aussi s'assurer des rentrées accrues d'argent grâce aux droits sur lesmarchandises dont le mouvement s'accélère avec l'afflux des marchands <strong>et</strong> desbadauds lors de la fête de la bachellerie ; c'est enfin jouer à bon compte des défenseursdes "traditions immémoriales" face à la poussée uniformisatrice de l'Eglise <strong>et</strong> de l'Etat.L'engouement pour le r<strong>et</strong>our à la nature de la fin du XVIII° siècle explique en partie cecomportement des seigneurs, mais il est surtout le fruit d'une conjoncture politique <strong>et</strong>économique de "réaction seigneuriale" c'est-à-dire de remise en ordre <strong>et</strong> de reprise enmain des seigneuries...Le peuple des campagnes, quant à lui, s'est toujours évertué, <strong>et</strong> avec un acharnementremarquable - notamment contre les attaques non moins acharnées de l'Eglise - àdéfendre ses fêtes, <strong>et</strong> entre autres la fête de la bachellerie. Outre une distraction dulabeur quotidien, <strong>et</strong> une réactivation de la conscience de soi de la communauté, lesvillageois trouvaient aussi dans les bacheliers des porte-paroles de la collectivitéauprès du seigneur...( p.129) :Par contre se r<strong>et</strong>rouvent dans une commune hostilité à la fête de la bachellerie, <strong>et</strong> parconséquent à l'organisation juvénile du même nom, les pouvoirs centrauxecclésiastiques <strong>et</strong> civil, les paysans enrichis qui habitent encore le village <strong>et</strong> lesbourgeois éclairés anti-féodaux qui, au XVIIIe siècle, représenteront les Lumières.Deux discours s'affrontent donc, quant à l'origine <strong>et</strong> au bien-fondé de c<strong>et</strong>teorganisation. Son immémorialité est le principal argument avancé par les partisans dela bachellerie... En revanche... ses adversaires dénoncent la bachellerie à la foiscomme une exaction féodale, un usage singulier <strong>et</strong> ridicule, <strong>et</strong> une occasion de paresse<strong>et</strong> de débauche. C<strong>et</strong>te condamnation n'est que l'application locale d'une vasterévolution sociale <strong>et</strong> idéologique qui accompagne la montée de la bourgeoisie :l'irrationalité de la tradition est combattue, le travail productif est valorisé, les rôles <strong>et</strong>les fonctions des différents âges de la vie sont réévalués.(p.130)Les témoignages sur les jeux traditionnels montrent que ceux-ci concernent, soit lesjeunes adultes non mariés (bacheliers), soit la société tout entière à l'occasion de ses fêtes.Cérémonies religieuses mais aussi festins <strong>et</strong> beuveries les environnent, les prolongent.Souvent leur organisation est confiée à une classe d'âge déterminée, structurée à c<strong>et</strong> eff<strong>et</strong> <strong>et</strong>qui remplit là à l'égard de la société tout entière une fonction importante. Il en est ainsi desbachelleries du Poitou, ou de ces abbayes de jeunesse du Dauphiné qui "plantaient des maïs,dirigeaient les danses, accompagnaient les noces <strong>et</strong> les baptêmes, tiraient à l'oiseau,allumaient des feux de joie, faisaient la bienvenue aux personnages de distinction... assistaientaux offices de la paroisse, chantaient au lutrin, escortaient les processions... mais causaientsouvent du scandale, des tapages, des rixes, <strong>et</strong> quelquefois même de graves désordres". (Pilotde Thorey, 1882, in A. van Gennep, Le Folklore du Dauphiné, Maisonneuve, 1932). Ce quiexplique que l'on soit surtout renseigné sur ces pratiques par les textes qui les condamnent, eninsistant sur les désordres, les violences.3


