évènement<strong>Bridge</strong>scolaireLa voiedu nordKim Reinick nitoLe bridge entre à l’école, par la gran<strong>de</strong> porte, celle <strong>de</strong>s programmes officiels.Primaires, collèges, lycées se verront désormais progressivement proposercet enseignement et cette pratique en complément <strong>de</strong>s matières plus traditionnelles.Le bridge pour apprendre à compter, à mémoriser, à se concentrer, quelle bellereconnaissance ! Il est un endroit où le chef d’établissement, les professeurs, les élèveset les familles ont déjà testé le bien-fondé <strong>de</strong> ce vecteur d’apprentissage.Direction le Pas <strong>de</strong> Calais et rencontre au collège Jean Jaurès d’Aire-sur-la-Lys.> Par Catherine Subrac’est un collège qui ressembleà d’autres collèges, peut-êtreun peu plus neuf… Sac à doset baskets, <strong>de</strong>s ados par centaines s’ycroisent, s’y embrassent, s’y bousculentparfois. Le jour <strong>de</strong> notre venue,la gran<strong>de</strong> affaire du moment était ledéclenchement intempestif <strong>de</strong> l’alarmeincendie. Des blagues <strong>de</strong> potaches quidérangent mais au collège Jean Jaurèsil n’y a ni violence, ni trafic. C’est ici queDany Masset enseigne les Sciences etVie <strong>de</strong> la Terre, ici aussi qu’elle joueaux cartes avec ses élèves sans quepersonne n’y trouve à redire ! Mardi8 heures, dans un matin encore blafard,une petite vingtaine d’enfants grimpentdans une drôle <strong>de</strong> salle <strong>de</strong> cours. Cinqtables sont recouvertes d’un tapis vert,aux murs <strong>de</strong>s photos <strong>de</strong> compétitionsgagnées et, accroché au tableau, lerappel <strong>de</strong>s règles du bridge. « On semet par quatre, gentiment » annonceDany que tout le mon<strong>de</strong> appelle iciMadame. Charlie, Julien, Loïc et Florentinsemblent avoir une table préféréeoù ils s’installent sans attendre.Dans cette classe, composée d’élèves<strong>de</strong> 4 ème dont c’est la <strong>de</strong>uxième année <strong>de</strong>bridge, tous ont hâte <strong>de</strong> jouer malgrél’heure matinale. Caroline est la seulefille du cours. Sérieuse, du haut <strong>de</strong> ses12 ans, elle s’est déjà illustrée en compétitionavec Corentin, son voisin, un<strong>de</strong>s espoirs du collège. Mme Massetvient compléter une paire, là où il y a <strong>de</strong>smanques. Elle cadre, stimule, rectifie,répond aux interrogations par d’autresquestions pour orienter, mettre sur lavoie « Quel est ton contrat, combien <strong>de</strong>levées… qui ouvre ? » C’est une drôled’enseignante à l’allure bougonne et àla parole enchantée. à première vue,on se dit que les jours <strong>de</strong> gros temps,il ne doit pas faire bon lui tenir tête. Cen’est jamais le cas. En cours <strong>de</strong> bridge12 L’as <strong>de</strong> trèfle I N°<strong>17</strong> JANVIER 2013
LE CLUB LE PLUSJEUNE DE FRANCEcomme en SVT, Dany Masset force lerespect parce qu’elle n’est qu’énergieet enthousiasme. Carpe diem.Dany et Michel, la bonne paire !Pas <strong>de</strong> bridge dans l’enfance <strong>de</strong> Danymais <strong>de</strong>s jeux <strong>de</strong> cartes en famillepour partager les temps <strong>de</strong> repos, lesvacances. Plus tard, <strong>de</strong>venue professeur,elle sera <strong>de</strong> toutes les animations<strong>de</strong> colonies et encadrements <strong>de</strong> sortiesscolaires, sans compter son jardinsecret, les arts plastiques.Le déclic pour le bridge correspondit àla retraite précoce <strong>de</strong> son mari Michel,chauffeur poids lourd. « Je cherchaispour lui une activité calme afin qu’ilpuisse se reposer, et aussi quelquechose qu’on puisse faire ensemble ».Ils allèrent au club <strong>de</strong> la ville… et toutcommença ! C’est ensemble qu’ilsprogressèrent. « Lui est extra au jeu<strong>de</strong> la carte, moi, je suis meilleure auxenchères, j’ai bien appris mes leçons,normal pour une prof ! »Le chauffeur poids lourd et l’enseignanteau caractère bien trempé, uncouple qui bouscule les habitu<strong>de</strong>s, faitbouger les lignes au petit club <strong>de</strong> laville d’Aire-sur-la-Lys.Et comme Dany n’aime pas cloisonnerses différentes vies, très viteelle importe ce nouveau jeu au collège.« J’aime enseigner, voilà la clé !Sciences ou bridge, j’y trouve le mêmeplaisir ! »<strong>Bridge</strong> à tous les étagesLe bridge dès lors s’infiltre au collège,à tel point que l’on se perd sur les dénominations<strong>de</strong> cet enseignement.D’abord, il y a ce que tout le mon<strong>de</strong>appelle ici la « section bridge » officiellementdénommée « action innovante». Une cinquantaine d’enfants,<strong>de</strong> la 6 ème à la 3 ème qui bénéficie d’uneheure par semaine. Puis, le bridge s’estglissé naturellement dans les I.D.D,à Aire-sur-la-Lys, la moyenne d’âge<strong>de</strong>s membres du club est <strong>de</strong> 44 ans.Plutôt jeune quand on sait que leslicenciés ont plus souvent l’âge <strong>de</strong> laretraite. Alors qu’est-ce qui peut bienfaire tomber ainsi les statistiques ?Tout simplement Dany Masset. Secrétairedu club et professeur au collège<strong>de</strong> la ville, elle est à l’origine <strong>de</strong> cepetit miracle. « Il y a ici 20 enfantslicenciés, 20 ca<strong>de</strong>ts dont 15 viennent<strong>de</strong> mon collège. Cela représente 30%<strong>de</strong> l’effectif du club. » Des jeunes quis’entraînent ensemble le vendredisoir et le samedi matin mais qui laplupart du temps jouent aussi avecles adultes. « Depuis l’an <strong>de</strong>rnier, onfait même un tournoi intergénérationneltous les ans. »Dany est fière d’avoir ainsi rajeuniles rangs du club, <strong>de</strong> voir ces enfantss’asseoir en face d’un adulte quipourrait être leur grand-père et parfoismême <strong>de</strong> détecter ses erreurs.Elle sait aussi que cette transformationa bouleversé <strong>de</strong>s habitu<strong>de</strong>s etque cela ne plaît pas à tout le mon<strong>de</strong>.« Bien sûr, ceux où celles qui ne sontattachés qu’à l’apparence ont prisombrage <strong>de</strong> voir ces jeunes en survêtfréquenter le club. » regrette-t-elleavant <strong>de</strong> nous rassurer « mais trèsvite, c’est l’esprit d’ouverture qui s’estimposé. Les jeunes sont doués et sympas,c’est difficile <strong>de</strong> leur résister. »L’as <strong>de</strong> trèfle I N°<strong>17</strong> JANVIER 2013 13