Bertrand DURING, ‘’Histoire Culturelle des Activités Physique XIXe <strong>et</strong> XXe Siècle’’Un exemple privilégié : la souleParmi les pratiques les mieux connues figure la soule. Plusieurs raisons à cela : sa violence,qui justifie la multiplication des interdictions ; mais aussi le rôle qu'on lui fait jouer auxorigines des grands sports de balle, <strong>et</strong> en particulier du rugby. En France, on joue à la soule àpartir du X° ou du XII° siècle, <strong>et</strong> jusqu'au XIX° siècle, <strong>et</strong> dans une aire géographique quicommence à être bien délimitée. On y joue aussi en Angl<strong>et</strong>erre, <strong>et</strong> comme le note N. Elias, "onmentionne des jeux semblables dans les documents médiévaux de nombreux pays. Il se peutqu'ils aient différé dans les détails, mais pas dans la manière de jouer, ni dans la brutalité,l'absence de contrainte <strong>et</strong> la violence". (Sport <strong>et</strong> Violence, in Actes de la Recherche enSciences Sociales, n°6, décembre 1976, p. 16).L'allure générale du jeu est bien caractérisée par J. Lacouture lorsqu'il écrit : "Le jeu de lasoule était violent <strong>et</strong> passionné, essentiellement populaire, bien qu'à l'occasion des nobles yprissent part... Dans la majorité des cas, le jeu consistait pour un groupe de villageois conduitspar un meneur, un "champion", à conquérir la "soule" en pleine mêlée <strong>et</strong> à la rapporter dansson village" (Du Combat Celte au jeu Occitan, in "L'Histoire", janvier 1979).Parmi beaucoup d'autres, nous citons trois documents, auxquels s'ajoute le texte emprunté à E.Zola, à des fins de comparaison : il y a plus qu'un simple rapport de cousinage entre soule,choule, chole <strong>et</strong> soule à la crosse, jeux dont les modalités diffèrent, mais pas le principe,comme cherche à le m<strong>et</strong>tre en évidence le tableau comparatif que nous proposons <strong>et</strong> à partirduquel se formuleront quelques hypothèses concernant les similitudes <strong>et</strong> surtout lesdifférences qui existent entre ces jeux <strong>et</strong> les sports qui en sont issus, sans qu'ils soient pourtantà leur image. En matière de jeux, les "rej<strong>et</strong>ons" sont plus à l'image des sociétés dans lesquellesils se développement qu'à celles de leurs "pères".J.J. Jusserand, Les sports <strong>et</strong> les jeux d'exercice dans l'Ancienne France, Paris,Plon, 1901Bou<strong>et</strong> <strong>et</strong> Perrin qui ont voulu r<strong>et</strong>racer, par la plume <strong>et</strong> le crayon, un tableau de la"Vie des Br<strong>et</strong>ons de l'Armorique" au XIX° siècle, n'ont eu garde d'om<strong>et</strong>tre ce jeu,considéré en Br<strong>et</strong>agne comme un des sports nationaux. Une des gravures montre ledébut de la partie, au moment où la soule va être lancée entre les deux camps, devantla porte de l'Eglise ; une autre représente un scrimmage, dont nos teams les mieuxentraînés ne se soucieraient guère, car il se poursuit au milieu d'un torrent. Le textedécrit avec beaucoup de vivacité les péripéties du jeu : "La soule a été lancée. Lesdeux armées n'en forment plus qu'une, se mêlent, s'étreignent, s'étouffent. A lasurface de c<strong>et</strong> impénétrable chaos, on voit mille têtes s'agiter, comme les vaguesd'une mer furieuse, <strong>et</strong> des cris inarticulés <strong>et</strong> sauvages s'en échappent... Grâce à savigueur ou à son adresse, l'un des champions s'est frayé un passage à travers c<strong>et</strong>temasse compacte <strong>et</strong> fuit emportant au loin la soule. On ne s'en aperçoit pas d'abord,tant l'ivresse du combat m<strong>et</strong> hors d'eux-mêmes ces combattants frénétiques!... Maislorsque ceux à qui il reste un peu plus de sang froid qu'aux autres voient enfin qu'ilss'épuisent en inutiles efforts... c<strong>et</strong> immense bloc d'une seule pièce se rompt, se divise,se disperse. Chacun vole soudain vers le nouveau champ de bataille <strong>et</strong> en y courant,on s'insulte, on s'attaque, on se culbute <strong>et</strong> vingt actions partielles s'engagent autour del'action principale" (Breiz Izel ou Vie des Br<strong>et</strong>ons de l'Armorique, 2 e éd., 1844,3vol., in 8t. III, p.21).4


Bertrand DURING, ‘’Histoire Culturelle des Activités Physique XIXe <strong>et</strong> XXe Siècle’’Interdiction de la Bachellerie de Châtillon-sur-Sèvres.Arrêt de la Cour du Parlement qui défend les assemblées <strong>et</strong> fêtes baladoires... Extraitdes Registres du Parlement - 1° juin 1779.In : N. Pellegrin : Une Fête de Classe d'Age dans la France d'Ancien Régime. LaBâchellerie de Châtillon- sur- Sèvres. Ethnologie Française,T.II, n°2, avril-juin 1981.Après toute une série d'attendus décrivant dans le détail les phases des fêtesbaladoires, d'où ressortent diverses formes d'abus, on peut lire :Vu que les habitants des deux sexes originaires de ce bourg s'assemblent dès le matindans un cabar<strong>et</strong>, envoyant des hommes <strong>et</strong> des garçons chercher le dernier marié nédans le bourg, l'amènent de gré ou de force, exigent de lui trois livres, du pain, <strong>et</strong> duvin; <strong>et</strong> s'il s'y refuse est dépouillé de ses habits, qu'on place sur la fenêtre la plusapparente du cabar<strong>et</strong> où on s'est assemblé une boule d'un poids énorme qu'on décorede lauriers <strong>et</strong> qu'on environne de bouteilles <strong>et</strong> de verres ; qu'on pose des sentinellesau bas de la fenêtre, pour faire porter révérence à c<strong>et</strong>te boule qu'on nomme la Soule ;que les paysans qui s'y refusent sont insultés ; que sur la fin du jour, les hommes <strong>et</strong>les femmes se divisent des garçons <strong>et</strong> des filles ; que le dernier marié va lever laboule ; la porte sur la pointe d'un rocher très escarpé, <strong>et</strong> la place sur une pierre quipasse pour être le but ; qu'à un signal qui se donne, les habitants se j<strong>et</strong>tent sur laboule, dont les hommes <strong>et</strong> les femmes, les garçons <strong>et</strong> les filles cherchentrespectivement à s'emparer...; que ceux qui se sont emparés de la boule vont chez lesmeuniers du bourg, <strong>et</strong> exigent d'eux dix sols par roue du moulin, de la viande decochon, de l'argent , du vin, des canards, <strong>et</strong> des chapons ; que les meuniers quirefusent de payer sont souvent maltraités, <strong>et</strong> qu'on s'empare d'eff<strong>et</strong>s à euxappartenant ; que la dernière fête est employée à consommer dans les cabar<strong>et</strong>s ce quia été pris chez les meuniers ; que les excès en tout genre sont la suite de ces Fêtes, <strong>et</strong>qu'il en résulte les plus grands inconvénients, <strong>et</strong> comme les fêtes baladoires <strong>et</strong> autressemblables ont été supprimées par Arrêt des Grands Jours du 14 décembre 1665, <strong>et</strong>par un autre Arrêt du 3 septembre 1667, avec défense à toutes personnes d'en faireaucune <strong>et</strong> qu'il est important de renouveler les dispositions de ces Arrêts, pourprévenir <strong>et</strong> empêcher les abus qui résultent de pareilles assemblées ; à ces causes...5


Bertrand DURING, ‘’Histoire Culturelle des Activités Physique XIXe <strong>et</strong> XXe Siècle’’Abbé Jam<strong>et</strong>, in Etudes Historiques sur 41 Paroisses de la Région de Briouze,par l'Abbé Gourdel, Imprimerie Damoiseau, 1905, Alençon.Cité par D. Denis. Politique Aujourd'hui n° 5, juin 1978, supplément.Lorsque j'arrivais à Saint Hilaire (1844), il y avait dans c<strong>et</strong>te paroisse une coutumequi tenait en quelque sorte de la barbarie. Quant une jeune fille quittait le pays parsuite de son mariage, le dimanche qui suivait ses noces, elle devait revenir dans saparoisse à la grand messe, apportant avec elle une soule, c'est-à-dire une boule encuir remplie intérieurement de diverses choses, <strong>et</strong> même de quelques pièces demonnaie ou d'argent. Après la Messe, le mari sortait avec sa jeune femme. Tous lesjeunes gens de la paroisse divisés en deux camps les entouraient aussitôt. La femmerem<strong>et</strong>tait alors la "soule" à son mari qui, d'un bras vigoureux, la lançait par dessus lefaîte de l'église. Tous à l'instant de se précipiter sur la soule, se culbutant, se frappantmême, pour l'arracher des mains de ceux qui l'avaient saisie les premiers. C'était àqui triompherait, <strong>et</strong> ferait triompher son parti. Rien ne les arrêtait ! Ils renversaientles croix dans le cim<strong>et</strong>ière, démolissaient les barrières qu'ils rencontraient, détruisanttout dans les jardins, dans les champs, <strong>et</strong> se précipitaient même, au besoin, dans larivière. Et ce combat ne finissait que lorsque le plus fort <strong>et</strong> le plus agile avait pupénétrer, avec la soule, sur un terrain hors de la commune. Alors, la partie étaitgagnée, <strong>et</strong> il y avait un banqu<strong>et</strong> auquel tous les joueurs étaient invités ; mais hélas !Plusieurs ne pouvaient y prendre part à cause de leurs blessures. Un jour même, unjeune homme fut écrasé, dans la mêlée, sous les pieds de ses camarades, <strong>et</strong> mourutpeu de temps après.Lorsque le mari qui lui lançait la soule, n'avait pas la force <strong>et</strong> l'adresse de la fairepasser par dessus le faîte de l'église, <strong>et</strong> qu'elle r<strong>et</strong>ombait du même côté, les hommesmariés avaient le droit de concourir, <strong>et</strong> alors, il s'en suivait une mêlée qui n'avait plusde nom. Les fils se battaient avec acharnement contre leurs pères.La comparaison des deux textes m<strong>et</strong> en évidence la diversité des formes prises par la soule, enmême temps qu'elle illustre la différence des points de vue entre témoins distingués par l<strong>et</strong>emps <strong>et</strong> la fonction. Les juges insistent sur les désordres économiques, l'abbé sur la violencequi va jusqu'au sacrilège. Peut être faut-il aussi évoquer le renforcement de la sensibilité à laviolence, qui va de pair avec le procès de "civilisation de moeurs" mis en évidence parNorbert Elias.6


Bertrand DURING, ‘’Histoire Culturelle des Activités Physique XIXe <strong>et</strong> XXe Siècle’’E.Zola, Germinal (1885) Paris, Garnier-Flammarion, 1968, pp278 à 280Mais ils s'arrêtèrent pour regarder Zacharie <strong>et</strong> Mouqu<strong>et</strong>, qui, après avoir bu unechope avec deux autres camarades, entamaient leur grande partie de crosse. L'enjeuétait une casqu<strong>et</strong>te neuve <strong>et</strong> un foulard rouge, déposés chez Rasseneur. Les quatrejoueurs, deux par deux, mirent au marchandage le premier tour, du Voreux à la fermePaillot, près de trois kilomètres ; <strong>et</strong> ce fut Zacharie qui l'emporta, il pariait en septcoups, tandis que Mouqu<strong>et</strong> en demandait huit. On avait posé la chol<strong>et</strong>te, le p<strong>et</strong>it œufde buis, sur le pavé, une pointe en l'air. Tous tenaient leur crosse, le maill<strong>et</strong> de feroblique, au long manche garni d'une ficelle fortement serrée. Deux heures sonnaientcomme ils partaient. Zacharie, magistralement, pour son premier coup composéd'une série de trois, lança la chol<strong>et</strong>te à plus de quatre cent mètres, au travers deschamps de b<strong>et</strong>trave ; car il était défendu de choler dans les villages <strong>et</strong> sur les routes,où l'on avait tué du monde. Mouqu<strong>et</strong>, solide lui aussi, déchola d'un bras si rude, queson coup unique ramena la bille de cent cinquante mètres en arrière. Et la partiecontinua, un camp cholant, l'autre décholant, toujours au pas de course, les piedsmeutris par les arêtes gelées des terres de labour.... A présent Zacharie, Mouqu<strong>et</strong> <strong>et</strong> les deux autres avalaient les kilomètres, sans autrerepos que le temps de vider des chopes, dans tous les cabar<strong>et</strong>s qu'ils se donnaientpour but. Des Herbes-Rousses, ils avaient filé à Buchy, puis à la Croix de Pierre, puisà Chamblay. La terre sonnait sous la débandade de leurs pieds, galopant sans relâcheà la suite de la chol<strong>et</strong>te, qui rebondissait sur la glace : c'était un bon temps, onn'enfonçait pas, on ne courrait pas le risque de se casser les jambes. Dans l'air sec, lesgrands coups de crosse pétaient, pareils à des coups de feu. Les mains musculeusesseraient le manche ficelé, le corps entier se lançait, comme pour assommer un bœuf ;<strong>et</strong> cela pendant des heures, d'un bout à l'autre de la plaine, par dessus les fossés, leshaies, les talus des routes, les murs bas des enclos. Il fallait avoir de bons souffl<strong>et</strong>sdans la poitrine <strong>et</strong> des charnières de fer dans les genoux. Les haveurs s'y dérouillaientde la mine avec passion. Il y avait des enragés de vingt cinq ans qui faisaient dixlieues. A quarante, on ne cholait plus. On était trop lourd.Les deux textes traitant de la soule, comme celui que Zola consacre à la chol<strong>et</strong>te qui s'endistingue par bien des traits, tout en témoignant à la fois de la persistance des jeuxtraditionnels <strong>et</strong> de leur évolution, perm<strong>et</strong>tent la mise en évidence d'un certain nombre decaractéristiques essentielles, qui les distinguent à la fois des gymnastiques <strong>et</strong> des sports.7


Bertrand DURING, ‘’Histoire Culturelle des Activités Physique XIXe <strong>et</strong> XXe Siècle’’EspaceenvironnantJeuxtraditionnelsEx : la soul<strong>et</strong>erritoire de vierural, non limitéGymnastique dedéveloppementla villeSport "anglais"Ex : rugby,athlétismela ville terrains,espaces précismesurésActivités deloisir en pleinenatureles "éléments"de jeu, ou peu le gymnase sites privilégiésd'exerciceTempscalendrier calendrier des préciscalendrier fédéral saisons, vacancesfêtesdurée variable fixe chronomètre variableDéfinition desjoueursclasse d'âge,ensemble de lapopulationcatégories d'âgesou de statutsdifférentscatégories d'âges<strong>et</strong> de niveau,statuts différentsPublic les participants rare important pourl'activitéAnalyse del'activitéRègles souples, localesTechniques non spécifiquesApprentissage non spécifiquesViolences aucours del'activitéRisques pourl'individuforte : celle quicaractérise c<strong>et</strong>ype de sociétéprécises,rationnellesprécises,rationnellesspécifique(précisionjustesse)aucune entre lesparticipants oustrictementcontrôléeprécises,institutionnaliséesspécifiquesfaisant l'obj<strong>et</strong>d'apprentissage<strong>et</strong> entraînementvariable selon lesdisciplines <strong>et</strong>précisémentdélimitée par leensemble de lapopulation,clivagesd'appartenancesocialeles participantssouplesspécifiquesspécifiquesnullerèglementimportants minimes mesurables souventimportantsLa critique des fêtes <strong>et</strong> jeux traditionnels au XVIII °l'Encyclopédiesiècle : le témoignage deL'opposition aux fêtes <strong>et</strong> jeux traditionnels, à leur exubérance, à leur violence, vientd'abord des pouvoirs qu'ils m<strong>et</strong>tent entre parenthèses. L'analyse proposée par N. Elias sous l<strong>et</strong>itre Sport <strong>et</strong> Violence (Actes de la Recherche en Sciences Sociales, n°6, décembre 1976) doitêtre évoquée ici : "Exaspérés par l'excitation violente à laquelle le peuple s'abandonnait sansraisons selon eux (c'est-à-dire du point de vue des autorités étatiques), les rois <strong>et</strong> les princes necessaient - en Angl<strong>et</strong>erre, en France <strong>et</strong> dans d'autres pays parvenus au même stade dedéveloppement - de publier des décr<strong>et</strong>s contre nombre de jeux appréciés par le peuple. Sanspenser en termes généraux de monopole du pouvoir physique, les rois <strong>et</strong> les princes8


Bertrand DURING, ‘’Histoire Culturelle des Activités Physique XIXe <strong>et</strong> XXe Siècle’’médiévaux travaillaient souvent à élaborer, même si l'organisation <strong>et</strong> les moyens dont ilsdisposaient leur interdisaient de l'établir" (op. Cit., p. 18).C<strong>et</strong>te hostilité du pouvoir central pour ce qu'il ne parvient pas à contrôler se traduit parune longue litanie de décr<strong>et</strong>s d'interdictions, prononcés aussi bien par l'autorité royale que parl'Eglise, <strong>et</strong> continuellement transgressés par le peuple avec le soutien, comme nous l'avonssignalé plus haut, de l'aristocratie.Pour que les interdictions deviennent efficaces, il faut que se transforme la société <strong>et</strong>avec elle les mentalités. Sana développer l’analyse, que nous reprendrons sous différents axesdans les chapitres qui suivent, nous nous contenterons du témoignage de l’Encyclopédie – ouDictionnaire Raisonné des Sciences, des Arts <strong>et</strong> des Métiers – publiée à partir de 1751 parDiderot, D’Alembert, Rousseau. Il nous semble que c<strong>et</strong> ouvrage considérable par sonr<strong>et</strong>entissement, du fait de sa large diffusion en Europe <strong>et</strong> en Amérique, <strong>et</strong> parce qu’ilrassemble les principaux représentants des « Lumières », peut jouer dans notre enquête le rôled’un témoin privilégié des profondes transformations qui marquent la fin du XVIII° siècle.Si l’on se rapporte au Tome VI -1756- l’entrée « Fête » y est traitée en quatre articles. Lepremier, court <strong>et</strong> descriptif, dû à l’abbé Mall<strong>et</strong>, part du constat « qu’il n’est point de peuplequi n’ait eu ses fêtes, pour peu qu’il ait professé quelque religion » (565 a) <strong>et</strong> donne ensuite laliste des principales fêtes des Hébreux, des païens, des Mahométans, des Chinois <strong>et</strong> desIndiens Orientaux.Vient ensuite, <strong>et</strong> particulièrement développé, un article de Faigu<strong>et</strong>, intitulé « Fêtes desChrétiens – Histoire Ecclésiastique ». Le constat de départ donne le ton : « Les fêtes, quin’étaient pas d’abord en grand nombre, se multiplient dans la suite à l’excès ; à la fin tout lemonde en a senti l’abus… » (p. 565) D’un point de vue qui est bien plus celui de l’économieque celui de « l’histoire ecclésiastique », il est ensuite montré à quel point c<strong>et</strong> excès nuit à laproduction : « Quoi qu’il en soit, il est certain que les fêtes nuisent plus qu’on ne saurait ledire à toutes sortes d’entreprises <strong>et</strong> de travaux, <strong>et</strong> qu’elles contribuent même à débaucher lesouvriers ; elles leur fournissent de fréquentes occasions de s’enivrer ; <strong>et</strong> l’habitude de lacrapule une fois contractée, se réveille malheureusement au milieu même de leur occupation ;on ne l’éprouve que trop tous les jours, pour peu qu’on fasse travailler… » (P.566 b – 567 a).L’entrepreneur qui se révèle ainsi va jusqu’à chiffrer le coût global de fêtes : que l’on ajoutemanque à gagner <strong>et</strong> dépenses occasionnées, que l’on multiplie la somme ainsi obtenue par lenombre de fêtes chômées en dehors des dimanche <strong>et</strong> l’on obtient pour une population évaluéeà vingt millions d’âmes, quatre vingt treize millions de Livres par an. Compte tenu de ceconstat, <strong>et</strong> du fait que « ces saints jours consacrés par l’Eglise à la piété deviennent dans lapratique des occasions de crapule <strong>et</strong> de libertinage, souvent même de batteries <strong>et</strong> demeurtres » (p. 565 b), l’auteur propose un vaste plan de réforme du calendrier destiné àdiminuer le nombre de fêtes obligatoirement chômées.Il rejoint en cela la revendication plus ancienne du sav<strong>et</strong>ier de La Fontaine :« Le mal est que dans l’an s’entremêlent les joursQu’il faut chômer ; on nous ruine en fêtesL’une fait tort à l’autre ; <strong>et</strong> monsieur le curéDe quelque nouveau saint charge toujours son prône » (1668)9


Bertrand DURING, ‘’Histoire Culturelle des Activités Physique XIXe <strong>et</strong> XXe Siècle’’Ajoutons enfin que ces préoccupations ne seront pas absentes lors de l’adoption du calendrierrévolutionnaire. Celui-ci, institué par la Convention le 24 octobre 1793 partage l’année endouze mois de trente jours, auxquels s’ajoutent cinq jours complémentaires consacrés auxfêtes républicaines. On ne se repose que tous les dix jours, le décadi, <strong>et</strong> les fêtes collectives nedurent que cinq jours par an : la République travaille.Le troisième article de la série qui nous intéresse a pour auteur le Chevalier de Jaucourt, <strong>et</strong>traite de la « Fête des Fous », « réjouissance pleine de désordre, de grossièr<strong>et</strong>és <strong>et</strong> d’impiétésque les sous diacres, les diacres <strong>et</strong> les prêtres même faisaient dans la plupart des églises durantl’office divin, principalement depuis les fêtes de Noël jusqu’à l’Epiphanie ». Après l’énoncéd’une longue liste de décisions concilaires (de 633 à 1620), <strong>et</strong> la description citée plus bas, deJaucourt termine sa réflexion en évoquant les arguments des défenseurs de ces pratiques :« les tonneaux de vin crèveraient si on ne leur ouvrait la bonde pour leur donner de l’air ;nous sommes des tonneaux mal reliés que le puissant vin de la sagesse ferait rompre, si nousle laissions bouillir par une dévotion continuelle. Il faut donc donner quelque fois de l’air à cevin, de peur qu’il ne se perde <strong>et</strong> ne se répande sans profit. » (p.574 b). Mais la thèsecathartique ainsi énoncée ne trouve aucun crédit aux yeux de notre auteur, qui pourfend toutesces obscurités au nom des Lumières, <strong>et</strong> conclut avec satisfaction que « la renaissance desL<strong>et</strong>tres contribue plus dans l’espace de cinquante ans à l’abolition de c<strong>et</strong>te ancienne <strong>et</strong>honteuse fête que la puissance ecclésiastique <strong>et</strong> séculière dans le cours de mille ans ».10


Bertrand DURING, ‘’Histoire Culturelle des Activités Physique XIXe <strong>et</strong> XXe Siècle’’Encyclopédie, Tome VI, 1756, pp573-574Fête des Fous (Hist. Mod.) : réjouissance pleine de désordres, de grossièr<strong>et</strong>és <strong>et</strong>d’impiétés, que les sous-diacres, les diacres <strong>et</strong> les prêtres même faisaient dans laplupart des églises durant l’office divin, principalement depuis la fête de Noël jusqu’àl’Epiphanie.Par la connaissance des Saturnales on peut se former une idée de la fête des fous, elleen était une imitation ; <strong>et</strong> les puérilités qui règnent encore dans quelques-unes de noséglises le jour des Innocents ne sont que les vestiges de la fête dont il s’agit ici.Condamnée par Saint-Augustin (354-430), par le Concile de Tolède (633), par laSorbonne (12 mars 1444), par le Concile de Sens (1460 <strong>et</strong> 1485), par les constitutionssynodales du diocèse de Chartres (1550), par les statuts synodaux de Lyon (1566-1577), par le concile de Tolède (1566), par le Concile Provincial d’Aix (1585), par leConcile Provincial de Bordeaux (Cognac, 1620)… Des pontifes de c<strong>et</strong>te espèce étaient accompagnés d’un clergé aussi licencieux.Tous assistaient ces jours là au service divin en habits de mascarade <strong>et</strong> de comédie.Ceux-ci prenaient habits de pantomime ; ceux-là se masquaient, se barbouillaient levisage, à dessein de faire peur ou rire. Quand la messe était dite, ils couraient,sautaient <strong>et</strong> dansaient dans l’église avec tant d’impudence, que quelques-uns n’avaientpas honte de se m<strong>et</strong>tre presque nus ; ensuite ils se faisaient traîner par les rues dans destombereaux pleins d’ordures, pour en j<strong>et</strong>er à la populace qui s’assemblait autour d’eux.Les plus libertins d’entre les séculiers se mêlaient parmi le clergé pour jouer aussiquelque personnage de fou en habit ecclésiastique. Ces abus viennent jusqu’à seglisser également dans les monastères de moines <strong>et</strong> de religieuses. En un mot, dit unsavant auteur, c’était l’abomination de la désolation dans le lieu saint, <strong>et</strong> dans lespersonnes qui par leur état devaient avoir la conduite la plus sainte.Le portrait que nous venons de tracer de la fête des fous, loin d’être chargé estextrêmement adouci ; le lecteur pourra s’en convaincre en lisant la l<strong>et</strong>tre circulaire de12 mars 1444, adressée au clergé du royaume par l’<strong>Université</strong> de paris. On trouve c<strong>et</strong>tel<strong>et</strong>tre à la suite des ouvrages de Pierre de Blois ; <strong>et</strong> Sauval, tome II, p.624 en donne unextrait qui ne suffit que trop sur c<strong>et</strong>te matière. »Si de Jaucourt insiste sur l’évolution des idées, dans la mesure où il m<strong>et</strong> l’accent surl’importance du progrès des lumières, de Cahussac, auteur du dernier des quatre articlesconsacrés à « Fête », témoigne surtout de l’évolution des goûts. Evoquant les réjouissancesdéjà anciennes nées des raffinements de la Renaissance Italienne, où sont requis tous les artssur fond de Mythologie, il écrit en eff<strong>et</strong> :‘’On s’aperçut dès lors que dans les grandes circonstances, la joie des princes, despeuples, des particuliers même, pouvait être exprimée d’une façon plus noble, que parquelques cavalcades monotones, par de tristes fagots embrasés en cérémonie dans lesplaces publiques <strong>et</strong> devant les maisons de particuliers ; par l’invention grossière de tousces amphithéâtres de viandes entassés dans les lieux les plus apparents <strong>et</strong> ces dégoûtantesfontaines de vin dans les coins de rues ; ou enfin par ces mascarades déplaisantes qui, aubruit des fifres <strong>et</strong> des tambours, n’apprêtent à rire qu’à l’ivresse seule de la canaille, <strong>et</strong>infectent les rues d’une grande ville, dont l’extrême propr<strong>et</strong>é dans ces moments heureuxdevrait être l’une des plus agréable démonstration de l’allégresse publique.’’11


Bertrand DURING, ‘’Histoire Culturelle des Activités Physique XIXe <strong>et</strong> XXe Siècle’’Transformation des goûts, recherche d’un bon usage des fêtes : « une qualité essentielle qu’illeur faut procurer avec adresse est la participation sage, juste <strong>et</strong> utile qu’on doit y ménager aupeuple… » ; là encore émergent de nouvelles conceptions, <strong>et</strong> s’affirme une sensibilité quenous r<strong>et</strong>rouverons dans les fêtes révolutionnaires, <strong>et</strong>, au delà, dans les rassemblements desgymnastes, comme dans le rituel des grandes compétitions sportives.12

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